Il y a parfois un petit côté enfantin aux échanges qu’elle a avec Ruben, elle peut elle-même l’avouer, ils se chamaillent, se taquinent, avec une sorte de légèreté qu’elle n’est plus habituée à avoir - voire qu’elle n’a jamais vraiment eu. Mais dans le taxi, c’est plutôt un enfant capricieux et bougeon qui lui fait fasse, un qui a été pris la main dans le sac en train de jouer avec un jouet auquel on lui avait interdit l’accès. « Il est pas de l’hôpital non. » Scarlett hoche la tête, l’air de dire : c’est déjà ça. Malheureusement, vu la suite, cela ne risquait pas de le sauver : « Les deux sont au courant, déjà. C’est là que ça a commencé à ne plus aller et c’est la raison pour laquelle elle m’a laissé tomber. » Scarlett grimace. Il semblerait que toute l’histoire commence un peu à dépasser Ruben. Déjà parce qu’il semble vraiment piqué par le fait d’avoir été plaqué par cette fille qui ne pourrait jamais complètement être sienne, puisqu’il est littéralement marié. Mais Scarlett se garde bien de le préciser. « Et si tu veux savoir à quel point c’est mauvais: ils se connaissent tous les deux. » « Ouch, dis moi que tu le savais pas avant de les fréquenter tous les deux, pitié », elle réplique, inquiète tout à coup que Ruben soit assez stupide pour tout mélanger ainsi. Mais il fait signe de la tête, et elle comprend que le hasard a malheureusement mal fait les choses. « Et je pensais assurer plutôt correctement mes arrières… mais si je te dis que y’avait déjà plusieurs personnes au courant, tu vas me demander si je suis idiot de m’être dit ça, je suppose ? » Elle secoue la tête, porte sa main à son visage, à moitié inquiète, à moitié amusée. Décidément, c’est bien pire que ce que Ruben a sous-entendu quand il a commencé sa confession. « Je crois que je vais commencer à aller mettre des cierges à l’église pour toi, Ben », elle répond avec humour, parce qu’elle voit bien que l’enfoncer ne sert à rien.

Elle est curieuse, néanmoins, de ce qui pousse Ruben à lui raconter tout ça, lui qui a déjà trop dit à trop de monde, apparemment. Elle s’imagine qu’il veut peut-être ses conseils de chargée de pr, mais lorsqu’elle l’évoque, il a un mouvement de recul, surpris, et réplique immédiatement :  « Quoi ? Non pas du tout. » C’est à son tour de froncer les sourcils, et elle se rend compte qu’elle évite presque son regard, tout à coup inquiète de ce qu’il pourrait admettre. « Je t’en parle parce-que j’ai besoin d’en parler avec quelqu’un en qui j’ai confiance et qui me regardera pas avec dégout comme les autres font. » Elle hoche lentement la tête - à present, c’est Ruben qui détourne le regard. Ruben lui fait donc confiance, note-t-elle, un peu prise de court, pas tout à fait sûre de quoi répondre ou ressentir. Dans son travail, elle fait confiance à une poignée de gens. Dans sa vie personnelle, elle ne sait même pas si elle pourrait citer une seule personne. Elle observe le profil fuyant de Ruben, et se demande bêtement si elle lui fait confiance, lui, et son cerveau répond brusquement, formant un mur opaque : non, hors de question, trop dangereux. « Il en faudra plus pour me dégoûter, effectivement », elle souligne. C’est la seule réponse qu’elle peut offrir, sincère, sans révéler la mini tornade que l’aveu de Ruben sur la confiance vient de provoquer.  « Et parce-que je suis pas sur d’avoir encore beaucoup d’alliés si ça vient à se savoir, alors de connaitre ton point de vue et ton positionnement me semblait être une bonne idée. » Elle plisse les yeux et pince les lèvres. « Rory est mon client, il le sait très bien, et toi tu es » - elle a une pause d’une demi-seconde, pas sûre d’où cette phrase va - « pas mon client. » En voilà une réponse. « Je préférerais éviter de me mettre Rory à dos mais je ne cesserais pas d’aller dîner avec toi pour autant. » Elle hausse les épaules. C’est la seule façon qu’elle trouve pour avouer une sorte de loyauté à Ruben sans paniquer son cœur de solitaire.


Terminé @Ruben Hartfield