D'après Lena, la période de noël n'avait aucun sens dans cette partie du globe. Elle n'en avait pas non plus en Écosse puisque sa famille n'avait rien d'aimante et d'unie, mais la météo et l'ambiance s'y prêtaient là bas, au moins. Elle se rappelait que chaque hiver, lorsqu'elle était enfant, elle passait beaucoup de temps à observer, par la fenêtre de sa chambre, la couche de neige qui s'accumulait au fil des jours. Les gros pulls de noël colorés qu'elle voyait autour d'elle l'amusaient beaucoup, et s'il y a bien une chose qu'elle regrettait par dessus tout en étant venue en Australie, c'était ces saisons qui n'avaient ni queue ni tête pour une européenne. Elle appréciait particulièrement la vie qu'elle s'était construite à Brisbane, mais des élans de nostalgie la prenaient parfois par surprise, surtout en cette période. Passer par le marché de noël organisé par la ville était sans doute une mauvaise idée en sachant à quel point elle avait du mal à traverser cette période seule. Mais elle refusait de se couper totalement d'une magie de noël qu'elle pourrait retrouver, peut-être, entre deux stands de vin chaud et de bonnets de père noël. La journée lui avait déjà fait une belle surprise avec la rencontre d'Andrea, et la blonde s'attendait à pouvoir rentrer tranquillement chez elle avec la bouteille de vin qu'elle venait de s'offrir pour passer la soirée de noël la plus solitaire possible, comme tous les ans depuis longtemps. Ça ne la gênait plus, à force. Elle en venait même à refuser des invitations pour pouvoir apprécier un peu de temps tranquille alors que le monde entier se réunissait autour d'elle pour fêter ensemble et s'offrir des cadeaux. Pour elle, il était inutile qu'elle reste avec du monde alors que son humeur était clairement tout sauf fêtarde sur cette période de l'année, d'autant plus maintenant qu'elle savait que sa mère n'était plus de ce monde. Elle s'apprêtait à rentrer chez elle mais se laissait retarder par un stand ici ou là, et appelez ça le destin ou la malchance, mais c'est sur Rudy que ses yeux se posaient au milieu de la foule. Rudy qui l'avait trompée puis qui avait encore disparu en prison - sur ce point ci, ça commençait à devenir une habitude. La dernière fois il avait débarqué chez elle sans prévenir ; aujourd'hui elle pouvait décider de ce qui allait se passer. Et ce qu'elle voulait, c'était surtout ne pas avoir à lui adresser la parole. Prise de panique, la blonde vint se cacher derrière une figurine de père noël à taille réelle. C'était sans compter sur le fait que cette énorme figurine se retourne vers elle et lui jette un regard plein d'incompréhension. Merde, pardon. Le père noël s'éloignait d'elle alors qu'il était clairement en train de la juger de son comportement, mais elle n'y prêtait pas attention car elle faisait désormais face à Rudy. Démunie de le voir ici et de n'avoir pu l'éviter, elle soupirait lourdement. Elle ne cachait pas toute la colère qu'il lui inspirait, ses mâchoires serrées et son regard noir le prouvaient. Je suis surprise qu'ils t'aient laissé sortir. Parce qu'avec ce qu'elle savait et le casier judiciaire qu'elle lui connaissait, elle était presque sûre qu'il méritait plusieurs années derrière les barreaux. Ce serait le seul bonjour qu'elle lui adresserait et elle espérait sincèrement pouvoir passer son chemin sans perdre du temps avec lui. Mais, d'expérience, elle savait que ce qui comptait, c'était ce que Rudy aurait décidé.

Noël est une journée que l’on passe en famille. Rudy le sait très bien, il sait à quel point sa mère compte sur le réveillon. Elle adore réunir ses enfants – maintenant que les plus grands sont partis – pour une soirée qui se veut extraordinaire à chaque fois. Ils finissent toujours par se prendre la tête et se reprocher les drames des uns et des autres, mais elle récidive chaque année, en espérant faire mieux que la fois dernière. L’aîné de la famille n’en a manqué que deux, sur ses vingt-neuf, car il était en prison durant ce temps-là. L’année dernière et cette année, il est libre. Il a eu de la chance : il a été libéré seulement il y a quatre jours. Aujourd’hui est donc une grande journée, pour Rudy, même s’il n’est pas officiellement invité au repas de Maritza. Il va s’y incruster, il sait que sa mère n’en a pas le moindre doute. Et si ça peut emmerder ses frangins, au passage, ce n’est que réussi davantage. En attendant le soir, il a décidé d’emmener Alejandro et Maria faire un tour au marché de Noël : la petite se sent bien, aujourd’hui, et son petit frère mourrait d’envie d’y aller avec eux. Il se rend bien compte qu’il priorise sa princesse au-dessus du petit, et même s’il pense que c’est justifié par rapport à la maladie de celle-ci, ça reste injuste pour lui qui n’a rien demandé. Il ne peut pas vivre son enfance tranquillement, oublié entre les querelles des plus grands et le cancer de la plus petite. C’est donc accompagné de ses deux petits lutins que le brun se promène dans les allées du marché de Noël. Après avoir acheté un bonnet à chacun, il leur a promis un chocolat chaud. C’est dans cette direction qu’ils se dirigent quand ses yeux se posent une blonde qu’il connaît trop bien, qu’il n’a pas vue depuis qu’il a rompu avec elle – la seconde fois. Il la regarde essayer de se cacher derrière un homme qui ressemble étrangement au père Noël, la scène est assez hilarante. Maria et Alejandro s’arrêtent en voyant leur grand frère ne plus marcher et commencent à regarder le stand devant lequel ils sont, en pensant que le chocolat chaud est là-dedans. En vérité, l’homme à ce stand vend des panneaux sur lesquels on peut y marquer ce que l’on veut. Du genre « meilleur grand frère de l’année ». « Je suis surprise qu’ils t’aient laissé sortir. » Il hausse ses épaules, pas trop certain de ce qu’il est supposé dire. « Ils manquaient de preuves. » Il regarde les petits et leur fait un signe de la tête pour qu’ils reviennent vers lui. Maria ne peut s’empêcher de contenir sa joie en voyant Lena, elle s’approche d’elle et vient se mettre contre elle pour la câliner – câliner sa taille, plutôt, étant encore trop peu âgée pour être à sa hauteur. Alejandro est moins habitué à la blonde et reste en retrait, derrière son grand frère. « On fait un tour tous ensemble. Tu vas pas m’dire que tu veux pas aller faire un tour avec elle, mh ? » Il n’aime pas utiliser Maria comme excuse – et à en vérité pas vraiment envie de passer du temps avec Lena – mais il y est obligé, là. « J’pensais pas que j’allais être libéré non plus, si tu veux tout savoir. On m’a dit qu'le dossier était pas assez solide et les témoins peu crédibles. » Il attrape la main de Maria pour qu’elle libère Lena de son étreinte. « Donc ça veut dire qu’ça venait pas d’toi. Et pour ça, merci. » Car crédible, Lena l’est : elle a des photos qui datent d’il y a des années, d’eux deux, qui prouvent qu’elle ne sort pas de nulle part pour raconter n’importe quoi. « Bref, tu viens ou pas ? Parce qu’ils veulent un chocolat chaud, là. » Et il n’a pas envie de passer la journée ici, même s’il aime passer du temps avec eux.

@Lena Edwards

La façon dont Lena s'était ruée derrière ce père noël avait dû être ridicule à observer, et elle se sentait d'autant plus gênée d'avoir paniqué devant Rudy alors même qu'elle s'était promis de ne plus jamais se montrer faible face à lui. Bon, en réalité elle pensait surtout ne jamais le revoir, mais pour ça, c'était déjà trop tard. Il était libre et c'était surprenant. Ils manquaient de preuves. Lena avait beau détester Rudy elle ne lui souhaitait pas de terminer sa vie à pourrir en prison, rien que pour le fait qu'il doive être présent pour sa famille. Elle savait à quel point il était important pour eux. D'ailleurs, alors qu'elle voulait tourner les talons pour continuer son chemin vite et loin de lui, ses deux benjamins se ruaient vers eux. Maria, comme à chaque fois qu'elle la voyait, s'accrochait à Lena pour la saluer. La blonde lui rendait son étreinte simplement en la serrant dans ses bras un instant. On fait un tour tous ensemble. Tu vas pas m’dire que tu veux pas aller faire un tour avec elle, mh ? Avec elle, si. Avec lui, certainement pas. Mais quel monstre serait elle à mêler une petite fille malade à des drames inutiles ? Il faudrait quand même qu'elle songe, un jour, à demander à Rudy d'arrêter d'utiliser sa petite sœur comme outil pour l'empêcher de le fuir. Cette technique, il l'avait bien trop utilisée contre elle à son goût et ça en devenait agaçant - quoi que pouvoir passer un peu de temps avec Maria était toujours un plaisir. J'ai des choses à faire. Pas vraiment en réalité, mais ça, elle le garderait pour elle. Inutile qu'il sache à quel point le programme de sa journée était vide, d'activités comme de sens. J’pensais pas que j’allais être libéré non plus, si tu veux tout savoir. On m’a dit qu'le dossier était pas assez solide et les témoins peu crédibles. Pourquoi lui donnait-il ces détails, au fait ? Elle avait prit des nouvelles auprès de Sara simplement parce qu'il avait oublié un blouson chez elle, c'est là qu'elle avait appris pour son emprisonnement et fait le rapprochement avec ce qu'il lui avait raconté alors qu'il avait rompu. En dehors de ça, sa vie ne l'intéressait plus du tout. Elle ne voulait rien savoir de lui, ne voulait surtout pas lui donner plus d'attention qu'il n'en méritait. Donc ça veut dire qu’ça venait pas d’toi. Et pour ça, merci. Elle aurait pu l'enfoncer, il en était conscient. De rien, je crois. Elle avait beau le haïr au plus haut point, jamais elle n'aurait eu le courage de le trahir ainsi. Sa loyauté, à elle - contrairement à lui - était indéfectible. Bref, tu viens ou pas ? Parce qu’ils veulent un chocolat chaud, là. Il s'impatientait et ça l'agaçait déjà, mais c'est en croisant le regard de Maria qu'elle fut obligée de répondre : Oui je viens. De manière surprenante, Rudy ne semblait pas ravi de cette décision. L'autre fois, un sourire mesquin s'était fixé sur son visage à l'instant où la blonde s'était retrouvée coincée avec eux ; aujourd'hui il semblait tout aussi gêné qu'elle. Pas longtemps par contre. Elle le précisait tant pour se rassurer elle même que pour fixer des limites à cet instant visiblement désagréable pour eux deux. Ils se mirent immédiatement en route pour arriver en quelques minutes bercées d'un silence gênant devant un stand alimentaire. Prenez ce que vous voulez, c'est pour moi. Qu'elle lançait sans même un sourire. Elle sortait de son sac son porte feuille pour régler la commande. Hors de question cette fois ci de laisser à Rudy une occasion de plaisanter sur son côté gentleman, car il n'en avait aucun. Les petits une fois avec leurs boissons, Lena en profitait pour s'adresser à Rudy alors qu'ils étaient à quelques pas d'eux, hors de portée. Comment elle va ? Loin de vouloir retrouver Rudy dans sa vie, elle n'en était pas moins attachée à Maria et inquiète de son état de santé. Et de toute façon, elle ne comptait pas parler de lui ou de son incarcération plus longtemps.

« De rien, je crois. » Elle n’a pas besoin de faire semblant de l’avoir voulu, ça. Si elle n’a pas témoigné contre lui, c’est peut-être – et sûrement – que la justice n’a pas cherché à l’impliquer dans toute cette histoire. Si on lui avait demandé son témoignage, aurait-elle choisi de le défendre ou aurait-elle balancé tout ce qu’elle savait ? Il n’arrive pas à se positionner là-dessus, totalement incertain. Rudy est un homme très loyal – quand il le veut – et aimait avoir une petite amie qui l’est autant que lui, à l’époque. Aujourd’hui, ils sont deux personnes différentes et il n’a aucun pouvoir sur elle, plus la moindre certitude. Il préfère ne pas poser la question, continuer de se la poser à lui-même. Il réfrène son impulsivité légendaire pour ne pas cracher ses paroles et les ravaler, conscient qu’ils ne sont pas que tous les deux et que si elle accepte de lui parler sans lui passer devant comme s’il n’existait pas, ce n’est que parce que Maria et Alejandro sont là. Il lui demande donc si elle vient avec eux ou si elle préfère tracer sa route. Il préfère la seconde option, elle répond quelque chose d’assez inattendu. « Oui je viens. » Les petits ne peuvent pas s’empêcher de montrer leur joie face à cette nouvelle, Rudy montre qu’il n’est pas très convaincu en faisant une petite moue. Il aurait aimé qu’elle refuse, ça aurait été plus simple pour tous les deux. « Pas longtemps par contre. » C’est la phrase rassurante, qui fait croire à tous les deux qu’ils n’auront pas à subir et supporter la présence de l’un et de l’autre durant de trop longues minutes. « D’accord. C’est cool pour eux. » Il le dit, même si les petits sont déjà partis en avant à la conquête d’un stand de chocolat chaud. « Prenez ce que vous voulez, c’est pour moi. » Qu’elle leur dise quand ils arrivent à destination. Les deux disent en chœur qu’ils veulent un chocolat chaud, Rudy passe son tour : il ne veut pas lui devoir quoi que ce soit. De ce qu’il a compris un peu plus tôt, il lui doit aussi sa liberté – c’est déjà une dette bien trop importante pour un seul homme. « Comment elle va ? » Elle lui demande l’état de santé de Maria et tout ce que peut faire le mexicain, c’est hausser les épaules en grimaçant. « J’sais pas trop. Elle m’parle comme s’il s’passait rien, elle court dans tous les sens, mais elle est toujours aussi maigre et a des moments d’fatigue intenses. » De ce qu’il a constaté lors de ces quatre derniers jours, en tout cas. « J’suis sorti qu’il y a quatre jours, j’ai pas vu l’médecin, j’ai pas osé d’mander. » Il a perdu six mois avec sa petite sœur. C’est cette perte qui le donne envie de se venger d’Erika et de toutes les personnes – s’il y en a d’autres – qui l’ont poussé derrière les barreaux. Il a compris que Lena n’était pas dans le lot, il est rassuré. Il n’aurait pas aimé lui faire de mal, à elle. Pas volontairement en tout cas. « J’pense qu’on prie tous pour un miracle de Noël, cette année encore. » Il soupire en les regardant prendre le chocolat que l’homme du stand leur tend. L’un se brûle les mains en rigolant, l’autre boit comme si ça n’était pas chaud du tout. « Enfin, ça m’fait plaisir qu’ils puissent profiter, là, comme si tout cette merde existait pas. » Parce que se défaire de la maladie de Maria est difficile. C’est ce qu’ils ressentent le plus, ça et tous les problèmes que rencontrent les grands : ils ont tout sauf une enfance normale. « Et… Et toi tu d’viens quoi ? » Faut bien qu’il le demande, même s’il sait que la réponse ne le regarde pas. Ne le regarde plus.

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Lena avait accepté, comme elle finissait toujours par le faire, de rester un moment avec Rudy et les petits. Et, comme à son habitude, elle finirait sans aucun doute par regretter de rester un peu trop près de son ex alors qu'elle n'en avait réellement aucune envie. Mais elle ne pouvait nier que les Gutiérrez - et surtout leur aîné - faisaient partie intégrante de sa vie, peu importe à quel point il la dégoûtait. C'est pour ça qu'elle restait. D’accord. C’est cool pour eux. C'est pour ça aussi qu'elle demandait des nouvelles de Maria à l'instant même ou les petits étaient un peu éloignées d'eux deux. J’sais pas trop. Elle m’parle comme s’il s’passait rien, elle court dans tous les sens, mais elle est toujours aussi maigre et a des moments d’fatigue intenses. Elle devait bien admettre que physiquement, Maria faisait presque peine à voir. Pourtant la joie de vivre dont elle faisait preuve prenait le dessus, à tel point qu'elle en arrivait à oublier que cette petite fille, juste là, était en réalité mourante. Je pense fort à elle. J'espère vraiment qu'elle réussira à s'en sortir. De ce qu'elle avait compris il y avait peu de chances vu la durée depuis laquelle elle subissait son cancer, mais il ne fallait pas perdre espoir. C'est en étant soutenue qu'elle pourrait trouver la force de guérir, Lena en était sûre. La bonne nouvelle dans tout ça c'est qu'elle réussissait à garder malgré tout sa naïveté d'enfant, qu'elle arrive à profiter de ces instants sans penser constamment à la maladie ou à ses rendez vous médicaux. Et réussir ça était sans nul doute la plus belle des victoires que sa famille pouvait lui offrir pour l'instant. Lena aurait aimé pouvoir en faire plus pour eux, si seulement Rudy l'avait laissée les aider. Elle n'avait plus ce droit maintenant. J’suis sorti qu’il y a quatre jours, j’ai pas vu l’médecin, j’ai pas osé d’mander. La probabilité pour qu'ils se croisent alors qu'il venait à peine de sortir de prison était infime, et pourtant c'était arrivé. Quelques questions lui traversaient l'esprit sur son arrestation, son emprisonnement, sur celle qui l'avait envoyée derrière les barreaux. Elle se retenait de les formuler, refusant de lui montrer trop d'intérêt. J’pense qu’on prie tous pour un miracle de Noël, cette année encore. Lena hocha la tête. Elle l'espérait tout autant pour eux. Enfin, ça m’fait plaisir qu’ils puissent profiter, là, comme si tout cette merde existait pas. A croire que c'est ce que permettait la magie des fêtes de noël. C'est grâce à vous ça. Qu'elle lançait avec un sourire à peine timide. Et… Et toi tu d’viens quoi ? "Pas grand chose" était ce qu'elle aurait voulu répondre instinctivement. Elle ne s'était pas remise d'apprendre le décès de sa mère, ne s'était pas remise de leur rupture et de sa tromperie, enchaînait les journées de travail trop longues et les soirées sans aucun sens juste pour ne pas se retrouver seule trop longtemps ou trop souvent. Lena feignait avoir retrouvé un rythme de vie normal depuis quelques mois, mais il fallait bien qu'elle se rende compte de l'évidence : ce n'était que le plus grand rôle de sa vie qu'elle était en train de jouer. Tout ça, évidemment, il ne le saurait jamais. Rien de spécial. Je travaille beaucoup, je m'occupe. Je vais bien. Ce n'était peut-être pas réellement le sens de sa question, elle s'en foutait. C'était un mensonge, dans tous les cas il le devinerait facilement. Elle n'a jamais su comment, mais Rudy avait toujours su déceler les intentions de la blonde. Il saurait aussi qu'il n'avait aucun droit d'insister et qu'elle ne lui dirait que ce qu'elle voulait bien lui partager : il devrait déjà être content du fait qu'elle ait pu se retenir de lui faire un esclandre au beau milieu de la rue. Tu te dis bien que dans tous les cas, t'es pas celui à qui j'ai envie de raconter ma vie. Elle avait un air de dédain de la voix. Mais je suppose que ça a dû être plus compliqué pour toi ces derniers mois. C'est pas moi qui était encore derrière les barreaux.

Rudy sait que cet instant ne va pas être agréable. Pour lui comme pour Lena. C’est une autre histoire pour les deux enfants qui, durant des années, ont côtoyé la blonde. Ils n’ont toujours pas compris pourquoi ils ont subitement arrêté de la voir lors de l’arrestation de Rudy – ils étaient incapables de dire, à l’époque, qu’elle venait chez les Gutiérrez que pour lui. Les histoires d’amour n’ont aucune importance à leur âge, le mexicain aimerait retourner à cette époque où son cœur ne se serrait pas en la présence d’une femme ou d’une autre. Elle, Erika : il n’a aimé que deux femmes, il a su les blesser les deux, il a su se sentir blessé par les deux également. Ce moment n’est pas agréable, non. Mais le sourire de Maria vaut bien tous les sacrifices du monde, même celui de passer du temps en compagnie de la personne qui le déteste le plus à Brisbane. « Je pense fort à elle. J’espère vraiment qu’elle réussira à s’en sortir. » Les espoirs sont encore permis, d’après Rudy, même s’il essaie de ne pas se faire de films. Si elle devait guérir de son cancer, s’en sortir et passer à autre chose, ses médicaments auraient fait effet depuis bien longtemps. Ils arrivent à la maintenir en vie, pas à lui promettre une adolescence heureuse. Il s’est fait à l’idée qu’il ne la verra jamais adulte, il essaie de ne pas le dire aux autres. Il dit à Lena qu’il n’en sait pas plus sur son état, qu’il vient seulement de sortir, qu’il se contente de constater en passant du temps avec elle. S’il a prévu de bientôt retourner en cellule – s’il se fait attraper, il profite du peu de temps qu’il a pour le passer avec sa famille. Alma, Cesar, Alejandro, Maria, sa mère : il y aura même Sergio, ce soir, il en est persuadé. « C’est grâce à vous ça. » « Ils font d’leur mieux, moi aussi. » Il ne veut pas se mettre dans le lot. Loin d’être humble habituellement, ça lui fait bizarre de ne pas accepter des compliments qui ne le concernent pas. Mais il ne peut pas faire semblant avec Maria, elle n’aurait peut-être jamais développé une forme aussi grave de son cancer si tout son quotidien n’avait pas été chamboulé, en 2018. Il n’aurait pas perdu six mois de leur vie ensemble s’il n’avait pas été incarcéré une seconde fois. Il n’a aucun mérite, avec elle, si ce n’est d’être à ses chevets jusqu’à la fin. Assez parlé de Maria. Le seul commentaire qu’il y aurait à dire, là, à lui dire à elle directement, même, c’est qu’elle a du chocolat plein le menton et qu’une barbe ne sied pas vraiment son visage. Alors, pour changer de sujet – et par curiosité évidemment – il lui demande ce qu’elle devient, elle. « Rien de spécial. Je travaille beaucoup, je m’occupe. Je vais bien. » Elle ne donne pas de détails. « Tu te dis bien que dans tous les cas, t’es pas celui à qui j’ai envie de raconter ma vie. » Il soupire en l’entendant, en reportant son regard dans sa direction. « Ouais, j’crois que j’le savais déjà. Mais j’suis bien obligé d’demander. » Parce qu’il ne réussira jamais à totalement se défaire d’elle, même s’il a essayé. « Mais je suppose que ça a dû être plus compliqué pour toi ces derniers mois. C’est pas moi qui était encore derrière les barreaux. » Il ne sait pas s’il peut se permettre d’évoquer une injustice, avec elle, puisqu’elle a été le dommage collatéral de toute cette histoire. « Ouais, j’avais pas trop prévu d’finir là-bas. Ça pouvait arriver, j’pensais pas que ça arriverait. » Il croyait en Erika, en l’amour qu’elle prétendait lui porter, en leur relation : il pensait qu’elle n’allait pas oser l’envoyer en prison. Il s’est trompé, elle va le payer. « J’vais essayer d’faire une année entière sans y retourner, hein. » Il ment, il sait déjà qu’il risque d’y retourner dans quelques jours. Ses projets sont assez malsains et ne lui donneront qu’un droit à la prison à perpétuité. Il regarde à nouveau dans la direction des petits qui ont fini leur chocolat chaud et qui s’essuient la bouche – du moins, Alejandro aide sa petite sœur. « Tu veux faire une photo avec l’père Noël ? Maria a demandé, tout à l’heure. » Si jamais elle a envie de partager une photo avec les Gutiérrez, c’est le moment de se manifester.

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Croire qu'ils pourraient vivre dans la même ville et s'éviter serait une erreur, leur histoire le prouvait. Rudy et Lena avaient beau passer de l'amour à la haine en très peu de temps, s'il y avait bien une constante dans leur relation, c'est qu'ils finissaient toujours par se recroiser d'une façon ou d'une autre. Et, d'une façon ou d'une autre, ils finissaient presque toujours par parler de Maria, la prunelle de ses yeux. Le mexicain avait beau faire le dur autant qu'il le voulait, il avait ce point faible et Lena le savait bien. Ils font d’leur mieux, moi aussi. Il pourrait clairement faire mieux en évitant de finir derrière les barreaux tous les six mois et il en était certainement conscient, mais ce n'était plus à elle de lui faire la leçon. D'ailleurs, elle se demandait si quelqu'un avait réussi à un jour, et au vu de son caractère, elle en doutait fortement. Rudy était impulsif et indomptable, il avait une façon de pensée bien à lui et personne n'était capable de le comprendre entièrement. Si la blonde avait cru à une époque avoir réussi à le faire et qu'elle se targuait de le connaître par coeur, elle avait dû se rendre à l'évidence : elle faisait fausse route. Personne ne pouvait prévoir de manière sûre et certaine quelles étaient les pensées qui traversaient l'esprit torturé du brun. C'est au départ ce qui l'attirait chez lui d'ailleurs, c'est ce qui le rendait si mystérieux, imprévisible. C'est aujourd'hui ce qu'elle redoutait le plus chez lui, ce qui l'avait tant fait souffrir. Souffrir au point qu'elle n'avait aucune envie de lui étaler ses états d'âmes, même si le fait qu'il pose la question pour savoir comment elle allait aurait presque réussi à toucher la blonde l'espace d'une seconde ; juste avant qu'elle se rappelle qu'il n'en avait pas eu grand chose à faire au moment où il posait ses lèvres et ses mains sur le corps de sa victime de chantage, alors qu'ils s'étaient remis en couple. Ouais, j’crois que j’le savais déjà. Mais j’suis bien obligé d’demander. Ce n'était pas par simple politesse, parce qu'il n'avait que faire de ces codes sociaux. Mais elle comprenait, Lena. Parce qu'elle avait beau avoir une envie irrépressible de lui faire du mal, de se venger, de crier à la Terre entière à quel point il n'était qu'un connard, Rudy resterait toujours précieux à ses yeux. Elle serait toujours curieuse de connaître sa vie, aurait toujours une part d'elle qui voudrait en faire partie. Dommage que ses actes étaient tout bonnement innommables, impardonnables. Il avait dépassé trop de limites, semé trop de mal autour de lui. Elle lui avait pourtant retourné la question, consciente que même s'il était tout à fait coupable de ses actes, il souffrait, au fond, de la situation. Ouais, j’avais pas trop prévu d’finir là-bas. Ça pouvait arriver, j’pensais pas que ça arriverait. Aucun délinquant n'agissait dans l'objectif de se faire avoir, Rudy semblait penser à tort être invincible après son premier séjour en prison. Il était loin de l'être. J’vais essayer d’faire une année entière sans y retourner, hein. Elle dû se retenir de rire - c'est ce qu'elle aurait fait, dans d'autres circonstances, s'ils étaient encore en bon terme. A la place de ça elle secouait la tête, exaspérée d'une telle remarque. A croire qu'il n'avait toujours pas appris de ses erreurs. C'est tout c'que je te souhaite. En même temps, suffirait que t'arrêtes de jouer au con. Elle ne pu malgré tout pas s'empêcher de lui faire une réflexion, tout à fait méritée d'après elle. C'était sans compter sur le regard attendrissant qu'il portait alors à ses benjamins, qui lui faisait presque regretter ses propos. Tu veux faire une photo avec l’père Noël ? Maria a demandé, tout à l’heure. Elle fixait à son tour Alejandro et Maria, qui malgré l'aide de son frère ne parvenait pas à se débarbouiller totalement. Euh... oui ? Elle allait finir par ne plus savoir sur quel pied danser, avec lui. Enfin.. t'es sûr que tu veux de moi sur une photo de famille ? Je t'imagine mal la montrer à ta mère en rentrant à la maison. Parce que Lena avait clairement dit à Sara qu'elle ne voulait plus jamais avoir de nouvelles de Rudy et qu'elle n'aurait plus jamais de lien avec lui - sans lui donner trop d'explications sur ses raisons, cependant. La famille Gutiérrez toute entière devait donc savoir que Lena n'était plus une option pour lui. Alors elle s'imaginait mal la tête de la fratrie ou de leur mère s'il ramenait une photo des petits avec le père noël et sa tête à elle dessus. C'est comme tu veux. Si c'est pour Maria, je peux pas lui refuser. Déjà ils se dirigeaient vers le siège où trônait le père noël, tirés par le bras par les deux plus jeunes de la bande, sans que Rudy n'ait pu réfléchir à la question.

« C’est tout c’que je te souhaite. En même temps, suffirait que t’arrêtes de jouer au con. » Ce qu’elle ne sait pas, c’est que Rudy a prévu de faire bien pire que de jouer au con, concernant Erika. Il préfère ne pas le mentionner et le garder pour lui. S’il a su avouer son chantage et ses plans d’autrefois, il ne compte pas lui parler de l’arme qu’il aimerait récupérer et de la balle qu’il prévoit de tirer. Il n’a pas envie de la faire complice de ses méfaits, ni qu’elle le juge une fois de plus : il pense que c’est la seule chose à faire, il ne trouve aucune autre alternative et toutes les discussions du monde ne pourront pas le faire changer d’avis. Alors, il ne rebondit pas là-dessus et passe à autre chose en lui proposant d’aller faire une photo avec le père Noël. « Euh… oui ? Enfin.. t’es sûr que tu veux de moi sur une photo de famille ? Je t’imagine mal la montrer à ta mère en rentrant à la maison. » Il secoue son visage en pensant à la réaction de sa mère. « Ouais, c’est sûr. » Maritza sait que son fils a déconné avec Lena – plus d’une fois – et n’a rien contre cette dernière. Au contraire, elle préférerait que Rudy la laisse tranquille et arrête de constamment essayer de retourner vers elle. Cette fois, il n’a pas fait exprès. « Maria veut qu’on fasse la photo, après la lui avoir montré rien ne m’oblige d’l’afficher sur le frigo. J’vais la garder pour moi. » Il se pince les lèvres. Non, il ne va pas la regarder avec nostalgie et admirer Lena durant des heures. Il va la ranger dans un coin et ne plus y repenser, c’est tout. « C’est comme tu veux. Si c’est pour Maria, je peux pas lui refuser. » « Alors, go. » Il s’approche des petits. « On va faire la photo, ça vous dit ? » Alejandro hausse ses épaules, visiblement fatigué : lui, il sait très bien que le père Noël n’existe pas. S’il fait semblant et s’il fait l’effort, ce n’est que pour Maria. Qu’elle puisse continuer de rêver et de croire en quelque chose d’aussi beau qu’un vieux monsieur qui apporte des cadeaux, que des lutins qui fabriquent dans de petits ateliers. Ouais, c’est beau la magie de Noël, quand on veut. Maria s’approche de Lena et s’accroche à son bras, cette fois-ci, pour pouvoir marcher à ses côtés. L’amour que porte la petite à la blonde est assez profond, en même temps, elle l’a vue durant des années et des années – bien avant sa maladie. Rudy s’avance entre les allées du marché de Noël et se place dans la file d’attente menant aux photographies avec le père Noël qui, on peut le dire, est plutôt bien imité cette année. « Il doit crever d’chaud dans son costume. » C’est la seule réflexion qu’il peut faire, en le voyant dans le costume traditionnel. Dans les pays où il fait froid, ça doit être plaisant. Ici en Australie, il doit être en train de cuire à l’intérieur. « En attendant qu’on arrive, faisons nos souhaits pour nos cadeaux, nan ? » Il dit ça aux petits mais s’intéresse aussi à Lena, ses yeux le prouvent en allant dans sa direction. « Moi je veux un nouveau garage ! » C’est Alejandro qui commence, impatient à l’idée de déballer un garage pour ses mini voitures. « Ouais j’en doutais pas. Un futur mecano celui-là, bien mieux qu’Cesar. » Le sourire sur les lèvres de Rudy prouve qu’il a foi en lui. Contrairement à Sara et Cesar, il se dit que celui-là ne le décevra pas. « Moi, je veux…. Euuuh… Un nouveau casque pour ma moto. » Il le dit en haussant ses épaules, pas trop sûr. Il a déjà frappé un peu trop de monde avec son ancien casque, autant en avoir un neuf qui n’a pas été tâché par le sang d’on ne sait qui. « Et toi, Lena ? » C’est Maria qui demande, tout le monde sait ce qu’elle souhaite, elle, et ce n’est pas quelque chose de matériel. La santé, la rémission, qu’elle puisse enfin souffler et ne plus souffrir de sa maladie.

@Lena Edwards

Ouais, c’est sûr. Elle imaginait très mal l'appartement des Gutiérrez orné d'une photo d'une partie de la fratrie et de sa tête blonde à elle, souriant à côté du père noël. En fait, jusqu'à une heure en arrière, elle ne s'était pas non plus imaginée croiser Rudy dans la rue, encore moins accepter de passer du temps avec lui. Leur première rencontre avait été le fruit du hasard et depuis il ne cessait de les réunir, de quoi agacer Lena qui était forcée de repenser à lui à chaque fois qu'elle réussissait à commencer à l'oublier. Maria veut qu’on fasse la photo, après la lui avoir montré rien ne m’oblige d’l’afficher sur le frigo. J’vais la garder pour moi. Des photos de lui elle en avait des tas. Plus de deux ans en couple et encore plus de temps liés par une amitié difficile à cerner et à nommer, ça créer des souvenirs. Alors que certains avaient pour coutume de supprimer ou brûler toutes les photos de leurs exs pour surtout n'en garder aucune trace, Lena n'était pas de ce genre là, et surtout pas avec Rudy. Elle aurait beau avoir eu envie de le faire elle n'en aurait pas eu la force, d'autant plus que malgré tous ses mauvais côtés et son incroyable capacité à la faire souffrir, il lui avait apporté encore bien plus de bons moments, fait découvrir un monde qui lui était alors totalement inconnu. Elle ne serait clairement pas la même sans lui, l'inverse ne s'appliquait pas. Maria voulait une photo, Lena ne pouvait pas le lui refuser. Alors si l'aîné des Gutiérrez était d'accord, elle n'avait aucune raison de ne pas répondre à la demande de la petite. Alors, go. Il n'avait toujours pas l'air très motivé, elle ne l'était pas spécialement non plus. Ça se voyait simplement moins chez elle, Lena étant plus habituée aux faux semblants qu'il l'était. C'est parti. Maria était tout sourire, Alejandro avait l'air de ne pas en avoir grand chose à faire. On va faire la photo, ça vous dit ? Sans attendre les petits leur emboîtaient le pas jusqu'à la file d'attente du père noël. Les rues du marché étaient bien remplies, de nombreux enfants s'affolaient devant le faux père noël : tandis que certains avaient les yeux brillants de joie, d'autres paniquaient de devoir se mettre sur les genoux d'un vieil inconnu vêtu de rouge et blanc. Il doit crever d’chaud dans son costume. Très clairement, ce n'était pas la saison pour porter un grand manteau épais fait pour soi disant supporter les températures du nord, ni pour une énorme barbe en polyester. Je suis toujours surprise qu'ils infligent ça à des gens. Depuis le temps, ils auraient dû trouver un costume de noël spécial hémisphère sud. En Écosse, dans ses souvenirs, Lena avait toujours eu de la neige à noël. Ça aidait à se plonger dans la magie de noël, contrairement au soleil et aux surfeurs sur la plage. Ici, le pauvre homme faisait un peu tâche - même si l'effort mit sur les décorations réduisait un peu ce contraste. En attendant qu’on arrive, faisons nos souhaits pour nos cadeaux, nan ? Il voulait combler le vide, Lena le comprenait bien. Ils étaient bien incapables de trouver un sujet de conversation banale, de toute façon. Moi je veux un nouveau garage ! C'est Alejandro qui se lançait le premier, faisant s'esquisser un sourire sur le visage de la blonde. Ouais j’en doutais pas. Un futur mecano celui-là, bien mieux qu’Cesar. Elle levait les yeux au ciel, n'ayant jamais supporté la façon dont Rudy traitait ses frères et sœurs. Si les deux petits avaient un traitement de faveur, il semblait faire vivre un enfer aux autres. Moi, je veux…. Euuuh… Un nouveau casque pour ma moto. Ah, Rudy et sa moto. La seule histoire d'amour qu'il ne brisera sans doute jamais. Et toi, Lena ? C'est la petite qui venait de s'adresser à elle et Lena fut surprise : elle n'avait aucune idée de ce qu'elle aurait pu souhaiter pour noël. En somme, elle avait déjà tout ce qu'elle pouvait souhaiter avoir. J'ai toujours rêvé d'avoir un chat, ce sera peut-être pour cette année. Fut la réponse toute faite qu'elle lançait, elle était véridique pourtant. Enfant, ses parents ont toujours refusé. Adolescente, en internat, elle n'aurait jamais eu la possibilité d'accueillir un animal chez elle. Depuis, sa vie était beaucoup trop remplie pour qu'elle n'ait le temps d'offrir une belle vie à un chat - elle tenterait sa chance, un jour. Après la photo, je vais devoir vous laisser. J'ai encore d'autres choses à faire aujourd'hui. Elle s'adressait à Maria, s'était baissée à sa hauteur pour le lui dire en face. Les chocolats chauds étaient terminés, la promesse était remplie. La petite attrapait Lena pour l'enlacer et elle lui rendait son câlin avant de se relever. J'espère que t'es pas trop déçu. Il ne le serait sans doute pas, elle ne l'était pas non plus - en dehors de l'être pour la petite.

« C’est parti. » Toute la petite troupe se dirige vers la file d’attente. Rudy observe les alentours et ne peut s’empêcher de commenter le costume du père Noël. La sueur sur son visage témoigne de la chaleur ressentie. « Je suis toujours surprise qu’ils infligent ça à des gens. Depuis le temps, ils auraient dû trouver un costume de noël spécial hémisphère sud. » Le mexicain hausse ses épaules. « Bah, j’en ai déjà vu. Sur la plage, qui font du surf. Le truc c’est que j’suis pas sûr que ce soit réglementaire pour les enfants, j’suis même quasi sûr que ça peut être mal interprété et puni par la loi. » Parce que des faux père Noël qui vont affronter les vagues, il y en a pas mal en cette saison : et la plupart ne portent pas grand-chose, si ce n’est un chapeau de Noël et un maillot rouge flashy. Vraiment rien qui pourrait intéresser les enfants et qui mettrait les parents en confiance pour que les petits aillent sur leurs genoux. « Bon, t’as raison, un t-shirt et un short c’pas la fin du monde. » Peut-être qu’un jour ils exauceront le souhait des pères Noël d’Australie, en attendant, ceux-ci doivent crever de chaud et supporter les vœux d’enfants qui ne sont pas toujours sages. Les commentaires faits, Rudy cherche à combler le nouveau silence qui s’installe. Il est étrangement plus pesant quand il faut le partager avec quelqu’un que l’on a déçu plusieurs fois. Il a l’impression de pouvoir entendre les pensées négatives, même si ce n’est finalement que les siennes : il a déconné trop de fois et ne peut pas se permettre de recommencer. Alors, il cherche un sujet, quelque chose, en attendant que ce soit leur tour. Encore deux gosses et ce sera à eux : il demande ce que veulent les petits. Alejandro souhaite un nouveau garage, Rudy pense qu’un nouveau casque serait intéressant, Maria ne préfère pas répondre. « J’ai toujours rêvé d’avoir un chat, ce sera peut-être pour cette année. » « Un animal de compagnie fait toujours plaisir. » Rudy aimerait avoir un chien, lui. Il a toujours aimé ces bêtes mais n’a jamais pu en prendre un. Il a toujours vécu chez sa mère avant son incarcération puis a squatté chez Andrea avant d’enfin avoir son chez-lui. Mais il le partageait avec sa sœur, n’était sûr de rien : il n’aurait pas pu prendre soin d’un toutou et pour preuve, il aurait passé six mois sans son maître. « Après la photo, je vais devoir vous laisser. J’ai encore d’autres choses à faire aujourd’hui. » Elle s’adresse à Maria, à Alejandro. Pas à lui. « J’espère que t’es pas trop déçu. » Cette fois c’est à lui. Il croise son regard, hausse ses épaules. « Il va falloir qu’on rentre pour qu’elle s’repose, de toute façon. » Il ne dit pas oui, il ne dit pas non. Il sait qu’ils ne peuvent plus être ensemble, il sait qu’il lui doit de rester loin d’elle : il ne tente rien, même s’il en a envie. Les deux enfants sont passés, c’est enfin au tour des Gutiérrez et de Lena. Les petits s’approchent du père Noël en courant et commencent déjà à lui dire ce qu’ils souhaitent, alors que Rudy les suit d’un peu plus loin. Il se met à côté du bonhomme, Maria sur les genoux de celui-ci, Alejandro en face de Rudy. Ils attendent que Lena se place de l’autre côté et la photo est enfin prise. « Merci. » Qu’il dit à la dame qui a pris la photo et au père Noël pour jouer ce rôle plus que chiant. « Et joyeuses fêtes. » Il est poli, Rudy, peut-être un peu trop par rapport à d’habitude. Le brun va dans le chalet où il faut payer pour récupérer sa photo, donne l’argent et la tend à Lena pour qu’elle puisse la voir la première. « On est pas trop beaux, là ? » Il demande, un sourire en coin sur les lèvres. Dans sa perception de sa phrase, il n’englobe même pas ses frangins. « Bon hé bien, à un d’ces jours ? » Il le demande, l’affirme en même temps : il ne sait pas trop s’ils se reverront ou non, peut-être en se croisant de la sorte une énième fois. Rudy se baisse pour attraper Maria, la prendre dans ses bras. Il la sent plus fragile qu’au début de la journée et préfère la porter pour rentrer plutôt qu’elle épuise ses dernières forces. « C’était cool. » Ca, il en est sûr, il le dit haut et fort. « Au revoir !!! » Alejandro est pressé de rentrer et prend déjà le chemin du retour alors que Rudy fait encore face à Lena. Il hausse ses épaules, laisse Maria reprendre la photo et tourne le dos à la blonde, même si finalement, il aurait préféré que ce moment dure un peu plus.

@Lena Edwards

« Bah, j’en ai déjà vu. Sur la plage, qui font du surf. Le truc c’est que j’suis pas sûr que ce soit réglementaire pour les enfants, j’suis même quasi sûr que ça peut être mal interprété et puni par la loi. » Lena n'avait jamais songé au fait que voir des tas de père noël surfer serait quelques peu troublant pour des enfants croyant encore à cette légende. Elle était presque sûre qu'ils étaient assez intelligents pour faire la différence entre le vrai père noël et ceux qui se grimaient en lui, non ? Qu'importe, la question ne se posait pas encore pour elle qui n'avait clairement pas d'enfants dans sa famille, et donc pas le moyen de vérifier cette théorie. J'plaide coupable, j'ai surfé en mère noël. Et s'ils étaient encore ensemble et en bons termes, elle était persuadée que Rudy se serait empressé de commenter ça, de demander si sa robe n'avait pas été trop courte et qu'elle ne s'était pas fait reluquée par des tas d'inconnus - elle l'était. Bon, c'était lors d'un concours où de nombreuses filles étaient dans la même tenue qu'elle, mais qu'importe, il aurait su trouver de quoi s'énerver, elle en était sûre. Il n'avait plus ce droit maintenant, peut-être même n'en avait il plus rien à faire. « Bon, t’as raison, un t-shirt et un short c’pas la fin du monde. » Pour ceux qui devaient subir cette tenue en plein cagnard, elle en était certaine, pouvoir alléger leur costume serait une bénédiction. Alors qu'ils partaient en direction du stand de photos, Rudy se mettait à faire la conversation sur leurs voeux de noël. « Un animal de compagnie fait toujours plaisir. » L'un comme l'autre aimaient les animaux, l'un comme l'autre n'avaient pas la possibilité d'en prendre un sous leur responsabilité. Juste avant que ce ne soit leur tour, Lena précisait qu'elle les laisserait juste après ça : pour des personnes qui ne voulaient pas passer de temps ensemble, ils avaient presque du mal à se séparer. « Il va falloir qu’on rentre pour qu’elle s’repose, de toute façon. » Voir les cernes se créer petit à petit sur le visage de Maria brisait le cœur de la blonde. Oui, j'imagine que marcher longtemps doit la fatiguer. Il était facile de passer un bon moment et d'oublier la maladie et les malheurs, mais il l'était tout autant de retomber de haut face à la fatalité de son état. Leur tour arrivé, ils se collaient tous près du père noël pour enfin faire cette photo. Sans attendre ils cédaient la place au suivant, la queue s'allongeant petit à petit derrière eux. « Merci. Et joyeuses fêtes. » Il s'éloignait un instant pour aller chercher la photo, revenait près d'elle pour la lui montrer. « On est pas trop beaux, là ? » Magnifiques. Elle le pensait vraiment - ils avaient toujours été beaux tous les deux - mais son ton était ironique, voir qu'ils savaient passer de bons moments lui rappelait que c'était à cause de lui qu'ils ne le pouvaient plus. « Bon hé bien, à un d’ces jours ? » Elle faillit répondre "non" mais s'en empêchait, après tout rien n'était jamais certain. Et si Rudy était plein de surprises le destin l'était encore plus. Qui sait. Et comme à chaque fois qu'elle le voyait, Lena était plus perturbée que jamais. « C’était cool. » Cool ou pas, c'était terminé. Rudy attrapait la petite pour la porter, elle devait être fatiguée de sa journée. Alejandro, quand à lui, s'empressait d'emboiter le pas au groupe, pressé de rentrer. « Au revoir !!! » Si Lena n'avait aucune envie de passer du temps avec Rudy, elle ne pouvait s'empêcher de sentir son coeur serré à voir les Gutiérrez lui tourner le dos pour la quitter. Rentrez bien. Fut la dernière chose qu'elle leur lançait avant de se tourner à son tour pour continuer cette journée seule, comme elle l'avait commencée.