Si ce qui s’était passé au Japon avait eu lieu avec n’importe qui, elle aurait probablement été sur un petit nuage mais plutôt qu’être pleinement relaxée, Greta était revenue pleine de doutes. Et comme si coucher avec son ex n’était pas déjà quelque chose d’assez complexe à gérer, il n’avait fallu que quelques jours pour qu’un nouveau problème surgisse. Elle avait pris son téléphone et était tombée sur l’article - son algorithme lui avait suggéré et plusieurs personnes lui avaient envoyé. Parce qu’ils étaient des proches soucieux de son ressenti ou parce qu’ils étaient de vieilles connaissances dont les intérêts à la tenir proche d’eux étaient toujours aussi grands. Elle avait su distinguer les deux types de message mais c’était surtout l’un d’eux qui l’avait réellement touchée. Arthur lui avait écrit, et elle avait beau se forcer à n’avoir aucune réaction face à son prénom s’affichant sur son écran de téléphone et à la façon dont il s’inquiétait pour elle, elle en était visiblement incapable. Greta n’était pas sortie pendant quelque temps, agacée par les photographes désireux de venir dérober une photo qu’ils auraient pu avoir bien plus facilement si seulement ils avaient été un peu meilleurs. De simples recherches auraient pu confirmer son identité, seulement, la biographe de Rhett n’avait pas réellement déchaîné les foules et personne n’avait plus creusé. Jusqu’à maintenant. Et elle avait été incapable de trouver une personne assez tordue pour lui en vouloir au point de venir ruiner sa tranquillité toute subjective jusqu’à ce qu’Arthur lui ouvre les yeux. L’écrivaine passait un temps fou sur son téléphone - pour échanger des sms avec lui, notamment - et son instagram regorgeait maintenant de demandes de message qu’elle refusait pour la plupart. Elle avait eu son lot de faux amis à Londres, elle n’avait pas besoin de s’en créer de nouveaux ici à Brisbane. Pourtant, l’un d’entre eux s’était démarqué car il provenait de Lena Edwards, une influenceuse populaire dont Greta avait déjà liké quelques publications.

Les filles s’étaient rejointes sur place, Greta ayant proposé à Lena de l’accompagner à un défilé. Depuis qu’elle n’avait plus à tenter de dissimuler qui elle était, la cadette Sighbury reprenait les apparitions dans ce genre d’endroit alors qu’elle n’en faisait normalement qu’à la demande de ses parents.  « T’as raison ça sert à rien de me cacher, je vais leur donner deux trois opportunités de me photographier et d’inventer n’importe quoi pour faire vendre et ils me lâcheront. » Greta connaissait la presse, elle savait les sujets qui faisaient couler de l’encre et qui intéressaient et elle était persuadée qu’elle finirait par les décevoir par sa banalité. Bientôt, les lumières se reporteraient sur les vrais éléments clé de cette affaire et notamment sur Carmine qui avait également fait sensation à son arrivée mais qui avait su protéger l’anonymat de sa sœur bien qu’il n’ait jamais réellement compris sa décision. « T’as déjà été invitée sur ce genre d’événements ? » avait-elle demandé à l'influenceuse qui devait connaître un minimum ce milieu à l’inverse de Greta qui n’avait que très peu d’idée de ce qu’impliquait réellement ce métier. « Je vais être honnête, t’as plutôt intérêt à pas faire confiance à n’importe qui. Si on te promets des contrats qui font rêver et paraissent un peu trop faciles, ça vient probablement de wannabes qui se font passer pour qui ils ne sont pas. » Il fallait marcher à pas de loup et rester prudente. Et Greta savait déceler les personnes peu fiables, tout comme elle saurait dénicher les contrats qui pouvaient rapporter pour une Lena qui avait été une véritable alliée depuis quelques jours.

S'il y avait bien une chose que Lena avait apprise de ses années à exposer sa vie et à dépendre de ce qu'on pense d'elle, c'est que lier des amitiés n'était jamais sans risque. La majorité du temps, ceux qu'elle rencontrait avaient un intérêt à se rapprocher d'elle et elle mettait un point d'honneur à ne jamais oublier ce fait pour ne pas risquer de se faire avoir à nouveau. Elle le gardait en tête aussi parce que si c'était le cas pour elle, il était certain que toutes les personnes qu'elle rencontrait devaient penser la même chose d'elle et se méfier. Cette dynamique avait beau exister et tout ceux migrant dans son monde en étant parfaitement conscients, ça ne les empêchaient pas de s'afficher tout sourires et de se déclarer grands amis rien que pour ce qu'on dirait de leur relation alors qu'au fond, tout était vide de sens. Lena avait eu du mal à accepter cette vérité, étant elle même quelqu'un d'ouvert d'esprit et sincèrement intéressée par les autres. Ces traits de caractère n'avaient pas changés avec le temps, et même si une certaine méfiance s'y était mêlée, elle aimait essayer de se lier à certaines personnes qu'elle sentait dans le même état d'esprit. C'était le cas avec Greta, avec qui elle avait échangé quelques fois sur les réseaux, et avec qui elle avait accepté de se rendre à un défilé. Ce n'était pas le genre d'évènements qu'elle avait le plus l'habitude de fréquenter - certainement parce que sa déception avec la maison Weatherton au début de sa carrière l'avait un peu dégoutée du monde de la mode - mais elle était plus que ravie de pouvoir s'y rendre aujourd'hui. « T’as raison ça sert à rien de me cacher, je vais leur donner deux trois opportunités de me photographier et d’inventer n’importe quoi pour faire vendre et ils me lâcheront. » Lena ne pu s'empêcher de sourire, étant depuis plusieurs mois dans une période de ce genre elle aussi. C'est d'ailleurs pour ça qu'elle avait contacté Greta au départ, sentant qu'elles traversaient en partie des problématiques plutôt similaires. Malheureusement, les choses n'étaient pas toujours aussi simples que ça, mais Lena n'avait aucune envie de ruiner l'ambiance alors qu'elles venaient d'arriver. « T’as déjà été invitée sur ce genre d’événements ? » Elle était plus sollicitée pour des shootings que pour jouer au mannequin ; en fait, ça ne lui était arrivé qu'une fois, pour une occasion spéciale. « Oui, mais j'avoue que c'est pas ceux où je suis le plus à l'aise. Dès qu'on parle de mode, même les invités sont jugés sur ce qu'ils portent. » C'était évidemment le cas peu importe l'évènement auquel elle pouvait assister, mais elle avait réalisé à ses dépens que ça l'était encore plus à ces occasions là, alors même que les yeux de tous ne devraient être rivés que sur le défilé en lui même. « Je vais être honnête, t’as plutôt intérêt à pas faire confiance à n’importe qui. Si on te promets des contrats qui font rêver et paraissent un peu trop faciles, ça vient probablement de wannabes qui se font passer pour qui ils ne sont pas. » « Oh tu sais je me fais aucune illusion, je suis pas venue là pour trouver des contrats. Juste pour passer un bon moment et comme tu le dis si bien, pour donner l'occasion à quelques médias d'avoir une chose à dire sur moi. » Dans l'espoir qu'un jour ils cessent d'associer son nom à Micah constamment. « Mais si t'es là pour remplir ton carnet d'adresses dis le moi tout de suite, j'essaierais de t'aider si je le peux. »

Il n’y avait aucun intérêt pour Greta de cacher qui elle était réellement, et, de toute façon, les médias s’étaient chargés à sa place de rendre son vrai nom de famille public. Une sensation de liberté extrêmement paradoxale pour une héritière pour qui l’anonymat était finalement l’unique chose qui lui permettait d’être réellement elle-même. C’était une discussion sans filtre qu’elles avaient eu avec Lena sur les réseaux sociaux et, évidemment, le fait de l’avoir par écrans interposés rendait le tout bien plus simple. Aujourd’hui serait une sorte de test même si l’écrivaine n’avait pas vocation à en faire passer un à l’influenceuse, si elle savait se méfier de qui l'approchait, elle savait aussi reconnaître quand quelqu’un n’avait pas besoin de cela pour exister. C’était le cas de Lena, sa carrière avait décollé grâce à son travail et son talent, rien de plus, et sur ce point, Greta l’enviait énormément. « Oui, mais j'avoue que c'est pas ceux où je suis le plus à l'aise. Dès qu'on parle de mode, même les invités sont jugés sur ce qu'ils portent. » Greta avait grimacé, elle ne s’était pas attendue à ce que sa nouvelle amie soit déjà aussi au fait des dérives de ce monde-là. « T’en fais pas, t’es parfaite. » Paroles de Sighbury. Et même si elle ne l’était pas, rien ne paraîtrait être un fashion faux-pas aux côtés de la fille des créateurs. « Oh tu sais je me fais aucune illusion, je suis pas venue là pour trouver des contrats. Juste pour passer un bon moment et comme tu le dis si bien, pour donner l'occasion à quelques médias d'avoir une chose à dire sur moi. » Elles reprenaient le dessus, tentant de contrôler à nouveau leur image que les médias trouvaient un malin plaisir à salir dans la presse.

Greta avait lancé quelques conseils à Lena mais, très vite, elle s’était rendue compte qu’elle maîtrisait la situation peut-être même mieux qu’elle. « Mais si t'es là pour remplir ton carnet d'adresses dis le moi tout de suite, j'essaierais de t'aider si je le peux. » « Oh non, je suis exactement comme toi, juste venue ici pour profiter des avantages que j’avais laissés de côté pour me protéger. Et ce sera l’occasion de faire perdre ceux qui ont voulu me nuire. » Elle avait haussé les épaules, elle-même étonnée de la façon dont son état d’esprit avait changé. Le coup avait été rude parce qu’il l’avait prise au dépourvu mais elle comptait bien cesser de se morfondre et Lena avait participé à lui faire relever la tête. Aujourd’hui, elle la garderait bien haute, aux côtés d’une Lena qui en ferait autant, et ensemble, elles enverraient balader leurs détracteurs. En prenant place sur les sièges qui leur étaient attribués, Greta avait reporté son attention sur la blonde. « Pour être honnête je crois que j’avais sous-estimé l’impact que tu avais, tout le monde te regarde. » Les filles avaient parcouru l’auditoire du regard. « C’est parfait, tu me voles la vedette. » avait-elle ajouté avec un léger rire parce qu’elle était évidemment loin, très loin de se considérer comme une vedette. Elle appréciait simplement que le projecteur soit fixé sur la personne qui l’accompagnait plutôt que simplement sur elle et ce peu importe ce qu’il serait déduit de tout cela. « C’est venu d’un coup, la célébrité ? Ou t’as commencé à réaliser que les gens te reconnaissaient dans la rue avant que ça prenne de plus en plus d’ampleur ? » Greta était curieuse et intriguée parce qu’elles vivaient la vie dans le sens inverse. Greta avait été célèbre alors même qu’elle n’était pas encore née, la grossesse de sa mère ayant fait parler en Angleterre et elle avait tout quitté pour retrouver la tranquillité. Lena, elle, avait vécu une vie normale jusqu’à ce qu’elle se lance dans un métier qui l’avait amenée à devenir une idole. Une dualité qui semblait être un élément assez important pour réunir les deux filles et créer un lien presque immédiat.

Lena n'était pas inconnue à ce genre d'évènements mais la mode n'était pas son domaine de prédilection. Pour autant, elle avait choisi sa tenue avec soin et s'était assurée de correspondre à l'ambiance du jour, refusant d'être remarquée pour un look raté - ce qui n'aurait fait qu'ajouter de l'huile sur le feu à ce que les médias pouvaient dire d'elle. D'ailleurs, elle était surprise que Greta ne rechigne pas a être vue en public auprès d'elle maintenant que les révélations de son vrai nom avaient pris une portée toute spéciale ; heureusement, elle semblait avoir la même opinion qu'elle sur les ragots et les paparazzis. « T’en fais pas, t’es parfaite. » Elle la remerciait d'un sourire avant de lui retourner son compliment. « Pas autant que toi. » Et alors qu'elles commençaient à parler du monde de la mode et de ses dérives, Lena se sentait bien et rassurée : elle avait la sensation qu'elles pourraient réellement s'entendre toutes les deux, sur la durée. « Oh non, je suis exactement comme toi, juste venue ici pour profiter des avantages que j’avais laissés de côté pour me protéger. Et ce sera l’occasion de faire perdre ceux qui ont voulu me nuire. » Elle avait hoché la tête machinalement. Clairement, Greta devait être ici comme chez elle, en un sens. Lena avait du mal à savoir dans quelle mesure avoir caché son identité l'avait éloignée de sa famille et de son monde, mais elle restait une Sighbury avant tout. « C'est vrai, je suis bête, t'as certainement pas besoin de te faire de contacts dans ce genre d'évènement. Mais je suis contente de voir qu'on a les mêmes objectifs aujourd'hui, ça fait du bien d'être sur la même longueur d'ondes. » Elle la gratifiait à nouveau d'un sourire des plus sincères. « Pour être honnête je crois que j’avais sous-estimé l’impact que tu avais, tout le monde te regarde. » La remarque eu le don de faire rire la jeune femme, qui se mit à regarder tout autour d'elles. « T'es sûre ? J'avais l'impression qu'ils te regardaient toi. » Quoi qu'il en soit, les médias avaient toutes les raisons de les suivre du regard - et de l'objectif - aujourd'hui. Mieux valait en rire, et assumer ensemble qu'elles étaient là justement pour les satisfaire juste un peu. « C’est venu d’un coup, la célébrité ? Ou t’as commencé à réaliser que les gens te reconnaissaient dans la rue avant que ça prenne de plus en plus d’ampleur ? » « Je sais pas trop, je crois que c'est venu petit à petit oui. Mais j'ai énormément rationalisé le fait d'être connue puisque j'ai rapidement commencé à bosser pour des maisons de disques ou ce genre d'entreprises, et que j'ai fréquenté des personnes qui l'étaient largement plus que moi au départ. » C'est ce qui l'avait aidé longtemps à garder les pieds sur terre. Voir l'arrière du décor constamment en continuant de travailler dans l'organisation d'évènements, tout en profitant de la lumière parfois lorsqu'elle devait prendre sa casquette d'influenceuse. Une position pas toujours confortable, mais qu'elle s'estimait chanceuse de pouvoir entretenir, persuadée que c'était précisément ça - entre autre chose - qui l'avait empêchée de changer de comportement. « Et toi alors, comment tu vis ton retour en tant que Sighbury ? »

S’aérer l’esprit et se concentrer sur la collection qui leur était présentée était un moyen paradoxal de se changer les idées, elle en avait conscience, mais profitait malgré tout. Certes, l’endroit était criblé de photographes et de journalistes et ce monde était celui où elle avait le plus de chance d’être un centre d’intérêt, mais la mode avait toujours continué de la passionner. Alors ensemble, Lena et Greta s’associaient pour déstabiliser cette presse assoiffée de ragots. « C'est vrai, je suis bête, t'as certainement pas besoin de te faire de contacts dans ce genre d'événement. Mais je suis contente de voir qu'on a les mêmes objectifs aujourd'hui, ça fait du bien d'être sur la même longueur d'ondes. » En un sourire, l’écrivaine lui avait confirmé à quel point elle validait cette affirmation. Malgré cela, elle ne pouvait ignorer qu’aux côtés de l’influenceuse, son sentiment d’être espionnée s’était décuplé. Évidemment, elle connaissait les problèmes qui étaient les siens et c’était pendant cette période de doute chez Lena qu’elle avait décidé de la contacter mais elle espérait que tous ces regards braqués sur elle n’étaient pas dûs qu’à ça. « T'es sûre ? J'avais l'impression qu'ils te regardaient toi. » C’était sûrement un mélange de leurs deux actualités qui justifiait cet engouement. « Je crois qu’on fait la paire, ces jours-ci. » Greta avait grimacé, si la perche était maigre, elle avait le mérite d’être là et de laisser l’opportunité à Lena de se livrer un peu plus sur ses démêlés avec les médias. Le monde autour était de toute façon trop occupé à battre des cils ou à rire aux éclats sans réelle raison - paraître plutôt qu’être réellement. Un monde parfois difficile à gérer et Greta était curieuse de savoir le point de vue de l’influenceuse face à tout cela. « Je sais pas trop, je crois que c'est venu petit à petit oui. Mais j'ai énormément rationalisé le fait d'être connue puisque j'ai rapidement commencé à bosser pour des maisons de disques ou ce genre d'entreprises, et que j'ai fréquenté des personnes qui l'étaient largement plus que moi au départ. » Plus elles discutaient, plus Greta retrouvait cette sensation qu’elle avait eu en échangeant des messages privés avec elle : l’influenceuse était à l'opposé de cette image qu’elle créait pour les réseaux. « Il ya toujours mieux, ouais. » Et son regard désignait avec la plus grande discrétion les réelles stars présentes au défilé.

« Et toi alors, comment tu vis ton retour en tant que Sighbury ? » « Disons que j’aurais préféré gérer ça moi-même et que j’ai pas mal de rancoeur envers le coupable. Le problème c’est que je le connais pas. » Greta avait préféré en rire, le moment n’était pas propice à se plaindre ou à laisser son visage s’assombrir parce qu’elle se confiait trop. « J’ai jamais changé qui j’étais, j’ai juste utilisé ça pour tenter de vivre en dehors de leur ombre. Et à vrai dire, j’ai de bons restes, par exemple je sais exactement comment faire en sorte d’avoir une mine raisonnable sur les photos en toutes circonstances. » Levant le menton ainsi que l’un de ses sourcils, Greta exagérait les postures que prenaient chacune des célébrités - plus ou moins connues - lorsqu’elles sentaient les flash sur elles. C’était un monde à part, mais être là, avec Lena, à s’assurer de n’en savourer que les bons moments lui faisait du bien. « Mais si je reprends ta façon de penser, si je compare ma vie, j’ai vraiment aucune raison de me plaindre. » Et elle avait horreur de donner l’impression d’être une gosse de riche pourrie-gâtée qui ne supportait pas le moindre inconvénient. C’était bien plus profond que cela mais le défilé avait commencé, laissant les deux filles dans l’obligation de baisser un peu le ton et de faire comme les autres : commenter chaque pièce.