@Stella Ortega

Les festivités du Scenic Rim ont permis à Charlie de se vider l’esprit autant que d’occuper sa chambre d’hôtel chaque soir ou presque. Elle a parlé à autant de personnes dont elle a oublié le nom, et c’est tout ce qu’elle voulait, outre passer un peu de bon temps auprès d’autres personnes, dont elle ne se souvient pas mieux du prénom. Parfois, il lui est aussi arrivé d’assister à quelques concerts, mais ce sont surtout ceux de Jo et Midas qui ont retenus son attention. Evidemment. Tout était un moment suspendu dans le temps, une parenthèse loin du travail où elle n’avait pas (trop) à penser à l’étiquette. Elle a bu, elle s’est amusée, elle a perdu un t-shirt qu’elle aimait beaucoup au milieu de ces quelques jours agités. Mais plus que tout, elle a commencé à tourner la page sur sa pathétique histoire avec Cameron. Elle l’avait du moins fait jusqu’à ce qu’il lui annonce l’anniversaire de sa fille, à qui elle continue de tenir malgré leur rupture, et la demande express de cette dernière que Charlie soit présente. Face à un enfant, personne ne peut rien refuser, et elle a donc accepté en soufflant longuement. Déjà, elle sait que ladite journée sera bien longue.

A nouveau mois ses nouveaux défis, ses nouveaux questionnements aussi. Elle a l’impression d’avoir bien avancé, elle qui ne supporterait pas l’idée de pleurer dans un coin la perte d’un amour stupide. Charlie est une femme forte, indépendante, et bien capable de se débrouiller par elle-même: et si elle se le répète assez, alors elle finira par le croire. En attendant, une autre chose est absolument certaine, à savoir que la vie continue même en dehors du festival et qu’elle ne saurait rester chez elle seule avec son chien lors de ses jours de repos. Qui plus est maintenant que les festivités du pride month ont été lancées un peu partout en ville et qu’elle a presque fait semblant d’en lire le résumé sur les articles dédiés. A dire vrai, elle se contente de se balader en ville et de se rendre compte sur le moment de ce qui a été créé pour l’occasion, tel que le village associatif. “Je vais aller au stand de soft, je travaille ce soir. N’hésite pas si tu veux te la jouer un peu moins chiante.” Charlie lance avec humour à l’attention de sa cousine, la laissant faire son choix face aux différents Food Truck. “Et on va prendre à manger, parce qu’on a besoin de forces pour faire ce compte rendu.” Un faux sérieux s’ajoute sur son visage, quand bien même elle est sérieuse lorsqu’elle dit que les deux jeunes femmes ont beaucoup de choses à se dire.

Petites, elles arrivaient à entretenir un lien bien plus proche et fusionnel, mais maintenant qu’elles sont devenues des adultes, le temps leur manque sans doute et elles se perdent de vue. S’il y avait une définition à donner de la vie d’adulte, ce serait sans doute celle-ci: le manque de temps, et l’impossibilité de pleinement faire ce dont on a envie, quand on en a envie. C’est aussi ce contre quoi Charlie lutte autant que possible, incapable de se contenter de retrouver Stella lors de maigres repas de famille qu’elle fuit telle la peste. “Et prépare ce que tu vas me dire sur ce nouveau mec.” Elle souligne dans un sourire, sans doute bien soulagée qu’elle arrive à passer au-delà du désastre de son mariage mort dans l’oeuf.

“Nan je vais être chiante comme toi, l'alcool me réussit pas.” Charlie hoche la tête sans chercher à la faire changer d’avis, étant parfaitement égale face au choix de consommation de sa cousine. L’alcool fait faire des choses particulières, pour ne pas dire stupides ou dangereuses, et de ce fait elle comprend parfaitement que Stella ne cherche pas à prendre un tel chemin. “Oh que oui, on a intérêt d'empiler la bouffe parce que ça va prendre un moment.” Qu’elle ajoute alors que Charlie évoque l’idée de prendre de la nourriture pour mieux trouver une place dans un coin et, surtout, ne plus en bouger un seul instant tant elles auront des choses à se dire. “A ce point ?” Elle demande, souriante et sans doute amusée. De son côté aussi, la blonde a beaucoup de choses à lui raconter et de péripéties à résumer, et elle connaît bien assez sa cousine pour savoir que cette dernière ne sera sûrement pas en reste. “J’aurais aussi dû demander ma soirée ?” La blonde demande à nouveau dans un sourire amusé, pourtant bien consciente qu’elles trouveront le temps de se retrouver un autre jour si elles n’ont pas le temps de se raconter tout ce qu’elles veulent en une seule soirée. Elles ne sont jamais bien loin l’une de l’autre. “C'est pas donné, dis donc. ” Charlie hausse les épaules, sans doute un peu trop habituée à ce que son père comble ce que son salaire ne peut pas lui offrir - c'est-à-dire beaucoup de choses.

C'était comment Scenic Rim, du coup ?
“Bien. Amusant. Loin de tout.”

Mais surtout près de tous ceux qu’elle a embrassé ou ramené dans son lit le temps d’une soirée, entre deux concerts et deux cocktails, les jours étant passés à la vitesse de la lumière auprès de Jo et Megan, quand l’une n’était pas un peu trop occupée à être une star de la chanson et l’autre à être dans un mariage comblé. Stella aura sans doute les détails plus tard alors que sa cousine se contente d’opter pour la version politiquement correcte, encore occupées à faire la queue pour les différents stands et à se trouver au milieu des oreilles indiscrètes. “Tu aurais dû venir. Ca t’aurait changé les idées.” Elle l’aurait fait d’une façon différente que Charlie a utilisé, certes, mais cela ne signifie pas pour autant qu’elle n’aurait pas su profiter de l’événement pour apporter un peu de baume au cœur, dans un moment où elle en a sans doute terriblement besoin. “Je peux déjà te dire que c'est une meuf. C'est cool, c'est dans le thème.” Le nouveau copine en question s’avère être une copine, et ce serait mal connaître Charlie que de penser que cela lui donne une vision différente de sa cousine. Au contraire, c’est avec une parfaite indifférence qu’elle accueille la nouvelle, comme si Stella venait de lui annoncer sa couleur préférée. Cela ne regarde qu’elle. “Elle a un prénom, cette meuf ? Tu l’as rencontré comment ?” Quand ? Où ? Comment tout s’est passé ? Elle sert à essuyer son désespoir, ou cela a vocation à devenir sérieux ? Son verre dans un main, une barquette de frites brûlantes dans l’autre, Charlie se fraie un chemin à travers la foule pour leur trouver un coin de table où se poser. Là-bas, Stella aura toute l’amplitude adéquate pour lui raconter l’histoire dans les moindres détails et aider Charlie à s’en faire un peu moins au sujet de celle qui est son amie de toujours.

- Ta semaine, même. Toute ta semaine. La touche d’humour suffit à faire sourire Charlie qui choisit par la même occasion de se complaire dans un certain silence, pour laisser à sa cousine toute l’amplitude de faire entendre le son de sa voix et surtout son histoire. Cela intéressera toujours la blonde, même si elle prend encore le temps de rapidement expliquer son séjour à Scenic Rim. Plusieurs jours de fête non stop sont résumés en quelques mots et elle n’en dira pas plus, ne voulant pas faire d’un festival de musique le coeur de leur conversation, ni ça ni toutes les aventures d’un soir qu’elle a enchaîné en tentant de croire que cela l’aiderait à penser à autre chose. Ou passer à autre chose. Ouais, j'avais pas le temps. Trop de boulot, tout ça. Trop d'envie de me morfondre sur mon pauvre sort de célibataire trentenaire aussi. - “T’as même pas trente ans.” Elle souligne avec amusement, sans doute pour tenter de faire comprendre à Stella qu’elle s’acharne bien plus sur son sort que ce qu’elle ne le mériterait. Elle a encore deux ans avant de se considérer célibataire et trentenaire, et quand bien même elle venait à franchir le cap sans personne à son bras, elle ne s’en porterait sûrement pas mal pour autant. Elle est forte et indépendante, elle l’a toujours été.

- Mais ta description donne envie, je dois bien le reconnaître.
“Je t’y traînerai l’an prochain.”

Elles auront les loges VIP grâce à l’argent de ses parents autant que les pass coulisses de Jo, elles se moqueront ensemble d’à quel point Megan et Damon sont mielleux et elles chanteront jusqu’à perdre leur voix, pour mieux regretter leur retour au travail dès le lendemain de la fin des festivités. Mais ce sera un bon week-end, parce qu’elles auront été ensemble et qu’il n’y aura pas eu de Blake dans les environs pour briser Stella ; ni lui, ni personne d’autre d’ailleurs. Ou peut-être que d’ici là Stella aura enfin trouvé quelqu’un qui lui convient, ce qui est un point que Charlie tente d’éclaircir en cherchant à en savoir davantage au sujet de cette fameuse inconnue. - Oui, elle s'appelle "c'est compliqué" et je l'ai rencontré pendant un date, mais c'était pas avec elle. C'était avec un gars que mes parents ont essayé de me refourguer, bref ça l'a pas fait. La blonde hausse un sourcil, ne s’étant de toute évidence pas attendue à une explication du genre. Elle connaît le penchant de Stella pour les histoires compliquées (c’est de famille), mais elle est incroyablement douée pour foncer au cœur d’entre elles tête baissée. “Tu peux me donner son prénom, c’est pas comme si j’allais vérifier son casier judiciaire.” Evidemment que c’est ce qu’elle compte faire. “Tes parents savent ?” Question de routine pour des enfants qui ont pour habitude de ne pas dire toute la vérité.

- Et toi alors ? T'as fait des rencontres ? La blonde esquisse un rire nerveux. “Rien de plus de trois heures, c’est le temps durant lequel elles fonctionnent le mieux.” Des coups d’un soir qui ne restent même pas dormir, voilà le genre de rencontres qu’elle a faites, et voilà surtout ce à quoi elle souhaite s’en tenir pour le moment. Pour l’heure, elle reste aigrie contre tout type de véritable relation et préfère se concentrer à son travail. “J’espère que mes parents ne vont pas apprendre des tiens l’idée d’un rendez-vous arrangé.” Ils en seraient capables, et bon sang que Charlie détesterait cette idée digne du siècle dernier.

« C'est pas ça, c'est juste que... c'est encore flou. C'est la première fois qu'elle sort avec une fille alors on est encore dans un entre-deux... chelou. » Et cette maigre description suffit à faire grincer des dents à Charlie qui craint déjà le pire. Stella n’a rien à y gagner à être la première fois homosexuelle d’une autre, parce que de son côté l’inconnue va avoir besoin de temps et de mots doux pour accepter une situation nouvelle alors que Stella ne demande qu’à continuer à vivre sa vie aussi simplement qu’elle l’a toujours fait. Bien souvent, le rythme différent coulant de source lorsqu’il s’agit de relation du genre a raison de ces dernières, et il n’y a pas à en tenir rigueur à Stella ni même à cette inconnue. Après tout, ce n’est même pas encore arrivé (mais cela ne saurait tarder). « Je vois. C'est vrai que trois heures, c'est pas assez pour avoir des ennuis. T'as toujours été la plus futée de nous deux. » Elle a testé trois mois et un peu plus avec Cameron et elle a effectivement eu des ennuies, alors elle hoche la tête une fois de plus: trois heures, c’est très bien. Très suffisant pour obtenir le meilleur d’une relation sans avoir le négatif, aussi. « Même si c’est un mauvais coup, ça a le mérite d’être vite oublié. » Elle ajoute dans un sourire en biais, certaine qu’elle n’a pas à développer davantage les tenants et aboutissants de sa théorie.

« Oh moi, j'espère que si. La souffrance c'est chacun son tour. Si je les croise, je leur soufflerai même l'idée. » Le sourire de Charlie s’agrandit un peu plus encore alors qu’elle murmure un pétasse du bout des lèvres. Elle sait que Stella en serait bel et bien capable, tout comme elle sait aussi que ses parents ne pousseraient pas l’idée bien loin. Ils pourraient lui présenter une personne ou deux, ça oui, mais jamais ils ne lui imposeraient une union dont elle ne veut pas: ils connaissent bien trop leur fille pour jauger le caractère explosif qui est le sien et son incapacité à se plier à des ordres qu’elle ne juge pas bons, ou nécessaires. « C’est pas parce que je peux possiblement souffrir à mon tour que ça va s’arrêter pour toi. » Alors autant que Stella soit la seule à subir la situation, non ? C’est en tout cas ce que continue de penser Charlie sur l’éternel même ton d’un humour qui ne vieillit pas. « Je te propose de boire pour oublier. On a pas l’âge pour se soucier de notre vie amoureuse. » Et surtout de la stabilité de cette dernière, alors autant éviter le sujet pour l’heure et se concentrer sur le plus important: vivre leur vie autant que possible, sans jamais rien avoir à regretter.

Je pense que ça peut faire office de conclusion, dis moi quoi.