C'était officiellement le grand-jour. Pas le plus beau jour de sa vie à Olive, non, sûrement loin de là même, car aujourd'hui, elle se livrerait à une nouvelle bataille. Celle qui faisait rage depuis des années maintenant dans sa vie, mais dont elle avait bien envie de se débarrasser. Celle, qu'elle n'avait plus envie d'affronter. Celle qu'elle avait de laisser profondément enfoui dans une décharge. Olive, elle n'avait plus envie de se réveiller le matin avec une horrible boule au ventre, elle n'avait plus envie de se mêler les pinceaux sur cette vie imaginaire qu'elle a depuis qu'elle a décidé de mettre fin à ses études de médecine. Olive, elle n'a jamais eu le courage de dire la vérité à ses géniteurs, elle n'a jamais eu le courage de dire la vérité à personne d'ailleurs, enfin si, une seule. La personne pour laquelle elle confirait sa vie entière si cela était possible : Midas. Depuis toujours, il était son phare dans la nuit et cette fois encore, il n'avait pas manqué de lui ouvrir les bras quand elle en avait eu le plus besoin. Depuis, il traînait autant son secret qu'elle, à moindre échelle évidemment, mais Olive ne pouvait s'empêcher de s'imaginer que c'était un poids pour lui. Il aura fallu du temps, beaucoup d'année, de mois et de jours douloureux pour se rendre à l'évidence qu'une vérité finale serait beaucoup moins vive dans son cœur que de continuer à prétendre qu'elle serait une grande chirurgienne. Peut-être que cela aurait pu être le cas si elle avait eu plus confiance en elle, ou peut-être pas. Mais la réalité du monde était qu'Olive n'était plus cette jeune femme, bien au contraire. Aujourd'hui, elle avait de nouveaux objectifs, et surtout, elle voulait se sentir en accord avec ses principes et ses intérêts. Cela devait donc commencer par être sincère avec ses proches. Le premier cobaye avait été Chad Taylor et il fallait dire que tout s'était déroulé à merveille. Olive n'avait même presque pas versé de larmes, exploit. Chad avait été d'un grand réconfort et une épaule solide pour la suite du processus. Et puis les derniers événements de sa petite vie tranquille avait conforté l'idée qu'il n'y avait plus de raison pour qu'elle se cache derrière une peur certaine. De toute manière, il y aurait sûrement des tas de façons de vivre cette situation, mais tant qu'elle ne se lancerait pas, elle ne le saurait pas, c'était une évidence. Olive, elle aurait sûrement supplié son ainé s'il n'avait pas fait le premier pas vers elle pour qu'il l'accompagne dans cette épreuve. D'ailleurs, elle aurait sûrement reculé encore et encore cet échange avec sa famille. Il était temps qu'elle passe à autre chose, qu'elle évolue Olive. Qu'elle arrête de se cacher derrière une époque qui est révolue.

La main tendue de Midas était une bénédiction alors que la voiture roulait en direction du domicile familial des Sterling. Maison dans laquelle Olive n'avait pas remis les pieds depuis un long moment. La perspective d'y être voulait forcément dire décevoir ses parents, et cela, elle l'avait refusé jusqu'à présent. Niant l'évidence qu'elle ne serait jamais à la hauteur de leur espérance et c'était ainsi. Tant pis s'ils décidaient de couper les ponts avec elle, s'ils décidaient de lui dire qu'elle n'était qu'une moins-que-rien. Olive aurait le cœur brisé et elle serait sûrement inconsolable pendant des jours entiers, mais elle ne voulait plus ressentir cette pression sur ses épaules. Elle voulait être elle-même, une bonne fois pour toutes. Son visage se tourna vers celui de son ainé, concentré sur la route. Olive était reconnaissante de ne pas s'enfoncer seule dans la gueule du loup. « Tu ne sais pas à quel point je suis soulagée que tu sois avec moi. » Le stress rongeait la moindre parcelle de son corps. Si elle n'avait pas déjà atteint la peau de ses doigts, elle aurait sûrement rongé l'os à cause du stress. « Je n'ai aucune idée de comment ça va se passer, de comment ils vont prendre les choses, je suis juste terrifiée. » Littéralement asphyxiée par ses sentiments à l'instant présent. Craignant le pire, comme toujours. C'était du grand Olive, mais ça irait, pas vrai?

@Midas Sterling

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Midas Sterling & @Olive Sterling ☆ crédit/jofridapettersen

J’ignore qui de nous deux est le plus nerveux. Je suis capable de monter sur une scène devant plus de cinquante milles spectateurs sans ressentir autre chose que de l’euphorie et de l’excitation, mais lorsqu’il s’agit de se confronter à nos parents, je redeviens un gamin, l’enfant du milieu comparé à son ainé et jamais assez bien pour se mesurer à son ombre. Ma mère n’est pas aussi sévère et terrifiante que sa sœur, mais mon père n’a pas non plus la bienveillance et la douceur caractéristiques du patriarche des Taylor : ils forment à tous les deux un duo exigeant et impressionnant, pour moi comme pour Oli. C’est pour elle que je suis là, et c’est bien la seule raison qui me pousse à aller me confronter au couple Sterling sur son territoire. Lorsqu’il s’agit de moi, je manœuvre toujours de façon à éviter le conflit et de me confronter à leur jugement. Mais la situation dans laquelle elle est ronge ma sœur, je le réalise sans pourtant être un fin analyste du comportement humain, et elle ne peut plus rester dans cette situation : cela fait deux ans. Deux ans qu’elle raconte des journées à l’hôpital qui sortent de son imagination, qu’elle parle de ses études alors qu’elle ne le poursuit plus, qu’elle se confie sur ces patients qu’elle n’a plus non plus. Il est temps qu’elle dise la vérité : c’est un douloureux pansement qu’elle doit arracher. Nul doute que le monde de mes parents s’effondrera. Leur parfaite petite fille n’est plus en passe de devenir médecin, et il leur faudra du temps pour l’accepter. Moi, j’ose espérer qu’ils réaliseront la détresse de ma cadette et qu’ils ne seront pas trop durs avec elle. Après tout, n’est-elle pas la petite dernière, surprotégée et toujours entourées d’amour ? « Tu ne sais pas à quel point je suis soulagée que tu sois avec moi. » Les mains accrochées au volant du mon cabriolet, je tourne la tête dans sa direction. « C’est normal Oli. Je t’ai dit que je serai là pour toi. » Et je tiens mes engagement, surtout ceux que je prends auprès de personnes qui me sont chères. « Je n'ai aucune idée de comment ça va se passer, de comment ils vont prendre les choses, je suis juste terrifiée. » L’un de mes mains lâche le volant pour se saisir de celle de ma petite sœur. « C’est normal que tu te sentes comme ça. Mais t’as qu’un mot à dire, un seul, on repart et je te ramène à la maison. » Ma maison qui a tout d’un domaine de star, bien plus que d’une villa. « J’ai pas envie de te mentir. Ça va être dur à entendre pour eux, mais je te laisserais pas tomber. » Je lâche sa main pour la poser à nouveau sur le volant, alors que je quitte la voie rapide pour rejoindre les petite routes qui mène à Samsonvale, la modeste ville où nous avons grandi après avoir quitté la région de Perth pour nous rapprocher de Taylor. A quarante minutes du centre de Brisbane, à une heure de Kilcoy, l’endroit a semblé être un bon compromis pour mes parents. « Et maman m’a dit au telephone qu’Oscar ne serait pas là, il est en déplacement. Alors franchement, y’aura pas de meilleure opportunité. » Je saute les repas dominicaux familiaux depuis des années notamment pour ne pas y croiser mon frère. La relation entre Olive et lui n’est pas aussi compliqué, mais sa présence n’aurait certainement pas simplifié les choses.

Alors que je m’engage sur le petit chemin de terre qui mène à notre maison d’enfance, je demande une énième fois à ma sœur comment elle se sent, avant d’ajouter un « Tu es prête ? » Un peu inutile : il est trop tard, Helen et Blake Sterling apparaissent déjà sur le perron pour nous faire de grands gestes. Un dernier sourire pour encourager ma sœur, et je descends de la voiture. « Midas, Oli ! Je suis contente de vous voir tous les deux. » Ma mère la première s’approche pour nous serrer l’un puis l’autre dans ses bras, mon père quelque pas seulement derrière elle. Je le gratifie d’une poignée de main, avant de lui tendre la bouteille de vin que j’ai apportée pour le repas. « Deux adorables personnes m’ont appris à ne jamais arriver quelque part les mains vides. » Je leur adresse un sourire, et j’ignore si c’est lui ou la bouteille – rempli d’un cépage excessivement cher – qui déride mon père. « Entrez, votre mère a préparé assez à manger pour tout un régiment. Vous allez repartir à Brisbane avec des tonnes de reste, c’est moi qui vous le dis. Non pas que t’en aies besoin Midas mais… » Je me retiens de lever les yeux au ciel face à ce qui a tout l’air d’une pique destinée à me rappeler que mon mode de vie le dépasse. « C’est adorable. Merci maman. » Je le coupe et j’embrasse à nouveau la joue de ma mère, sans jamais quitter Olive des yeux, prêt à sauter dans la voiture si elle me le demande.

Son cœur aurait certainement pris le large à force de battre aussi vite. Le stress ne voulait clairement pas quitter son corps et son esprit n'avait pas envie de la laisser tranquille. Olive, elle était entrain de devenir dingue à force d'imager les pires scénarios de la rencontre avec ses parents. Depuis longtemps, elle avait eu l'habitude de rendre des comptes à ses géniteurs, de toujours faire les choses pour qu'ils soient fière d'elle, mais depuis qu'elle avait mis un terme à ses études, Olive s'était retrouvé dans une drôle de bulle, créant un mensonge plus gros que le monde au fur et à mesure que le temps passait. Elle avait peur Olive, ridiculement honteuse de ses actes. Pourtant, elle était aussi certaine que cette journée serait une délivrance certaine pour elle. Qu'à partir d’aujourd’hui, beaucoup de choses changeraient mais surtout qu'un poids énorme se libérerait dans son estomac. Elle en avait assez de devoir faire attention à tout. Assez de ne pas pouvoir discuter librement avec sa mère. Assez de ne pouvoir être complétement elle-même face à sa propre famille. Peut-être que le pire arriverait aujourd’hui, ou peut-être que non, sauf que si elle ne tentait jamais l'expérience, et bien, elle n'en aurait jamais aucune idée. Elle grandissait volontaire Olive, tendant vers un esprit plus sain pour son propre bien. Elle n'est seule l'Australienne, dans cette mauvaise aventure, elle a eu la chance d'être épaulée par son ainé et cela lui a sûrement bien sauver la mise de nombreuses fois. Sans lui, elle sait que bien des choses auraient été perdu, et son propre esprit avec. Avec lui, elle trouverait les mots pour affronter ses géniteurs. « C’est normal Oli. Je t’ai dit que je serai là pour toi. » Le regard de Midas sur elle la soulage. Elle ne doute de rien, étrangement avec lui. « Bien sur, mais je te jette aussi dans la gueule du loup, j'en suis consciente. » Olive elle se souciait des autres avant elle-même, davantage dans cette situation alors qu'elle risquait une humiliation certaine dans quelques instants. Mais elle avait conscience que Midas devait aussi affronter les parents Sterling et qu'à sa manière, c'était une autre bataille. « C’est normal que tu te sentes comme ça. Mais t’as qu’un mot à dire, un seul, on repart et je te ramène à la maison. »  Elle serre la main de Midas dans la sienne. Juste une présence de plus malgré qu'elle réfléchisse vraiment à faire demi-tour. Ce serait le plus simple d'une certaine manière, mais pas la meilleure des solutions. « Tant que tu es là, ça ira. » Même si son cœur lui hurlait de faire demi-tour elle ne devait pas être lâche Olive. « J’ai pas envie de te mentir. Ça va être dur à entendre pour eux, mais je te laisserais pas tomber. » Olive, elle laisse ses yeux suivre les courbes de la route. Bien sur qu'elle en est consciente, elle a même imaginé le pire des milliers de fois. Un soupire passe ses lèvres avant qu'elle ne tourne son visage vers Midas, un visage décidé pourtant.« J'irai sûrement me terrer dans un autre pays après ça, mais j'me dois de le faire malgré les risques. » C'était décidément pire que de décider de sauter en parachute, Olive en était certaine même si elle n'avait jamais fait ça. « Et maman m’a dit au téléphone qu’Oscar ne serait pas là, il est en déplacement. Alors franchement, y’aura pas de meilleure opportunité. » Voilà qui la rassure un peu. Juste un peu. Oscar n'est pas le meilleur des frères, il a même tendance à écraser les autres pour réussir, et Olive sait que son avis aurait fait des dégâts. Alors oui, elle est rassurée qu'il ne puisse être dans les parages. Le temps de lui dire les choses viendra plus tard. Les parents étaient déjà un bon entrainement. Étrangement, elle savait qu'Oscar serait plus dur avec elle. Ou peut-être qu'elle avait tout faux, mais ce serait une prochaine histoire.

« Tu es prête ? » Il est évident qu'il n'est plus possible de faire demi-tour, que bien trop vite la voiture ne passe pas inaperçu aux yeux des habitants de la demeure. Elle déglutit avec difficultés avant de prendre une grande inspiration. « Absolument pas. » Elle était au moins consciente de cela. A peine le temps de respirer plus qu'Olive affiche un sourire sur son visage. Calant son pas sur celui de son ainé pour rejoindre ses parents. Qu'est-ce qu’elle fiche là bon sang? Elle n'a pas le temps de mettre une réponse alors que sa mère prend la parole. « Midas, Oli ! Je suis contente de vous voir tous les deux. » Les bras de sa mère contre elle ne sont pas une satisfaction, ça n'a jamais été le cas, mais elle accepte l'étreinte malaise. « Bonjour maman. » Elle laisse son frère deux pas devant elle, fébrile à l'approche de son géniteur. Olive, elle dépose un baiser sur la joue de son père, une habitude qui ne la quitte pas même en grandissant. Un truc à eux? Sûrement, mais surtout la seule marque d'affection encore présente. « Deux adorables personnes m’ont appris à ne jamais arriver quelque part les mains vides. » - « Entrez, votre mère a préparé assez à manger pour tout un régiment. Vous allez repartir à Brisbane avec des tonnes de reste, c’est moi qui vous le dis. Non pas que t’en aies besoin Midas mais… » Olive préfère ignorer l'échange entre Midas et son géniteur. C'est mieux ainsi, même si elle se doute que les mots de ce dernier ne seront pas agréable pour Midas qui fait pourtant toujours de son mieux.  « C’est adorable. Merci maman. » C'était sa mère tout crachée, prête à faire passer toutes les pilules du monde par un peu de nourriture. Le moindre secret cacher derrière un pot de confiture. Cela avait toujours été comme ça. Olive entra dans sa maison d'enfance, les souvenirs l'assaillant de toute part. Les regrets prenant place dans son esprit, plus certaine que ce soit la bonne chose à faire. Elle chercha Midas du regard, il était là, tout près, c'était ça. « Vous avez fait bonne route? Tu as mauvaise mine Olive, je t'ai dit mainte-fois que tu devais prendre des vitamines. » Le faux-sourire d'Olive diminua à la remarque de sa mère. « Oui, d'accord » Elle venait d'être découragée en moins de trente-secondes. Ce n'était vraiment pas gagner. Elle sentit la présence de Midas non-loin d'elle, l'encourageant de loin. « Tu as besoin d'aide pour quelque chose? » Elle voulait rompre cette gêne, trouver le courage suffisant pour lâcher cette méga bombe. Mais pas encore. Pas maintenant. Merde elle perdait pied.

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Midas Sterling & @Olive Sterling ☆ crédit/jofridapettersen

« Bien sûr, mais je te jette aussi dans la gueule du loup, j'en suis consciente. » Je hausse les épaules, résolu depuis bien plus longtemps qu’elle à passer pour le vilain petit canard de la fratrie en étant pourtant un golden boy aux yeux de milliers d’inconnus. « T’en fais pas, j’ai l’habitude de les décevoir. Au pire, je leur parlerai de mon nouveau single pour détourner leur attention. » Lorsqu’il faudra changer de sujet ou que le ton montera trop. Je doute que ce soit le genre de chose suffisante pour les rendre fier, mais si ce n’est pas le cas peut-être que cela redirigera au moins les critiques dans ma direction en épargnant ma petite sœur. Je peux encaisser. Je n’ai pas peur des potentielles conséquences. Je ne suis pas indifférent à leur manque d’intérêt pour la carrière, mais j’y suis habitué, au moins. « Tant que tu es là, ça ira. » - « Une fois que ce sera fait, tu te sentiras mieux. » Le moment sera peut-être difficile à passer, mais une fois que ce sera fait, elle ne ressentira plus le poids de l’angoisse au creux de son ventre. Elle en sera libérée et je sais que cela fait, au fond. J’ai perdu Jo lorsque toute la vérité a éclaté, mais je n’ai plus à lui mentir et je me voilerais la face si je prétendais qu’une part de moi n’a pas été soulagé. Lorsque j’ai consulté Amos à ce sujet, il m’a conseillé de lui dire la vérité moi-même. Peut-être aurais-je dû l’écouter, peut-être Jo aurait-elle été plus clémente si je elle n’avait pas découvert la vérité de quelqu’un d’autre que moi. Olive a sa chance de faire les choses correctement : je suis content qu’elle la saisisse. « J'irai sûrement me terrer dans un autre pays après ça, mais j'me dois de le faire malgré les risques. » Je ris doucement, avant de lui jeter un coup tendre puis de me reconcentrer sur la route : nous arrivons, de toute façon. « T’es bien cachée chez moi, ils y ont jamais foutu les pieds. » Mon domaine – on ne peut pas parler de villa lorsqu’on possède un cinéma, plusieurs spas et des courts de tennis – appartient à un univers qui leur est étranger. Le choc serait certainement trop grand pour eux. « Et qui sait, je repartirai sûrement bientôt en tournée. » L’album n’est pas sorti et je m’avance, mais j’ai retrouvé l’inspiration et si l’album paraît avant la fin d’année, je pourrais être de nouveau sur les routes à l’automne pour profiter du printemps de l’hémisphère nord.

Elle n’est pas prête, évidemment, mais elle n’a plus vraiment le choix puisque nos parents semblaient nous attendre derrière la porte. A chaque fois que je croise le regard de ma mère, je me sens coupable de ne pas leur rendre visite un peu plus souvent. Nos relations sont tendues et compliquées, mais je sais que mes parents sont remplis d’amour à l’égard de leurs enfants. Exigeants mais aimants, leur compagnie provoque toujours chez moi des sentiments ambivalents. Mais je sais que notre éloignement leur fait mal au cœur, tout comme la distance qu’il existe entre Oscar et le reste de la fratrie : malgré leurs défauts, ils ont toujours voulu d’une fratrie soudée. Toutefois, ils s’y prennent mal. A peine après s’être échappée à mon étreinte, ma mère se tourne vers Olive pour lui prodiguer un conseil maternel qui pue les reproches. « Vous avez fait bonne route? Tu as mauvaise mine Olive, je t'ai dit mainte-fois que tu devais prendre des vitamines. » - « Oui, d'accord. » Comme toujours, ma petite sœur s’écrase pour ne pas faire trop de vague. « Mais non, t’es toujours aussi magnifique. » J’enroule mes doigts autour de l’épaule de ma sœur, effectuant une pression rassurante, avant d’ajouter. « On prend moins le soleil en ville, c’est tout. » C’est vrai, au demeurant. En grandissant, nous passions bien plus de temps dehors qu’enfermés. « Tu as besoin d'aide pour quelque chose ? » Moi, j’utilise mon naturel chaleureux pour détourner tout sujet qui me dérange. Olive, elle, utilise sa serviabilité et je ne suis pas surpris. « Vous pouvez mettre la table si vous voulez vous rendre utiles. » J’acquiesce bien docilement et, en entrant dans la maison et avant de me diriger vers la cuisine, je claironne à l’intention de ma mère. « Ça sent super bon maman ! » Bien sûr, elle rayonne de fierté. Le visage de mon père est toujours aussi fermé, et je me demande s’il sent que quelque chose ne va pas ou si son côté ours mal léché ressort simplement. Je prends la direction de la cuisine, Olive sur mes talons. Je profite du fait d’être seul avec elle pour tenter de l’apaiser. « Maman a l’air de bonne humeur, ça pourrait être pire. Et papa est… Papa. » Fidèle à lui-même, je suppose. « Tu veux aborder le sujet quand ? A table ? Après manger ? »

Il était étrange de se retrouver ici. Dans cet endroit qui pendant longtemps avait été un vrai cocon familial. Qui avait été une safe place absolument merveilleuse pour Olive. Pourtant aujourd'hui ce n'était plus le cas. Olive, elle ne se sentait pas chez elle, pas à sa place auprès de ses parents, dans cette maison qui pourtant l'avait vu grandir. Elle avait l'impression d'être une étrangère dans son propre foyer, et cela depuis bien trop longtemps maintenant. Au début, ça avait été facile de faire semblant, parce que son propre esprit refusait de croire la réalité, comme s'il n'était pas possible que sa vie soit différente de ce qu'on attendait réellement d'elle. Il faudrait pourtant que ça change, et c'était sûrement maintenant. « T’en fais pas, j’ai l’habitude de les décevoir. Au pire, je leur parlerai de mon nouveau single pour détourner leur attention. » Olive s'en voulait d'emmener Midas dans ses pots cassés, et en même temps elle était soulagée qu'il soit à ses côtés. C'était un combat difficile dans son esprit qu'elle refusait de céder. Elle avait besoin de lui, c'était une évidence. « Je suis quand même sincèrement désolée. » Olive fit la mou. « J'suis certaine qu'ils l'adorent, c'est juste qu'ils sont trop coincés pour l'admettre. » Parce que Midas était un artiste talentueux, et elle ne le disait pas juste parce qu'elle était sa sœur. Olive, très vite elle avait reconnu un potentiel dans la voix de son frère et elle était certaine que ses parents l'avaient remarqués aussi. Ils n'étaient juste prêt à l'admettre. « Une fois que ce sera fait, tu te sentiras mieux. » Oui, ça c'était vrai et elle attendait cette libération avec impatience. Elle manquait de courage, mais pas totalement puisqu'elle avait déjà fait le pas de venir jusqu'ici avec l'objectif d'être sincère. Il n'était pas question qu'elle se dégonfle même si elle en mourait d'envie. « Et j'en ai besoin. » C'était avant tout pour elle. Pour se convaincre que ses sentiments seraient moins douloureux à l'avenir. Qu'elle pourrait être fière de son nouveau rôle dans la vie et de ses missions qui ne seront plus un secret. Au pire, elle disparaitrait. « T’es bien cachée chez moi, ils y ont jamais foutu les pieds. » Midas avait raison. Depuis qu'elle était chez lui, ses parents n'avaient pas pris la peine de passer, et cela même s'il ne savait pas qu'Olive y résidait, ce qui était plutôt un bon plan. « Et qui sait, je repartirai sûrement bientôt en tournée. » Cette perspective n'était pas totalement réjouissante puisqu'Olive risquait de se retrouver seule un moment. « J'ai hâte de suivre les nouvelles aventures de Midas Sterling, la méga popstar. » Elle lui fit un clin d’œil avant de disparaitre dans le manoir de la famille pour le meilleur comme le pire.

Olive, elle n'est pas à l'aise, elle danse sur ses deux pieds essayant de rester discrète. Essayant de ne pas dire un mot plus que l'autre alors que sa mère l'interroge sur son affreuse mine. Les mots la touche plus que de raison, comme toujours. « Mais non, t’es toujours aussi magnifique. » Midas intervient, redonnant un léger sourire à Olive. Comment ferait-elle sans lui? « On prend moins le soleil en ville, c’est tout. » - « Merci ! » Elle lui chuchote ce remerciement sincère alors que la mère Sterling s'affaire déjà à autre chose, sans même faire attention à la réponse de Midas qui n'a guère l'air de lui plaire. Ce n'est visiblement pas son problème si sa fille a la peau terne, ce n'était qu'une remarque parmi tant d'autres. Pas grave. Olive tenta de chasser les paroles de sa mère de son esprit en lui proposant son aide. Se rendre serviable serait un minimum pour ce qui va suivre. « Vous pouvez mettre la table si vous voulez vous rendre utiles. » C'était une bonne idée, avoir l'esprit et les mains occupés seraient suffisant pour l'instant. Olive emboita le pas de son frère comme elle l'avait toujours fait. Une ombre le suivant partout où il allait, et ce même maintenant. « Ça sent super bon maman ! » Sa mère n'avait pas du lésiner sur le repas, et l'odeur dans l'air était plus qu'agréable dans les narines de la brune. Les senteurs étaient plaisantes et lui rappelait ses longs repas d'enfance où chacun paraissait heureux et détendu. Ce qui n'était pas son cas. Instinctivement, elle pinçait l'intérieur de sa main pour faire redescendre le stress. « Maman a l’air de bonne humeur, ça pourrait être pire. Et papa est… Papa. » Olive prit une grande inspiration. « Tu veux aborder le sujet quand ? A table ? Après manger ? » Et si finalement elle ne disait rien, ce serait tout aussi bien non? Elle ne pouvait pas se dégonfler, pas maintenant. « Même si je crains que les assiettes ne volent à travers la pièce, je vais me dégonfler si ce n'est pas fait maintenant. » C'était une perspective qu'elle ne pouvait pas imaginer. Oui, ce serait une épreuve terrible, mais au moins ce serait fait alors pourquoi attendre? « Je pense que tu devrais picorer deux trois trucs avant que je commence, j'voudrais pas en plus te priver de faim. » Elle fit une grimace avant d'emmener les assiettes et couverts jusqu'à la table de salon. Elle disposa les assiettes, avala sa salive et laissa Midas revenir à son tour avant de se lancer. « Je, mh, j'ai quelque chose à vous dire. » - « J'espère que tu ne vas pas nous faire perdre de temps plus que nécessaire Olive . Le repas va être froid. » L'Australienne tenta de garder la tête froide même si les mots de son géniteur venait de la décontenancer. Oh bordel, ce serait bien plus difficile que de raison. Olive ferma les yeux et prit une grande inspiration, tant pis si cet homme mangeait froid. Dans le fond, ce n'était pas le plus important et la suite risquait de toute manière de lui couper l'appétit.

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Midas Sterling & @Olive Sterling ☆ crédit/jofridapettersen

« Je suis quand même sincèrement désolée. J'suis certaine qu'ils l'adorent, c'est juste qu'ils sont trop coincés pour l'admettre. » Je secoue la tête, avant de hausser les épaules. « Tu sais, ça a pas d’importance pour moi. » Ce n’est pas l’entière vérité. « Enfin, ça en a plus. C’était le cas au début, mais plus depuis longtemps. » Lors de mes premiers pas dans le monde de la musique, j’ai souffert de leur manque de soutient. Aujourd’hui, je ne l’attends plus. Je m’évite au possible les remarques désagréables en ne venant pas manger ici assez à leur goût, j’en suis conscient, mais elles n’ont plus le pouvoir de me pousser à la remise en question ou de créer un sentiment d’insécurité. J’aime toujours autant mes parents, je suis capable de l’affirmer sans l’ombre d’un doute, mais je n’ai plus besoin de leur validation ou, en tout cas, je ne l’attends plus. « J'ai hâte de suivre les nouvelles aventures de Midas Sterling, la méga popstar. » - « Tu peux suivre de loin ou nous accompagner, c’est comme tu veux Oli. » Je ne veux pas qu’elle pense qu’elle n’est plus la bienvenue – elle le sera toujours – mais je crois qu’il est important qu’elle tente de se reconstruire ici, à Brisbane, et de ne plus toujours fuir. Je ne voudrais pas être celui qui l’arrache à son quotidien et réduise ses efforts à néant.

« Même si je crains que les assiettes ne volent à travers la pièce, je vais me dégonfler si ce n'est pas fait maintenant. » Elle exagère, mes parents ne s’en prendront pas à leur précieux mobilier, mais je pense en effet que le ton montera. Je suis surtout convaincu que ma mère tentera de lui faire comprendre qu’elle fait erreur, et de la convaincre de tenter de faire marche arrière. Comment réagira-t-elle quand elle comprendra qu’Olive a fait de la situation un secret pendant deux ans et que, par conséquent, elle ne peut pas juste « changer d’avis ». « Je pense que tu devrais picorer deux trois trucs avant que je commence, j'voudrais pas en plus te priver de faim. » - « Tu sous-estime ma capacité à me nourrir dans toutes les circonstances. » Je picorerai dans mon assiette en les écoutant lui faire une leçon de morale. « Te préoccupe pas de moi. » Je ne veux pas qu’elle se sente en plus coupable à cause de ça. Si je suis jugé comme une déception parce que j’ai abrité ma petite sœur et gardé son secret et bien… Cela ne sera qu’une déception de plus.

En gentil garçon serviable – on m’a élevé pour l’être et, chassez le naturel, il revient au galop, je fais ce qu’on me demande. J’aide Olive à dresser la table, et ma mère à porter les plats brûlants et qui deviennent un peu lourd pour elle, avant de m’installer à côté de ma sœur. « Je, mh, j'ai quelque chose à vous dire. » - « J'espère que tu ne vas pas nous faire perdre de temps plus que nécessaire Olive . Le repas va être froid. » Mon père la coupe sans qu’elle n’ait le temps de terminer sa phrase, et je le maudis intérieurement. C’est difficile pour elle, de se livrer et de dire la vérité. Elle n’a pas besoin que notre rustre de paternel lui complique la tâche. Alors, en plantant ma fourchette dans mon assiette, je réponds à sa place. « Y’a quelque chose qu’elle a vraiment besoin de vous dire. » De ma main libre, j’attrape celle de ma petite sœur, la serre un instant avant de la libérer. « Laisse-la s’exprimer. Le déjeuner va pas parti ren courant. »

« Tu sais, ça a pas d’importance pour moi. » Olive, elle aurait aimé avoir le même aplomb que son ainé, pouvoir prendre du recul et ne pas s'en faire autant. Davantage quand cela concerne l'avis de ses géniteurs, mais elle doit bien admettre qu'elle est loin de tout ça. Que la peur lui ronge l'estomac, trop souvent à son goût. « Enfin, ça en a plus. C’était le cas au début, mais plus depuis longtemps. » Elle l'admirait pour tant de choses Olive, mais surtout pour avoir faire des ses choix de vie une priorité qu'il était le seul à vouloir. Pas parce qu'on attendait précisément quelque chose de lui non, mais parce que ça lui tenait à cœur. « Je te remercie en tout cas, encore et toujours, je sais, mais c'est important pour moi de te le dire Midas. Pour tout ce que tu fais et pas uniquement pour être avec moi aujourd'hui. » Olive, elle tenait toujours à le faire. A remercier dans le moindre instant ces personnes qui comptaient tellement pour elle. A ne mettre de côté aucun sentiment et encore moins les remerciements. C'était important et nécessaire, même si c'était parfois redondant. Le ton était léger alors que l'éventualité de la carrière de Midas venait sur le tapis. Cela avait soulagé un bref instant l'esprit d'Olive qui ne voulait cesser d'imaginer le moment de sa mystérieuse annonce et du comportement en retour de ses géniteurs. « Tu peux suivre de loin ou nous accompagner, c’est comme tu veux Oli. » L'idée n'était pas déplaisante, mais elle commençait à construire une nouvelle vie à Brisbane, et elle n'était pas certaine de vouloir disparaitre pendant des mois. Bien sur qu'accompagner son frère lui ferait ronronner de bonheur, mais c'était peut-être trop tôt. « La moindre occasion pour te rejoindre sera parfaite n'en doute pas. » Elle ne trainerait pas dans ses pattes pendant sa tournée, mais seulement quand le cœur lui dirait et qu'ils pourraient avoir du temps à deux. Olive, elle tenait aussi à ce que son frère puisse mener sa barque sans l'avoir dans les parages, elle ne voulait plus être un poids pour lui. Plus jamais. « Tu en a déjà énormément fait pour moi. Je dois bien te laisser vivre ta tournée à fond sans ta petite soeur. »

Mais l'heure était à autre chose, et les conditions de la future tournée de Midas reviendront plus tard. Le stress de la jeune femme était revenu à fond les ballons à l'instant même où elle avait mis les pieds dans la demeure familiale. Ce lieu qui avait toujours été une source de joie pour elle, même si ses parents n'étaient pas les êtres les plus faciles à vivre, elle y avait trouvé une paix certaine pendant un moment. Aujourd'hui, ce n'était malheureusement plus le cas et revenir ici ne présumait rien de bon. « Tu sous-estime ma capacité à me nourrir dans toutes les circonstances. » C'était pour son propre bien après tout. Ou peut-être juste qu'Olive voyait le mal partout et qu'au final, elle se faisait du soucis pour pas grand chose. M'ouais. « Te préoccupe pas de moi. » - « Que tu le veuilles ou non, c'est important pour moi. » Parce que ce n'est pas toujours à Midas de subir les foudres, encore moins de supporter les décisions de sa cadette alors que tout part en vrille dans sa vie. Olive, elle a envie de prendre aussi soin de lui, de lui rendre la pareille. Mais l'heure n'est pas à ça, et trop vite le moment arrive. Olive, elle campe sur des jambes qui ne sont vraiment pas stables, qui a tout moment pourraient rompre. Elle se tient droite, prête à fuir dès que l'occasion se présentera. La voix pas assez forte pour se faire entendre parmi le bruit des couverts. Pourtant son père lui répond, de ce ton glacial qui lui brise le cœur. Comment peut-il être aussi peu sensible ? Elle ne le comprendra jamais. Elle commence à perdre pieds Olive. A ne pas savoir si finalement, elle aura le courage de dire la vérité. « Y’a quelque chose qu’elle a vraiment besoin de vous dire. » Encore une fois, Midas vient à sa rescousse alors qu'elle se sent submergée, et la présence de la main de son frère contre la sienne l'aide à retourner à la surface. « Laisse-la s’exprimer. Le déjeuner va pas partir en courant. » Il est plus courageux ça ne fait pas de doute. Alors Olive en profite, juste un petit instant, sur une petite lueur d'espoir qui pousse dans son ventre. « J'ai mis un terme à mes études il y a deux ans déjà. » Elle n'ose pas regarder ses parents qui sont sûrement en train de se liquéfier sur place, elle n'ose pas regarder son frère non plus. A la place, elle ferme les yeux et déballe tout, sans s'arrêter par peur de se faire couper autrement. Elle explique ce qui a poussé son choix, les sentiments qui l'ont submergés, sa planque au domicile de Midas depuis deux années maintenant. « Je vous demande pas de comprendre, loin de là. J'voulais juste que vous sachiez. » Enfin elle respire. « Ce n'est sûrement pas à votre convenance, et je l'accepte, mais je commence à reprendre goût au bonheur et c'est suffisant pour moi. » Un sourire, pas assez imposant se dessine sur son visage à cette pensée. Et le soulagement s'écroule enfin, les larmes ruissèlent sur son visage, pas parce qu'elle est triste non, mais parce qu'elle a enfin eu le courage d'admettre les choses, et peu importe ce qui arrivera maintenant, elle a réussi.

@Midas Sterling

If the only other option's letting go
Midas Sterling & @Olive Sterling ☆ crédit/jofridapettersen

« Je te remercie en tout cas, encore et toujours, je sais, mais c'est important pour moi de te le dire Midas. Pour tout ce que tu fais et pas uniquement pour être avec moi aujourd'hui. » En guise de marque d’affection, je glisse ma main dans la nuque de ma sœur et je la serre avec tendresse entre mes doigts, n’y mettant pas assez de force pour lui faire mal, juste une pression adéquate pour qu’elle sente que je suis là, avec elle, et que je n’ai l’intention d’aller nulle part tant qu’elle aura besoin de moi. Je ne suis pas un homme de grandes paroles et de beaucoup de mots. En revanche, je sais être là pour mes proches et ma famille en toute circonstance. Je sais leur montrer que je les aime et qu’il compte, et je sais leur apporter le soutien nécessaire lorsqu’ils en ont besoin. Oli a eu besoin de moi à de nombreuses reprises ces dernières années, mais je ne suis pas le genre d’homme qui compte les scores. Celui ne m’intéresse pas, et je ne compte pas l’affection et le soutien que je donne. « La moindre occasion pour te rejoindre sera parfaite n'en doute pas. Tu en a déjà énormément fait pour moi. Je dois bien te laisser vivre ta tournée à fond sans ta petite sœur. » - « Je comprends. » J’espère que j’ai raison, quand je crois entendre à travers ses mots qu’elle n’a pas non plus envie de quitter Brisbane pendant des mois, qu’elle commence à reconstruire un peu sa vie et qu’elle veut se donner une chance plutôt que de fuir. La fuite a longtemps été sa spécialité. Pourtant, elle semble avoir repris du poil de la bête, ma petite sœur. « Je suis fier de toi, Oli. » Du courage qu’elle démontre en étant venue jusqu’ici pour tout avouer à nos parents, comme celui nécessaire à sa reconstruction. Elle n’a pas forcément été accompagnée aussi efficacement qu’elle aurait dû. Je ne suis pas un professionnel, et c’est peut-être de ça qu’elle aurait eu besoin. Mais malgré tout, elle sort peu à peu la tête de l’eau et cela demande de la force, une force qu’elle ignore certainement posséder.

A table, mon père se conduit… Exactement comme on pourrait l’attendre de lui. Il n’est guère méchant, et malgré tous nos problèmes de compréhension je ne l’ai jamais vu comme tel. Mais il est bourru, conservateur et peu ouvert au dialogue. A ses yeux, discuter et communiquer, "ce sont bien des choses de bonne femme" et il ne sait pas faire. Je sais que je tiens mes handicaps en communication de lui. Je sais que je ne suis pas parfait, mais j’essaie au moins de le tempérer le temps que ma petite sœur puisse dire ce qu’elle est venue dire, puisque je sais ce que cela doit lui coûter. Surpris, mon père fronce les sourcils, attrape sa moustache entre ses doigts et dévisage Olive avec un visage que je connais bien, que je trouvais intimidant aussi, autrefois. « J'ai mis un terme à mes études il y a deux ans déjà. » Elle se lance, et elle ne peut plus faire marche arrière, à présent. D’ailleurs, si mes parents semblent vouloir la couper, s’ils laissent échapper des onomatopées et des grognements de surprise, elle ne se démonte pas et ne les laisse pas l’interrompre. Elle raconte tout, ou presque. Elle avoue qu’elle a probablement fait un burn-out. Mon père désapprouve, je le lis sur son visage. Il n’est pas câblé pour comprendre : à ses yeux, on est fort où on est faible. Et quelqu’un dans une situation comme celle d’Olive ne peut appartenir qu’à la seconde catégorie. Ma mère ne semble pas comprendre, de son côté. « Je vous demande pas de comprendre, loin de là. J'voulais juste que vous sachiez. Ce n'est sûrement pas à votre convenance, et je l'accepte, mais je commence à reprendre goût au bonheur et c'est suffisant pour moi. » J’attrape furtivement ses doigts et les serre entre les miens, avant de les relâcher presque immédiatement. Pour briser la glace, j’attrape les couverts de services, et j’entreprends de glisser dans l’assiette de chacun quelques légumes farcis préparé par ma mère. « Et toi, tu le savais et tu ne nous a rien dit ? » Je hausse les épaules, signe que je n’ai pas de commentaire à faire. Oui, je savais et j’ai protégé ma sœur. Je n’ai pas l’intention d’agir comme si je devais me défendre d’avoir agi de la sorte. « Mais Olive, comment tu vas gagner ta vie ? Comment tu vas faire pour être autonome, prendre un appartement. Et quel genre de travail tu vas bien pouvoir faire ? » Elle se retient de toute évidence d’ajouter un "ce n’est pas raisonnable" dont elle a la spécialité. Moi, je m’exprime avec toute la douceur dont je suis capable. « Maman, c’est pas la priorité. Elle va mieux, et elle a la famille autour d’elle pour l’aider avec tout ça. » Et si je sais que ma petite sœur ne veut certainement pas vivre à mes crochets, je peux m’occuper d’elle et la mettre à l’abri du besoin jusqu’à la fin de ses jours, si c’est nécessaire.