reality check
Midas Sterling & @Cassie Edwards

« Ça ira, merci. » Cassandra s’efforce à dresser des barrières entre nous que je m’efforce – sans en être réellement conscient ou responsable, la faute à l’alcool – de tenter d’abaisser. Au quotidien, le sentiment que la célébrité m’empêche d’être réellement et sincèrement proche de qui que ce soit est désagréable alors je mélange tout : j’interprète la distance que met Cassandra comme une restriction de plus imposée par ma célébrité, et j’oublie qu’elle est peut-être tout simplement une jeune stagiaire qui débarque, mal à l’aise avec l’attitude d’un homme plus âgé et alcoolisé qu’elle qui se trouve être, d’une certaine façon, son patron. Je voudrais qu’elle me parle comme à une foutue de personne normale, Cassie. Sauf qu’elle ne le fait pas parce que je suis une célébrité, mais simplement parce que je suis rond comme une queue de pelle mais je le suis trop pour le réaliser. Demain viendra le sentiment de m’être couvert de honte mais ce soir, je ne doute de rien.

« Je suis surtout moins bourrée que toi, Midas. » Elle se laisse tomber à son tour sur le canapé et, sans le réalisé, je penche un peu trop vers elle. Mon équilibre est précaire de toute façon, et la jeune et jolie femme mon ancre et ma seule compagnie. Entre mes doigts, j’attrape maladroitement le verre qu’elle me tend et je le vide d’un trait. « T’as tout ce qu’il te faut ? T’es sûr que tu veux pas de médoc pour demain matin ? Parce que je reviens pas au milieu de la nuit, j'te préviens. » - « Si j’ai besoin d’un doliprane, je me lèverai pour prendre un foutu de doliprane, détends-toi. » Je maintiens que je suis en état de fonctionner. Seulement peut-être d’utiliser mes compétences vitales de base, mais tout de même, je n’ai guère besoin de plus pour assurer ma survie et me protéger d’un mal de crâne. « T’auras qu’à m’envoyer une voiture pour l’interview. » Une voiture pour m’y conduire donc, réglée par sa carte de société et facturée directement à mon nom, rien de moins. « Je foutrai des lunettes de soleil et je parlerai avec une voix de crooner. Le journaliste adorera ça, ça me fera passer pour une putain de rockstar. » Alors que ça ne cachera rien de moins qu’une bonne gueule de bois. « T’es sûre que tu veux partir ? J’aime bien ta compagnie. » Parce qu’elle me donne l’impression d’être un vrai être humain, Cassandra. Pas un genre d’objet fragile et précieux bon uniquement à être exposé. Trop saoul pour réaliser ce que je suis en train de faire, je glisse une main dans sa nuque et j’approche mes lèvres des siennes. Pauvre con, je coche tous les clichés qu’elle a certainement à l’esprit concernant les types comme moi, alors que ne suis pas un mauvais gars. Elle est jolie certes, mais je n’ai pas orchestré tout ça pour l’attirer chez moi, je ne fais que réagir à des pulsions que l’alcool fait naître et, éconduit, je me retirerai queue entre les jambes en n’envisageant rien d’autre que lui présenter mes plus plates excuses, alors couvert de honte.

reality check
Cassie Edwards & @Midas Sterling

C’est exactement dans des moments comme celui-là qu’elle se demande si elle est suffisamment payée. La réponse est évidente ; oui, bien évidemment, mais quand même, devoir gérer les caprices de sa star de patron, c’est pas tellement ce pour quoi elle a signé à la base. « Si j’ai besoin d’un doliprane, je me lèverai pour prendre un foutu de doliprane, détends-toi » Nouveau soupir agacé à peine voilé, Cassie tire au moins un enseignement de cette soirée ; Midas Sterling est têtu quand il est bourré. Si d’ordinaire il ne rechigne pas trop à suivre (presque) scrupuleusement l’emploi du temps habilement concocté par sa jeune assistante et qu’il n’a généralement rien à y redire, c’est une autre histoire avec son doppleganger imbibé d’alcool. Soit. La prochaine fois que ça arrive, elle le raccompagne, s’assure qu’il rentre bien dans la maison et ne termine pas sa nuit sur les marches ou perdu dans son immense pelouse, et elle rentre chez elle. Elle a bien mieux à faire de ses soirées que de devoir babysitter une popstar. C’est presque amusant comme contraste, d’ailleurs, vu que tout le monde passe son temps à lui rabâcher qu’elle-même n’est qu’une enfant et qu’elle est de toute manière bien trop jeune pour avoir un rôle avec autant de responsabilités alors que dans les faits, c’est sûrement plus l’inverse qui est vraie. Elle a la tête sur les épaules, Cassie, certes elle rêve en grand et idéalise sûrement une vie qu’elle n’a pour le moment que frôlé du doigt, mais ça n’en reste pas moins quelqu’un de terre à terre et c’est sûrement pour ça qu’elle fait si bien son job. « T’auras qu’à m’envoyer une voiture pour l’interview. » « Ouais, » qu’elle maugrée en se massant l’arête du nez. Elle abandonne l’idée d’essayer de discuter ou de le raisonner pour ce soir, elle n’est que son assistante et certainement pas sa mère, alors il n’aura qu’à se débrouiller si son crâne lui fait trop mal cette nuit. « Je foutrai des lunettes de soleil et je parlerai avec une voix de crooner. Le journaliste adorera ça, ça me fera passer pour une putain de rockstar. » Un léger ricanement lui échappe, et il est plus agacé que véritablement amusé. Ce qu’il peut être casse-pied, quand il s’y met. « J’suis sûre que ça fera fureur dans la presse à scandale tiens. » Moqueuse, Cassandra ? Jamais. De toute façon c’est pas comme s’il était suffisamment sobre pour relever la pique ou y répondre correctement. Alors voilà, elle est prête à partir et par acquis de conscience, la jeune femme vérifie une dernière fois qu’il n’a besoin de rien et qu’elle n’aura pas besoin de se pointer de nouveau parce que monsieur aura perdu son verre d’eau ou ne saura pas mettre la main sur ses foutus dolipranes. « T’es sûre que tu veux partir ? J’aime bien ta compagnie. » Forcément, elle acquiesce et se fige un instant quand elle sent ses doigts se glisser derrière sa nuque et qu’elle voit son visage se rapprocher. « Mais putain ! » Qu’elle peste en écartant son visage avant de bondir sur ses deux pieds, créant ainsi une distance de sécurité non négligeable. Voilà, c’était sûr en fait que ça risquait de finir comme ça, qu’il était forcément comme tous les autres à se croire irrésistible avec sa gueule d’ange et ses disques d’or. « Heureusement que t’es pas c’genre de type, hein. » Acide, l’assistante lâche un soupir agacé en pointant le doigt vers lui. « Va te coucher, Midas. » Merde, heureusement qu’il est trop bourré et qu’il fait trop sombre pour qu’il puisse remarquer le rouge qui lui est soudainement monté aux joues, à l’assistante. Plus d’une nana se serait vue flattée de ce genre d’attention et n’aurait pas hésité à sauter sur l’occasion ; c’est le genre d’anecdote qui est supposément drôle à raconter à ses potes après, l’air de dire “j’ai pécho la plus grosse star du pays, et vous, votre weekend ?”. Mais Cassie sait, c’est le genre d’erreur qui peut coûter cher, aussi bien littéralement que figurativement, ça détruit une réputation, ça détruit une vie, ça fait scandale et après c’est pas sur le chanteur que ça retombe, ou en tout cas pas tout de suite. Alors voilà, la blonde le plante là, dans son canapé trop grand pour un adulte seul et demain matin, elle enverra le chauffeur le chercher à la première heure, ça lui fera les pieds.