(logements, logan city) « Tu penses pas que t’aurais pu me prévenir qu’ils allaient tous arriver en même temps, tu crois pas ? » Il est en colère, Ambrose. A bout de nerfs, fatigué, et terriblement en colère comme le prouve le ton de sa voix qui monte et son regard naturellement noir qui ne donne aucun répit aux prunelles de Cassie. Même Beyonce a jugé plus sûr de continuer sa sieste dans une autre pièce, pour son bien-être personnel. Rencontrer sa famille est une étape inévitable de la vie d’un futur couple marié, il en convient, mais il ne pensait pas que toute la fratrie allait oser débouler du jour au lendemain en même temps que la matriarche, utilisant l’excuse des fêtes de fin d’année selon leur bon vouloir. « Merde, Cassie, tous. » Et c’est un tous qui ne rentre même pas sur les doigts d’une seule main, ce qui est un fait servant à lui seul à prouver à quel point la vie dans la maison risque de virer au cauchemar dans les jours à venir. Ambrose va pouvoir excuser ses avances en disant avoir du travail - ce qui est vrai - mais il devra tout de même rentrer le soir et avoir à mentir à autant de paires d’yeux ayant hâte de rencontrer la personne ayant volé le cœur de leur tendre soeur et fille. « Ils vont dormir où ? » La maison est grande, mais pas grande comme ça, surtout alors qu’il anticipe déjà qu’aucun d’eux n’acceptera l’idée de dormir sur un matelas. Avec un peu de chance, ils préféreront tous l’hôtel. « Je vais devoir déménager mes affaires dans ta chambre. » Ils seront curieux et voudront tout fouiller, et il ne faut pas qu’ils se doutent un seul instant que le couple fait chambres à part: ils pourraient trouver une explication à cela s’ils avaient quatre-vingt ans, mais pas vingt.

« Faudra que t’achètes leurs cadeaux pour nous deux. » Ca, il l’annonce un ton plus bas. Il a les cadeaux pour sa propre famille et il les a fait rentrer dans le budget, mais c’est envisageable (et tout simplement impossible) d’en acheter un nouveau pour chaque Edwards qui a décidé de traverser le monde pour célébrer quelques jours de fête avec Cassie. « J’ai pas encore payé ma part pour l’hôpital, donc… c’est pas le bon moment. » Vraiment pas le bon moment, surtout alors qu’il est évident qu’Ambrose priviligera toujours de payer les frais d’hôpitaux de son père plutôt que d’offrir des cadeaux dont tout le monde se moque à une famille qui ne manque absolument de rien.

Ils le savent, pourtant, que tu aimes avoir le contrôle et que tu détestes les imprévus, que les surprises, c’est définitivement pas ton truc. Tout chez toi est calculé au millimètre près, à commencer par qui tu invites et quand tu le fais. Seulement voilà, ils ont décidé de comploter derrière ton dos et de tous s’inviter, pire même, ils sont en route depuis l’aéroport et devraient être arrivés d’ici une heure ou deux à l’appartement. « C’était supposé être ma mère et Sean seulement, » et puis le “surpriiiiise” qu’ils ont clamé en chœur lors du Facetime était suffisamment équivoque, non ? Un peu pareil pour l’expression de ton visage qui s’est décomposé en les découvrant tous là, empilés les uns sur les autres pour rentrer dans le cadre de la caméra. Bien évidemment, tu ne peux pas leur dire de faire demi-tour et les renvoyer d’où ils viennent, pas après un vol de plus de vingt-quatre heures visant à venir passer les fêtes en ta compagnie. D’un côté, t’es contente de les revoir, bien sûr, ils restent ta famille et ils t’ont tous terriblement manqués, mais de l’autre, merde, c’était pas prévu comme ça. « Merci, je sais, » tu râles, visiblement aussi mécontente que lui à l’idée de devoir tous les accueillir sans que rien n’ait été planifié. « De ce que j’ai compris, c’était prévu un BnB mais y a eu du dégât avec la tempête, du coup je sais pas. » Sans doute qu’ils iront à l’hôtel parce que t’as pas la place pour que chacun ait son espace et fasse comme bon lui semble. « Je pense qu’Alba voudra rester là, mais les autres iront probablement dormir ailleurs. » En tout cas, tu va suggérer très fort l’idée parce que ça te gonfle d’avance de devoir accommoder ton quotidien pour eux. Tu pourras sortir l’excuse du jeune couple qui a besoin de son intimité et t’es sûre que ça sera suffisant pour les convaincre de vous ficher la paix le soir venu. « Je vais t’aider, ils vont bientôt arriver. » Ainsi, Beyoncé retrouvera sa chambre personnelle qu’elle n’a de toute manière pas daigné quitter. Pire que ça, même, elle a décidé qu’Ambrose était un simple ajout à son domaine et s’est bien vite approprié ses vêtements ou même sa personne pendant les nuits qu’il passe ici.
« Je t’aurais pas demandé de leur offrir quoi que ce soit, de toute façon. » Tu sais qu’il a pas les poches remplies comme il aimerait, qu’il a bien d’autres impératifs plus importants et sa propre famille à qui offrir des cadeaux. « De toute manière y a que ma mère et Sean qui auront quelque chose ici, les autres ça a été envoyé par coli vu qu’ils étaient pas supposés être là. » Pour le geste tu pourras aller leur chercher une ou deux bricoles pour qu’ils aient quelque chose à déballer mais ça s’arrêtera là. « Et j’ai dit que c’était de nous deux, » quand bien même il n’a rien eu à voir avec le choix ou l’achat des présents. Tu lâches un soupir sonor, reprenant un peu pied après la claque que tu viens de prendre avec l’arrivée prochaine de toute ta fratrie. « T’as besoin d’une avance ? » C’est pas ton rôle de payer les soins de son père, mais t’as l’argent et autant qu’il serve à quelque chose d’autre que tes produits de luxe. « Désolée, je pensais pas qu’ils s’imposeraient comme ça. J’imagine qu’ils sont surtout curieux à l’idée de te rencontrer. » C’était un peu prévisible, c’est juste chiant qu’ils aient décidé de forcer le destin comme ça. « Bon allez, on va bouger tes affaires tout de suite sinon ça va être chiant plus tard. » Il faudra aussi changer les draps et passer un rapide coup d’aspi, au plus grand plaisir de Beyoncé.

« C’était supposé être ma mère et Sean seulement, » Et peu importe ses excuses, aussi légitimes puissent-elles être, Ambrose a décidé qu’il lui en voudrait jusqu’à la mort et que cela ne saurait changer. Après tout, sa famille son fardeau. C’est la doctrine qu’il applique déjà pour sa propre famille et il n’accepterait pas l’idée que ça ne puisse pas être étendu à la famille de Cassandra. « De ce que j’ai compris, c’était prévu un BnB mais y a eu du dégât avec la tempête, du coup je sais pas. » Donc ils ne dormiront sûrement pas là-bas, parce qu’ils savent tous à quel point la tempête a pu se montrer cruelle avec les logements de certaines personnes. Et s’ils ne dorment pas là-bas, cela signifie qu’ils dormiront chez eux, parce qu’ils ne peuvent pas se permettre de garder porte close. Qui plus est, à cette période de l’année, tous les logements doivent être soit réservés soit terriblement hors de prix. Déjà, Ambrose grogne en imaginant son pire cauchemar devenir leur réalité: non seulement ils viennent, mais surtout ils empiètent totalement sur leur territoire, leur monde, leur safe place. Leur mensonge va devoir plus que jamais être convaincant.

« Je pense qu’Alba voudra rester là, mais les autres iront probablement dormir ailleurs. » - « J’espère. » Il finit par souffler, plus sincère que jamais. Leur mensonge n’est pas incroyablement bien rôdé, même après tout ce temps, et il y a fort à parier qu’il ne saurait pas résister à un test grandeur réelle sur des journées entières. Par la même occasion, il est aussi rassuré que la question des cadeaux ait déjà en grande partie été réglée par Cassie, sans même qu’il en ait été tenu au courant. Dans un autre contexte, il aurait peut-être trouvé le moyen de lui en vouloir d’avoir noté son nom sur des cadeaux dont il ignore tout mais, dans le cas présent, il en est seulement soulagé. « Merci. » qu’il finit même par ajouter, tant pour l’avoir inclus dans les cadeaux que pour l’assurance de ne rien lui demander financièrement pour les nouveaux non plus. Elle sait, Cassie, que sa demande n’a pas été motivée par le manque de volonté mais bien par le besoin d’utiliser son argent autrement. Et elle comprend aussi sûrement que sa famille, qu’elle même ne voit pas si souvent que ça, n’est pas sa priorité. « T’as besoin d’une avance ? » - « Non. » La réponse arrive aussitôt, en hâte. Il n’a pas besoin d’une avance et il peut se débrouiller seul. Le timing n’est pas le plus aisé qui soit, mais il s’en est toujours sorti et il ne compte pas faire autrement qu’y arriver. Face à tous les efforts que Cassie semble faire, pourtant, il se reprend et adopte un ton plus posé. « Si vraiment je sais que j’aurai pas l’argent à temps je demande à Norman, parfois. » Et cela rassure son oncle plus que cela ne l’embête. Il aurait pu payer les frais pour des années sans que cela n’impacte sa fortune, tout le monde le sait, mais la fratrie est trop têtue pour accepter encore davantage la générosité d’un homme qui a déjà beaucoup fait pour eux. Ambrose se contente de lui demander de l’argent lorsque la corde autour de son cou commence à être beaucoup trop serrée mais il ne va jamais plus loin.

Sa colère déjà oubliée, il se met sérieusement à réfléchir à tous les indices qui pourraient compromettre leur secret. « Désolée, je pensais pas qu’ils s’imposeraient comme ça. J’imagine qu’ils sont surtout curieux à l’idée de te rencontrer. » - « Je ferai bonne impression. » Il n’a jamais eu à faire bonne impression face à aucune belle-famille (parce que force est de constater qu’il n’a même jamais rencontré qui que ce soit de celle de Ruben) mais il sait qu’il peut jouer le jeu sans mal, trouver de quoi discuter, faire des blagues. Néanmoins, il se concentre surtout sur l’instant présent et le besoin de ramener toutes ses affaires dans la même chambre que celle de Cassie, parce qu’il s’agit de la base. « J’expliquerai que j’ai une réunion d’urgence, si tu veux, ce soir. » Il comprend qu’elle n’a aucune envie de dormir avec lui et il ne veut pas s’imposer, même si de son côté ce n’est pas vraiment pour le déranger, ou le réjouir. Simplement, il s’en moque un peu. « Et puis tu pourras discuter un peu seule à seule avec eux, comme ça. Ça leur fera sans doute plaisir. » Parce qu’ils restent sa famille et que cela n’a rien à voir avec tous leurs mensonges. « T’aurais été plus heureuse de les voir débarquer si on avait pas eu à gérer tout ça, non ? » Et puisque tout ça est l’idée d’Ambrose et son besoin de reconnaissance professionnelle, alors il prend le blâme sans même lui demander davantage à ce sujet. Il comprend, vraiment.

Régulièrement, tu te demandes encore ce qui t’a pris d’accepter de te lancer dans une mascarade pareille. A part pour faire parler, c’est plus de complications qu’escomptées. Certes, c’est devenu plus facile avec le temps, mais ça reste un stress quotidien dont tu te serais bien passée. Stress qui ne va pas diminuer avec l’arrivée impromptue de toute la famille. De son côté, Ambrose s’en serait bien passé aussi, d’autant plus avec ses propres problèmes dans lesquels tu n’as rien à faire. « Comme tu veux, » vague haussement d’épaules, tu ne comptes pas le forcer à prendre ton argent. De toute façon, t’imagines que c’est effectivement plus facile pour lui d’aller voir son oncle, question d’égo, sans doute. Ses soucis, sa façon de gérer, tu comprends.
Alors que vous commencez à vous affairer à remettre l’appartement dans l’ordre, essayant de n'omettre aucun détail qui pourrait trahir la supercherie, tu ne peux t’empêcher de sourire à la remarque d’Ambrose. « T’as plutôt intérêt, » tu ricanes à sa promesse de faire bonne impression. Il ne manquerait plus que ça, tiens. Tu sais qu’il est doué pour bien présenter sa personne, tu n’as aucune inquiétude à ce sujet. Par contre, son idée de déserter le combat t’interpelle, « non, » tu réponds aussitôt, interrompant le fil de pensée avant qu’il ne parte trop loin. Il ne se rend pas compte à quel point fuir la situation est une mauvaise idée. S’il le fait, ça ne sera que partie remise et aucun des deux n’aura la paix tant que la famille Edwards n’aura pas eu ce qu’elle est venue chercher. « Si tu t’éclipses ce soir, ma mère va être vexée. » Elle ne le montrera pas, bien évidemment. Elle se contentera de le faire comprendre de manière pas si subtile, via quelques remarques un peu piquantes ou pleines de sous-entendus à peine masqués. « Et elle attendra sûrement un autre moment pour venir te parler de toute façon. » Quitte à choisir, tu préfères être dans les parages pour pouvoir intervenir et sauver ce pauvre Ambrose en cas de besoin. « Du coup t’étonnes pas si elle fait tout pour se retrouver seule avec toi, elle va sûrement vouloir te tester et te poser tout un tas de questions. » Ca te hérisse le poil à l’avance, mais il faut être lucide ; c’était obligatoire, comme rite de passage. Les jeunes, tu en fais ton affaire. S’ils sont curieux, ils savent se montrer respectueux et plus patients que la matriarche. « Je viendrais te sauver les fesses à un moment donné, mais tu vas devoir y passer. » Grimace désolée, faut que tu réfléchisses un instant à quelle sauce il va être cuisiné. Ta mère va forcément lui redemander les conditions de votre rencontre, la raison de toutes les cachotteries, pourquoi il est tombé amoureux de sa si parfaite fille, bref, les classiques. Il aura probablement droit au classique speech de menace à base de “si tu lui fais du mal-”, quoiqu’il sera sans doute un peu détourné et remodelé pour correspondre aux standards de la mère Edwards.
« Je sais pas trop. » La confession peut paraître froide, mais elle a l’avantage d’être honnête. Plus heureuse, c’est vite dit. Si tu aimes ta fratrie, tu es encore plus attachée à ton indépendance. « Ils savent que je n’aime pas particulièrement les surprises du coup… J’imagine que la seule raison pour laquelle ils ont tous décidé de venir c’est pour toi. » Pas que, mais en grande partie. Ca fait des années qu’ils auraient pu s’inviter et ils ne l’ont pas fait. Il faut croire que l’annonce d’un mariage prochain a piqué leur curiosité. « Pour le coup, je crains que tu sois celui qui se retrouve le plus embêté. » C’est lui qui va être le centre des attentions et des curiosités, sans le moindre doute. Toi, tu as des échanges réguliers avec eux et rien de nouveau à leur partager depuis la dernière fois. « J’aurai été plus heureuse de les voir débarquer en me prévenant, déjà. » T’aurais pu assurer le coup du logement, leur trouver quelque chose qui n’implique pas d’être chez toi. « Promis ils sont pas aussi terribles qu’ils en ont l’air. Je suis juste agacée de leur “surprise” et ils le savent, du coup je pense qu’ils se tiendront un peu à carreau. » T’espères, en tout cas. « Une fois que t’auras passé l’interrogatoire ils te laisseront tranquille. » Peut-être même qu’ils repartiront illico à Edimbourg, qui sait.

Rencontrer sa mère l’intimide sans doute d’autant moins alors qu’il ne ressent rien d’amoureux pour Cassie et qu’il anticipe déjà que ça n’arrivera jamais. Il ne pense pas à tout foirer, évidemment, mais les attentes sont différentes par rapport à tout ce qui aurait normalement dû se passer dans ce genre de situation. En réalité, il aurait surtout préféré qu’ils aient le temps de réciter leur histoire d’amour une dernière fois. Ils devront faire avec ce dont ils ont l’habitude de rencontrer, ce qui devrait être suffisant. Cela l’a toujours été jusqu’à aujourd’hui. « Et elle attendra sûrement un autre moment pour venir te parler de toute façon. » Son premier réflexe est d’en rire simplement, parce qu’il imagine sa mère comme une personne protectrice et il n’a aucun mal à le comprendre. Il aurait aimé apprécier leur relation dans un autre contexte. « Du coup t’étonnes pas si elle fait tout pour se retrouver seule avec toi, elle va sûrement vouloir te tester et te poser tout un tas de questions. » Au sourire qu’il continue de partager avec elle, il prouve à Cassie que cela n’a rien pour l’effrayer. « Elle va rien trouver à me reprocher. » Et il sera son beau-fils préféré, sans même savoir si elle en a connu d’autres ; tout en espérant qu’il existe un avenir dans lequel Cassie pourra lui présenter d’autres personnes n’étant pas lui, quand leur petit manège ne sera plus nécessaire. « Je viendrais te sauver les fesses à un moment donné, mais tu vas devoir y passer. » - « C’est bon, t’en fais pas. Je crierai juste “les camées du Vatican” si elle s’apprête à me tuer de son regard. » Ce qui n’arrivera pas, évidemment, parce qu’il sera à la hauteur et qu’il n’y a aucun doute à ça. Il compte affronter des requins dans son existence, et une mère n’est rien de moins que ça.

« Ils savent que je n’aime pas particulièrement les surprises du coup… J’imagine que la seule raison pour laquelle ils ont tous décidé de venir c’est pour toi. » Il a du mal à y croire à son tour. Il peut comprendre la curiosité derrière des fiançailles surprises, évidemment, mais ils pourraient trouver ce qu’ils veulent à son sujet sur internet. Il n’y aurait pas vraiment à dire de plus. « C’est peut-être juste une excuse pour te voir. » Elle habite loin d’eux tous, à l’autre bout du monde, et il sait que de son côté il serait le premier à trouver n’importe quelle excuse pour retrouver ses proches, en particulier s’il s’agit de James ou Flora. « Une fois que t’auras passé l’interrogatoire ils te laisseront tranquille. » Il hausse les épaules, toujours en train d’aider à déménager ses affaires d’une chambre à l’autre pour le bien de leur mensonge. « Je me fais pas de souci. Je connais la fratrie qui passe des interrogatoires à tout va. » Quand ce n’est pas James qui passe outre cette étape et se contente d’envoyer des coups de poing pour réparer un cœur brisé. Il en a vu, des interrogatoires et il en a vécu aussi certaines fois. Il ne sera sûrement pas étonné des questions que pourraient poser ses frères et sœurs. « Le plan c’est pas de passer trop de temps avec eux, de toute façon. Ils te connaissent mieux que moi. » Et dans leur contexte, cela n’a rien d’une bonne chose. Ce n’est pas une question de jalousie, loin de là, mais simplement de survie. « Tu leur as déjà présenté quelqu’un ? » Il doit le savoir s’il existe une personne en ce monde avec qui il sera constamment comparé.

Tu lui parles de ta mère, de sa façon de faire et surtout du fait qu’il ne réussira pas à échapper à son stratagème très élaboré pour avoir un tête à tête en sa compagnie. « Ok, on adopte ce safe word, alors. » L’idée te fait rire, mais t’es certaine que si ça venait à réellement arriver, ça serait bien moins amusant.
Il essaie de te rassurer ou alors peut-être de se rassurer lui-même quant à l’arrivée impromptue de l'entièreté de ta famille. Pour n’importe qui, il pourrait avoir raison, mais pas ici. Il n’a aucune idée de qui il va avoir en face de lui, et on est clairement loin de l’image de la famille soudée qu’on pourrait imaginer. Tes adelphes et toi, ça a toujours été une question de compétition, de qui ferait ça ou ça en premier, de qui serait le meilleur, de qui le ferait encore mieux que l’autre et ainsi de suite. L’entente est cordiale, mais on est encore loin d’une fratrie soudée comme les cinq doigts de la main. « C’est peut-être vrai pour Alba ou Sean, mais pour les autres j’ai de gros doutes. » L’écart d’âge faisant que tu n’es finalement pas aussi proche des trois derniers, eux, tu sais qu’ils font ça uniquement par curiosité et parce que l’occasion de voyager à l’autre bout du monde tous frais payés était trop belle. Bien sûr, ils ne sont pas non plus mécontents à l’idée de passer du temps avec toi, mais tu sais que ce n’est pas leur priorité. Pour l’heure, tu fais au mieux pour prévenir Ambrose sur la façon dont ça risque de se passer, qu’il soit un minimum préparé à la fichue surprise qui vous tombe dessus plus comme une corvée que comme un plaisir partagé. « Mais je me fais pas de soucis non plus, je sais que t’es doué pour ça. » Il sait charmer les autres pour obtenir ce qu’il veut, c’est dans sa personnalité et tu ne peux nullement l’en blâmer. « Non, jamais. » Lèvres pincées, tu réfléchis quelques instants à celui qui a failli passer sur le grill avant lui, « la seule fois où j’ai fait l’erreur de ramener quelqu’un, j’étais encore au lycée. » Et encore, c’était un simple flirt, à l’époque. Un type avec de ta classe avec qui tu étais supposée préparer un exposé et que le tout s’est passé sous étroite surveillance de la matrone. « Et bon, tu connais la chanson. “Cassandra, tu es trop jeune, Cassandra il est trop comme ça, Cassandra, il n’est pas fait pour toi.” » Autant dire que le pauvre garçon n’a pas posé valises et est vite rentré chez lui. Certes, tu grossis un peu le trait, exagérant volontairement ce qui s’est réellement dit, mais dans l’idée c’était ça. Au moins il aura tout le loisirs de bientôt comparer ton imitation de ta mère au vrai modèle, et de constater à quel point tu étais juste dans chacune de tes intonations ainsi que dans les mimiques. « Après je suis venue m’installer ici, et je n’ai de toute façon pas vraiment eu l’occasion d’avoir quelque chose de sérieux avec quelqu’un. » Et qui dit rien de sérieux, dit surtout pas de présentations, ça coule de source. « Du coup félicitations, t’es le premier à passer l’épreuve du feu, » t’ajoutes doucement, presque honteuse à l’idée que celui qui sera considéré comme le premier homme de ta vie ne sera finalement qu’une fraude du début à la fin. « Ca sera qu’un mauvais moment à passer, hein ? » Comme un pansement qu’il faut arracher d’un coup d’un seul pour éviter de souffrir trop longtemps. Une fois qu’ils auront eu ce qu’ils voulaient, ils pourront repartir comme les rapaces repus qu’ils seront alors. « T’as besoin d’un rappel sur leurs noms et tout avant qu’ils arrivent ou c’est bon ? » On parle pas uniquement d’une ou deux personnes, ici, mais bien de cinq énergumènes accompagnés de leur génitrice qui a un oeil critique sur absolument tout.

« C’est peut-être vrai pour Alba ou Sean, mais pour les autres j’ai de gros doutes. » Il ne remet pas en question l’hypothèse de Cassie, parce qu’il est évident qu’elle connaît bien mieux sa famille que ce n’est son cas à lui. Il se contente d’hocher la tête, son silence s’imposant pour laisser à la jeune femme l’amplitude nécessaire de préciser le fond de sa pensée si elle en a envie. Après tout, ils n’ont pas besoin de laisser leurs confessions aller jusque là. « On verra au jour le jour. » Il est doué, évidemment. Il sait manier les foules, il peut apprendre à en faire de même avec sa famille et sa fratrie. Ils pourront sans doute voir que quelque chose est différent entre eux mais tant qu’ils ne mettent pas le doigt sur les raisons exactes à cela, alors cela ne fait aucune importance. Tous les couples sont différents à leur manière, non ? Qu’ils ne fassent que mimer leurs sentiments n’est pas si extraordinaire ; simplement, cela arrive plutôt aux couples ensemble depuis trop longtemps. Généralement.

Lorsqu’elle lui avoue ne jamais avoir présenté personne à sa famille, Ambrose s’en retrouve égoïstement rassuré. Non pas qu’il est soulagé d’une quelconque manière qu’aucune de ses relations ne soit allée jusque-là, mais simplement parce que cela signifie qu’il ne sera pas comparé à qui que ce soit. Cela signifie surtout que la façon dont ils interagissent ensemble ne sera pas comparée à la façon dont elle a pu le faire avec une personne qu’elle aimait sincèrement. « Du coup félicitations, t’es le premier à passer l’épreuve du feu, » - « Je suis un peu triste, j’aurai personne à éclipser. » Face à l’humour plus sombre de Cassie au fil de ses explications, Ambrose tente un brin d’humour pour tenter de désamorcer la discussion. Il lui souhaite d’être heureuse et il pense sincèrement que c’est une condition sine qua non pour arriver à leurs fins. Ils en reparleront plus tard, ils s’arrangeront plus tard. Tout est urgent pour le moment. « Ca sera qu’un mauvais moment à passer, hein ? » Avec plus de conviction qu’à ses débuts, et surtout avec bien plus de délicatesse, il acquiesce. « Ca sera pas si terrible. » Il connaît les discussions de famille qui peuvent dégénérer, après tout. Feindre ses sentiments face à autant d’individus est nouveau mais il sait qu’il peut gérer et il sait que tout se passera bien, parce que l’inverse n’est tout simplement pas envisageable. « T’as besoin d’un rappel sur leurs noms et tout avant qu’ils arrivent ou c’est bon ? » - « J’ai révisé. » Il ne pouvait pas prendre le risque de connaître une question sortie de nulle part et de ne pas être capable de répondre quant à la fratrie d’une femme qu’il s’apprête à marier. Par ses mots, il tient aussi à la rassurer et à lui faire comprendre que tout ira bien: il n’aime pas le moins du monde l’idée que ses proches les prennent de court mais ils n’en restent pas moins une équipe. « Hey, ça va bien se passer ok ? On savait que ça arriverait. » Ils pensaient que ça arriverait plus tard, certes, mais l’heure n’est plus aux plaintes en tout genre. Ils n’ont pas beaucoup de temps avant qu’ils arrivent et un appartement tout entier à mettre en ordre pour faire croire qu’ils vivent dans la même chambre, à commencer par là. En d’autres termes, il est trop tard pour paniquer. Ils doivent passer à l’action.

“On verra au jour le jour”, qu’il ose dire comme si c’était une solution qui pouvait te convenir. Ou même lui convenir, pour ce que ça vaut. Ton nez se plisse dans une légère grimace alors que tu pianotes des doigts sur la table de la salle. « Je suis pas fan du concept, je t’avoue. » Il a bien dû le comprendre, depuis le temps, mais une piqûre de rappel ne fait jamais de mal. Néanmoins, tu comprends ce qu’il veut dire et surtout qu’il essaie de rationaliser la situation qui l’emmerde au moins autant que toi. Qu’il ne s’inquiète pas cependant, tu es habituée à travailler sous pression et à gérer les imprévus, t’as beau être la meuf la mieux organisée du monde, il n’en reste pas moins que tu n’as pas le contrôle sur toutes les variantes existantes.
Le plan de secours existe et sera appliqué comme prévu, il faudra juste le subir le temps voulu pour votre plus grand plaisir. « Oh ça je n’en serai pas si sûre, à ta place. » Il y a toujours quelqu’un à éclipser. « Elle va se pointer avec son cahier des charges et celui de mon père encore en plus, du coup pour toi c’est la double peine. » Bon, dans la mesure où lui ne sera pas physiquement là, ça sera sans doute plus simple, mais quand même. Encore une fois, Ambrose tente de rassurer pendant que toi, tu continues à exprimer ton mécontentement ; mieux vaut que ça sorte maintenant, de toute façon. « Ca, ça reste à voir. » Non, ça ne sera pas si terrible, il a raison et tu le sais, mais que serait ta vie sans cette éternelle pincée de dramatisation poussée à l’excès ? Le tout maintenant, sera de te remettre dans le personnage avant l’arrivée de toute la fratrie, parce que dans la finalité, c’est de ça qu’il s’agit : un rôle. Sauf qu’il n’y a ni caméras, ni public et que c’est une prestation qui se joue sur l’endurance. Depuis le temps tu es rodée à l'exercice, mais ça n’en reste pas moins éreintant pour autant. « T’as fait tes devoirs, je suis fière de toi. » Le ton est déjà presque radouci, petit échauffement avant de véritablement entrer dans le vif du sujet et de démarrer le show. Si ça avait été n’importe qui d’autre qu’Ambrose, aka un type pas forcément sérieux ou rigoureux, ça aurait pu poser problème, mais pas là. Il connaît les enjeux, sait qu’il n’a pas le droit à l’erreur non plus et finalement, vous êtes taillés dans le même bois, lui et toi. « Au moins quand ils seront repartis ils seront plus sur notre dos. » Et globalement sa famille à lui a l’air moins envahissante ou du moins, moins impatiente, ce qui n’est pas plus mal et arrange bien vos affaires à tous les deux. « Ca va le faire, c’est juste… C’est pas tellement comme ça que j’imaginais présenter mon premier copain à ma famille. » Leur vendre du faux, quoi. Sur le papier, ils n’ont de toute façon pas leur mot à dire et leurs avis, tu t’en fiches un peu, mais tout de même. Enfin ça, il fallait y réfléchir avant d’accepter cette proposition. « Bref, t’es prêt ? Parce qu’ils vont pas tarder à arriver. » Et à ce moment là, plus question de laisser exprimer le moindre regret.