Ava était nerveuse, ses mains venant lisser le tissu de la robe qu’elle avait mis un temps fou à choisir. Elle lui avait demandé une heure avant de le rejoindre, alors que seule son anxiété l’avait empêchée de sauter dans un taxi pour le rejoindre en quelques minutes seulement. Elle ne voulait pas paraître désespérée, pas devant Kendall qui l’avait déjà rencontrée à la période la plus sombre de sa vie. Pas devant Kendall qu’elle avait toujours voulu impressionner, une mission qu’elle avait parfaitement réussie jusqu’à ce qu’il disparaisse de sa vie. Il n’avait pas donné énormément de détails, et elle avait été compréhensive parce qu’elle connaissait les difficultés que pouvaient amener son métier. Alors elle avait répondu à son message sans se poser de questions. Kendall arrivait à point nommé, à un moment où Ava se sentait de plus en plus seule malgré la présence de Jina sur le futur gîte et ses retrouvailles avec Atlas. Il lui manquait quelque chose d’évident et devant l’enjeu qui se profilait, toutes les qualités qui faisaient d’elle ce qu’elle était semblaient avoir disparues. Envolées la confiance en elle et l’enthousiasme, Ava n’était plus qu’une boule de stress et le reflet que lui renvoyait le miroir devenait la source de tout un questionnement. Serait-elle comme il l’avait laissée ? Toujours à son goût, toujours aussi intéressante ? Un sourire s’était dessiné sur son visage en se remémorant la façon dont elle restait des heures à l’écouter, la façon dont il la complimentait parfois. Avec lui, Ava s’était toujours sentie bien, en sécurité.

La blonde s’était éloignée du miroir pour ne plus être tentée de changer de tenue ou de retoucher à son chignon haut au risque d’en refaire un moins réussi que le premier et d’être en retard. Elle ne l’était pas, elle regardait d’ailleurs l’heure sur son téléphone à intervalles réguliers jusqu’à ce que le moment de se mettre en route arrive. Elle ne voulait pas arriver trop tôt pour des raisons évidentes, mais ne souhaitait pas non plus arriver trop tard car elle avait déjà trop attendu - et au moment où elle avait sonné à la porte, elle avait pris conscience que si elle avait stagné, c’était probablement justement parce qu’elle l’attendait. Lui. « Hey. » Un sourire s’était immédiatement dessiné sur son visage, alors qu’elle l’avait salué avec une intonation de voix bien moins enthousiaste qu’elle ne l’était en réalité. Kendall l’avait toujours intimidée, et le sentiment s’était intensifié maintenant qu’il se trouvait là, appuyé sur l’encadrement de la porte avec un sourire en coin. Ils se revoyaient après une période bien trop longue pour qu’elle n’ait pas l’impression de rencontrer quelqu’un pour la première fois. C’était même pire que cela, Ava avait été habituée à enchaîner les rencontres et à manier l’art de désamorcer la tension que cela pouvait générer. Là, il s’agissait de Ken, et c’était quand le rose avait commencé à lui monter aux joues qu’elle avait réussi à prononcer un peu plus qu’une simple onomatopée. « Ça fait combien de temps, au juste ? Tu vas bien ? » Retrouvant un tant soit peu de la spontanéité qui la qualifiait, Ava s’était penchée vers lui pour lui accorder une légère étreinte, faisant de son mieux pour ignorer l’effluve de son parfum qui l’avait replongée dans bien des souvenirs. En se redressant, elle se tenait là, tenant son sac à main du bout des doigts, attendant qu’il prenne les choses en mains.

Ava avait bien besoin d’une distraction, mais elle ne s’était pas attendue à ce que celle-ci apparaisse sous les formes d’un homme aux cheveux bouclés qui avait quitté sa vie depuis un long moment. Elle l’avait laissé partir, peu importe combien cela avait été douloureux de voir ses messages s’espacer pour devenir totalement inexistant. Le temps avait passé, pourtant, le souvenir de lui n’avait jamais quitté son esprit et il était difficile pour elle d’appréhender ce qu’elle avait ressenti en voyant son prénom s'afficher sur son téléphone. Un numéro qu’elle n’avait jamais supprimé, malgré l’ensemble de ses derniers messages restés sans réponse. Ce soir, elle espérait obtenir quelques réponses, même si elle n’insisterait pas, le simple fait de revoir son sourire lui faisant oublier la tristesse de l’avoir perdu. "Salut toi" Le voir avait réveillé quelque chose en elle et le son de sa voix avait terminé de faire renaître en elle une étrange sensation. Son pantalon noir, son haut blanc, il était séduisant sans faire aucun effort et l’idée l’amusait, surtout en pensant au temps qu’elle avait mis à se préparer en venant ici. "Oh ça doit faire presque deux ans maintenant, ça remonte.” Kendall avait ouvert sa porte un peu plus grand et lui avait indiqué d’entrer, ce qu’elle avait fait avec une certaine appréhension. Ava n’était pas sûre que les choses se passent aussi bien qu’à l’époque, elle ne savait même pas vraiment à quoi il s’attendait en l’invitant ici. “Je vais bien merci. Je suis pas mal occupé avec le boulot, surtout là avec la tempête c’était de la folie au poste. Et toi ça va ? T’as pas été trop embêtée par la tempête ?” Ava l’écoutait parler tout en balayant l’appartement des yeux. « Deux trois tuiles envolées et une fenêtre brisée, rien de grave, surtout comparé à ce que certains ont dû subir. Toi par contre, t’as du passer un mauvais moment, ouais. » La jeune femme mourrait d’envie qu’il lui raconte ses journées, comme il savait si bien le faire avant. Ava restait empathique en toute circonstance, et elle était bien consciente que les quelques dégâts de son gîte n’étaient que des soucis matériels. Pourtant, cette fois-ci, la vérité était qu’elle commençait à s’inquiéter car le projet maintenant retardé de plusieurs mois devenait un véritable gouffre financier. Elle ne voulait pas parler de ses soucis à un Ken qu’elle venait seulement de retrouver. Ava n’avait pas perdu ses habitudes d’avant, le laisser respirer et être là pour qu’il décompresse d’un travail éprouvant où les mauvaises nouvelles s’enchaînaient. Elle ne pouvait pas se permettre d’en amener d’autres sur le tapis.  “C’est un peu différent de l’appart que tu connaissais, c’est moins lumineux mais on est pas trop mal.” Ce n’était pas comparable à l’endroit où elle vivait, pourtant, si elle souriait en découvrant l’endroit, elle n’était pas impressionnée. Ava avait été habituée aux appartements luxueux de ses anciens clients, où elle les avait parfois retrouvés pour qu’ils partent ensemble aux soirées où elle les accompagnait. “Je te fais visiter ? Ou tu préfères boire quelque chose ici ?” « C’est très sympa ici aussi, je trouve. Fais-moi visiter, je suis curieuse, on boira un verre après. » Ils auraient toute l’occasion de rattraper le temps perdu après la visite qui, finalement, n’avait pas duré très longtemps. En s’asseyant dans un des fauteuils du salon de Ken, timidement, Ava prenait conscience du temps qui avait passé. Lui n’avait pas changé, pourtant, elle était convaincue qu’il avait bien plus à raconter qu’elle. « Alors raconte moi un peu ce que t’as fait pendant deux ans. T’es rentré depuis longtemps ?  » avait-elle demandé, sentant la nervosité la gagner et son flot de paroles s’accélérer. « J’ai le droit de demander pourquoi tu m’as invitée ? » Aucune suspicion dans sa voix, une simple curiosité qu’elle avait laissé entrevoir avec un sourire et des yeux pétillants.

« Deux trois tuiles envolées et une fenêtre brisée, rien de grave, surtout comparé à ce que certains ont dû subir. Toi par contre, t’as dû passer un mauvais moment, ouais. » Ken hoche la tête, mauvais moment, c’est un euphémisme alors qu’il a dû travailler avec Charlie. S’il avait eu cette discussion avec quelqu’un d’autre, avec Arthur par exemple, Ken aurait sûrement répondu qu’il avait dû bosser avec Charlie et alors son interlocuteur aurait compris à quel point il avait passé un mauvais moment. Mais il ne considère pas vraiment Ava comme une amie, encore moins une confidente et il n’a pas envie de lui parler de son ex. Le bouclé ne parle pas énormément de lui alors parler de sa vie amoureuse passée et d’un sujet aussi sensible que Charlie c’est hors de question. « Bon ça va alors. » Répond-il simplement avant de lui parler de son nouvel appartement plutôt que de lui demander où en est son projet de gîte puisqu’il n’a plus en tête le projet d’Ava. Elle lui en a pourtant parlé mais il ne s’y est pas énormément intéressé, comme très souvent lorsqu’un sujet ne le concerne pas. « C’est très sympa ici aussi je trouve. Fais-moi visiter, je suis curieuse, on boira un verre après. » Après une visite rapide de l’appartement impeccablement rangé du policier, Ava s’installe dans un des fauteuils en cuir dans le salon et Ken s’assied dans le fauteuil qui lui fait face. « Alors raconte-moi un peu ce que t’as fait pendant deux ans. T’es rentré depuis longtemps ? J’ai le droit de demander pourquoi tu m’as invitée ? » Ken a un petit sourire amusé, elle est vraiment curieuse et elle ne perd pas de temps. Il n’a pas forcément envie de lui expliquer tous les tenants et les aboutissants de son départ pour Adélaïde et de son retour à Brisbane. Il ne lui dira donc pas qu’il est parti à l’autre bout du pays parce que son ex l’a plaqué ou encore qu’il est rentré parce que son père est mourant. Pour autant, il sait qu’après avoir fait le fantôme pendant deux ans il ne peut pas laisser ses questions sans réponse. Il décide donc de répondre quelque chose de vague, pas de mensonges mais sans trop de détails. « Pour répondre à ta première question… Histoire de la faire mariner un petit peu. « Je suis rentré il y a  trois semaines. J’ai pas fait grand-chose pendant deux ans…tu sais la routine du boulot. » Il joue discrètement avec la bague qu’il a à la main droite, le genre de truc qu’il fait quand une situation le met mal à l’aise. « Partir ça m’a permis de changer un peu, d’avoir de nouveaux collègues, de nouveaux cas. J’ai pas mal appris là-bas. » Une réponse digne d’un entretien d’embauche. « Et bon je sais pas si je t’avais dit mais ma famille vient d’Adélaïde, donc j’ai revu quelque cousins, j’ai voyagé un peu aussi. » Rien de trépidant en résumé. « Et si je t’ai invitée c’est parce que j’avais envie de te voir. » Tout simplement. « Avec la distance c’était un peu compliqué de te proposer quelque chose mais là vu que je suis de retour dans le coin je me disais que c’était l’occasion qu’on se voit. » Il lui répond droit dans les yeux, ce qui n’arrangera sûrement pas la nervosité d’Ava. Il n’y a pas besoin d’être un expert pour deviner qu’elle est toujours sous son charme, une idée qui lui plait bien. « Je pourrais te retourner la question tu sais. Pourquoi est-ce que t’as accepté de venir ? »

« Bon ça va alors. » Ken avait toujours été bref, ne s’attardant pas sur les détails et c’était finalement quelque chose qui plaisait plutôt à une Ava qui était loin d’avoir envie de gâcher ce moment en se lamentant sur son sort. Ou plutôt sur le sort de son gîte, dont elle avait minimisé les dégâts. Elle n’avait pas perdu son sourire malgré l’absence de relance de Ken, au contraire, elle l’avait suivi pour découvrir un appartement qu’elle espérait pouvoir voir souvent. S’installant sur un fauteuil, Ava avait senti une pointe de déception en le voyant s’asseoir en face d’elle mais n’avait rien laissé paraître. « Pour répondre à ta première question… » Ava était venue poser ses coudes sur ses genoux pour mieux l’écouter et, inconsciemment, pour se rapprocher de lui. « Je suis rentré il y a  trois semaines. J’ai pas fait grand-chose pendant deux ans…tu sais la routine du boulot. » Les yeux de la blonde fixaient le mécanisme nerveux de Ken avec la bague qu’il portait et un sourire se dessinait sur son visage sans qu’elle ne le contrôle. Il n’était rentré que depuis peu, trois semaines étant probablement seulement le temps nécessaire à retrouver ses marques, à se réinstaller dans une ville que l’on avait quitté durant tout ce temps. Alors Ava se sentait privilégiée de voir qu’il n’avait pas tardé avant de la recontacter. « Partir ça m’a permis de changer un peu, d’avoir de nouveaux collègues, de nouveaux cas. J’ai pas mal appris là-bas. » Ava acquiescait, même si elle n’était pas totalement sûre de comprendre cette sensation qu’il décrivait - elle-même n’ayant jamais quitté Brisbane. « Et bon je sais pas si je t’avais dit mais ma famille vient d’Adélaïde, donc j’ai revu quelques cousins, j’ai voyagé un peu aussi. » Il lui avait dit. Au détour d’un dîner, un soir où il lui avait raconté quelques détails de sa vie privée qui avait laissé penser Ava que quelque chose s’installait entre eux, un espèce de climat de confiance qui lui faisait devenir un peu plus que juste une femme de passage. « J’espère que ça t’a fait du bien et que ça t'a donné envie de rester à Brisbane, maintenant. » Elle avait pour habitude de toujours parler sans réfléchir, et quand le regard de Kendall avait croisé le sien, Ava avait baissé la tête. « Enfin, c’est super tout ce que tu as vécu. Mais je suis contente de te retrouver.  » Ava et lui se connaissaient depuis assez longtemps pour qu’elle s’autorise à être sincère, et c’était après ce point là que Ken avait décidé de répondre à la question qui l'intéressait le plus, finalement. « Et si je t’ai invitée c’est parce que j’avais envie de te voir. » Cette fois-ci, Ava avait incliné la tête sur le côté pour lui accorder un sourire un peu plus évident. « Avec la distance c’était un peu compliqué de te proposer quelque chose mais là vu que je suis de retour dans le coin je me disais que c’était l’occasion qu’on se voit. » La jeune femme était restée silencieuse, cherchant à ne pas montrer trop de cette nervosité qui avait pris possession d’elle et ne cessait de prendre de l’ampleur. « Je pourrais te retourner la question tu sais. Pourquoi est-ce que t’as accepté de venir ? » Ava s’était frottée les cuisses avant d’avoir un rire nerveux. « Parce que tu me l’as demandé ? » avait-elle commencé pour se laisser le temps de retrouver cette spontanéité qui était normalement la sienne. « Je crois que j’aimais bien ce qu’on avait. » Elle avait haussé les épaules pour tenter de se montrer sûre d’elle quand la timidité de son sourire suffisait à prouver combien elle avait perdu ses moyens. « Je suis vraiment contente que tu aies pensé à moi. J’imagine que t’as encore pas mal de choses à régler… » avait-elle poursuivi, continuant à soutenir un regard qui ne la laissait pas insensible, même après deux années. « On se le boit, ce verre ? » Quelque chose de fort et qui lui permettrait de retrouver un tant soit peu de naturel.

« J’espère que ça t’a fait du bien et que ça t'a donné envie de rester à Brisbane, maintenant. » Absolument pas. Si Kendall est revenu à Brisbane c’est bien parce que son père est malade et que le temps qu’il lui reste se compte en semaines, en mois avec un peu de chance. Si son père n’était pas dans cette situation il ne serait peut-être jamais revenu. Charlie lui a fait détester Brisbane, rendant son atmosphère parfaitement étouffante. Plus loin il est de Brisbane -et de Charlie- et mieux il se porte. Cependant Ava n’est pas au courant de tout ça, de la situation amoureuse plus que chaotique de Ken qu’elle doit prendre pour un éternel célibataire. Ava ne sait pas qu’il est parti après que Charlie l’ait largué comme une vieille chaussette et elle ne le saura probablement jamais. Sa relation avec Charlie est quelque chose dont il ne veut pas parler en général, c’est presque un tabou et seules quelques personnes de confiance sont au courant de cette histoire. Pour résumer, Ava n’est volontairement au courant de rien, c’est donc avec un petit sourire timide que Kendall lui répond. “Je ne vais pas rebouger tout de suite ça c'est clair.” Un moyen détourné de répondre à la question de la blonde, n’ayant pas envie de lui expliquer pourquoi il déteste chaque instant passé dans cette ville de malheur. Ce n’est même pas un mensonge, c’est factuel mais il restera ici pendant un bout de temps. Combien difficile à dire, quand l’occasion se présentera il remettra sûrement les voiles mais pour l’instant il est coincé ici et il devra s’y habituer. « Enfin, c’est super tout ce que tu as vécu. Mais je suis contente de te retrouver.” Le bouclé ne sait pas exactement quoi répondre à Ava ou comment se comporter. La situation est délicate, il n’a pas envie de lui donner de faux espoirs. Il a déjà été très clair avec elle par le passé sur le fait qu’il ne souhaitait pas d'engagement particulier et qu’il n’y avait rien de sentimental dans leur relation. “ça me fait plaisir aussi qu'on se voit.” Une réponse qui lui paraît appropriée pour répondre de manière honnête sans lui donner de signaux contradictoires. C’est un fait même s’il n’a pas de sentiments pour elle il est quand même content de la revoir. « Parce que tu me l’as demandé ? » Un sourire amusé étire les lèvres de Ken. « Je crois que j’aimais bien ce qu’on avait. » Il hoche la tête et sentant qu’elle a envie de rajouter quelque chose, il la laisse poursuivre sans l’interrompre. « Je suis vraiment contente que tu aies pensé à moi. J’imagine que t’as encore pas mal de choses à régler… » Face à l’insistance d’Ava ce serait mentir de dire que Ken n’a pas ressenti la moindre once de culpabilité. Elle n’a visiblement pas arrêté de penser à lui alors que de son côté il n’a pas pensé à elle jusqu’au moment où il a pris conscience de la solitude qu’il doit endurer en revenant sur Brisbane. Le bouclé triture encore discrètement sa bague, ne sachant pas trop s’il doit faire une mise au point avec Ava sur la nature de leurs relations ou s’il doit simplement laisser la soirée avancer et voir comment se passe la suite. “Oui j'ai pas mal de choses à régler encore c'est toujours quelque chose les déménagements.” Il n’a pas le temps de lancer la discussion déplaisante sur le fait qu’il ne veut rien de sérieux puisque la blonde le tire de ses pensées. « On se le boit, ce verre ? » Il hoche la tête et se lève en direction de la cuisine. “je te sers un cosmo’?” C’est un détail qu’il a retenu de leurs nombreuses soirées, c’est son cocktail préféré. Après quelques minutes de préparation dudit cocktail, il revient et pose le verre devant elle, tenant à la main un verre de whisky pour lui. “Et toi alors ? Qu'est-ce que t'as fait depuis la dernière fois?” Il lui demande finalement, préférant l’option de laisser la soirée se dérouler comme si de rien n’était, comme s’il n’avait pas remarqué qu’Ava était dingue de lui.

Partout où elle posait les yeux, Ava pouvait constater la réussite qu’était la vie de Kendall. L’appartement aurait pu sembler banal pour certains, mais aux yeux de la propriétaire d’un gîte dont les travaux semblaient interminables, semblant s’accumuler plutôt que d’avancer, il était un cocon réconfortant. Elle s’y était sentie bien à la seconde où elle y était entrée et cela était probablement lié à cette odeur qui flottait dans chaque recoin, le parfum de Kendall qui avait toujours eu un pouvoir envoûtant sur elle. Le sentir à nouveau, se retrouver à ses côtés après deux années avait quelque chose d’extrêmement intimidant et malgré son excitation d’être ici, Ava ne réussissait pas encore à être totalement naturelle. “Je ne vais pas rebouger tout de suite ça c'est clair.” Son sourire avait été automatique, l’idée de le voir partir seulement quelques instants après l’avoir retrouvé lui paraissait insurmontable sans qu’elle ne sache pourquoi. Kendall n’avait jamais été qu’un homme qu’elle fréquentait, il avait toujours été clair quant à ses attentes et pourtant, Ava ne cessait de garder cet infime espoir au fond d’elle. Malgré tout, il avait atteint une place importante chez elle et son retour dans sa vie à un moment où elle se sentait dans une impasse avait pour effet de la faire souffler après avoir eu le sentiment de retenir sa respiration depuis trop longtemps. “ça me fait plaisir aussi qu'on se voit.” Son estomac s’était noué, et son regard s’était planté dans celui de Kendall, comme dans l’attente qu’il réussisse à dire quelque chose de plus.

A la place, il avait demandé pourquoi elle avait accepté de venir alors que pour elle, la réponse était évidente. “Oui j'ai pas mal de choses à régler encore c'est toujours quelque chose les déménagements.” « Si tu as besoin d’aide, hésite pas, Ken. » avait-elle lancé sans attendre, sautant sur l’occasion de passer toujours plus de temps avec lui. Ava n’avait ni le temps ni l’énergie pour aider à quoique ce soit, mais le blond avait un effet sur elle qui l’empêchait de réfléchir et d’utiliser un tantinet de raison. Cet effet qu’il avait sur elle, justement, commençait à lui peser assez pour qu’elle saisisse l’occasion d’obtenir de quoi se détendre un peu. “je te sers un cosmo’?” Ava avait penché la tête sur le côté, un grand sourire sur le visage et les pupilles éclatantes. « Ken! Tu te souviens que c’est mon préféré ? » Son enthousiasme pour un détail aussi insignifiant lui ressemblait totalement mais il était aussi un énième indice sur la tendresse qu’elle éprouvait à l’égard du policier.  “Et toi alors ? Qu'est-ce que t'as fait depuis la dernière fois?” Attrapant le verre qu’il lui avait servi pour en boire une gorgée rapidement, comme si sa vie en dépendait, Ava avait réfléchi à la meilleure réponse. Celle qui ne lui donnerait pas l’air d’être complètement paumée. « Tu te souviens cette vieille maison que j’ai achetée avec mon héritage… Depuis, c’est en travaux avec l’objectif d’ouvrir un gîte. » Elle n’énoncerait pas à quel point il avait été difficile de trouver le courage de continuer en le perdant quelques temps après seulement. « Je sais que tu me le conseillais pas mais les contrats d’insertion ça fonctionne plutôt bien. Mais j’ai mal évalué le temps qu’il faudrait pour les travaux alors avec ça et la tempête, je sais pas quand je pourrais ouvrir. » Elle avait haussé les épaules avant de reprendre une gorgée de son cocktail. Kendall n’avait pas besoin de connaître les détails, comme celui d’un héritage qui touchait à sa fin et ses craintes quant à un investissement qui ne rapporterait peut être pas assez, assez vite. « Et tu vas me dire qu’après deux années tu es encore célibataire ? » Son verre en main, ses yeux s’étaient levés vers lui et son sourcil s’était arqué. En un verre, elle était déjà plus détendue, assez pour tenter d’entamer un jeu de séduction. Il était parti deux années, et elle ne savait plus s’ils seraient toujours sur la même longueur d’onde à ce niveau.

« Si tu as besoin d’aide, hésite pas, Ken. » Il lui offre un petit sourire crispé en retour. Si seulement il s'agissait de simples cartons à déballer ou de démarches de changement d’adresse, tout serait d’une grande simplicité. Ava ne peut pas le savoir -et elle ne le saura pas-, mais elle n’a aucun moyen d’aider Kendall, à moins que celle-ci soit magicienne et qu’elle fasse disparaître le cancer de son père. “Merci, je te dirais si jamais.” Une réponse parfaitement bateau qui a encore une fois le but de noyer le poisson. Heureusement, le sujet de la conversation dévie quand la blonde lui demande de boire un verre. Le bouclé plonge dans ses souvenirs et parvient à se souvenir du cocktail préféré d’Ava, ce qui illumine instantanément son visage. « Ken! Tu te souviens que c’est mon préféré ? » Le policier n’est pas la meilleure oreille et sa mémoire -sélective- fait qu’il ne se souvient en général pas de détails. Il ne se souvient donc pas de toutes les histoires qu’Ava lui a raconté mais il lui a assez servi de cocktails dans le passé pour se souvenir qu’elle adore les cosmopolitains. “Bien sûr.” Il a un petit sourire et alors qu’il revient avec les verres il s’installe et questionne à son tour Ava sur ce qu’elle est devenue depuis toutes ces années. « Tu te souviens cette vieille maison que j’ai achetée avec mon héritage… Depuis, c’est en travaux avec l’objectif d’ouvrir un gîte. » Il s’en souvient assez vaguement et il lui faut quelques secondes pour se rappeler de ce projet un peu fou dans lequel la blonde s’est lancée. “Ah mais si je me souviens maintenant que tu le dis” Un projet très ambitieux : beaucoup d’argent investi, énormément de travaux et une rentabilité assez incertaine du point de vue de Ken, mais ce ne sont pas ses affaires, qui sait, ça pourrait marcher. « Je sais que tu me le conseillais pas mais les contrats d’insertion ça fonctionne plutôt bien. Mais j’ai mal évalué le temps qu’il faudrait pour les travaux alors avec ça et la tempête, je sais pas quand je pourrais ouvrir. » Le bouclé lui a effectivement déconseillé ce genre de contrats dont il n’a eu presque que de mauvais échos, il est donc assez surpris qu’Ava en soit convaincue. Si elle avait effectivement du retard, alors la tempête va venir mettre le bazar dans ses plans. Kendall n’avait aucune idée de l’état des finances d’Ava mais la situation doit être assez complexe, surtout si elle s’avère être durable. “Il va falloir que ça se calme un peu c’est sûr. Les artisans vont être pas mal sollicités pour réparer des toits et des trucs du genre. Il manque encore beaucoup de travaux ?” Autrement dit : ça s’annonce compliqué. Il ne veut pas l’alarmer inutilement ou l’angoisser davantage mais il préfère lui donner son avis honnête. Tous les deux sirotent progressivement leurs cocktails quand Ava pose une question très particulière. « Et tu vas me dire qu’après deux années tu es encore célibataire ? » Il a un petit rire nerveux et la réponse est instantanée. “Ah oui oui toujours.” Il a trop souffert de la dernière rupture avec Charlie pour vouloir se lancer dans une nouvelle relation. Et puis il n’en a pas envie. La période qu’il traverse est difficile, l’état de santé de son père le préoccupe beaucoup et il n’a pas envie d’avoir de nouveaux problèmes à gérer. Oui, pour le bouclé, être en couple est synonyme de problèmes, de cris, de larmes et de prises de tête dont il se passerait volontiers. “Et bon j’ai pas forcément envie que ça change, je suis bien comme ça.” C’est aussi une manière de remettre les points sur les i avec Ava sur le fait qu’elle ne doit pas s’attendre à ce qu’il se passe quoique ce soit de sentimental entre eux. Un rappel plus que nécessaire vu l’attitude de la blonde, visiblement encore sous le charme de Kendall. “Et toi, t’as rencontré personne ?”

Peu importe l’interlocuteur, Ava faisait toujours de son mieux pour se sentir utile et elle avait forcément proposé son aide à Kendall. “Merci, je te dirais si jamais.” Et cela sonnait comme une promesse qu’il la rappelerait, au moins durant la période où il resterait à Brisbane. Il avait dit qu’il n’était pas prêt à partir et pourtant, Ava savait combien il pouvait être imprévisible comme cette façon qu’il avait de passer un moment parfait avec elle pour devenir plus froid le lendemain. La blonde avait appris à s’adapter à son caractère et elle semblait avoir trouvé comment marquer assez de points pour qu’il se décide à la rappeler et qu’il lui démontre que, lui aussi, se souvenait parfaitement de ce qu’ils avaient construit. Quelque chose de simple et de divertissant, qu’Ava ne pouvait s’empêcher de souhaiter voir évoluer un jour.  “Bien sûr.” Son sourire s’était fait un peu plus grand lorsqu’il avait sous-entendu qu’il était évident qu’il se rappelait ses préférences. Et juste comme cela, Kendall la faisait chavirer un peu plus, s’autorisant à croire à son attachement. “Ah mais si je me souviens maintenant que tu le dis” avait-il répondu lorsqu’elle avait évoqué son projet. Une entreprise ambitieuse avec un nombre de déconvenus qui la laissait penser que le sort s’acharnait sans pour autant perdre de vue son objectif final. “Il va falloir que ça se calme un peu c’est sûr. Les artisans vont être pas mal sollicités pour réparer des toits et des trucs du genre. Il manque encore beaucoup de travaux ?” Il était vrai que les artisans qui travaillaient sur le chantier avaient dû la délaisser pour s’occuper des urgences, et Ava les en remerciait. Son entreprise était une chose, la détresse des gens en était une autre bien plus importante. « Je dis toujours que ça touche à sa fin mais je n’ouvre jamais, alors … Je vais simplement dire que je n’y connais absolument rien en travaux. Les artisans sont en pause, mais j’ai encore les employés. » Des employés, c’était ce qu’Eli et les autres étaient à ses yeux, malgré la récurrence des remarques qu’elle recevait à propos des contrats d’insertion.

Mais parler du travail, du quotidien et de ses tracas n’était pas réellement ce pour quoi elle était venue. Ava avait besoin de se détendre, d’oublier, et c’était précisément le sentiment que Kendall lui offrait cette opportunité qui l’avait menée jusqu’ici. Ca, et son incroyable attirance pour le policier. Alors elle l’avait questionné sur des points un peu plus réjouissant, sirotant son cocktail dont l’alcool la détendait presque aussitôt. “Ah oui oui toujours.” Bonne réponse. “Et bon j’ai pas forcément envie que ça change, je suis bien comme ça.” Ava avait levé le menton, comprenant avec bien des difficultés cet acharnement de certains hommes à vouloir entamer une vie de famille. “Et toi, t’as rencontré personne ?” « Non, personne, et de mon côté c’est pas l’envie qui manque mais le temps, je pense. » Elle avait haussé les épaules, si son célibat était un poids qui lui pesait certains jours plus que d’autre, elle n’était pas du genre à se morfondre. Bien au contraire, habituée à voir les choses du bon côté, Ava voyait cela comme une opportunité de s’amuser. Et comme si le hasard faisait parfaitement les choses, être célibataire alors que Kendall revenait dans sa vie lui avait permis de le rejoindre ce soir. « Tu sais, je serais pas venue si ça avait été le cas. » avait-elle commencé en le dévisageant, prenant ce même air qu’elle avait parfois utilisé par le passé pour obtenir une signature tant désirée par son client. La différence ce soir était qu’elle n’hésiterait pas à aller jusqu’au bout de cette attitude, et elle espérait que Kendall lirait toutes ses intentions derrière son regard. « Et je pense pas que tu m’aurais appelée si t’avais eu quelqu’un. Je me trompe ? » Parce qu’ils étaient deux adultes consentants et ils avaient évoqué ce qu’ils avaient avant le départ de Ken, un bon dans le passé qui n’était probablement pas innocent. « Enfin, vu l’accueil juste cordial que tu m’as réservé, je me fais peut-être des idées. » Ava avait souri, terminant son cosmopolitain en reposant lentement le verre sur la table. Bien sûr qu’elle mourrait d’envie de se blottir dans ses bras et de prendre le temps de passer du temps avec lui avant de le retrouver, totalement, mais avec cet homme là, elle ne ferait jamais le premier pas.

« Je dis toujours que ça touche à sa fin mais je n’ouvre jamais, alors … Je vais simplement dire que je n’y connais absolument rien en travaux. Les artisans sont en pause, mais j’ai encore les employés. » Le policier hoche la tête en écoutant la blonde parler. S’il devait donner réellement son avis il lui dirait sûrement que son projet est un gouffre financier et qu’elle devrait vendre le bâtiment pour mettre son argent ailleurs avant que la valeur de l’immobilier ne se casse trop la gueule. Mais il n’est pas conseiller en immobilier comme peut l’être son père, il ne le sera sûrement jamais et ce ne sont pas ses affaires. Ava est grande, elle prend ses décisions seule et elle a sûrement besoin d’aller au bout de son projet pour ne pas abandonner en cours de route, ce que Kendall peut comprendre aussi. Elle change de conversation rapidement, préférant poser des questions intéressées sur la situation amoureuse de Ken. Après lui avoir répondu que le célibat lui convient parfaitement, il lui retourne la question. « Non, personne, et de mon côté c’est pas l’envie qui manque mais le temps, je pense. » Le bouclé l’écoute parler tout en buvant quelques gorgées de son verre de whisky. « Tu sais, je serais pas venue si ça avait été le cas. » Le staut d’Ava lui importe peu en réalité. La vérité c’est que même si elle avait annoncé là dans son salon qu’elle était en couple ça ne l’aurait pas dérangé. Il partait toujours du principe que si elle est là c’est qu’elle a envie d’être là, alors si elle est venue dans l’idée de tromper son partenaire ça la regarde mais ce n’est pas son problème. « Et je pense pas que tu m’aurais appelée si t’avais eu quelqu’un. Je me trompe ? » Il hoche la tête. S’il n’est pas dérangé par l’idée de coucher avec une fille en couple il n’aurait pas voulu tromper sa partenaire. “Tout à fait.” S’il doit faire un parallèle avec la seule fille avec qui il a été réellement couple alors non il n’aurait jamais appelé Ava s’il avait été en couple avec Charlie. « Enfin, vu l’accueil juste cordial que tu m’as réservé, je me fais peut-être des idées. » La blonde sourit et un sourire étire également les lèvres du bouclé qui termine également son verre. L’ambiance vient de changer radicalement, mettant les banalités et les discussions sans intérêt au placard. Elle est impatiente et c’est précisément la réaction que le policier attendait en l’invitant. “Je voulais prendre de tes nouvelles quand même.” Il repose son verre sur la table avec un sourire malicieux avant de se lever du fauteuil pour s’installer sur le canapé, invitant Ava d’un regard à venir s’asseoir près de lui. Alors qu’elle marche dans son salon, Kendall ne peut pas s’empêcher de la regarder sous toutes ses coutures. “Je ne me souvenais pas de cette robe. Mais elle te va très bien, tu es très belle comme ça.” Il caresse sa joue avec douceur avant de s’approcher de son oreille pour lui chuchoter. “Mais j’ai quand même très envie de te la retirer.” Il embrasse furtivement son cou avant de se redresser et de la regarder dans les yeux, la laissant maitre de décider de la suite des événements.