A considérer que chaque souvenir d’un moment partagé avec ma fille est en effet un trésor, alors l’artist ara ions : ces notes, qu’elles compulsent, la mèneront vers des richesses à mon sens inestimable et que je lui confierai au même titre que les bandes dessinées de Sofia, exception faite que ces instants bénis n’auront rien de tangibles. Ce qui l’est, c’est la proposition de Sarah et les cookies préparés avec cœur. Moi, je ne suis pas pressé de me confronter. Pourtant, je transmets, par correction, espérant sincèrement que Lola décline. Evidemment, c’est égoïste. Aussi-me suis-je promis de ne rien laissé paraître en déception ou en joie par rapport à son choix et je m’y suis tenu. Je suis même parvenu à réprimer un soupir de soulagement en pianotant en mots simples et par texto le refus poli de mon aventurière. Aventurière. Elle l’est, la jolie poupée aux yeux ébahis quoique légèrement éteint. Serait-ce cavalier d’envisager de ce qu’elle est remuée elle-aussi ? Bien que je me soumette entièrement à ses desideratas, ce n’est pas un hasard si je me dirige vers le restaurant préféré de mon bébé. Manger nous fera du bien : j’ai cru comprendre qu’elle aimait ça, Lola. Ça nous requinquera, sans doute, même si je sais par avance que je serai assailli, en ces lieux, par le spectre du rire de Sofia et accablé par son absence également. Je ne peux néanmoins plus reculer. Je savais parfaitement à quoi m’en tenir en acceptant l’idée de cette expédition, mais qu’en est-il de Lola qui, attablée, est anormalement silencieuse ? Est-elle dépassée par le flot de ses sentiments ? Dépassée par son deuil ? Evidemment, elle détaille l’endroit et enregistre les moindres détails. C’est comme un réflexe pour la jeune fille. Sauf qu’elle ne dessine pas, elle ne commente pas non plus et ça ne lui ressemble pas. « Comment tu te sens ? » ai-je avancé avec précaution pour ne pas glisser et me ramasser au pied de la pente savonneuse des émotions. « Tu sais que si tu ne le sens plus, tu n’es obligée de rien. Je sais que c’est difficile. » Je le sais mieux qui quiconque : j’ai fui quand d’autres sont restés malgré le parfum de Nostalgie que m’inspire ma ville natale. « Être venu jusqu’ici, c’est déjà énorme et j’en ai bien conscience. » Moi-même, lorsque je prends la route et que je croise Kilcoy écrit en lettres capitales sur un panneau d’indication, je suis floué par l’appréhension et perclus d’angoisse, car elle est partout dans ces rues, Sofia. Elle est partout, mais invisible pour mes yeux. « Si tu le souhaites, on peut faire demi-tour. Prends-le temps de réfléchir en mangeant tes pancakes. » Nous n’opérerons pas de machine arrière sans avoir avaler un morceau. Alors, j’ai commandé, la même chose qu’elle et probablement pour des raisons identiques : la mémoire.
JJe n’ai pas interprété le sourire de Lola, après ma tirade, comme une allusion que l’on adressait à ceux qui investissent le rôle des psys de comptoir. Ce n’est pas ce que j’ai fait. Je lui ai plutôt confié mon propre ressenti par rapport à elle, à mon deuil et à l’admiration pour son courage. En revanche, je me suis fait la réflexion que j’étais étonnamment bavard. Du reste, je me suis donc tu tout au long du trajet en train et en car. Elle s’y est endormie, Lola, et moi, alors que j’aurais pu piocher de la lecture parmi les trois bouquins abandonnés sur la tablette – ils faisaient figure d’invitation – j’ai dressé la liste des endroits de préférés de Sofia à Kilcoy. Ils sont pléthore. Elle y a passé la majeure partie de son existence et elle a aimé autant ses voisins que cette ville qui l’aura vue grandir. Dois-je dès lors préciser ma surprise quand elle a émis le souhait de la quitter. Je n’aurais jamais dû le lui permettre, ai-je songé en compulsant ma mémoire et en triant en trois catégories mes souvenirs. Je les ai notés en trois colonnes dans le calepin confié plus tôt par ma compagne de voyage. Je les ai également reliés à certaines anecdotes rapportées dans sa BD et je me rappelle avoir été heurté par ce qu'une journée, c'est court, beaucoup trop pour tout faire et tout voir. Était-ce cependant à moi de choisir ? N’était-ce pas le pèlerinage commémoratif de son amie plus que le mien ? J’ai accueilli son retour à la réalité avec un sourire satisfait, fier de mon travail accompli. Je lui accordais ma touche finale lorsque le chauffeur nous alerta que nous étions arrivés à notre point de chute : « ça t’a fait du bien ? » ai-je aussitôt demandé à l’artiste, sans reproche aucun, considérant au contraire qu’elle avait bien fait de recharger ses batteries. Les moments à venir s’annoncent rudes en émotions pour elle et pour moi également. « J’ai mis à profit mon temps. Tiens. » Je lui ai tendu le fruit de mon ouvrage juste avant que nous quittions nos sièges. La première salve était passée : notre tour était venu. Sur le “quai“, je crois que j’aurais aimé paraître aussi serein que Lola. Sauf que je suis plus inquiet que je ne l’aurais voulu à l’idée de partager ces drôles d’instant avec ma femme ou mon ex-femme. Je n’arrive plus à la définir. « J’ai eu Sarah par message. Elle demande si tu veux qu’elle nous rejoigne en ville avant de passer chez elle. » Bizarrement, les mots ne m’ont pas écorché les lèvres et j’ai soupiré en allumant une cigarette. À défaut de respirer à pleins poumons, je les encrasse de nicotine et de goudron. « Elle t’a fait des cookies. Elle espère que tu aimes ça et précise que tu n’es obligée à rien. » Elle peut tout aussi bien partager cette découverte avec le père pour seul guide. « Sarah ne se vexe jamais de rien. » La foi fait des miracles sur elle. « Alors, jeune fille, tu sais par où tu veux commencer maintenant ? » me suis-je enquis en prenant la direction de la sortie. « Il y a un petit restaurant où elle adorait aller manger, tu sais, celui où ils vont les pancakes aux myrtilles. » Référence à une anecdote racontée par ma fille.
∆ Blake Santarelli. ∆ Lincoln Mulligan. ∆ Calen Smith ∆ Matthias Calloway
évolution du personnage
MOIS ANNÉE ∆
un p'tit récapitulatif de ce qu'il s'est passé dans la vie de ton personnage, pour que tout le monde soit au courant de son évolution. un p'tit récapitulatif de ce qu'il s'est passé dans la vie de ton personnage, pour que tout le monde soit au courant de son évolution.
MOIS ANNÉE ∆
un p'tit récapitulatif de ce qu'il s'est passé dans la vie de ton personnage, pour que tout le monde soit au courant de son évolution. un p'tit récapitulatif de ce qu'il s'est passé dans la vie de ton personnage, pour que tout le monde soit au courant de son évolution.
Son imagination est débordante, distrayante. Lola, elle arriverait à me faire oublier que je vais devoir affronter Sarah et revenir de moi-même sur cette histoire de divorce si nous trouvions l’occasion de nous entretenir en tête à en tête. Ce n’était pas exclu. Lola prévoyait de croquer sur papier une tranche de vie de Sofia. Peut-être souhaiterait-elle s’isoler dans sa chambre d’adolescente. Je ne m’y opposerais pas. Elle est devenue un sanctuaire dans lequel nul ne mettait plus jamais les pieds sauf pour s’y recueillir. Mais son affection pour mon enfant la désignait bienvenue. « Oui. Dans l’ensemble. C’est une façon de t’apprivoiser ce qui t’entoure en quelque sorte… Un peu comme les photographes, mais toi, tu dessines, tu ne prends pas un cliché. » Comment finissait-elle ses toiles dans ce cas ? S’imprégnait-elle des images jusqu’à être certaine de ne jamais plus les oublier ? Envisageait-elle de revenir ? Je l’y accompagnerais volontiers. C’est une bouffée d’air frais, Lola. Elle souffle sur ma vie le vent de l’enthousiasme. Raelyn n’aurait-elle pas pris autant d’importance dans mon quotidien que j’en aurais oublié notre anicroche. L’inquiétude est tenace cependant. Je suis soucieux, mais je n’en montre rien. Au contraire, je prends soin de remercier ma partenaire de voyage pour sa délicate intention. « Ceci dit, on a le temps de s’arrêter pour prendre un café à emporter. Ça te tente ? » Je ne saurais faire sans. La gare grouille de kiosque offrant des boissons chaudes. Nous en croiserons forcément un sur le trajet menant au quai, trajet au cours duquel la curiosité de Lola, qui m’étonnait à peine, prit le pas sur les politesses dispensables. « Dans l’ensemble, je dirais que oui. C’est plus compliqué avec ma mère. Je ne réponds pas entièrement à ses critères. Je crois qu’elle a l’impression d’avoir raté un truc avec moi. » Sa manie de me comparer à Chad était insultante malgré tout l’amour nourri pour mon frangin. S’interrogeait-elle sur ce qu’elle trouverait à Kilcoy ? Avait-elle peur d’être prise en tenaille au milieu de vieilles querelles ? Ce pèlerinage était bien assez angoissant pour elle. Ma question était de toute évidence rhétorique. «Si ça peut te rassurer, Sarah se fait une joie de te rencontrer et c’est une femme forte. » Comme il en existait peu. D’après elle, sa foi la sauvait du chagrin. Moi, je ne l’enviais pas d’avoir trouvé la paix auprès d’une Haute Instance à laquelle je ne croyais pas. Je me traduirais davantage comme content qu'elle ait réussi à traverser cette épreuve.
Sur le quai, j’ai comblé mon impatience en grillant une cigarette. J’ai fait rouler entre mes doigts mon briquet à plusieurs reprises également. Je ne suis pas nerveux de partager mes souvenirs avec ce brin de femme tantôt si insouciant tantôt si grave devant sa vie sentimentale. J’étais surtout curieux et mal à l’aise de la sonder à propos de celle dont elle semblait déjà amoureuse. Je ne suis pas un docteur dans la science du noble sentiment. Que du contraire, je peine à ordonner les miens. La preuve, elle m’interloque, mon acolyte. « Conversation ? Quelle conversation ? » l’ai-je questionnée. « Il y a des conversations précises qu’il faut absolument avoir avec les gens qui nous plaisent ? » Cela peut paraître naïf ou particulièrement bête comme remarque. Je suis pourtant on ne peut plus sérieux. Ma relation avec Sarah n’avait pas eu le temps de donner lieu à une quelconque mise au point à l’époque. Elle s’est rapidement retrouvée enceinte et j’ai pris mes responsabilités. « Enfin, tu vas me dire, tu en sais peut-être rien. C’est peut-être juste comme ça que tu le sens, mais… » Aucun jugement de valeur. Une véritable volonté de bien comprendre alors que je suis à nouveau assommé par une réalité nous concernant Raelyn et moi : on a construit notre couple – ou ce qui y ressemble – à l’envers. « Les travaux sont terminés. Il est comme neuf. Je m’y suis installé et c’est probablement l’endroit le plus tranquille de la terre. Je ne m’y sens pas prisonnier. » lui ai-je néanmoins répondu alors que je brûle de me confronter à son point de vue sur les phénomènes liés au cœur. « Tu sais que tu y es la bienvenue quand tu veux. Il me semble t’avoir déjà invité, non ? Si c’est le cas, c’était sincère. Dans le cas contraire, le mal est réparé. » ai-je ponctué d’un clin d’œil tandis que le train entre en gare. Moi, dans un train, c’était à marquer d’une croix rouge au calendrier.
Je ne joue pas avec mon téléphone parce que ma partenaire de cette virée jusque Kilcoy serait en retard : je suis à l’avance. Non, je le détaille parce que j’hésite entre envoyer un message à Raelyn ou continuer d’attendre qu’elle s’y colle malgré notre dispute. Je penche d'un côté à l'autre, alors qu’en mon for intérieur, je sais pertinemment qu’elle ne le fera pas. Nos efforts n’ont pas suffi à endiguer la colère. Nous n’avons pas réussi à nous comprendre. Ce n’est pas grave. Ça arrive. Mais, ça me travaille. Je dirais même que ça m’inquiète au point que je sois hermétique au bruit ambiant. Autant préciser que, Lola, je ne l’ai pas entendu approcher et j’ai sursauté comme un bleu, attendri par son attention de canaille. « Bien joué, jeune fille. Bien joué. » ai-je applaudi, admiratif. C’est compliqué de tromper un militaire, à moins qu’il ne soit pensif et tracassé et je l’étais. J’étais inquiet de mon avenir avec Raelyn. « Alors ? Prête pour l’aventure ? » me suis-je enquis avant de prendre de ses nouvelles en la détaillant de haut en bas. « Tourne-toi un peu ? Que je vise la taille de ton sac ? Tu sais qu’il y a moins de deux heures de train, pas vrai ? » Je la taquine, gentiment, heureux de penser à autre chose qu’à ma maîtresse. Elle avait ce pouvoir-là, Lola, celui d’alléger le poids de mes maux, de faire pleuvoir sur ma vie des éclats de rire semblables à ceux que j’ai partagés avec Sofia. « Les carnets, c’est pour dessiner, je suppose ? Tu me montreras ? En avant-première, je veux dire. » Découvrir son travail avant l’exposition à la galerie. Je lui en toucherai un mot bien sûr. Un peu plus tard cependant. Je le ferai lorsque nous serons confortablement installés dans l’un des wagons. Là, au milieu du hall de la gare, j’aurais trouvé la démarche trop impersonnelle compte tenu de l’importance que revêt l’événement à ses yeux. Il comptait pour moi aussi, et pas seulement parce qu’elle m’y avait invité, mais parce que j’avais l’impression que ce vernissage aurait pu être celui de ma gamine si elle avait persisté sa course sur les chemins de l’art. « Et moi, dans tout ça, je n’ai rien pris. » À part mes cigarettes, mes emmerdes et mes souvenirs. Est-ce que c’est difficile de rentrer dans cet ancien chez-moi ? La question de Lola est, comme toujours, d’une pertinence épatante. Je n’ai cependant aucun besoin d’y réfléchir avant de lui confier mon ressenti. « J’y vais encore souvent en fait. Mes parents y vivent toujours et tout n’est pas réglé avec Sarah. » J’espérais repartir avec les papiers du divorce signé d’ailleurs, mais j’ai gardé cette information pour moi. J’aimais autant la tenir à l’écart de ce qui ne concernait pas ce pèlerinage. « Et toi ? Tu n’es pas trop inquiète de ce que tu vas trouver là-bas ? » Au vu de son imagination, elle avait sans doute tiré des plans sur la comète. « J’ai failli te proposer de refeuilleter la BD, que je t’éclaircisse sur certaines zones d’ombre. Et puis, tu vas rencontrer le vieux Captain aussi. » ai-je remarqué tandis que nous arrivions sur les quais. Je consultai ma montre ; le train entrerait dans cinq minutes, le temps d’une cigarette que j’allumai avec hâte. « Alors, maintenant qu’on est peu plus tranquille, comment tu vas toi ? Tu as revu mademoiselle récemment, je suppose. » Parler de ses histoires de cœur, elle m’éloignait des miennes.