Pretty much dead already
Raelyn Blackwell & @Léo Ivywreath - 2023 - 4 ans après l'apocalypse

« Tu vas nous porter malheur. » « T’es supersiticieux ? » Je fronce les sourcils avant de continuer ma fouille de l’appartement. « Si je te donne mon signe astrologique tu peux me dire mon avenir ? » Je suis pas certaine que le lignes de ma main pouvaient prévoir tout ce bordel, mais soit, je respecte les croyances de chacun ou plutôt, je m’en fous.

Rassurée par l’absence de personnes en train de faire le pied de grue en bas de l’immeuble et par l’épaisse couche de poussière sur les meubles, je me détends légèrement : il a raison le brun, les habitants qui vivaient là ont l’air d’avoir mis les voiles il y a longtemps à présent. « Ou ils sont planqués dans le sol. » Je baisse les yeux sous mes pieds avant de hausser les épaules. « Tant qu’ils savent pas passer à travers le carrelage ça me va. » Mais il me rend parano le con, et je ne peux m’empêcher de m’accroupir pour vérifier le dessous de tous les meubles de cette pièce et de la voisine. « Le judas est condamné. Nos hôtes savaient qu'ils allaient être débusqués à un moment ou un autre. » Cette théorie là je l’aime moins. « Ils ont plutôt l’air d’être partis non ? S’ils s’étaient fait débusquer y’aurait plus de bouffe. » Et s’il les a trouvées au premier coup d’oeil j’en déduis que les conserves n’étaient pas planquées. « On fait des rondes. Je prends le premier tour de garde si tu veux dormir un peu. » Je hoche la tête. « Y’a un truc qui me prouve que tu vas pas te barrer sans moi et avec la caisse ? » Je n’y crois que peu mais il est nouveau au camp le minot, et il m’a déjà fait comprendre qu’il n’avait pas particulièrement envie de s’attarder. « Te bile pas, je ne vais pas me tirer avec les boîtes de thon. » Bon, je suppose que de toute façon je suis obligée de le croire sur parole, tout comme la réciproque.

Plutôt que de m’isoler dans la chambre - je n’ai pas confiance à ce point là - je traîne l’unique matelas jusqu’à la pièce principale avant de le secouer pour le débarrasser de la poussière. « On a des sacs de couchage dans la voiture, mais je sais pas toi mais moi j’ai la flemme de redescendre. » Et à l’intérieur il ne fait pas si froid. Je me contente de remonter la fermeture éclair de ma veste et d’enfiler ma capuche, avant de m’allonger sur le matelas. « On est pas obligés. De rentrer. On n'est pas obligés. » Je rouvre mes yeux que j’avais déjà fermés pour me retourner vers lui. « Et si on dormait là dessus ? » Je suis incapable de cacher que l’idée me chatouille, moi aussi.

« Si je te donne mon signe astrologique tu peux me dire mon avenir ? » « Oui, d'ailleurs si tu me dis que tu es scorpion je me tire de cet appartement. » Je n'y connais rien, moi, à ces machins d'astrologie. Cela ne m'a jamais intéressé, de toute façon. Le fait est que je crois un peu quand même au mauvais œil et à force d'être pessimiste, je sens que Raelyn va finir par nous couvrir d'une superbe malédiction dont nous ne saurons nous dépêtrer. Comme si les morts-vivants ne suffisaient pas.

Mais l'appartement est vide, le soulagement se généralise bien vite et je rassemble les provisions, barricade la porte. « Tant qu’ils savent pas passer à travers le carrelage ça me va. » J'ai un rire, un seul, pensant à ces maudits zombies qui savent grimper dans les canalisations des magasins. Les boyaux les moins larges ne les arrêtent pas. Heureusement, ici, je crois que nous sommes ne sécurité pour un moment. « Ils ont plutôt l’air d’être partis non ? S’ils s’étaient fait débusquer y’aurait plus de bouffe. » « Ouais, je pense. Mais ils devaient se douter qu'ils finiraient par attirer l'attention. C'est peut-être pour ça qu'ils ont filé, d'ailleurs. » Pour ça, ou parce que quelqu'un est venu leur dire de le faire. Il n'y a pas de traces de pillage et je ne sais pas vraiment s'ils ne planifiaient pas de revenir. Mais avec la poussière trouvée par Raelyn, leur survie m'étonnerait fort. Notre survie à nous, en revanche, j'y croirai un peu plus lorsque la confiance sera pleinement installée. Le sera-t-elle un jour ? « Y’a un truc qui me prouve que tu vas pas te barrer sans moi et avec la caisse ? » « Ouais : j'ai besoin de toi pour tirer à ma place. Je suis nul, tu te souviens ? » On a besoin l'un de l'autre, elle ne se tirera pas sans moi non plus. Pas vrai ? Pas vrai ?

« On a des sacs de couchage dans la voiture, mais je sais pas toi mais moi j’ai la flemme de redescendre. » C'est un coup à mourir de façon débile. Je n'ai pas envie que mes derniers instants soient marqués par la volonté d'avoir un sac de couchage. Raelyn est déjà prête à dormir, quand je prends le premier tour de garde. Le temps qu'elle s'installe, j'attrape un livre au hasard dans la bibliothèque poussiéreuse. Il y a des lustres que je n'en ai pas eu entre les mains. On pourrait se tirer d'ici, pourtant. Elle sait combien j'en rêve, de ne jamais retrouver ce camps de condamnés à mort. « Et si on dormait là dessus ? » J'opine du chef, laisse le silence planer quelques secondes de plus. « Si t'es prête à les lâcher, je suis prêt aussi. J'ai rien, là bas. Personne. Juste des souvenirs. » Des fantômes qui semblent être vieux comme le monde. « Bonne nuit. »

J'ai lu pendant des heures, sous un rayon de lune que laissent passer les fenêtres calfeutrées. Quelques heures avant de venir réveiller Raelyn. Nous sommes arrivés tôt, de quoi faire une vraie nuit sans pour autant quitter l'appartement trop tard. « Rien à signaler. J'ai même pas vu de zombies en bas. » Le quartier est vraiment tranquille. C'est un truc qu'on utilisait avant pour vendre les appartement, ça. « Avoue, tu crèves d'envie d'habiter ici. C'est spacieux, lumineux, chaleureux, pleins d'autres adjectifs en -eux. » Si seulement il n'y avait pas l'apocalypse, dehors.

Pretty much dead already
Raelyn Blackwell & @Léo Ivywreath - 2023 - 4 ans après l'apocalypse

« Ouais, je pense. Mais ils devaient se douter qu'ils finiraient par attirer l'attention. C'est peut-être pour ça qu'ils ont filé, d'ailleurs. » « Ouais, ou il se sont fait buter sur la route pour revenir ou en ravitaillement. » Combien étaient-ils ? L’appartement est spacieux mais je ne compte que deux matelas. Soit ils dormaient à même le sol, soit ils se serraient ou prenaient des tours de garde. « Y’a pas à manger pour des semaines, ils sont peut-être sortis parce que la situation devenait critique et... » Et ils sont jamais rentrés. La version pour les enfants dira qu’ils ont trouvé un endroit bien plus beau et en sécurité, qu’ils s’y sont installés et qu’ils ont fait des enfants, mais on sait tous qu’ils ont plus de chances d’avoir été démembrés par les Autres.

« Ouais : j'ai besoin de toi pour tirer à ma place. Je suis nul, tu te souviens ? »
« Ouais, tu m’as convaincue. »

Pas à 100%, mais quelque chose me pousse à lui faire confiance au gamin et je ne suis pas quelqu’un qui ait souvent ce genre d’intuition. Alors je décide de la suivre et je me dis qu’au fond, s’il me la met à l’envers, peut-être qu’il m’abattra et que je rejoindrai mois aussi cet endroit plus beau et en sécurité, ce monde meilleur. Je m’installe, je m’apprête à m’endormir, et le voilà qui lâche une bombe, une qui était prévisible cependant, il a laissé des indices tout au long de la journée. « Si t'es prête à les lâcher, je suis prêt aussi. J'ai rien, là bas. Personne. Juste des souvenirs. » Je n’ai rien là bas et je ne les ait rejoints que parce que j’étais seule après la perte de Leah. Je commence à réaliser que je ne la retrouverais pas et, fidèle à ma première intuition, j’avoue que j’envisage de m’éloigner à nouveau des villes. « Bonne nuit. » « Bonne nuit minot. »

Je m’endors rapidement et, lorsqu’il me secoue, j’ai l’impression d’avoir à peine fermé les yeux. « Rien à signaler. J'ai même pas vu de zombies en bas. » Un petit coin de paradis donc. « Avoue, tu crèves d'envie d'habiter ici. C'est spacieux, lumineux, chaleureux, pleins d'autres adjectifs en -eux. » Je frotte mes yeux en me redressant, j’émerge difficilement avant de m’asseoir sur la chaise quand il me remplace sur le matelas. « Superbe, un peu de home staging et ça sera magnifique. » Par contre j’envisage de prendre des forces un jour ou deux, avant la suite celle qui se forme déjà dans mon esprit. Je m’installe en tailleur, mon arme entre les doigts et, avant qu’ils s’endorme, je lui demande. « Tu serais prêt à quitter les villes ? Y’a plus rien pour nous ici. » Nous, la race humaine.