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20 novembre 2016.

Josephine la boucla volontairement — pour une fois. Serrant les mâchoires, elle confronta son reflet dans le miroir sur pied qui lui faisait face, éblouie par les strass colorés qui recouvraient sa menue silhouette de la tête aux pieds, plus que par la mine fermée, débarbouillée de toutes traces de maquillage, qu’elle s’attribuait sévèrement par excès de perfectionnisme. D’un coup, elle ressenti la piqûre d’une aiguille à coudre lui entamer la peau des hanches, et sursauta sans le vouloir. Putain. Elle aurait pu lui gueuler dessus, à cette incapable, mais elle l’aimait bien malgré ses choix douteux en matière de fringues, et ne fustigea pas l’habilleuse qui était accroupie devant elle, trop occupée à arranger les derniers détails de l’une des tenues qu’elle porterait le lendemain soir pour s’inquiéter de quoi que ce soit d’autre. Jo était belle, c’était un fait. Mais si on lui avait laissé le choix d’être la seule tributaire de son trousseau d’heureuse finaliste, elle aurait davantage préféré autre chose que ce panaché de paillettes clinquantes dont, elle ne l’imaginait pas encore à ce moment-là, elle ferait pourtant sa marque de fabrique.
Après plusieurs semaines de lutte presqu’acharnée, ça y était enfin. Le télé-crochet dans lequel elle avait excellé, se faisant difficilement aux règles imposées de la production qui l’avait transformée en une pâle copie de pop-star américaine, révélerait au monde entier la prochaine étoile à surveiller de près. Elle était soulagée que ça se termine, quelque part, ayant hâte de prendre à bras-le-corps le Destin qui avait toujours été le sien dès sa naissance en évoluant enfin dans les hautes-sphères d’un monde qu’elle n’avait fait que toucher du doigt; comme si dans son esprit, la victoire lui était déjà assurée alors qu’elle redoutait secrètement que son concurrent ne soit celui qui lui ravirait tous ses rêves. Stop.
Jo avait confiance en elle. Mais elle ne pouvait pas ignorer qu’il y avait eu un imprévu, et pas des moindres. Roman. Elle s’était attachée à lui comme celui qui était le seul à pouvoir véritablement comprendre ce qu’elle vivait, là, jetée au milieu d’un raz-de-marée étourdissant, et dans un sens, ça l’ennuyait autant que ça faisait naître chez elle des sentiments qu’elle avait du mal à déterminer. Ç’aurait été plus facile si elle l’avait détesté dès le début, seulement ça n’avait pas été le cas. Leur alchimie était un élément essentiel à leur parcours respectif, aussi bien sur scène qu’en coulisses — s’il n’avait pas été candidat, que se serait-il passé ? Au cours des derniers mois, ils s’étaient souvent dit que, qu’importe le vainqueur, ils ne regretteraient rien, mais il y avait chez Josephine trop de fierté pour supporter qu’il gagne à sa place. Elle méritait cette victoire, mais il la méritait autant qu’elle; leur talent se valait, ils avaient été de vaillants concurrents, et plus que ça encore, elle le sentait germer au plus profond de son cœur qui battait si fort dans sa poitrine qu’elle se demanda un instant si l’habilleuse était capable de le percevoir.

S’il s’était s’agit d’un autre, elle ne se serait pas senti si tiraillée par l’éventualité de lui en vouloir s’il remportait le trophée. La boule qu’elle sentait naître au creux de son estomac prit plus de place quand, la porte de sa loge s’ouvrant à la volée, elle quitta son propre reflet des yeux pour croiser le regard du jeune homme qui occupait ses pensées, et à qui elle lança sans la moindre considération, une main leste lui mimant de foutre le camp "Sors de là, t’as pas le droit de me voir en tenue avant demain soir." Il ne s’agissait pas d’un mariage, mais il comprendrait sa coquetterie; ou plutôt son élan brusque de superstition, quand elle songeait que ce serait la dernière fois qu’ils fouleraient ensemble cette scène-là, et qu’il ne fallait pas qu’ils se loupent s’ils voulaient rester dans les annales. L’ayant mis à la porte sans bouger de sa place, son autorité étant ce qu’elle était, même des années après s’être amendée de ses frères qui formaient le groupe de leur père, elle échangea un vague regard avec son habilleuse. D’un signe de tête, elle lui indiqua qu’elle avait bientôt terminé ses retouches "Attends-moi à l’endroit de d’habitude, OK?" fit-elle à Roman à travers la porte.
Après moult protestations de sa part quant à la coiffure qu’elle porterait le lendemain, et qui elle l’aurait pariée serait évidemment une queue de cheval haute à la Ariana Grande — tu parles d’originalité —, elle renfila ce dans quoi elle se sentait plus à l’aise; une jupe courte et un débardeur à bretelles, en plus d’un sweat un peu trop grand pour elle pour s’accommoder de la tiédeur de ce début de nuit qui était tombée sur Sydney. Le rituel lui venait comme une extension de toutes les petites habitudes qu’elle avait prise depuis qu’elle avait quitté Dalby, et sans trop réfléchir à l’instant, elle grimpa dans l’ascenseur du studio dans lequel tous les candidats passaient leur temps, pour enfin arriver au tout dernier étage, là où se trouvait le toit de l’immeuble.
Encore quelques pas à opérer après en être descendue, et elle poussa une porte coupe-feu qui la mena jusqu’à une étendue de béton surplombée par un ciel jonché d’étoiles qui rendaient le tout moins sombre — encore que à cause des lumières de la ville, la pénombre était moins impressionnante et lui permit de se guider sans mal jusqu’à la silhouette recroquevillée d’un Roman qu’elle alpagua d’emblée, les paupières plissées, et l’expression du visage ostensiblement surjouée. Elle se pencha vers le sien pour mieux le sonder "Jure que t’as rien vu de ce que je porterai demain."

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Il ne fallait pas attendre de Jo qu’elle fasse dans la modestie. Sitôt que Roman ouvrit la bouche, sitôt elle se plaça en supermodel de la grande époque, son sweat-shirt lui arrivant aux genoux, à rouler des hanches en faisant de grands gestes et en posant comme elle l’avait fait des centaines de fois devant son miroir à pied, chez elle, à Dalby, entre les interludes mutiques et sereines qu’il y avait quand son père ne bookait pas des mariages à animer. Une vraie diva qui n’avait pas peur d’en faire trop et de faire entendre à quiconque qui elle était; une étoile, rien de moins "J’ai pas besoin de ça pour briller, tu m’as bien regardé." qu’elle lui fit avec sérieux, s’arrêtant devant lui pour maintenir la pose, menton pointé vers l’extérieur, et déhanché maintenu pendant plus de trois secondes, avant d’éclater de rire et de venir s’asseoir à ses côtés dans des gestes étonnamment enfantins; le futur nous apprendrait qu’elle perdrait tout ça à la seconde où elle comprendrait qu’elle n’était pas la gagnante du trophée tant convoité, mais à l’heure actuelle, elle réussissait encore à agir comme la toute jeune femme qu’elle était, confrontée à l’âge mûr de de son concurrent qui était bien moins expansif qu’elle ne l’était. C’était probablement ça qui faisait son succès d’ailleurs, que ce soit auprès des gamines qu’auprès des femmes d’un certain âge, et elle ne parlait même pas des hommes qui le voyait comme le cliché du cowboy solitaire qui levait des filles rien qu’en faisant virevolter ses boucles brunes, et en dégainant sa guitare; il était discret Roman, il avait aussi une âme qui entrait en collision avec la sienne, et la production de The X Factor l’avait bien compris. Ils avaient rapidement joué la confrontation de deux mondes en les portant au statut de grands favoris, et étrangement, ça plaisait assez à Josephine de rentrer dans ce cliché-ci — à défaut d’aimer tous les autres, de clichés, elle pouvait se faire à l’idée qu’elle était le feu et qu’il était l’air, et que la combinaison de leurs deux talents étaient létale à quiconque s’en approchait d’un peu trop près.

Elle tendit les bras de part et d’autres de son propre corps, assise à côté de lui, et rentra sa tête dans ses épaules quand il lui jura n’avoir rien vu. A d’autres, Romy, que dirent ses yeux quand elle le fixa brièvement. Les chevilles croisées, elle posa son regard plus franchement sur lui "Tu sais que ça n’a aucune importance, c’est pas comme si on avait le choix d’être qui on est vraiment ici." qu’elle laissa filer, et le regard qu’elle échangea avec lui, il parut plus éteint que toutes les fois où elle s’était obstinée à faire comme si c’était elle qui avait les cartes en mains. Ce n’était pas le cas, elle était autant un pion que lui dans tout ça, et elle en prendrait la mesure qu’une seule fois qu’elle aurait échoué à faire perdurer sa notoriété.
Elle laissa un sourire lui échapper, lui donnant un coup d’épaule malicieux en éludant sans gêne sa question "Mais elle te plaît à toi? Je suis pas convaincue par l’effet boule à facettes que ça donne, mais au moins, je passerai pas inaperçue." C’était ce qui comptait le plus, avec la victoire. Au-delà de l’avis de la production dont elle se carrait clairement, ne prenant pas en compte leur avis que si elle y était obligée, celui à qui elle accordait beaucoup trop de crédit, c’était lui. Et ça lui conférait un pouvoir dont il n’avait sans doute aucune idée, mais il ne fallait pas compter sur elle pour qu’elle le mette au courant. Elle finit par détourner la tête, un long soupir de lassitude et de trop de choses encore filant de ses lèvres; et puis elle leva la tête pour admirer brièvement le ciel, fronçant le haut de son nez quand elle brisa le court silence qui était retombé entre eux "On y est, mine de rien. Demain, tout ça, ce sera terminé." Et quand elle parlait de tout ça, elle parlait des obligations qu’ils avaient en tant que participants d’une machine comme celle dans laquelle ils évoluaient depuis des mois, et dont elle se foutait tout autant que le reste, mais qui pesait sur ses épaules comme une chape de plombs qui lui faisait regretter parfois d’avoir cru que ce serait une bonne idée de s’inscrire à ce télé-crochet qui se situait à l’opposé de l’univers duquel elle venait. Elle n’avait pas chanté une seule chanson qui lui plaisait vraiment au cours de son parcours, c’était d’une tristesse qui l’enveloppa subitement, mais qu’elle contra quand elle reporta toute son attention sur Roman.
Elle observa son profil un instant, passant en revu tous les traits de son visage qu’elle pouvait distinguer à cette distance et s’accordant à penser que les médias avaient bien raison de vanter les mérites de sa beauté; là encore, elle ne s’échinerait pas à le lui dire, elle ne faisait qu’y penser comme on pensait à tout un tas d’autres choses, inutile d’en faire tout un speech. Elle finit par lui demander doucement "T’as peur?" Ce serait normal, et peut-être que s’il lui disait que oui, ça la rassurerait quant à ce qu’elle ressentait de son côté, et qui ressemblait étrangement à du trac. Elle ne l’avait jamais eu, parce qu’elle savait de quoi elle était faite et qu’à la seconde où elle avait foutu le pied à sa toute première audition, elle avait été convaincue d’être la meilleure d’entre tous. Ce n’était pas un excès de confiance en elle, elle n’en serait pas là aujourd’hui si ce n’était pas la réalité, alors pourquoi nier l’évidence? Elle se mordit très brièvement la lèvre inférieure pour chasser le sourire que ses lèvres furent tenter de dessiner en s’attardant encore un instant sur l’expression du visage de Roman, et elle ajouta tout bas, comme si elle craignait qu’on les entende alors qu’ils étaient dehors, sur le toit, là où personne ne penserait à venir les chercher parce qu’ils avaient toujours été doués pour s’isoler du reste de la promotion "Tu peux me le dire, je le dirais à personne. Promis, juré, mais pas craché, c’est dégueulasse." Toujours dans la finesse Josephine. Pour sa défense, elle tentait simplement de le faire sourire à ce moment précis, et de nouveau, elle lui donna un léger coup d’épaule pour le faire basculer.

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"Si tu te mets à porter des Santiags, je ferais comme si je t’avais jamais rencontré de ma vie. Au moins, t’es prévenu." Les mains levées devant elle en signe de capitulation face à cette éventualité aussi atroce qu’elle était insupportable à imaginer, elle emprunta une mine sans équivoque, aussi sérieuse qu’elle était surjouée. Elle était prête à supporter beaucoup d’infamie vestimentaire, Jo, mais pas celle-ci, quand bien même elle ne la concernait pas. Un sourire finit par fendre son visage, et elle retrouva une posture normale, ses mains se posant sur ses cuisses dénudées. Ils étaient bien lotis, à se traîner des clichés à la con comme étiquettes collées à la glue sur leur front, seulement il y avait tout de même une petite part d’exactitude dans la façon dont leur image avait été façonnée par la production. Elle, elle était bien la diva inaccessible que laissait entrevoir les pastilles diffusées entre les numéros chantés de l’émission. Elle était même pire en réalité; ils avaient essayé de la rendre sympathique, ce qu’elle n’était pas vraiment en définitive. Pas avec les autres du moins, Roman était une exception et même elle, ça la laissait aussi perplexe qu’elle ne se souvenait pas avoir matché aussi vite avec quelqu’un. Et puis elle se souvenait ce que ça donnait quand ils se mettaient à parler musique tous les deux, quand ils se mettaient à chanter tous les deux, et elle parvenait à mieux piger ce qui faisait qu’elle était irrémédiablement appelée par ce qu’il dégageait sans le vouloir vraiment.
A son contraire, il ne savait pas prendre avantage de ce qu’il dégageait et l’effet que ça provoquait chez les gens; il paraissait plus innocent qu’elle ne l’était, et encore une fois, c’était la nana qu’on plaçait dans le rôle de la pute de service, celle qui porte des shorts à paillettes en susurrant des paroles tendancieuses avec l’air de s’en cogner tant elle a l’air sûre d’elle, libre de ses choix. C’était ça qui la dérangeait plus dans le fait d’être devenue un pantin entre les mains d’une équipe de télé: qu’on fasse d’elle un objet dans le premier sens du terme, utilisée pour vendre un concept et faire péter l’audimat; quand à côté, on polissait l’image de son concurrent masculin en le faisant passer pour un ange. Elle s’en remettrait, mais ça lui prouvait que même quand on avait du caractère comme elle, on réussissait toujours à vous assujettir, et ce n’était pas agréable.
Pas comme ce moment suspendu au dessus du toit, où elle pouvait respirer sans avoir l’impression d’être forcée de demander la permission. Elle rit même, pointant un doigt surplombé d’un ongle acéré en direction de Roman "C’est le but." Peut-être pas de le déconcentrer lui, même si ce n’était pas une idée déplaisante, mais de déconcentrer une bonne moitié des téléspectateurs; elle avait le même effet qu’un diamant sur une pie, c’était pour cette raison qu’on la faisait revêtir autant de strass et de paillettes, elle savait subjuguer son auditoire — même sans ça d’ailleurs, sauf que la production ne voulait pas l’entendre "Mais fais gaffe: si ça te déconcentre trop, ça maximise mes chances de remporter le trophée. T’as intérêt à rester focus au moins jusqu’à la deuxième partie de soirée si tu veux avoir l’honneur de le soulever." Elle parlait du trophée, de rien d’autre.

Une fausse mise en garde qui la fit sourire un peu plus, et réaliser tandis que le silence retombait entre eux, que l’imminence de la fin de leur parcours était (beaucoup trop) proche "Mauviette." qu’elle lui rétorqua quand il avoua avoir peur. Elle retrouva vite son sérieux, se suspendant à ses paroles pour apprendre de lui et de cette manie qu’il avait d’être honnête sans même avoir à y réfléchir. Ils avaient ce point commun, à la différence que chez Roman, ça se traduisait par plus de diplomatie et de bonne volonté, tandis que chez elle, ça sortait comme un jet ininterrompu de saloperies les plus vexantes les unes que les autres. Mettons ça sur le compte de la jeunesse, même si c’était plus à imputer à son putain de sale caractère.
Elle savait le temporiser pourtant, quand Roman était là, et ça non plus, elle ne l’expliquait. C’est ce qui lui permit de lui répondre avec plus de douceur qu’elle n’était vraiment capable d’avoir pour autrui, la tête tournée vers lui, ses mains venant se joindre l’une à l’autre pour mieux triturer le bout de sa manucure toute fraîche "Si tu veux mon avis, ça aurait été gâché ton potentiel de finir les mains dans le fumier. J’aurais pas supporté d'avoir quelqu’un d’autre comme concurrent, je suis contente que tu te sois bougé pour prendre ton destin en mains, cow-boy." Elle opina du chef avec une certitude sincère pendant qu’elle poursuivait, une main venant se poser sur la courbe formée par la position que Roman prit à ce moment-là et qui traduisait quelque chose qu’elle ne réussissait pas à comprendre "Doute pas que ta place soit ici, hmm? Et si tu gagnes demain, c’est parce que tu l’auras mérité… bon, ça te fera remonter à la première place de ma liste noire, mais je crois que c’est un bon risque à prendre." Ou pas, quand on savait la teigne qu’elle pouvait être. C’était une affirmation pour un autre moment, des éventualités à caresser quand elle prendrait conscience qu’elle lui en voudrait vraiment. Là, elle devait endosser une casquette avec laquelle elle avait l’air un peu conne au demeurant; celui de la bonne copine qui rassure, un rôle qui ne lui allait pas bien au teint  tant elle paraissait maladroite quand elle s’y risquait "Et puis? Ça va t’empêcher d’être aussi bon que les autres fois où ils sont pas venus?" qu’elle lui demanda un peu brutalement, attendant qu’il tourne la tête pour s’opposer à son regard sans ciller, mais sans autre volonté de lui faire entendre que ce n’était pas grave "C’est leur perte, pas la tienne. T’as ta carrière devant toi, t’as le monde à tes pieds, tant pis pour eux." C’était un discours trop concis pour ne pas donner l’impression qu’elle y avait déjà réfléchit. C’était le cas, simplement parce que ses parents non plus, ne seraient pas là. Leroy et Ava viendraient, ils avaient été ses plus fidèles supporters tout du long, mais ses autres frères et ses parents? Elle avait appris que la prod avait essayé de les contacter, mais qu’ils s’étaient refusés à s’exprimer, même pour quelques dollars refilés sous la table; ils devaient lui en vouloir à mort pour refuser de s’en foutre plein les poches.
Peu importait, il ne fallait pas qu’elle y pense. Derechef, elle bloqua son esprit pour le détourner ailleurs; sur sa main qu’elle avait posé sur le dos de Roman, et dont elle se rendit compte qu’elle faisait des allers-retour entre sa colonne vertébrale, dans un geste ultime de réconfort qu’elle finit par stopper brusquement, récupérant ses doigts pour les glisser brièvement dans ses cheveux détachés "On a besoin de personne, on sait ce qu’on vaut." qu’elle finit par conclure, suivant des yeux la ligne invisible que Roman suivait du regard, droit vers un horizon qui était sombre à cette heure de la nuit, qui ne serait pas moins plein de promesses et de fulgurances quand le jour se lèverait dans quelques heures.

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"J’ai trop hâte de te voir twerker dans ton petit jean serré, si tu savais." Pas tellement à dire vrai, mais il fallait bien qu’elle en fasse trop pour coller à la théâtralité qui pesait allègrement sur leur échange à ce moment-là. On ne pouvait pas dire que Roman ne jouait pas le jeu, au moins il avait appris qu’il y avait des moments où il valait mieux prendre ce qu’elle disait pour une farce, même si ce n’était pas prononcé sur le bon ton. Il lui donnait souvent l’impression d’avoir les codes pour la comprendre, et ça lui faisait du bien de ne pas avoir à traduire tout ce qu’elle disait, ça lui faisait du bien aussi de pouvoir être qui elle était sans avoir à préserver la sensibilité de la personne qu’elle avait en face d’elle "Tu pars avec un avantage sur moi du coup, j’aime pas tellement ça." Elle parlait du fait qu’il avait vu l’une de ses tenues — car il y en aurait plusieurs, elle omis de le lui dire. Finale voulait dire grandiloquence, et puisqu’il fallait être à la hauteur des invités de cette soirée-ci, elle avait eu droit de faire plusieurs choix; ou on lui avait offert la possibilité d’acquiescer aux choix qu’on avait fait pour elle, là était toute la nuance.
Elle ne savait pas d’où lui venait le discours qu’elle venait de lui faire pour le rassurer. En fait si, elle savait parfaitement d’où ça lui venait, mais même si elle partageait une complicité sans bornes avec le jeune homme, elle ne tenait pas vraiment à lui avouer qu’elle aussi, l’éventualité que ses parents et ses frères ne soient présents pour assister à ce grand moment, la taraudait un peu. Au moins, le plus jeune d’entre eux et sa grand-mère seraient présents, elle se raccrochait à ça, même si elle songeait parfois aux autres. Chacun, ils avaient été un élément clef de la manière dont elle avait évolué en tant qu’artiste. Elle avait grandi avec le talent de ses frères, elle avait évolué en fonction de ce qu’ils lui donnaient quand ils étaient sur scène tous les six. Quant à ce que son père lui avait inculqué, elle en avait fait une source inépuisable de force pour avoir le courage de devenir indépendante, trop marquée par l’influence qu’il avait eu, pour ne pas dire l’ascendant. Il s’agissait plus d’autorité que de patrimoine quand il s’agissait de la relation qu’ils entretenaient. Elle s’était jurée, grâce à lui, de ne jamais plus se laisser dicter quoi que ce soit par qui que ce soit, et voilà qu’elle avait foutu les deux pieds dans un bourbier où on lui apprenait même à mieux respirer. Un bon psychologue aurait eu des choses à dire à ce sujet, mais il était trop tard pour faire marche-arrière maintenant, et c’est sur cette pensée qu’elle quitta sa propre tête pour reporter son attention sur Roman.

"Dis toi qu’au moins, c’est filmé. S’ils changent d’avis un jour où l’autre, tu pourras leur montrer tout ce qu’ils ont raté. Ils se rendront compte comment tu passes bien à la télé." Elle lui sourit, la main qu’elle avait posé sur lui à un moment quittant la mèche de ses propres cheveux qu’elle était venue coincer derrière son oreille, et qu’elle finit par laisser tomber sur sa cuisse. Ça lui faisait plus de peine pour Roman que ça ne lui faisait de peine pour elle, d’être forcé de vivre un tel moment dans la solitude, sans doute parce que d’après tout ce qu’il lui avait raconté sur sa vie d’avant, elle avait toujours eu une image assez romancée de l’existence qu’il avait vécue jusqu’ici. Un putain de cliché à la Petite Maison dans La Prairie. Et ce n’était pas si mal, d’un point de vue extérieur, ça lui laissait simplement penser que ces milieux-ci n’étaient pas tellement différents de celui duquel elle venait; dans les deux, on n’hésitait pas à répudier un gamin qui avait des envies de grandeur et c’était injuste.
Elle le laissa poser une main sur la sienne, et si elle rejeta sa propre impulsion de joindre ses doigts aux siens, elle ne put repousser celle de lui répondre "Non, mais je sais que t’aurais pas trouvé mieux que moi. Et je vais de dire un secret…" Un secret de polichinelle, mais elle se risqua à se pencher sur lui pour qu’il soit le seul à l’entendre alors, qu’encore une fois, ils étaient seuls "Je crois que j’aurais pas pu trouver mieux non plus." Elle fit presque bondir le bout de son nez contre le sien, mais là encore, elle se retint pour se redresser et posa sa main de libre sur le dos de celle de Roman, toujours posée sur la sienne tandis qu’un rire lui échappait, reflétant une pointe de malaise qu’elle fit passer en ajoutant "Hey, calme-toi quand même, on dirait que tu t’apprêtes à aller au front et à ne jamais revenir." Ce qui en définitive, si on examinait davantage la situation, si on examinait davantage l’adversaire qu’il avait en face de lui, revenait un peu au même. Elle se mordit brièvement la lèvre pour retenir cette pensée-ci, détournant le regard sur l’espace qui semblait vide devant eux, et finit par ajouter dans un nouveau rire et un léger froncement du haut de son nez qu’elle tourna dans sa direction pour mieux capter son regard malgré un embarras notoire, quand elle lui dit "C’est bizarre si je te dis que tu vas sûrement me manquer?" Dans la foulée, ses yeux se révulsèrent dans une grimace comique quand elle ajouta rapidement, sa tête se tournant de l’autre côté, et un soupir destiné à faire passer sa réflexion pour rien d’autre qu’une connerie prononcée sur le ton de la rigolade s’échappant de sa bouche "Un peu. Ça va, je vais pas pleurer non plus." Peut-être pas, mais quelque chose grouillait à l’intérieur d’elle quand elle songeait à l’espèce de fatalité qui leur tomberait dessus quand le gagnant serait enfin annoncé et que leur chemin se séparerait pour de bon.

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"Roman." qu’elle commença, penchant la tête sur le côté avec l’air de ceux qui s’apprêtent à faire un grand discours, ses longs cils recourbés marquant l’accent du regard qu’elle lui accorda sans ciller. Le menton légèrement rentré, elle ne le quitta pas des yeux jusqu’à ce que sa tête se mette à remuer avec une obstination qui signifiait clairement qu’elle était fatiguée de lui. Elle ne l’était pas. Il était bien le seul à ne pas faire naître chez elle des envies de meurtres sanglants, préférablement à coups d’ongles acérés pour la grandiloquence. Mais encore une fois, elle ne serait pas Josephine Ophelia Carter si elle prétendait le contraire, et au lieu d’un sourire, elle lui adressa une longue œillade critique, un peu comme si elle le passait au rayon x "Je t’ai donc rien appris pendant ces longues semaines, hmm?" Mise à part la certitude qu’elle avait d’avoir été l’élément complémentaire qu’il lui fallait pour mieux avancer dans la compétition, elle avait eu à cœur de lui faire comprendre plusieurs petites choses plus ou moins subtilement. Le première, c’était que la modestie ne menait à rien, et que quand on se trimballait avec son physique, c’était s’épuiser à pas grand-chose que de faire comme si personne ne se retournait sur lui.
Elle s’était retournée sur lui à la seconde où ils s’étaient croisés. Ses yeux se plissèrent pour mieux faire le point sur les traits de son visage qu’elle connaissait mieux qu’elle se sentirait capable de l’avouer. Pour faire bonne mesure, elle le pointa du doigt "Tu t’es vu dans un miroir récemment?" qu’elle lui demanda avec l’air de ne pas y toucher, et sa main continua sur sa lancée en se tendant vers l’anglaise dessinée par ses cheveux et qui lui tombait devant les yeux. Elle la repoussa d’un petit geste sec de ses doigts de pianiste en ajoutant  en même temps "Ça sert à rien de faire comme si tu sais pas que t’as un potentiel de sex-symbol. Je t’ai vu shirtless en plus, j’ai le droit de l’affirmer." Et ça la fit rire parce qu’il avait la capacité désarmante de jouer les saintes-nitouches qui lui laissait parfois l’impression que c’était elle la plus âgée d’eux deux.

Elle récupéra sa main qu’elle avait fini par poser sur sa propre cuisse, bientôt rejointe par celle de Roman à qui elle adressa un vrai sourire cette fois, contrite entre deux certitudes; celle qu’il lui manquerait, mais celle aussi que ça lui passerait sans doute "Tu sais très bien comment ça va se passer." Elle n’avait pas tellement envie d’expliciter ce qu’elle avait mûri tout au long des derniers jours, quand elle se retrouvait seule à devoir supporter l’imminence de la finale. Mais elle sentait que quelque chose s’était installé au fin fond de ses entrailles, Jo. Elle savait qu’elle ne se sentirait soulagé de ça que si elle verbalisait les choses tandis qu’il mettait en exergue l’idée que ce qu’il y avait entre eux, aussi platonique et professionnel que c’était, ça avait une date butoir.
Elle ne pouvait pas le dire de cette façon, pourtant ça lui faisait de la peine, et c’est sur cette idée qu’elle récupéra sa main de sous celle de Roman pour la glisser dans ses longs cheveux dénoués "Qu’importe qui gagne demain, on va se faire engloutir par ce qui va nous tomber sur la gueule quand tout sera terminé. Je deviendrais une icône internationale, tu deviendras un dieu vivant… j’aurais des opportunités, t’en auras autant, et tu préféreras collaborer avec cette radasse de Miley plutôt qu’avec moi parce qu’elle aussi, elle vient de la campagne et qu’elle doit gérer le rodéo aussi bien que le twerk." Elle ne plaisantait qu’à moitié. Elle se mordit brièvement l’intérieur de la joue, trouvant un nouvel élan pour le regarder dans uns inspiration stoppée quand elle poursuivit "Et c’est pas mal. Je veux dire, on en a rêvé… et je t’en voudrais pas si tu finis par m’oublier. Je vais sûrement t’oublier aussi." qu’elle lui fit dans un sourire qui se voulait radieux, qui avait un fond de tristesse qu’elle fit passer en détournant la tête pour jeter un coup d’œil à l’ensemble du décor dans lequel ils étaient à ce moment-là.
Elle mentait à peine quand elle lui disait tout ça, au détail près qu’elle nourrissait une persuasion farouche à propos du souvenir qu’il lui laisserait; elle vivrait avec tous les jours en se laissant à peine le droit d’y songer quand elle comprendrait que tout ça n’avait été qu’une passade  à laquelle elle avait accordé beaucoup trop d’importance "OK, promets-moi un truc." Rompant enfin le silence qui s’était éternisé quand elle avait terminé sa petite tirade, elle sauta du petit coin où ils s’étaient assis pour mieux se donner la sensation qu’elle était encore capable de fonctionner, que ce qu’elle ressentait à cet instant-là n’était qu’un élan anticipé de nostalgie qui lui passerait quand elle soulèverait le trophée le lendemain soir. Elle étendit les bras au-dessus de sa tête dans un simulacre d’étirement, son dos se cambrant brièvement, puis elle pivota sur elle-même pour mieux s’avancer vers lui avec une détermination singulière; elle s’arrêta nette quand elle se jugea à bonne distance, et posa ses deux mains sur ses genoux quand elle lui dit enfin, avec un sérieux aussi surjoué que la moue qu’elle lui accorda dans la foulée "Si Ariana ou sa prod’ te contacte un de ces jours, tu refuseras parce que tu vaux mieux que ça." Finalement, elle ne pouvait pas rester sérieuse bien longtemps, comme en témoignait le rire qu’elle laissa une nouvelle fois éclater dans l’infime espace qui les séparait.

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"J’ai un caractère de merde, mais je suis pas aveugle." Comme si ça avait un quelconque rapport, comme si l’un pouvait annuler l’autre. Il y avait une dimension étrange au contraste qu’il y avait entre eux, et la production en avait assez joué pour qu’ils sachent tous les deux, plus que les autres, pourquoi ils avaient été préféré par une partie des téléspectateurs. Ils étaient doués, c’était une certitude que leur parcours ne pouvaient que prouver définitivement, ils étaient aussi un peu plus beaux, un peu plus glamour que la moyenne et ça allait à Jo qu’on puisse le penser de cette manière. D’autant qu’elle était jeune, dans une période que d’autres appèlerait ingrate, alors ça ne faisait que booster son ego de savoir que sa beauté était une référence chez certains, et qu’elle impressionnait par ses caractéristiques à la limite de l’injuste tant elle était jolie. Elle avait eu des propositions par des marques de cosmétiques, elle avait eu des propositions pour d’autres choses encore… ce n’était que le début, et elle pensait le mériter. Roman aussi. Il ne finirait pas égérie du nouveau mascara révolutionnaire, mais elle le voyait bien dans une campagne de publicité pour des jeans mythiques, à crapahuter sur un cheval en faisant comme s’il n’était pas filmé par trois caméras et exhorté de donner son meilleur profil.
Tout ça, c’était des songes qui les rapprochaient du caractère imminent de la fin de leur aventure, et c’était grisant en plus d’être autre chose, qu’elle ne réussissait pas tellement à exprimer d’ailleurs, même dans ses propres pensées. C’était pour ça qu’elle avait besoin de tourner les choses en dérision. Si elle se mettait à y songer pour de bon, elle avait des chances de se mettre à chialer tellement cette odyssée avait une importance capitale à ses yeux. Elle prétendait le contraire par fierté, que faire partie d’un cirque comme celui-ci n’était qu’une formalité pour l’étoile née qu’elle était, que ce n’était pas si important et que même sans ça elle y arriverait, mais la vérité c’était surtout que c’était une chance qu’elle n’aurait jamais imaginé pouvoir toucher du doigt tant, avant de se lancer dans cette aventure-là, elle avait eu l’impression qu’elle ne chanterait que dans les bouis-bouis de là où elle créchait. The X Factor, ça lui ouvrait une porte que son père avait scellée par vengeance, et le fait qu’elle soit à même de la défoncer par ses propres moyens, ça faisait accroître le sentiment qu’elle avait d’être capable de tout et n’importe quoi.

Malgré sa putain de fierté, elle n’ignorait pas non plus que, sans Roman, elle n’aurait peut-être pas autant brillé. Cette vérité-là, elle la replaçait dans un schéma dont elle avait voulu se défaire pourtant; elle qui disait n’avoir besoin de personne, elle avait été l’élément d’un tout qu’elle formait avec son concurrent direct. Comment ça se passerait alors, quand tout serait terminé? Elle en avait une image grossière, qu’elle lui dépeignit sans ciller, mais ce qu’elle ne lui dit pas, c’était qu’elle savait aussi que ce serait sans doute moins facile de se retrouver seule, à faire tout ça. Elle ne l’avait jamais quasiment été depuis qu’elle s’était lancée là-dedans, et peut-être que ça lui faisait peur… peut-être, elle n’en ferait pas cas, déjà repartie à l’assaut du sarcasme qu’elle lui balança sans le ménager plus que les autres "Ça mérite une grosse promesse. C’est la fin, il faut taper fort, il faut voir grand." qu’elle lui dit en prononçant ses derniers mots, les restes du rire qu’elle avait laissé filer teintant sa voix pendant qu’il la forçait à se redresser en se levant, la bousculant au passage. Elle le bouscula elle aussi quand il lui retourna l’affirmation; c’était décidément l’heure des promesses "Ouais?" qu’elle singea en se tournant vers lui.
Elle le laissa parler, affrontant son visage avec l’aplomb qui était le sien, et qui faisait oublier qu’elle mesurait moins d’un mètre soixante; là aussi, le contraste valait le coup d’œil, et ce n’était pas un détail désagréable de se sentir toute petite quand on avait Roman en face de soi. Le menton relevé, le regard opposé à celui du jeune homme, elle ne put cacher l’effet qu’eut ce qui lui disait sur elle et sur la manière dont elle anticipait la journée du lendemain; ce serait compliqué, plus compliqué que d’être ici, dans cette bulle dont il parlait "Je vais essayer." qu’elle finit par lui dire d’une voix moins sûre que d’ordinaire, ses lèvres se pinçant pour retenir le sourire qu’elle finit par laisser poindre quand elle ajouta avec malice, le menton se tournant de trois-quart pour pouvoir lui accorder une expression aussi joueuse qu’elle était adorable finalement "C’est le moment du film où on s’embrasse tu sais, c’est la règle des promesses passées sur le toit d’un immeuble." Bien sûr, Josephine, et même si dans son ton on ne pouvait déceler que du bluff, elle savait de quoi était formée cette phrase qu’elle venait de prononcer et qu’elle tacha de faire passer aussi rapidement que l’ange qui s’introduit brièvement entre eux quand, toupillant de nouveau sur elle-même dans un rire qui sonnait faux cette fois-ci, elle fit comme si elle n’avait rien dit pour aller admirer plus près le panorama de la ville. En allant s’appuyer contre le rambarde de sécurité, elle prit même le temps de sautiller sur le chemin, à l’image des petites-filles qui disent des bêtises qu’elles savent qu’elles leurs seront très, très vite pardonnées.

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crédits gif & code fiche/ (brans & malibu) ✰ w/ @Roman Sterling

Le temps était déjà à nostalgie. C’était étrange comme sentiment, Jo ne l’avait jamais vraiment ressenti auparavant. Et c’était cette prise de conscience-là qui lui ferait bientôt regretter d’avoir été aussi conne de croire que passer à la télé, toucher des centaines de millions de personnes, ce n’était que la suite logique d’une vie qu’elle avait passé à rêver de tout ça. Elle ne voulait pas y songer tout de suite, elle voulait juste profiter des derniers moments avec Roman. Il était le seul à pouvoir vraiment comprendre ce que tout ça signifiait vraiment — il y avait les autres aussi, ceux qui avaient atteint un palier au-dessous du leur et avec lesquels elle n’avait pas su se lier autrement qu’en les jugeant ouvertement, persuadée qu’ils n’avaient rien à faire ici. Pas comme elle, pas comme Roman. Il avait presque annihilé sa détermination à un moment donné, il avait eu cette force en lui et le plus drôle c’était qu’il ne s’en rendait même pas compte. Il était là, il ne donnait même pas l’impression de se battre: il faisait juste les choses avec une facilité déconcertante, aussi détendu qu’il était sublime aux yeux de ceux qui croyaient en lui, et elle en faisait partie. Ça l’emmerdait, quelque part, d’être incapable de le voir comme un vrai concurrent, le considérant davantage comme un égal à qui se frotter avait éveillé en elle tout un tas de choses qu’elle sentait grouiller et qui ne partaient pas seulement du constat qu’elle avait établi en s’admettant à elle-même qu’elle avait trouvé son âme-sœur; dans le sens le plus basique du terme, rien à voir avec ces conneries d’amour éternel, et elle ne savait quoi.

C’était difficile à expliquer. Ça l’était d’autant plus quand on était comme elle, à repousser tout ce qu’on ressentait pour prétendre ne pas être touchée, la carapace trop épaisse d’avoir encaissé des décisions prises pour elle. Roman, il l’avait touché, et c’était ça le plus gros problème des heures qui se mettraient à défiler à la vitesse de la lumière quand minuit serait passé: elle ne réussirait pas à ne pas lui en vouloir s’il venait à gagner, alors qu’elle avait secrètement prêché pour sa paroisse durant tout le parcours qui les unissait. Probablement que c’était pour échapper à toutes ses putains contradictions qu’elle s’éloigna de lui un petit temps, mettant de côté sa supposée blague et feignant de s’intéresser aux étoiles le temps qu’il décide ce qu’il fallait qu’il fasse. Elle devait l’avouer, elle aurait pu s’attendre à tout avec lui. Mais pas à ce qu’il la prenne au mot; et quand elle sentit sa main sur elle, et qu’elle se retourna dans l’idée de le gratifier d’une nouvelle parole soit sarcastique soit moqueuse, elle prit conscience des dangers que représentait le calme olympien de Roman Sterling; mais aussi de l’intelligence qu’elle avait eu de ne pas le sous-estimer. Sous ses allures de jeune premier, il cachait quelque chose qui méritait qu’on s’y attarde, elle le savait aussi bien qu’elle sentit son cœur s’emballer à la seconde où elle comprit ce qu’il était en train de faire et qu’il posa sa main sur son visage avant de l’embrasser.
Elle, elle ne bougea pas. Elle le fit uniquement pour resserrer ses doigts autour de la rambarde de sécurité qu’elle avait saisi quand elle s’était retournée face à lui, et qu’elle sentit s’éloigner quand il l’approcha d’elle alors que leurs lèvres se touchaient toujours. Ses mains quittèrent graduellement le métal pour rejoindre la matière douce et chaude de ce qu’il portait sur lui. Ses mains se fondirent à lui — une sur sa poitrine, l’autre sur son épaule; et sa bouche contre la sienne, dans une harmonie qui pesait déjà sur eux quand ils chantaient. Ça se matérialisait, et c’était étourdissant d’eurythmie et de justesse, qu’elle se laissa porter sans hésiter.
Pourtant, elle ne sut pas si elle devait lui rendre son baiser ou pas. Elle en ressentait l’envie, le besoin, et qu’au-delà de la perche qu’elle lui avait tendue, qu’il la saisisse lui laissait le sentiment qu’elle n’avait pas fabulé tout ce qu’elle avait remarqué au cours des semaines qu’ils avaient passé à se côtoyer. Il y avait une alchimie entre eux, c’était indéniable. Finalement, Jo n’eut pas le temps de se décider à lui rendre ou pas, son baiser, qu’il le rompit sans pour autant se détourner d’elle. Elle avait fermé les yeux quand il l’avait embrassé, et elle ne les rouvrit pas tout de suite, savourant ce qu’il lui disait avec la mine de ceux qui avaient été pris à leur propre jeu "Je plaisantais pour le baiser. Je crois même pas que ce soit une vraie règle en vrai." qu’elle lui souffla dans un murmure entre ses lèvres, tout en sachant qu’elle n’avait plaisanté qu’à moitié et que si ça ne soulevait pas des centaines de questions, elle s’y serait collée avant qu’il ne le fasse. Elle l’avait presque provoqué pour qu’il s’en charge, sans doute parce qu’elle ne voulait pas prendre la responsabilité de voir les choses changer entre eux à quelques heures à peine de la fin de leur aventure, et ce dans tous les sens du terme. Josephine avait toujours été lâche, dans beaucoup trop de domaine — quand ses émotions étaient concernées, c’était pire encore. Elle osa à peine bouger les lèvres, ne voulant pas se départir de la pression qu’elle y sentait toujours et qui portait l’empreinte de Roman dont l’attention était entièrement portée sur elle "Pourquoi t’as choisi de le faire maintenant? On va faire que se croiser quand tout sera fini." qu’elle lui fit remarquer. Elle ne voulait pas que sa question passe pour un reproche, même si dans le fond, c’en était quand même un petit. Il avait eu des tas d’occasion… elle en avait eu des tas aussi… peu importe, elle se jucha sur la pointe des pieds, raffermissant la prise qu’avait sa main posée sur l’épaule de Roman et fit glisser l’autre de sa poitrine à son visage pour le maintenir en place et lui murmurer de nouveau, sans aucune espèce d’hésitation "Un autre pour la chance, d’accord?" Elle avait besoin de se trouver une excuse pour expliquer le nouveau baiser qu’elle lui donna, et qu’elle rendit plus profond, laissant transparaître plus que de la chance qu’elle voulait lui porter dans la façon qu’elle eut de prolonger leur moment.