wrong turn
Cassie Edwards & @Midas Sterling

Depuis que tu bosses pour Midas, ça n’a jamais été comme ça. Ta place, tu te l’es faite, t’as gagné son respect et celui de tes pairs et t’as su te rendre indispensable depuis tout ce temps. Et là, juste comme ça, juste parce que monsieur a décidé de vendre sa victoire pour une paire de beaux yeux, parce qu’il n’a même pas eu la décence de porter ses couilles jusqu’au bout et d’en parler avec la concernée, il a décidé qu’il faisait la gueule. C’est grotesque, putain. Inimaginable d’en arriver là après tout ce que t’as fait pour lui depuis que t’es à ses côtés. Le matin quand t’arrives pour commencer ta journée, t’as carrément l’impression d’avoir changé de job, d’être plus bonne qu’à faire des photocopies et des envois de mails pour prévenir les équipes des changements de planning, d’être de retour pendant ces stages interminables de la période de fac et de rien gagner de plus qu’un salaire. Midas t’en veut, à tort ou à raison, mais une chose est sûre ; tu referais la même chose si la situation se représentait. S’il tient tant que ça à plaire à la chanteuse, il a mille façons de s’y prendre et clairement, acheter sa victoire auprès des producteurs, c’est admettre qu’elle n’est pas capable de l’obtenir à la loyale et donc, d’être légitime. Vengeance mesquine ou pas de la part du chanteur, il a balancé une exclu lors du dernier festival où il se produisait, tout ça sans que tu n’aies été au courant. Bien joué de sa part, sans doute. T’as quand même été suffisamment sympa pour le féliciter et le complimenter sur la chanson, juste de quoi flatter son égo sans pour autant demander pardon. Ca viendra en temps voulu, quand vous aurez eu l’occasion d’en discuter au calme et que tu sauras mettre ta fierté de côté.
Certes, de ton côté, tu aurais aussi pu être un peu plus délicate, ne pas directement vendre la peau de l’ours auprès de la concernée, t’aurais sûrement dû mieux gérer ta frustration en apprenant le deal de Midas avec la production, mais t’as pas su. Il ne se rend pas compte, Sterling, de tout ce qui est en jeu ici et de tout ce qui pourrait mal tourner si ça venait à s’ébruiter. Pour lui, il ne se passerait pas grand chose, pas dans l’immédiat en tout cas, mais ça ne fait aucun doute que pour Jo, ça serait une autre paire de manches. Mais ça bien sûr, il n’en a pas conscience, et il a préféré te blâmer toi, plutôt que d’avoir à affronter la vérité en face et remettre ses propres actes en question. Et puis c’est pas mieux de l’autre côté, puisque Jo a décidé d’en vouloir à tout le monde, toi y compris. C’est facile de lancer la pierre au messager, tiens. Mais soit, tant pis, tu t’en remettras.
Pour Midas par contre, t’as quand même tenté de faire le premier pas, de prendre la température histoire de jauger si la situation est finalement si irréversible que ça ou non. Si c’est plus aussi froid qu’il y a quelques semaines, ça reste assez bizarre, comme échange. Mais au moins là, en allant le voir chez lui pour autre chose que du boulot, y a moyen d’essayer d’arranger les choses. Et puis, y'a des trucs à dire, genre des fiançailles à évoquer, des projets futurs qui demanderont certainement que tu quittes ton poste, tout ça. Trois fois rien, vraiment. A peine arrivée chez lui, tu ne peux pourtant pas t’en empêcher, c’est plus fort que toi. « T’as eu le temps de regarder ce que je t’ai envoyé pour les demandes d’interviews ? » Est-ce qu’il a seulement plongé une tête dans ses mails, depuis la dernière fois que t’en as parlé ? « Pas pour te presser, mais va falloir que je leur donne des réponses. » S’il veut commencer la promo de son prochain album que t’as toujours pas eu l’occasion d’entendre, il va falloir commencer à s’y mettre, à faire du teasing ici et là. « Ou alors on peut juste boire un café et parler de ça une autre fois. » Y a d’autres sujets que t’aimerai bien régler une bonne fois pour toutes, les journalistes peuvent encore attendre un peu. « Ca va ? » Depuis le temps, depuis votre dernière vraie conversation, tout ça.

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Midas Sterling & @Cassie Edwards ☆ crédit/harleystuff

Cassandra et moi ressemblons à deux enfants se faisant la gueule, décidé à continuer à tirer une tête de six pieds de long sans plus réellement avoir envie de se faire la guerre, mais poussés chacun par notre fierté – ou la honte, me concernant – à ne pas faire le premier pas. J’ai honte de ne pas avoir été à la hauteur des attentes de la petite blonde, honte d’avoir trahi Jo, honte à l’idée qu’elle puisse ne serait-ce qu’apprendre que ce genre d’événement a eu un précédent, et qu’il me concernait bien plus directement encore. J’ai honte de ne pas m’élever à la hauteur des attentes, de façon générale. Et pour cette raison – et parce que j’étais en colère - je n’ai pas mis fin à l’ère glacière entre mon assistante et moi. Je n'ai pas fait le premier pas, et elle n’a pas eu la primeur de mon nouveau single. Mais je n’ai pas eu la moindre envie de l’envoyer sur les roses lorsqu’elle a pris son courage à deux mains pour le faire elle-même.

Elle fait partie de la famille, Cassie. A partir de là, c’était sincère, de lui proposer de passer quand elle voulait. Malgré tout ce que je ressens, je n’ai à aucun moment envisagé de la rayer de mon existence :ce ne sont pas les choses qui se font, en famille. On se tient les coudes, on se dispute, mais on se réconcilie de bon cœur : autant de valeurs que m’ont transmis mes parents et que je m’efforce de mettre en œuvre tous les jours pour tout le monde à l’exception de mon frère, de celui qui partage réellement mon sang.

Cassie est comme chez elle chez moi, rien d’étonnant à ce qu’elle passe la sécurité sans que l’on ne m’appelle, rien de surprenant à ce qu’elle entre dans la maison sans le regard curieux de ceux qui pénètrent dans ce qui ressemble plus à un domaine qu’à une villa pour la première fois. « T’as eu le temps de regarder ce que je t’ai envoyé pour les demandes d’interviews ? » - « Pas vraiment. » Et ce n’est pas parce que je ne prends rien au sérieux, Cassandra le sait, c’est simplement parce que ce genre de considération ne m’a jamais passionné. La seule chose qui m’intéresse, c’est la musique, et je n’en ai jamais fait un secret. « Pas pour te presser, mais va falloir que je leur donne des réponses. Ou alors on peut juste boire un café et parler de ça une autre fois. » - « Je te fais confiance pour choisir le plus avantageux, vraiment Cass. » De toute façon, c’est toujours la même rengaine, et quel magazine est en vue et lequel ne l’est pas, cela n’a rien d’un secret. Il s’agit d’un art auquel a petite blonde est rompue. « Fais-moi une liste des interviews qu’il faut que j’accepte, et je te dirais quand est-ce que tu peux les caser. » J’ai déjà en tête de repartir, depuis le message que Jo m’a envoyé me demandant de la rejoindre à l’autre bout du pays. « Je te fais confiance, vraiment. » Pour ça, elle n’a jamais perdu la foi que je place en elle.

« Ça va ? » Je pousse un soupir, avant de me gratter l’arrière de la nuque. « Ouais je suppose. Je suis content que le single marche, et le duo avance, finalement. » Jo a accepté. Certainement étais-je le seul à douter qu’elle le fasse. Mal à l’aise, je croise mes bras contre mon torse et m’adosse à l’ilot central de l’immense cuisine ouverte sur le salon. « Et toi ? »

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Cassie Edwards & @Midas Sterling

Franchement, aucune idée d’à quoi t’attendre. T’es pas certaine d’être accueillie à bras ouverts quand bien même Midas a dit que tu pouvais passer quand tu voulais. Ca te fait chier, toute cette situation, bien plus que ce que tu peux laisser paraître en tout cas. Pour le reste, t’es égale à toi-même, tu ne dévoiles pas tes émotions, tu gardes tout à l’intérieur et c’est tellement maîtrisé à la perfection que t’as finis par presque y croire. Seulement voilà, c’est pas tellement possible de continuer à faire l’autruche indéfiniment, ni pour toi ni pour lui, et y a bien un moment où il va falloir l’avoir, cette fameuse discussion. Est-ce qu’il en aura quelque chose à faire, de tes explications ou de tes excuses ? Pire même, est-ce que ça ne va pas le vexer quand tu vas lui dire que, de plus en plus, t’envisages de partir faire ton nid ailleurs, de finalement embrasser ta carrière rêvée et de pouvoir explorer ton plein potentiel ? Ou alors quand tu vas lui annoncer de but en blanc que t’as réussi à te fiancer pendant le laps de temps où vous ne communiquiez plus que pour le boulot ? L’entame est bancale, classique ; est-ce qu’il a jeté un oeil à tes propositions, « pas vraiment. » Sans aucune surprise, la réponse l’est tout autant. Allez, tu te rassures comme tu peux en te disant que c’est le temps de vous remettre en route et qu’une fois le malaise passé et surmonté, ça ira mieux et vous pourrez de nouveau parler comme des adultes. « Je te fais confiance pour choisir le plus avantageux, vraiment Cass. » « Ouais, ok. » Déjà avant, c’était comme ça, alors c’est pas après la guerre froide que c’était destiné à changer. « Fais-moi une liste des interviews qu’il faut que j’accepte, et je te dirais quand est-ce que tu peux les caser. Je te fais confiance, vraiment. » « J’t’enverrai tout ça tout à l’heure, juste, oublie pas de regarder hein. » Tu le taquines brièvement en sous-entendant qu’il ne consulte jamais ses mails à moins d’y être poussé par toi, juste pour le plaisir de pouvoir le refaire et avant de pouvoir enfin entrer dans le vif du sujet. Pour une fois, t’essaies de t’y prendre en douceur, tu prends ton temps et tu ne lui rentre pas dedans comme t’as l’habitude de le faire ; le moment est mal choisi et t’as encore trop l’impression de devoir marcher sur des oeufs. « Ouais je suppose. Je suis content que le single marche, et le duo avance, finalement » « C’est mérité, il est incroyable. » Et c’est même pas pour dire de faire de la lèche ou quoi, tu le penses vraiment et il sait très bien que si un des morceaux qu’il propose n’est pas suffisamment convaincant à ton goût, tu te fais pas prier pour le lui signaler. « Et toi ? » « Oh tu sais, le boulot, » que tu réponds l’air de dire “ça va, rien de neuf” alors que dans les faits, si, quand même un peu. Mais allez, t’as pour ligne directrice de jamais battre en retraite face à un combat à mener de front et c’est pas aujourd’hui que ça va commencer, alors voilà, il est temps d’adresser l’éléphant dans la pièce. « J’suis désolée, tu sais. » D’avoir aussi mal géré les choses vis à vis de Jo, d’avoir agit sans essayer de savoir pourquoi il a passé ce foutu deal avec la prod et surtout de pas avoir su anticiper toutes les conséquences. « J’avais pas vraiment prévu que les choses tourneraient comme ça et c’était stupide de ma part de faire ça. » Voilà, au moins ça c’est dit. « Même si j’comprends toujours pas pourquoi toi t’as fait ça, t’avais sûrement tes raisons et… J’sais pas, j’aurai bien aimé que tu m’en parles quoi. » T’aurais sans doute pas été d’accord avec l’initiative et t’aurais probablement pas réussi à l’en dissuader, mais t’es sûre que ça se serait passé autrement.

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Midas Sterling & @Cassie Edwards ☆ crédit/harleystuff

« Ouais, ok. J’t’enverrai tout ça tout à l’heure, juste, oublie pas de regarder hein. » Je hoche la tête, docile face au professionnalisme de la petite blonde. En ce qui concerne ma carrière et surtout la façon dont la gérer, je n’ai jamais perdu confiance en Cassandra : c’est pour tout ce qui a trait aux choses bien plus personnelles que je ne sais plus à quoi me fier. Je n’ai toujours pas compris son geste, je ne sais pas si je dois l’interpréter comme une décision prise de rage de ne pas pouvoir influencer la mienne, une sorte de vengeance ou une tentative de chambouler les choses, mais je n’arrive à y voir aucune logique. Les dés étaient jetés, l’accord passé entre la chaîne et moi et, elle, tout ce qu’elle pouvait faire, c’était foutre en l’air mon couple et elle l’a fait. Jo a gagné, cela n’a rien changé au résultat et, quand bien même, ma carrière n’avait pas besoin d’une nouvelle victoire à X-Factor. « Je regarde ça ce soir et je te fais un retour dans la foulée. Les plus grosses opportunités… » Les demandes d’interview avec les plus gros journaux ou les plus grosses chaînes. « … Tu veux qu’on les programme au plus proche de la sortie de l’album, je suppose ? » Je ne suis pas aussi doué que Cassie avec ce qui a trait à la stratégie de communication – cela m’ennuie même profondément – mais j’évolue dans le milieu depuis assez longtemps pour en connaître deux trois ficelles.

« C’est mérité, il est incroyable. »
« Merci Cass. »

Je sais qu’elle est sincère. Je sais qu’elle n’a jamais cessé de croire en moi. Elle ne sera pas à mes côtés indéfiniment, sa carrière prime sur le reste et je ne suis pas idiot : elle voit bien plus loin. Cependant, je sais qu’elle ne gère pas les choses pour moi comme elle le fait uniquement par professionnalisme, mais bel et bien parce qu’elle croit en moi, mes titres et mon talent. La jeune femme ne perdrait pas son temps avec quelqu’un qu’elle considère comme un incapable. « J’espère que le reste de l’album recevra le même genre d’accueil. » Et pour la première fois depuis longtemps, je suis même fébrile quant au succès de mon travail.

« Oh tu sais, le boulot… » La blonde est gênée et c’est compréhensible : nous n’avons jamais crevé l’abcès, elle et moi. Je recommence à peine à accepter de lui adresser la parole pour autre chose que pour lui adresser des directives concernant le boulot, et nous n’avons plus reparlé comme deux amis depuis que j’ai appris que c’était elle qui avait tout balancé à Jo. « J’suis désolée, tu sais. » Je pousse un long soupir, et passe une main sur mon visage. Finalement, je hoche la tête en guise de réponse à sa déclaration. Pardonner et avancer est une chose, et j’en suis presque là, mais comprendre en est une autre. Et tant que je ne comprendrai pas, son geste me fera toujours aussi mal au cœur. « J’avais pas vraiment prévu que les choses tourneraient comme ça et c’était stupide de ma part de faire ça. » - « Ouais, ça on peut dire que ça l’était. » Et c’était outrepasser ses droits aussi, oublier que, de nous deux, je suis cela qui reste au gouvernail du navire. Il s’agit de ma carrière, c’est à moi de prendre les décisions, qu’elle soit en accord ou pas avec. « Même si j’comprends toujours pas pourquoi toi t’as fait ça, t’avais sûrement tes raisons et… J’sais pas, j’aurai bien aimé que tu m’en parles quoi. » - « Est-ce que ça aurait changé quelque chose si je l’avais fait ? » Etait-ce une forme de vengeance, dans ce cas ? La mesquinerie d’une jeune femme peu habituée à ce qu’on ne lui dise pas tout, et qui veut faire aussi mal qu’elle a eu mal de son côté ? Je peine à croire ce tableau d’elle que ce genre d’attitude brosserait. Cela ne lui ressemble pas. « Moi non plus je comprends pas, et c’est ça le problème. » Je pousse un nouveau soupir avant de joindre mes mains. « T’avais rien à gagner à tout balancer à Jo. Elle a jamais eu le pouvoir de renégocier les termes avec la production. » Et quand bien même, Cassandra n’avait rien à gagner. « C’était pas un coup de tête. J’ai pris ma décision après avoir réfléchi aux conséquences et, pour être honnête, je savais qu’elles seraient mineures voire inexistantes pour ma carrière. Et je suis certain que tu le savais aussi. » Mes fans se moquent bien de X-Facteur. « C’était de la vengeance ? De la jalousie ? Ta façon de tout vouloir contrôler ? »