Un long silence s’installa alors qu’Ezra restait dans la cuisine après avoir fait, si on pouvait appeler ça comme ça, une déclaration à Amelia. Comme si la jeune femme avait quitté le salon, elle ne lui répondait plus. Ezra savait que dans tous les cas, ce n’était pas forcément bon signe. Elle n’était pas partie de l’appartement - il l’aurait vu passer par l’encadrement de la porte si ça avait été le cas -, mais elle n’était pas devant lui en train de sauter de joie. Elle n’aurait pas forcément pu, de toutes façons. Ezra s’en voulait d’un côté, car son honnêteté allait faire du mal à la jeune femme, mais il ne pouvait rien lui dire d’autre que ce qu’il avait sur le coeur. Et alors qu’il était assis sur l’un des deux tabourets se tenant dans la cuisine, la petite bouille attristée d’Amelia passa enfin la porte. Il releva alors le regard à ce moment là, tombant sur celui d’Amelia qui confirmait l’expression du reste de son visage - et même si ça se voyait plus maintenant, il pourrait jurer que quelques larmes avaient coulé. « Parce qu’il n’y aura qu’elle, c’est ça ? Quoi que moi ou bien une autre pourront faire, tu seras toujours amoureux d’elle, pas vrai.. ? Ginny est mariée Ez’.. Je sais que c’est peut-être dur à encaisser parce que ça devait être elle la femme de ta vie, mais il va falloir que tu l’acceptes et.. que tu tournes la page une bonne fois pour toute. » Et alors que la voix d’Amelia se brisait en s’adressant à son meilleur ami, Ezra quant à lui baissa lentement son regard. Il avait beau savoir qu’elle avait raison, ça lui brisait toujours le coeur de l’entendre à haute voix. Oui, comme un putain d’idiot, il était toujours amoureux de cette femme qui l’avait laissé en plan cinq ans auparavant - et qui, en prime, s’était mariée avec un autre. Il savait que ce n’était pas sa faute à elle, et pourtant en son sein il lui en voulait autant qu’il l’aimait toujours. Contraste pas toujours facile à maîtriser quand Ginny arrivait dans la conversation. « Je sais oui… » Sa voix était à la fois complètement brisée et totalement désemparée, sa tristesse interne se faisant ressentir rien qu’avec ces trois petits mots. Quand ça en venait à Ginny, oui, il ne contrôlait plus grand chose. Ca avait toujours été son talon d’Achille à lui, et même le temps n’arrivait pas à l’effacer. « Mais tu l’as dit, ça devait être elle pour moi… » Il eut alors une réaction entre un soupire et un rire de début de larmes, et pour ne pas le laisser transparaître, il voulut porter sa main à son visage. Echec. Ce ne fut pas la bonne main qu’il tenta de lever, et heureusement que l’attelle l’arrêta rapidement, car rien qu’avec une esquisse de mouvement il sentit une douleur s’initier dans tout son bras, son épaule et le haut de son tronc. « Enculé… » Il ferma les yeux, venant rapidement mordre son poing - droit, cette fois -, pour éviter de se mettre à hurler. Il risquerait d’alerter les voisins, et il n’avait aucune envie qu’Heidi par exemple, si elle était chez elle, descende en catastrophe pour voir si tout allait bien. Il était déjà assez embarrassé qu’Amelia le voit comme ça, alors il était hors de question qu’un seul de ses voisins débarque. Il resta ainsi deux bonnes minutes, planté au milieu de la cuisine, à gérer comme il le pouvait cet accès de douleur. Et alors qu’Amelia commençait à s’avancer vers lui, Ezra recula, remontant un regard bordé de tristesse et de colère à la fois, avançant sa main droite devant lui pour faire barrage entre la jeune femme et son propre corps. « Laisse, t'as déjà assez donné pour aujourd’hui avec ce bras de merde. » Il était retourné dans son mode grognon et agressif du début de journée. Détournant le regard, il tomba sur la coupole qui contenait tous ses médicaments. Il s’y rendit tel un robot, attrapa la boite de somnifères - qu’il était censé prendre le soir - avant d’en extirper un et de l’avaler sans plus tarder. « J’vais aller m’allonger, c’est mieux pour nous deux. » Elle allait le tuer d’avoir fait ça. Mais il avait tellement l’épaule et le coeur en miette présentement qu’il s’en fichait un peu de savoir si Amelia était d’accord ou pas avec son geste. Et s’il arrivait à être plus ouvert avec les gens, il avouerait qu’il était plus mal de devoir parler de Ginny que par rapport à son épaule - parce-que dans ce dernier cas, il savait pourquoi il avait mal alors que comme l’avait dit Amelia, il aurait du tourner le chapitre Ginny depuis un bon bout de temps déjà.