(Lucevie #3) • There's meltdown in the sky

There's meltdown in the sky
Lucia Whitemore & @Evelyn Pearson

Evidemment, tout semblait trop beau. Je m’épanouis petit à petit aux côté d’Evelyn, mes relations avec Hannah se détendent - même si nous sommes encore loin de notre complicité d’antan - et Swann et moi n’avons jamais été aussi proche depuis le soir de la fête foraine où nous nous sommes embrassés. A ses côtés je ris plus que je ne l’ai fait ces dernières années, je redeviens une adolescente avec des coeurs pleins les yeux, et je ne me prive plus de tartiner mon compte instagram de photos nous présentant tous les deux, la plupart du temps hilares. C’est certainement comme ça qu’il a appris que, presque un an après qu’il m’ait larguée comme une vieille chaussette, j’étais enfin en train de réussir à passer à autre chose. A cesser de le placer sur un piédestal, à retrouver un peu de ma confiance en moi, à m’épanouir auprès de quelqu’un qui me semble bon pour moi, pour une fois dans ma vie. A ne plus regretter une époque révolue, une relation qui me faisait plus de mal que de bien. Après des mois de silence, j’ai reçu un message. Il s’indigne Lawrence, ce n’est pas moi qu’il a du mal à laisser partir, c’est cette certitude que même à des kilomètres il a toujours de l’emprise sur moi. Cette emprise qu’il perd vient entamer sa fierté et son égo, et il décide donc me torturer à nouveau. J’ai découvert son message ce matin en me levant. Je l’ai reçu au beau milieu de la nuit et, s’il était probablement complètement alcoolisé et sous l’influence de je ne sais quoi, il n’y a rien qui excuse les insultes, les mots durs et rabaissant, le rappel que je ne le méritais pas lui, et que je ne mérite pas plus qu’un autre homme s’intéresse à moi.

Je ne comprends pas à quoi il joue. Je n’ai pas répondu et je tremble à l’idée qu’il me sollicite à nouveau. Je n’ai pas non plus répondu au message que m’a envoyé Swann ce matin - nous nous écrivons tous les jours pour raconter toutes les bêtises qui nous passent par la tête - et je me suis préparée du mieux que j’ai pu. Aujourd’hui, alors que nous sommes en plein essayage de robes de mariée pour Kate Sanders et de demoiselle d’honneur pour ses amies, je suis fébrile. J’ai manqué de renverser la flûte de champagne que je lui ai tendue et mes doigts s’accrochent trop fort à chaque morceau de tissu qui passent entre mes mains. Lawrence ne gâchera pas ça. Il n’a pas le droit et je n’arrive pas à savoir pourquoi ce qu’il pense me touche tant. Ses mots dégradants viennent ébranler ma fragile confiance en moi retrouvée, et aujourd’hui je me sens sur le point de fondre en larmes à chaque instant. « Oh désolée, je vous ai fait mal ? » C’est au moins la vingtième robe qu’elle passe Kate. La vingtième robe qu’elle commente, que je complimente, et à laquelle elle trouve un défaut. Celle ci n’est pas assez cintrée et je tente de la resserrer à l’aide d’aiguilles pour qu’elle s’imagine ce que cela donnerait si elle était reprise par les services d’un couturier, mais je l’ai piquée par mégarde. « Ce n’est rien. Mais vous n’avez pas l’air dans votre assiette Lucia. » Le mot est faible… Je lui adresse un sourire rassurant et tandis que je m’éloigne et qu’elle s’observe dans la glace, mon attention est détournée par le carillon de la porte d’entrée. Je jette un coup d’oeil à ma montre, il est presque midi, et Evelyn m’a informée ce matin avant que je quitte l’agence qu’elle me rejoindrait pour partir déjeuner. Je ne m’offusque pas qu’elle le fasse sur le lieu des essayages : je suis trop touchée qu’elle m’ait laissée gérer la chose seule pour me sentir menacée qu’elle vienne s’assurer que tout se passe bien et, de toute façon, j’apprécie son contact un peu plus tous les jours. Lorsqu’elle passe l’embrasure de la porte je lui adresse un sourire. « Oh, bonjours Evelyn. » Kate a remarqué son apparition et si je la soupçonne de me préféré mon aînée, le courant passe bien entre elle et moi et j’ai été rassurée de voir qu’elle est plus qu’une femme parfaite et distinguée. Elle a de la conversation, elle est intelligente et rafraichissante. Plus que ses demoiselles d’honneurs qui, elle, sont de meilleurs prototype du milieu particulièrement aisé dont vient la future mariée. « On a essayé une bonne vingtaine de robes ce matin. » J’adresse un sourire de connivence à la blonde qui trône au milieu de la pièce dans une magnifique robe sirène. « Je crois que je commence à avoir une bonne idée de ce qui plaît à Kate. Le prochain rendez vous devrait être le bon. » Ce sera le deuxième et, si j’aurais aimé trouver la perle rare aujourd’hui, n’est-ce pas logique pour un achat aussi important de devoir tâtonner un peu avant ?

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Evelyn Pearson & @Lucia Whitemore

Evelyn s’était faite une mission d’ignorer son téléphone personnel depuis quelques jours déjà. Conseillant à Lara de la joindre sur sa ligne professionnelle si elle en avait vraiment besoin, c’était un exercice dans lequel elle excellait plutôt, surtout quand elle songeait à la personne qu’elle cherchait à ignorer à tout prix. Car elle n’en pouvait plus à vrai dire, des constantes tentatives de sa mère de la joindre par tous les moyens depuis le début de la semaine tandis qu’au fur et à mesure que les jours défilaient, tous plus denses les uns que les autres, elle faisait tout son possible pour rester loin du clan Pearson. Sa petite soeur s’était montrée insistante elle aussi, ces derniers temps, tentant sans vergogne de lui tirer les vers du nez à propos d’Owen et de sa mutation surprise, pressentant que son aînée avait sans doute des choses à cacher à ce sujet, et furetant habilement pour avoir le fin mot de cette histoire bien trop mystérieuse pour être honnête. C’était le cas, Evie avait quelque chose à cacher, et alors ? Personne ne s’était jamais inquiété de la voir gérer sa vie privée seule, et ce n’était sûrement pas maintenant, alors qu’elle avait dépassé la trentaine depuis bien longtemps, qu’elle laisserait quiconque fourrer son nez dans ses affaires quand bien même elle n’aurait pas craché sur un peu de réconfort en ces temps de solitude subitement retrouvée.
C’était un mal pour un bien finalement, de s’être extirpée le prêtre de la tête, en profitant par la même occasion pour éviter l’impasse dans laquelle ils seraient tombés de toute façon. Ça faisait plusieurs mois maintenant, que tout était terminé, et elle ne le vivait pas mal. Elle retrouvait son train-train sans se soucier d’autre chose que de son travail ; les clients, les devis, les rendez-vous et la caféine courant dans ses veines du matin au soir, ses priorités étaient revenues ce qu’elles avaient toujours été. C’était d’ailleurs avec son éternel gobelet tiédit par les minutes qu’elle descendit du taxi qu’elle avait commandé en sortant de Spring Hill, savourant déjà la perspective de terminer les dernières gouttes de son breuvage sucré de prédilection en faisant mine de ne pas sentir les vibrations de son téléphone personnel fourré dans le fond de son sac à main. Elle aurait pu l’éteindre, mais elle voulait garder le plaisir coupable de laisser un semblant d’espoir s’infiltrer dans l’esprit de sa mère qui tombant invariablement sur sa boîte vocale, finirait sans doute par la rendre inaccessible pour ses autres correspondants. Grand bien lui faisait, sa fille avait d’autres chats à fouetter en cette fin de matinée.
En dévalant les quelques mètres qui la séparait de son point de chute, Evelyn pensa à Lucia. Comme convenu lors des entretiens préliminaires avec les Sanders, elle lui avait laissé la grande mission, essentielle, de répondre aux attentes de Kate en matière de robes de mariée. Elle lui faisait confiance, elle ne craignait pas de bévues de sa part, la jeune femme faisant partie de ces jeunes assez versatiles pour se plier aux circonstances tant ils voulaient bien faire. Elle était douée, sa nouvelle assistante, et elle apprenait vite, très vite. A ses côtés, le statut de mentor d’Evie était à son apogée, de quoi regonfler sa motivation à la tâche alors que son business se portait de mieux en mieux, devenant une valeur sûre dans la région. Aussi, si elle rejoignait Lucia sur le lieu des essayages de Kate, ce n’était pas tant pour garder un oeil sur elle, plutôt pour constater encore un peu plus combien elle cadrait avec le milieu dans lequel elle avait inopinément mis les pieds. Elle avait de l’avenir, Evelyn n’en finissait plus d’y croire, et curieuse de voir comment elle s’épanouirait au fil du temps, l’affection qu’elle lui portait en tant que patronne devenait de plus en plus évidente. Elles se complétaient d’une manière totalement inédite pour elle, la jeune Lucia étant bien plus discrète que tous les binômes qu’elle avait eu jusqu’alors, contrebalançant avec les travers parfois un peu autoritaire de la fille Pearson en apposant son doux assentiment aux missions qu’on leur confiait.

"Ce n’est que moi." fit-elle en rentrant dans la boutique de robes de mariée après avoir fait tinter le carillon de l’entrée en ayant poussé la porte d’une main déterminée. Quelques pas lui suffirent pour rejoindre le salon où Kate et Lucia étaient retirées "Vous êtes splendide, Kate." complimenta-t-elle d’emblée la jeune mariée, lui tendant une main pour partager avec elle cette constatation, toujours peu encline aux contacts physiques prolongés avec les autres. Restait cependant que son approche était sincère, tout comme son compliment qu’elle accompagna d’un sourire en direction de Lucia qu’elle chercha du regard "Parfait. Plus que vingt autres à essayer." plaisanta-t-elle alors, laissant Kate rejoindre la cabine pour se défaire du volume épais de la robe qu’elle portait et qui visiblement, même si elle lui allait à merveille, n’était pourtant pas celle qui la faisait rêver.
Evie posa son gobelet vide sur la table basse du petit salon, et se départit de son sac à main, puis de son manteau qu’elle plia, et disposa consciencieusement sur l’un des fauteuils à froufrous. Un léger coup de main dans ses cheveux qu’elle repoussa entre ses omoplates, et elle se dirigea vers Lucia qu’elle regarda brièvement, s’apprêtant à lui en demander davantage sur les critères de sélection nouvellement acquis de Kate.
Aussitôt, elle constata qu’à son poignet, elle portait des épingles de retouches. Un nouveau sourire remonta ses pommettes surmontée d’un blush abricoté, parfait pour sa carnation "Tu sais qu’il y a des employés pour s’occuper des ajustements et des retouches ? Tu n’étais pas obligée de t’en charger toi-même, Lucia." lui fit-elle remarquer, loin d’être surprise toutefois de l’investissement de la jeune femme qui ne faisait jamais les choses à moitié. Elle pencha la tête, l’interrogeant des yeux avant toute chose. Elle finit par lancer un bref coup d’œil par-dessus sa propre épaule, ses yeux se perdant en direction de la cabine d’essayage que Kate avait rejointe, et lui demandant tout en chuchotant "Tout s’est bien passé ? Vraiment ?"

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Lucia Whitemore & @Evelyn Pearson

Elle est belle Kate dans sa robe de mariée, et maintenant que j’ai appris à la connaître, j’apprécie de passer du temps en sa compagnie. Nos rapports restent ceux d’une professionnelle et sa cliente, mais j’aurais détesté que ma première expérience se passe mal, d’être traitée comme une moins que rien ou d’abord à faire à une mariée désagréable qui donne presque l’impression d’avoir envie d’être partout sauf ici en train de préparer le plus beau jour de sa vie. Certes, Kate n’aime pas perdre son temps et avec elle il faut que les choses aillent vite et comme elle les a prévues. Mais malgré ça, elle est réellement enthousiaste à l’idée de préparer la cérémonie, et sa bonne humeur est communicative dans une pièce. Je pense que je l’avais mal jugée : je l’imaginais autoritaire, peu conciliante et vindicative lorsque nous nous sommes rencontrées, mais au contraire, elle sait ce qu’elle veut et reste une bonne nature. Je pense qu’au contraire, je n’aurais pas pu mieux tomber pour une première expérience et j’en suis heureuse, parce que j’ai besoin que pour une fois les choses se passent bien. J’ai besoin pour une fois de me sentir autrement que comme une moins que rien et de sentir que j’ai un avenir à ce poste. Alors je me donne à fond et même si j’ai l’esprit ailleurs, ce serait un mensonge éhonté que de prétendre le contraire, je m’applique à donner le meilleur de moi même pour cette première séance d’essayage. Inconsciente d'où mon boulot commence et de où est là limite, j’aime même Kate à visualiser ce que pourrait donner les robes avec des petites retouches de rien du tout, dégainant quelques épingles lorsque le tissu de la robe me semble le permettre.

Lorsque le carillon de la porte sonne je ne sursaute pas cette fois ci - il aurait été malheureux que je pique à nouveau une Kate qui a déjà remarqué et fait remarquer je j’ai l’esprit ailleurs, la faute à mon ex petit ami qui pour une sombre raison, ne semble pas supporter l’idée que, un an après la fin de notre relation, je sois enfin passée à autre chose. « Ce n’est que moi. » Je lui adresse un grand sourire tandis que notre cliente la salue, client dont je m’éloigne de quelques pas afin qu’elle puisse contempler son reflet dans le miroir - elle est aussi belle que dans les vingts précédentes et aime toujours autant se l’entendre dire - et pour que Evelyn puisse me rejoindre. « Vous êtes splendide, Kate. » Je ne précise pas qu’elle qu’a pas besoin de ça et que ses chevilles semblent prête à exploser. Elle est agréable Kate Sanders et effectivement à tomber, mais pas modeste pour deux sous. « Parfait. Plus que vingt autres à essayer. » Je laisse échapper un léger rire en me demandant si c’est réellement le cas, si elle passera encore une vingtaine d’autres robes avant d’en trouver une parfaite. « Le modèle de robe pour les demoiselles d’honneur lui par contre est choisi, ça y est ! Tu les as manquées de justesse d’ailleurs, après avoir terminé la bouteille de champagne elles sont parties boires des cocktails un peu plus loin. » Je me dirige vers la housse qui protège une jolie robe vert d’eau qui arrive juste en dessous du genoux, et je l’ouvre délicatement pour la montrer à Evelyn. « Adorable non ? » Plus que les pestes qui se glisseront dedans, ça va sans dire. Elles représentent ce que j’ai toujours détesté mais heureusement pour moi, je ne suis pas de celles qui s’agacent ouvertement et s’énervent facilement. Je suis trop conciliante et douce pour avoir laissé leurs caprices gommer mon sourire chaleureux.« Tu sais qu’il y a des employés pour s’occuper des ajustements et des retouches ? Tu n’étais pas obligée de t’en charger toi-même, Lucia. » Bras croisé, je fronce les sourcils avant d’observer mon poignet et de rougir, en ramenant une mèche de mes cheveux derrière mon oreille. « Oh ça, non t’en fais pas ! J’ai juste mis quelques épingles pour qu’elle puisse mieux se projeter, crois moi, si j’avais tenté de faire ça moi même ça aurait été une catastrophe. » Syndrôme de la jeune femme qui emmène toujours ses vêtements à repriser chez sa mère, qui accepte en souriant tant elle est heureuse de pouvoir contribuer et ainsi continuer à faire partie de la vie de ses filles. Helen Whitemore dans toute sa splendeur. « La vendeuse m’a dit que ce n’était pas dérangeant, alors je me suis permise. » Déjà, je me justifie, puisque c’est une seconde nature chez moi. « Tout s’est bien passé ? Vraiment ? » J’adresse un sourire rassurant à Evelyn, de peur qu’elle aussi me décode aussi facilement que notre future mariée. « Oui, c’était une superbe après midi. » Je suis presque sûre d’être parvenue à être convaincante, mais voilà que la voix de Kate parvient à nous oreilles. « Lucia a été parfaite Evelyn. Mais elle avait un peu la tête ailleurs, certainement des histoires de garçon qu’elle n’a pas voulu partager même si je mourrais d’envie de tout savoir. » Ah, autre chose à savoir sur Kate. Elle est extrêmement bavarde et veux ab-so-lu-ment tout savoir. Absolument. Même ce qui n’a aucun rapport de près ou de loin avec qui que ce soit qu’elle connaît. « Non c’est rien Kate, vraiment. » Je laisse échapper un rire gêné que je trouve peu convaincant. « J’ai promis de vous le raconter, le jour où ce sera le cas. » Je jette un regard à Evelyn, en espérant qu’elle vienne à mon secours.

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Evelyn Pearson & @Lucia Whitemore

L’étiquette de mentor qu’Evie avait gagné en embauchant Lucia la détournait de ses problèmes personnels. Elle avait toujours été douée pour faire la part des choses entre sa vie privée et sa vie professionnelle, mais il y avait des fois où c’était moins facile qu’à d’autres de garder un état d’esprit tourné vers les autres - et davantage quand votre téléphone sonnait tous les quarts d’heures pour vous rappeler que la vie en dehors du travail poursuivait son cours, merci maman. Faire don de son temps et de son énergie, c’était primordial avec l’organisation de mariage. La notion de sacrifice était bien présente, même s’il n’y avait rien d’aussi dramatique en vérité ; il fallait tout de même à tout prix garder à l’esprit que le client est une priorité et ne pas s’appesantir sur la question des soucis qu’on trainait comme tout un chacun. Un exercice qui n’était pas facile pour tout le monde, Evelyn en avait conscience.
Finalement, le jeu en valait la chandelle le jour-j quand enfin le travail abattu au cours des derniers mois prenait officiellement forme pour permettre à un couple de s’unir pour une durée plus ou moins indéterminée - satané cynisme, elle ne pouvait pas s’en empêcher. La bataille intérieure, celle menée par les organisateurs qui s’évertuaient à ne pas laisser leurs émotions déborder pour mieux faire leur travail, semblait enfin être gagnée à l’instant des échanges des voeux ; personne ne se rendait donc compte de rien, à mille lieues de s’émouvoir qu’un prestataire de services puissent avoir d’autres choses à gérer en amont, et les compliments pleuvaient, tout comme les promesses de contrats qui tombaient à cause du bouche à oreille. En d’autres termes, l’objectif était atteint, et c’était ça l’important.
Son objectif ici, c’était simplement de constater combien Lucia s’était bien débrouillée sans qu’elle ne soit derrière elle à surveiller ses faits et gestes, aussi l’atteindre était important pour qu’elle chasse de son esprit le grésillement intempestif de son téléphone qu’elle avait senti vibrer contre sa hanche durant toute la matinée.

Elle ne se força pas à partager avec elle un sourire que leur conversation vite entamée, mais aussi sa constatation enthousiaste du niveau d’investissement de la jeune femme, fit s’agrandir pour creuser une fossette dans sa joue "Tu me rappelles que je dois à tout prix mettre en place un système de taxis pour raccompagner les invités éméchés après la grande fête. Je ne tiens pas à avoir des accidents sur la conscience… mon carnet…" Un doigt pointé en direction de son sac qu’elle avait posé sur la causeuse, Evie se pencha dessus pour en extirper son légendaire carnet qu’elle ouvrit d’une main habituée pour y noter le rappel qu’elle venait de verbalement partager avec Lucia ; son téléphone se remit à sonner, elle l’ignora sans même donner l’impression de s’être aperçue de quoi que ce soit.
Un coup de stylo plus tard, et elle referma son carnet qu’elle plaqua sur sa poitrine pour mieux venir jeter un oeil au modèle splendide de robe pour les demoiselles d’honneur. Le vert n’était pas sa couleur favorite, mais son avis avait bien peu d’importance à cet instant précis. Et puis ele devait admettre qu’elle mettrait en valeur les teints pâles des jeunes femmes que Kate avait choisi pour l’accompagner jusqu’à l’autel "Adorable effectivement, je suis curieuse de toutes les voir dedans." laissa-t-elle échapper en s’amusant de la réponse que Lucia lui accorda à propos des retouches, sa tête opinant déjà négativement pour retenir les justifications de la jeune femme "Ce n’est pas un reproche, tu sais. Je suis persuadée que Kate a apprécié que tu lui donnes la possibilité de mieux se rendre compte de ce que ça donnerait avec quelques ajustements." la rassura-t-elle en ne réussissant pas à l’empêcher de se justifier ; une habitude qu’elle avait prise, et qui devait être si ancrée en elle qu’elle lui paraissait innée. Mais jamais Evie ne lui reprocherait de s’investir à la tache bien au contraire, ça démontrait encore une fois qu’elle tenait à faire ses preuves et à perdurer, et il fallait l’encourager "Bon travail. J’ai l’impression que ça devient une habitude." fit-elle avec malice, lui touchant très brièvement le bras en se détournant pour voir Kate s’avancer vers elles.
Ne tarissant pas d’éloges sur la manière dont son assistante avait mené le rendez-vous, elle s’exprima avec bienveillance. Une fierté qu’Evelyn n’expliquait pas la força à sourire à nouveau, puis à lever les sourcils quand elle allongea la rhétorique de leur cliente qu’elle s’empressa de corriger, masquant sa surprise d’apprendre que Lucia avait semblé distraite "Ou des histoires de filles, d’ailleurs. Il faut vivre avec son temps." Une déclaration à laquelle Kate apporta son assentiment tandis qu’Evie interrogea brièvement Lucia du regard. Se rendant compte que, peut-être, Kate l’avait mise dans l’embarras, elle reprit vite le relai de la conversation, faisant éclater un autre et chaleureux sourire qu’elle réserva à sa cliente "Kate, on se retrouve après le déjeuner pour poursuivre les essayages comme c’était convenu ?" lui demanda-t-elle pour qu’elle ne soit pas tentée de pousser ses réflexions plus loin. La congédiant poliment, elle l’aida à rassembler ses effets personnels pour qu’elle puisse quitter la boutique sereinement, puis elles laissèrent un instant Lucia seule. Une fois que la carillon de la boutique retentit, accompagnant la sortie de Kate avec une douce mélodie, Evelyn délaissa son carnet sur la même table sur laquelle elle avait posé son gobelet de café et se dirigea à nouveau vers Lucia. Arrivée devant elle, elle lui demanda tout simplement "Est-ce que tu as envie d’en parler ?"

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Lucia Whitemore & @Evelyn Pearson

« Tu me rappelles que je dois à tout prix mettre en place un système de taxis pour raccompagner les invités éméchés après la grande fête. Je ne tiens pas à avoir des accidents sur la conscience… mon carnet… » Elle attrape réellement le dit carnet - Evelyn et moi avons ça en commun, nous n’avons pas grand chose mais ça si - pour y noter tout de suite l’idée dont elle m’a déjà parlée dans sa liste de to do qui est si longue qu’elle donnerait des vertiges à beaucoup de monde, mais pas à la brune. S’il y a quelque chose que j’ai appris en travaillant à ses côté c’est qu’elle fourmille constamment d’idée et qu’elle ne supporte pas de rester inactive. A l’agence elle m’impressionne : elle est toujours au téléphone, en train d’envoyer un mail et en train de feuilleter des magazines de mariage à la fois. Elle enchaîne rendez vous sur rendez vous, et à mes yeu elle est cette sorte de machine inarrêtable que j’admire profondément. Et cette idée, comme toutes les précédente, et vraiment bonne, lorsqu’on l’entend on se dit qu’il n’y a rien de surprenant au fait que les affaires soient si prospère. Le sens du détail, je l’ai comme elle, mais je n’ose pour l’instant pas affirmer mes idées comme elle le fait, même si je gagne peu à peu en confiance en moi en la côtoyant. Au delà du poids sur la morale d’un potentiel accident, le service peut-être très lucratif, j’en suis persuadée.

La robe que je suspends devant moi pour l’aider à se représenter les couleurs et l’ambiance du mariage est d’une couleur qui flatte le teint des peaux les plus claires, celles qui donnent l’impression de manquer de soleil quand pourtant nous vivons dans un pays où il est abondant, et elle ira à merveille aux demoiselles d’honneur de la marié et leur teint de porcelaine. Et observant mon reflet dans le miroir je me pose une question somme toute assez triviale : je sais que nous sommes tenues d’assister à la cérémonie, et j’ai hâte de vivre ma première, mais comment convient-il que je m’habille pour l’occasion Dois-je me fondre dans la masse en adoptant une petite robe légère et festive ? Dois-je privilégier un tailleur plus strict et professionnel ? Je me note de poser la question afin de pouvoir chercher quelque chose à me mettre à l’avance, et ainsi ne pas commettre d’impair. « Adorable effectivement, je suis curieuse de toutes les voir dedans. » J’échange un regard complice - plus naturel que travaillé - avec la future mariée avant de me tourner vers Evelyn. « Je la trouve superbe mais surtout, le plus important, c’est qu’elle plait à tout le monde. Tu n’imagine pas comment on a eu du mal à contenter toutes ces demoiselles. » Enfin si, elle imagine certainement puisque son expérience dépasse largement la mienne et, instantanément, je me sens idiote et je rougis. « Ce n’est pas un reproche, tu sais. Je suis persuadée que Kate a apprécié que tu lui donnes la possibilité de mieux se rendre compte de ce que ça donnerait avec quelques ajustements. » La principale intéressée confirme d’un sourire radieux et d’un hochement de tête avant de disparaître dans la cabine d'essayage pour ôter sa robe de mariée et repasser sa tenue de ville. La brune profite de ces quelques minutes pour me féliciter, et je rougis de plaisir. « Bon travail. J’ai l’impression que ça devient une habitude. » Je dépose la coupe de champagne que j’ai acceptée poliment - je n’osais pas refuser tant j’avais peur de vexer Kate Sanders - mais que je n’ai pas touchée - j’ignorais s’il était correct que je le fasse et, de toute façon, j’ai toujours préféré les jus de fruits aux boissons alcoolisées en tout genre. « Tu sais sur le coup je n’ai même pas eu l’impression que c’était du travail. Aussi loin que je me souvienne j’ai toujours adoré le shopping et les séances d'essayage. » Et aujourd’hui, la gamine de cinq ans qui sommeille en moi a eu l’impression de jouer aux barbies grandeur nature.

J’appréciais Kate. Je l’appréciais jusqu’à ce qu’elle mette les pieds dans le plat en ramenant sur le tapis mes préoccupations de cette matinée, qui ont belles et bien à voir avec un garçon, mais pas comme elle l’imagine. « Ou des histoires de filles, d’ailleurs. Il faut vivre avec son temps. » Je suis reconnaissante à la brune, qui détourne l’attention de la blonde en la taquinant gentiment avec de lui proposer de la raccompagner jusqu’à la porte de la boutique. « Kate, on se retrouve après le déjeuner pour poursuivre les essayages comme c’était convenu ? » La journée d’essayages se poursuite en effet cet après midi et il ne me viendrait pas à l’idée de m’en plaindre, surtout que, débarrassée des demoiselles d’honneur, nul doute qu’elle sera bien plus agréable. Je récupère mon sac à main tandis qu’Evelyn raccompagne la future mariée à la porte, avant de rester au beau milieu de la pièce, sans trop savoir quel sont les plans de ma patronne pour ce midi, peu désireuse d’être seul mais par contre convaincue que le poisson est noyé, que le sujet Lawrence a été balayé et ne reviendra pas sur la table.

Evidemment qu’il reviendra. Mais il ne reviendra que si j’ai envie de l’inviter, et alors qu’Evelyn m’adresse un bref « Est-ce que tu as envie d’en parler ? » je ne sais plus ce à quoi j’aspire. Evelyn est une femme si forte que j’ai envie de tout sauf de lui confier mes fêlures, je préfèrerais largement qu’elle déteigne sur moi plutôt que qu’elle me serve d’oreille attentive. Sauf qu’avec le temp j’ai eu l’occasion de constater qu’elle en est une bonne, et je ne sais combien de temps j’arriverais à garder tout ça pour moi. Alors, hésitante, je me jette à l’eau. « Je ne sais pas trop... » Au moins, on ne peut m’accuser de ne pas être honnête. « Peut-être, mais pas sans un burger et des frites. » Il y a bien longtemps que j’ai dit adieu aux bonnes habitudes alimentaires que ma mère a tenté de m’inculquer. « Tu as du temps à midi ? Ou tu comptais juste attraper un sandwich et rentrer à l’agence ? » Je la suis à l’extérieur de la petite boutique et balaye la rue du regard à la recherche de sa voiture. « Il y a une brasserie vraiment sympa un peu plus loin, on peut presque y aller en marchant. » Et peut-être que ce faisant, ma langue se déliera. Cependant, en guise d’avertissement, je lui glisse un « Mais Kate avait raison : c’est à propos d’un garçon. Je comprendrais que ça ne t’intéresse pas plus que ça. » vraiment gênée par mon aveu. Je comprendrais également que cela outrepasse les limites de notre relation professionnelle.

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Evelyn Pearson & @Lucia Whitemore

Les femmes sont des créatures difficiles à contenter. Cette constatation n’est pas tiré d’un manifeste misogyne auquel Evie aurait certainement mis le feu, et dont les premières lignes commençaient sans doute par le légendaire ces satanées bonnes femmes…. Non, c’était un fait dont elle était plutôt fière, elle, en tant que femme. Ça prouvait encore plus que toutes étaient faites pour diriger et se faire entendre dans ce monde basé sur des principes auxquels elle n’avait jamais adhéré ; et encore une fois, merci maman, comme quoi elle ne lui avait pas apporté que du mauvais, la preuve en était.
Aussi, elle n’était pas surprise d’entendre Lucia lui mentionner les incertitudes et les changements d’avis des demoiselles d’honneur de Kate Sanders. Parfois, ces dernières se montraient encore plus critiques et exigeantes que la mariée en question, et bien que ce n’était pas toujours bienveillant, la médisance et la jalousie étant des sentiments non-genrés, les personnalités des demoiselles d’honneur faisaient partie intégrante des légendes urbaines autour des mariages et rentraient dans les choses à prendre en compte pour que tout se passe pour le mieux, et ce dans le meilleur des mondes. Visiblement, Lucia savait déjà parfaitement gérer cette donnée supplémentaire tandis qu’elle avait réussi à mettre d’accord un groupe de jeunes femmes survoltées - un autre bon point pour son assistante, et il n’était pas des moindres. Ça témoignait du fait qu’elle aussi, aussi fragile qu’elle semblait l’être parfois, elle était aussi capable que toutes celles avec qui elle partageait des chromosomes.
Lucia Whitemore était faite pour se faire entendre, encore fallait-il qu’elle l’accepte sans se justifier, sans s’excuser. Ça, c’était la tache d’Evelyn ; de lui donner assez confiance pour qu’elle puisse envisager la certitude d’être douée pour mener à bien ce pourquoi on lui faisait confiance sans avoir besoin de s’en sentir atrocement coupable. Elle était sur la bonne voie, et l’encourager lui donnerait l’élan nécessaire pour enfin faire éclater cette bulle qu’elle avait soufflé autour de son petit corps pour se protéger. Pour se protéger de quoi, Evie l’ignorait, mais elle avait de plus en plus à coeur de lui prouver qu’elle n’avait rien à craindre lorsqu’elle se trouvait avec elle ; qu’elle pouvait s’exprimer sans buter sur ses mots, et que la gêne n’avait pas la place dans la relation qu’elles construisaient peu à peu.
Bien sûr, elle comprenait que la jeune femme tenait à garder une distance avec elle, elle-même s’y efforçait naturellement, très peu encline à partager son intimité, et encore moins ses secrets. Mais à côté de ça, à côté de la bienséance usuelle accordée à la part de mystère de chacun, elle ne devait pas se recroqueviller en sa présence. Elle n’était pas là pour étouffer sa liberté d’expression, elle n’était pas là pour étouffer son talent ; au contraire, elle était là pour lui permettre de déployer les pétales de la jolie fleur qu’elle la soupçonnait d’être, celle qu’on remarquait immanquablement au milieu de toutes les autres, et qu’on ne pouvait s’empêcher de contempler en la humant.
Peut-être que l’intervention de Kate à propos de l’attitude de Lucia ce matin-là était le bon moment pour faire entendre à la jeune femme qu’elle pouvait avoir confiance en elle. Après avoir congédié leur cliente, elle ne s’appesantit pas, et lui demanda immédiatement si elle voulait parler de ce qui la tracassait. Pas par curiosité maladive, l’organisatrice de mariage ne faisant pas partie de ces insupportables mêle-tout qui tenaient à se réjouir de la misère d’autrui pour se donner le sentiment d’avoir une bien meilleure vie, juste pour soulager la charge de ses soucis qui, en l’observant par-delà la barrière de ses longs cils qui clignèrent lorsqu’elle posa son regard sur elle, accentuait légèrement les ombres de son visage si juvénile.

"Je ne te force pas, je comprends." commença-t-elle tout simplement en récupérant elle aussi ses affaires, se calant sur les gestes de son assistante qui reprit la parole pour la compléter et lui tendre une perche qu’elle saisit bien heureusement. Un sourire passa sur le visage d’Evelyn qui opina et enfila son blazer qu’elle réajusta sans donner l’air d’y penser. Elle chassa ses longs cheveux du col, puis glissant la bretelle de son sac sur son épaule, elle dit à Lucia "Je te laisse volontiers le burger et les frites. J’écoute mieux devant une assiette de légumes cuisinés." se défendit-elle avec malice, pensant tout de suite à Lara qui aurait fait de gros yeux face à l’annonce de son futur repas.
Elle sortirent de la boutique de robes de mariée "Je te laisse mener la danse, je ne sais pas où elle se trouve." fit-elle en jetant un regard circulaire à l’ensemble de la rue qu’elle connaissait pourtant bien. Après un tour, elle reposa son attention sur le profil aux contours harmonieux de Lucia "Après toi, allons-y." l’encouragea-t-elle, prenant sa suite en marchant à ses côtés pendant qu’elle reprenait le cheminement de la conversation qu’elles avaient brièvement délaissée, le temps de savoir où la mener.
Est-ce qu’Evie avait foncièrement envie de connaître les déboires de Lucia ? Pas tellement. Quand on connaissait son rapport à l’intimité, on savait qu’elle n’était pas friande des grandes confessions. Mais comme à l’époque de Neal, comme à l’époque de Maze, et à celle de Chad, il y avait des moments où l’affection qu’elle portait à quelqu’un la forçait à légèrement revoir sa ligne de conduite et à admettre qu’il y avait des avantages à apprendre à connaître les autres. Sans nécessairement dénicher tous leurs secrets, mais il y avait des informations qu’il valait mieux ne pas négliger pour mieux cerner la personne qui trouvait quotidiennement en face de vous ; ce qui était le cas de Lucia qui, sans la langue pendue de Kate, n’aurait sans doute pas été assez gaillarde pour partager des éléments de sa vie privée avec sa patronne.
"Ah, les garçons… ils deviennent des hommes, et c’est à ce moment-là qu’il faut vraiment se méfier et commencer à se protéger." renchérit-elle, son regard dérivant brièvement sur l’asphalte qu’elles foulaient chacune de leur côté, les talons d’Evelyn marquant la cadence qu’elle refusa de rendre moins dense car elle gardait son esprit focalisé dessus ; et pas sur l’idée que, même elle, elle s’était laissée avoir à plusieurs reprises par la capacité des hommes à faire dériver une ligne de conduite aussi stricte que la sienne. Elle pencha la tête sur le côté, ses doigts trouvant la ligne de la bretelle de son sac à laquelle elle s’accrocha doucement "A partir du moment où ça interfère dans ta façon de mener ton travail, ça m’intéresse, Lucia." Elle se trouva un peu sévère dans sa manière d’exposer les choses, mais son intention n’était pas là. Pas du tout.
Ainsi, elle se reprit, tournant la tête vers la jeune femme qu’elle couva d’un regard aussi bienveillant que le permettait les reflets chauds comblant ses iris "Ce que je veux dire par là c’est que si tu ressens le besoin d’en parler avec quelqu’un, je suis là pour toi. Sincèrement, c’était aussi simple que ça "Je ne suis sans doute pas la mieux armée pour te guider dans ce domaine-là, j’ai mes casseroles en la matière…" laissa-t-elle échapper en échange des confidences de la blondinette, un léger sourire faisant remonter sa pommette "Mais j’ai appris à ne pas les laisser trop m’atteindre," les hommes et leurs intentions "alors si je peux partager ma méthode avec toi et t’aider à régler ce problème de garçon qui te contrarie…"

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There's meltdown in the sky
Lucia Whitemore & @Evelyn Pearson

« Je ne te force pas, je comprends. » J’observe Evelyn récupérer ses affaires, et je me demande si elle agit de la sorte par politesse ou si, contrairement aux femmes de ma famille, il existe de femmes capable de faire taire leur curiosité naturelle au profit du respect de l’autre. Là dessus et entre ma mère et mes soeurs je suis gratinée, moi qui ai pourtant toujours mit un point d’honneur à respecter leur jardin secret. Enfin pour ça il faudrait que ma patronne nourisse réellement de la curiosité à mon égard, et je me sens idiote d’envisager qu’elle ait quelque chose à faire de tout ça. Je l’imite en enfilant ma veste légère, nécessaire mais suffisante en hiver chez nous, avant de ramasser mon sac à main et de le passer sur mon épaule.

J’ignore si j’ai vraiment envie de lui parler de tout ce qui m’agite, mais ai-je réellement le choix tant j’ai la sensation que ces dernières préoccupations m’encombrent l’esprit, me parasitent et me rendent incapable de fonctionner correctement ? « Je te laisse volontiers le burger et les frites. J’écoute mieux devant une assiette de légumes cuisinés. » Je hoche la tête doucement, repassant la carte de la brasserie en question dans ma tête par souci de bien faire, essayant de me rappeler s’il y a aura au menu de quoi contenter Evelyn. Je tranche en faveur d’un oui, pourtant toujours inquiète à l’idée qu’elle n’y trouve pas ce dont elle a envie. « Ah oui, désolée. Mes habitudes alimentaires ont tendance à désespérer mon entourage. » Ma soeur médecin, ma mère et Gabrielle toutes les deux très à cheval sur les bienfaits d’une alimentation saine et variée. Je mange peu, d’un appétit d’oiseau à vrai dire, mais particulière mal, gras, et surtout sucré. « Je te laisse mener la danse, je ne sais pas où elle se trouve. Après toi, allons-y. » « C’est juste un peu plus loin, sur Martin street. » Je pointe la direction à prendre du bout du menton, avant de me mettre en marche, le ventre serré en repensant au message envoyé par mon ex.

J’hésite un instant avant de me jeter à l’eau et, par peur de l’ennuyer, je précise que notre cliente n’avait pas tout à fait tort en évoquant des soucis liés à un homme, bien qu’elle soit certainement loin de se douter de la nature de mes soucis en question. Sont-ils seulement encore pertinents ? Lawrence et moi ne nous sommes pas vus depuis plus d’un an, pourquoi aurais-je peur de lui ? Pourquoi me sentirais-je mal à l’idée qu’il puisse encore répandre son venin ? « Ah, les garçons… ils deviennent des hommes, et c’est à ce moment-là qu’il faut vraiment se méfier et commencer à se protéger. » Je réfléchis un instant en repensant à mon passé amoureux. Il n’y a pas grand chose à en dire, j’ai embrassé mon premier garçon à treize ans, avant de décider d’un commun accord que c’était bien trop gênant et que nous étions mieux amis, je me suis mise en couple au lycée avant de me séparer juste avant l’entrée dans la vie étudiante, puis il y a eu Lawrence. Et maintenant Swann, que je n’ai pas envie d’inclure dans ce désastreux palmarès par peur de nous porter la poisse. Swann qui n’a rien, mais rien du tout à voir avec mon ex, et penser à lui me pousser à commenter d’un bref « Pas tous... » Ils ne sont pas tous comme ça et peut-être que je n’apprends pas de mes erreurs mais le blond, je n’ai pas envie de m’en protéger. « A partir du moment où ça interfère dans ta façon de mener ton travail, ça m’intéresse, Lucia. » Penaude et interprétant sa remarque comme une remontrance, je baisse les yeux. « Je suis désolée… Ça ne se reproduira plus et à vrai dire, c’était assez inattendu. » Parce que si je l’ai souhaité très fort avant de commencer à m’en guérir, je ne veux plus du brun dans ma vie. Je commence à peine à réaliser à quel point il m’a fait du mal, et il me fait autant peur que je l’ai aimé, à présent. « Ce que je veux dire par là c’est que si tu ressens le besoin d’en parler avec quelqu’un, je suis là pour toi. » Je redresse la tête pour la couvrir d’un regard reconnaissant, comprenant à présent qu’elle a été plus sévère que ce qu’elle ne voulait l’être. J’ai du mal à m’imaginer en train de me confier à Evelyn tant elle me paraît sûre d’elle et inébranlable et je crois qu’au fond, j’ai peur qu’elle me trouve idiote si elle savait ce dans quoi je me suis laissée embourbée. Les femme comme elle, comme Hannah, il ne leur arrive pas ce genre de chose, elles sont bien trop intelligentes et possèdent bien trop de caractère pour se laisser briser de la sorte. « Je ne suis sans doute pas la mieux armée pour te guider dans ce domaine-là, j’ai mes casseroles en la matière…Mais j’ai appris à ne pas les laisser trop m’atteindre, alors si je peux partager ma méthode avec toi et t’aider à régler ce problème de garçon qui te contrarie… » J’écarquille les yeux tant il me paraît improbable qu’Evelyn Pearson ait ses casseroles en la matière.

Jouant nerveusement avec la bride de mon sac à main, j’hésite un instant, gênée, perturbée et surtout mal à l’aise à l’idée de me confier sur cette histoire dont je maîtrise mal les tenants et les aboutissants. « Je vois quelqu’un, ça fait quelques semaines maintenant, depuis le début de l’hiver en fait. » Et le printemps est doucement arrivé, sans même que je ne le réalise. « Il est vraiment génial, c’est pas lui le problème. » Je n’imagine pas Swann d’être à l’origine d’un quelconque problème, mais je m’en veux de n’être capable d’avancer avec lui qu’à pas de loup. « Mon ex a vu des photos de nous que j’ai postées. Il était... » Blessant ? Hargneux ? Méchant et vicieux ? Dédaigneux et dégradant ? Je ne sais où situer le curseur tant j’ai l’impression de me plaindre pour un rien. « Il n’était pas vraiment content… Les choses ne se sont pas bien terminées entre nous. » Et ça, c’est un euphémisme.

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Evelyn Pearson & @Lucia Whitemore

Toute dirigée vers Martin Street, le bruit de ses talons marquant le rythme d’un échange inattendu, Evelyn s’apprêtait à faire irruption dans la vie privée de la jeune Lucia. Ça ne l’enthousiasmait pas plus que ça de mettre son joli petit nez par-delà la clôture que leur statut de collègues de travail avait naturellement dressée entre elles deux, mais la mine de contrariété qui plombait l’aura de bonne humeur de la jeune femme, et surtout la remarque précédente de Kate Sanders, lui fit comprendre qu’elle aurait tout à y gagner en mettant de côté ses principes. Juste le temps de soulager ce qui pesait tant sur le coeur de son assistante certes, toujours est-il qu’elle se portait étonnamment volontaire.
C’était une surprise, car elle n’était pas douée pour ça Evie ; pour les confidences murmurées sur le ton des messes basses, plutôt allergique aux secrets qu’avec une certaine contradiction pourtant, elle cultivait de son côté. C’était quelque chose qu’elle avait pour elle malgré ses difficultés à gérer ses propres états d’âme, mitigée entre plusieurs pensées qu’elle préférait étouffer pour ne pas s’y perdre : elle ne rechignait jamais à la tache, et si Lucia avait besoin de s’épancher pour être au maximum de ses capacités, elle prendrait sur elle sans se faire prier. Quelque part, ça faisait partie de ses attributions de patronne, mais aussi d’aînée, et ça elle l’avait compris depuis que Lara était apparue dans sa vie. Ce n’était pas mal de prétendre vouloir donner des conseils dans un cadre plus chaleureux qu’un bureau, ce n’était pas mal de se soucier des autres sans rien attendre en retour, encore fallait-il que ses habitudes en la matière se tarissent, et malheureusement elle craignait que des années lui seraient utiles pour se débarrasser des signes d’embarras qu’elle ressentait lorsqu’elle avait la sensation de trop en savoir, ou de trop en dire. Mais elle essayait, et puisque l’excellence faisait partie des clauses de sa charte personnelle, elle entendait bien masteriser cet exercice inopinément donné par la destinée.
Les soucis de Lucia étaient encore plus personnels qu’elle l’imaginait. Elle ne se laissa pas démonter, tout comme la blonde d’ailleurs qui, à défaut de le faire d’une toute petite voix, reprit les élans féministes de sa patronne en lui donnant son avis à son tour "Pas tous, c’est vrai." lui répondit-t-elle avec un léger sourire là pour apposer son assentiment, la tête penchée sur le côté. Immédiatement, elle songea très brièvement à la remarque d’Owen concernant cette manière singulière qu’elle avait de trouver tous les défauts du monde à la gent masculine. C’était un fait notoire, et à vrai dire, elle avait rarement rencontré des hommes qui avaient été assez dignes de confiance pour qu’elle ne les trouvent pas perfides… à l’exception de Neal ; Neal qui rentrait dans la catégorie de ceux qui, comme son père, étaient assez honnêtes pour ne pas prétendre être quelqu’un d’autre, et qui au travers de leurs multiples qualités, ne rechignaient pas à admettre leurs défauts sans en rougir.

Il y avait de matière à creuser niveau psychanalyse, elle le savait que trop bien, Evie. Pas tout de suite cependant, il y avait plus urgent "C’est lui qui te donne tant de soucis ? Comment est-ce qu’il s’appelle ?" lui demanda-t-elle à la seconde où elle lui annonça fréquenter quelqu’un ; une bonne nouvelle qu’elle ne se permettrait pas de commenter. Lucia était jeune, elle avait toute la vie devant elle, et un palmarès de critères qui faisaient d’elle un parti qu’elle n’aurait pas rechigner à présenter à ses neveux les plus grands.
Elle comprenait le besoin d’autrui d’évoluer entouré d’un amour comme celui qu’on partageait avec un partenaire, même si elle, elle ne ressentait pas l’envie de le combler, pas après ses mésaventures récentes - et cette pensée donna du fil à retordre à son palpitant qui pulsa sous le tissu de bonne facture de la blouse qu’elle portait, tandis qu’elle fût rassurée par le complément d’informations de la jeune femme.
Elle lui indiqua que la personne qu’elle côtoyait n’était pas le responsable de ses contrariétés, aussi ce qu’elle ajouta fit lentement réduire la cadence des pas d’Evelyn. Les sourcils froncés, elle laissa échapper un "Je vois." sentencieux, mais pas arbitraire. Elle secoua très légèrement la tête, refoulant un semblant de sourire sarcastique en s’imaginant le profil de l’ex-petit ami de Lucia qu’elle regarda alors, plus que concernée "Vous êtes séparés depuis longtemps, c’était sérieux entre vous ?" Là, elle eut le sentiment d’être intrusive, de l’être beaucoup trop, et tout de suite, elle ajouta "Excuse-moi, tu n’es pas obligée de me répondre encore une fois. Je veux juste m’assurer que tu ne crains rien dans tout ça." Et c’était sincère, encore une fois. Elle connaissait par coeur ce genre d’histoires, elles faisaient souvent la une des journaux, et c’était à vous glacer le sang. Ses sourcils se froncèrent à nouveau quand doucement, Evie posa une main sur l’épaule de Lucia tout en continuant de marcher à ses côtés, se rapprochant d’elle pour créer un petit aparté "Tu as conservé vos derniers échanges ? Je ne veux pas t’affoler, mais ce serait peut-être une bonne chose que tu sois prudente à son sujet." Elle ne connaissait pas ce garçon, mais les instincts masculins avaient tendance à être changeants et imprévisibles - doux comme un agneau un jour, loup assoiffé le lendemain. Ça l’incita à compléter ses paroles par une nouvelle question qu’elle déclama en tournant enfin la tête vers Lucia, la mine sérieuse et impliquée "C’est la première fois qu’il a ce genre de réactions depuis votre rupture ?"

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Lucia Whitemore & @Evelyn Pearson

« Pas tous, c’est vrai. » En temps normal, mon bienséance m’aurait interdit de poser la moindre question mais ma curiosité lui en aurait voulu. Je me serais demandée si Evelyn aussi a eu son lot de désillusions amoureuses et de peines de coeur, si elle a laissé partir quelqu’un avec qui elle ressentait de nobles sentiments pour son travail ou si, au contraire, elle avait vécu une mauvaise expérience. Il n’y a pas de bague à l’annulaire de sa main gauche, et je l’ai de toute façon devinée célibataire ou en tout cas dans aucune histoire qu’elle ne souhaite rendre officielle au fil de nos discussions. A quoi ressemble la vie amoureuse de quelqu’un qui s'investit à ce point dans son travail ? En jetant un regard à Hannah, je pourrais avoir la réponse à cette question : à pas grand chose, mais chacun doit être libre de vivre sa vie comme il l’entend et de prioriser à sa façon, même si j’ai du mal à la comprendre, mon aînée.

Quoi qu’il en soit, je suis à l’heure actuelle bien trop happée par l’angoisse suscitée par le message de Lawrence pour m’y attarder et me poser ces questions que je me serais posées en temps normal. Qu’elle me pousse à en parler me touche, elle s’intéresse, mais me désarçonne tout autant puisque je ne l’attendais pas là Evelyn. « C’est lui qui te donne tant de soucis ? Comment est-ce qu’il s’appelle ? » Je secoue vivement la tête avant de lui confirmer que mon petit ami est génial, et qu’il n’a rien à voir avec tout ça, avant de rajouter. « Il s’appelle Swann, et non, vraiment, ce n’est pas lui le problème. » Dans ma relation actuelle c’est même plutôt moi, qui à cause de mes blocages nous empêche d’avancer comme deux adultes. « Je vois. Vous êtes séparés depuis longtemps, c’était sérieux entre vous ? » Je n’aime pas ça, le fait d’être replongée dans les souvenirs de ma relation avec Lawrence et c’est surement ce qui motive la grimace qu’Evelyn interprète comme le signe qu’elle est peut-être allée trop loin en me questionnant. Ce n’est pas le cas : je continue de répéter que j’ai besoin de temps avant d’être capable de réellement parler de ce qu’il s’est passé, mais nous nous sommes séparés il y a plus d’un an le brun est moi, ce n’est pas normal que je me sente toujours au bord des larmes et couverte de honte à l’idée de m’ouvrir. « Excuse-moi, tu n’es pas obligée de me répondre encore une fois. Je veux juste m’assurer que tu ne crains rien dans tout ça. » Je secoue la tête, avant de baisser les yeux sur mes chaussures. « T’en fais pas… Il m’a quittée à l’hiver dernier, il y a plus d’un ans, et oui, c’était sérieux. » J’hésite jusqu’où aller par peur que ma naïveté et que mon histoire n’achèvent de la convaincre que je n’ai pas le caractère pour le job et qu’elle a fait une erreur en m’embauchant. « C’est pour lui que j’ai déménagé à Sydney. On est resté ensemble trois ans, j’ai vécu avec lui pendant deux de ces années. » Pour lui aurait surement été plus juste. Mais je ne suis pas prête à l’admettre, ça aussi.

Que dire ? Qu’il ne m’a jamais frappée, mais souvent fait me sentir comme une idiote ? Qu’il l’a dit de toute façon, que je ne le méritais pas, que je ne valais pas grand chose et tout un tas d’autres horreurs ? Qu’il avait la mainmise sur tous mes moyens de communication et que je lui tendais servilement mon téléphone lorsqu’il me le demandait ? Qu’à cause de lui je me suis séparée des miens ? Dans mon trouble, j’oublie presque Evelyn, et je ne tourne à nouveau la tête vers elle que lorsqu’elle pose une main sur mon épaule et que je sens ma volonté vaciller. « Tu as conservé vos derniers échanges ? Je ne veux pas t’affoler, mais ce serait peut-être une bonne chose que tu sois prudente à son sujet. » Elle réveille en moi une nouvelle angoisse : celle que Lawrence fasse le déplacement jusqu’à Brisbane. Mais pourquoi ? Qu’est ce que je représente pour lui, si ce n’est un jouet trop abîmé et hors d’usage ? N’a-t-il pas une nouvelle petite amie à présent ? Une plus belle, plus intelligente et certainement plus ambitieuse que moi ? « Je… Oui, je crois. » Je sais même, mais je ne me résous pas à admettre que je n’ai rien supprimé de nos messages ou photos, pas par nostalgie, mais par peur panique d’y remettre le nez et que la lecture ne provoque chez moi une crise d’angoisse. J’en fais moins, j’aimerais que ça dure. « C’est la première fois qu’il a ce genre de réactions depuis votre rupture ? » Je me mords la lèvre et, dos au mur, je n’arrive pas à imaginer de mensonge qui me permette de me sortir de là. Alors, j’avoue une partie de la vérité, ma honteuse vérité. « C’est la première fois depuis notre rupture. » Je baisse les yeux et, sur un ton encore plus bas, je rajoute. « Mais c’est pas la première fois. » Puisqu’il l’a fait du temps où nous nous fréquentions encore.

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Evelyn Pearson & @Lucia Whitemore

Swann, c’était le prénom de son nouveau petit ami. Emmagasinant les informations, les remisant dans la partie de son cerveau assez vaste pour contenir ce sur quoi elle revenait toujours un peu plus tard, Evelyn hocha la tête, se sommant de se pas s’emmêler les pinceaux et de garder l’esprit vif pour réagir aux paroles de Lucia. Si le détour pris dans leur discussion la désarçonnait un peu, elle ne montra rien, portant toute son attention aux signes d’angoisse qu’elle décelait chez sa jeune assistante. Elle était nerveuse d’aborder le sujet avec sa patronne ; ce n’était pas difficile à déterminer et quelque part, cette dernière s’en voulut sincèrement de l’y obliger même si elle lui rappela, avec une certaine urgence d’ailleurs, qu’elle pouvait refuser de lui en dire plus, qu’elle pouvait garder ses secrets si ça lui chantait.
Mais quel genre de personne serait-elle au fond si elle la laissait continuer sa vie sans lui en demander plus, sans s’assurer qu’elle ne risquait pas de tomber du petit nid qu’elle se construisait au fur et à mesure, arrangeant le tout pour s’épanouir pour de bon et mieux s’envoler, accompagnée ou non ? Elle se détesterait, rien de moins. Elle se détesterait d’apprendre un jour où l’autre que la situation dépeinte à ce moment-là par Lucia était plus grave qu’une querelle d’anciens amoureux ; elle se détesterait de ne pas lui apporter l’assurance que si elle en avait besoin, elle pouvait lui confier les entrées malaisantes du journal des crises qu’ils avaient vécues, les menant à une rupture qui, manifestement, était mieux gérée par l’un d’entre eux.

D’autant que maintenant, Lucia lui confirmait qu’effectivement, avant leur séparation, les choses étaient sérieuses entre eux "Trois ans, c’est long. Tu devais beaucoup l’aimer." lui dit-elle plus par souci de ne pas rester silencieuse que d’émettre un quelconque avis tandis qu’elle se faisait la réflexion intime qu’elle, elle n’avait jamais été impliquée dans une histoire qui avait duré aussi longtemps. Et c’était de sa faute, elle n’était pas faite pour le long terme, ou du moins elle prétendait ne pas l’être. Mais c’était une introspection à mener à un autre moment. Pour l’heure, elle était bien décidée à se concentrer sur Lucia, et sur Lucia uniquement "C’est toi qui es partie ?" se risqua-t-elle à lui demander encore une fois, non pas par curiosité malsaine, davantage pour mieux affiner les contours du portrait de l’ex-petit ami de la jeune femme qui s’était mis à se dessiner de lui-même dans sa tête.
En dessin, comme pour tout, Evie avait besoin de précision ; les ombres étaient son ouvrage favori, autant en calligraphie qu’en dessin qu’elle avait certes abandonné pour l’art noble du tracé des lettres, mais qu’elle maniait suffisamment, son talent ayant été assez clair pour qu’elle envisage une carrière dans sa voie, pour être capable de se représenter les détails d’une silhouette ou d’un profil pour les croquer mentalement. Et les ombres de ce mystérieux ex, celles que lui décrivaient Lucia pendant qu’elle la questionnait sérieusement sur les mesures qu’elle avait prise pour rester en sécurité, elle ne lui plaisaient pas.
Elles étaient du genre à gâcher l’harmonie d’une esquisse et la rendre beaucoup trop sombre ; elles ne faisaient pas partie de la palette qu’elle accordait ordinairement à la jeune femme, son teint de porcelaine étant beaucoup trop délicat pour le noir et ses dérivés "Tu crois, ou tu es sûre, Lucia ?" tint-elle à l’interroger de nouveau, ralentissant le pas pour de bon pour plonger ses grands yeux marrons dans ceux de son interlocutrice à qui elle adressa un signe de la tête. Et son menton fit une légère embardée vers l’avant quand enfin, elle mit en lumière ce qu’Evelyn craignait, ce qu’elle avait ressenti.
Ses réactions, celles que la jeune femme avait mentionnées quelques secondes plus tôt faisaient donc partie intégrante du quotidien qu’elle avait préféré délaissé. Comment réagir à ce genre d’informations ? Comment la traiter sans paraître trop dramatique ? "Tu en as déjà parlé avec quelqu’un d’autre que moi ? Ton nouveau petit ami, par exemple ?" finit-elle par entamer avec douceur, la tête très légèrement inclinée sur le côté désormais, alors que sa main se perdit vers l’épaule de la jeune femme qu’elle ne quitta pas du regard pour s’assurer qu’elle n’omettrait rien si à nouveau, elle la questionnait ; et elle prévoyait de le faire, parce qu’elle avait beau se représenter les choses assez nettement, elle serait toujours loin de la réalité de ce que Lucia avait vécu finalement, et puisqu’elle tenait à l’aider, puisqu’elle ne voulait pas la laisser tomber, il fallait qu’elle sache.
Une profonde inspiration, et ses yeux se fermèrent très succinctement pour lui permettre de faire le point. Dès que ce fût le cas, Evie reprit "Je vais te poser une autre question, et si tu ne veux pas me répondre encore une fois, je ne vais pas t’y forcer." commença-t-elle, et ses sourcils frémirent quand elle retint un froncement qui aurait durci l’expression renvoyée par ses traits parfaits par le maquillage ; elle évita de lui dire que si elle préférait garder le silence, elle le prendrait comme un aveu qui lui tordrait le ventre. Enfin, elle poursuivit, se lançant avec une détermination qu’on n’avait rarement vue aussi fébrile chez Evelyn Frances Pearson "Est-ce qu’il t’a déjà fait du mal autrement ? Physiquement ?"

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Lucia Whitemore & @Evelyn Pearson

« Trois ans, c’est long. Tu devais beaucoup l’aimer. » C’est une affirmation, plus qu’une question, et je ne juge pas nécessaire de répondre : bien sûr que je l’aimais Lawrence, et j’ai continué à l’aimer longtemps après la fin de notre histoire, longtemps après qu’il ait cessé de le mériter aussi, si ça déjà été le cas. J’ai besoin de croire que c’était réciproque, mais je sais que notre relation n'était pas régie par des règles saines, pas dans la vision qu’il avait de moi. M’aimait-il moi, ou ce qu’il cherchait à faire de moi ? M’aimait-il moi ou bien la femme qu’il était persuadée pouvoir me faire devenir ? Je n’en sais rien et si aujourd’hui ça n’a plus la moindre importance, ça me serre toujours le ventre d’en parler. « C’est toi qui es partie ? » Je secoue la tête, doucement. « C’est lui qui m’a mise dehors. » Parce qu’il s’est rendue compte que je ne serais jamais à la hauteur ? Que j’étais trop imparfaite pour m’élever au niveau de ses standards ? L’ai-je lassé, tout simplement ? S’est-il trouvé une autre jeune fille à aimer - parce qu’elle le méritait plus que moi - à diriger et à briser ? Une fille plus docile ou, au contraire, avec plus de personnalité ?

J’aimerais dire que si je n’ai jamais effacé ses messages, c’est parce que j’ai toujours voulu me protéger. Sauf que je sais que c’est faux, que je ne me suis pas résolue à le faire parce que cela me faisait trop de mal, comme si j’effaçais les souvenirs avec, comme si je tirais définitivement un trait dessus alors qu’à l’époque, je n’étais pas prête à le faire. Ensuite, j’ai oublié. Ensuite, il est tombé tout au fond de ma boîte de réception et les messages sont restés, hors de ma vue et de ma vie jusqu’à son message de la veille.
« Tu crois, ou tu es sûre, Lucia ? » Les questions qu’elle me pose donne un aspect beaucoup trop concret à la situation. Je suis sûre de ne jamais les avoir effacés ces messages, mais pourtant je sors mon téléphone, les mains tremblantes et je vérifie. Je remonte la conversation avant de verrouiller le portable et de le remettre à l’intérieur de mon sac comme s’il m’avait brulé les mains. « Je suis sûre... » Mais je n’en ferai rien, de toute façon. J’ai trop peur de la réaction de mon ex et le fait d’en parler à la brune me fait déjà me sentir coupable. Qui suis-je pour étaler des problèmes de couple futile ? J’ai honte d’embêter Evelyn avec ce genre de choses quand elle a certainement bien plus important à gérer. « Mais c’est rien... J’ai juste été un peu blessée, mais ce n’est rien. » Ce n’est pas comme si j’étais en danger ou quoi que ce soit non ? Lawrence était énervé, il est souvent énervé, mais il est loi, et il ne fera rien, j’en suis sûre, presque sûre. « Tu en as déjà parlé avec quelqu’un d’autre que moi ? Ton nouveau petit ami, par exemple ? » Je secoue la tête. Swann a compris que j’avais besoin de temps mais il ignore tout du pourquoi. « J’ai peur de lui en parler. » J’ai peur que, d’une façon ou d’une autre, les arguments de Lawrence fassent écho dans son esprit et qu’il se rende compte lui aussi que je n’en vaux pas la peine. Qu’il me laisse, lui aussi. « Ma colocataire sait. Pas tout, pas qu’il m’a envoyé un message, mais elle sait. » Je suis allée voir une psychiatre aussi, mais ça je n’ose le lui confier.

« Je vais te poser une autre question, et si tu ne veux pas me répondre encore une fois, je ne vais pas t’y forcer. » Je déglutis et je l’observe les yeux ronds. Je l’ai toujours trouvée maternelle d’une certaine façon Evelyn, ou en tout cas elle me fait penser à une lionne qui protège ses petits en tentant de leur apprendre ce qu’il faut pour qu’ils se débrouillent seuls. Sauf que j’aurais aimé avoir ce qu’il faut pour devenir son égale, plus qu’un poid à sa cheville. « Est-ce qu’il t’a déjà fait du mal autrement ? Physiquement ? » Je rougis et j'entrouvre les lèvres, interdite. « Il m’a jamais frappée. » Si c’est ça la question. Est-ce qu’il a déjà été brusque ? Oui, bien sûr, mais je me suis convaincue que ces comportements n’avaient rien d’anormaux. Je me suis convaincue que tous les hommes ne sont pas forcément doux cent pour cent du temps, je me suis convaincue que c’était normal qu’il ait ses humeurs, qu’ils soit parfois irritable et, si ce n’est violent, peu abrupte. Du reste, je ne sais pas quoi ajouter quand j’ignore l’étendue de sa question. « Je voulais pas t’embêter avec ça. »

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There's meltdown in the sky
Evelyn Pearson & @Lucia Whitemore

Si elle avait toujours su que, chez Lucia, il y avait une part de fragilité évidente qui faisait d’elle la jeune femme attachante qu’elle était, Evelyn aurait été bien incapable d’en déceler les raisons profondes malgré tout. Elles avaient vaguement partagé une discussion à propos de leur entourage familial qui s’avérait être aussi exigeant chez l’une que chez l’autre, et bien qu’Evie elle-même était bien placée pour savoir que dans la majorité des cas, il s’agissait d’une fondation solide pour construire toute une personnalité, il y avait d’autres facteurs qui l’étaient tout autant et qu’elle n’avait pas cherché à creuser par respect d’abord, pas pudeur ensuite. Etre abusée, physiquement, psychologiquement, par exemple, ça rentrait dans le genre de facteur qui vous fait vous recroqueviller sur vous-même, affecté par la possibilité d’être le responsable d’un mauvais traitement injuste que personne ne mérite, qu’importe les erreurs commises, qu’importe leur portée. Chez Lucia, les signes étaient tous là en vérité. Bien au-delà de la douceur qu’Evelyn lui enviait parfois, sa propension à se faire plus petite qu’elle ne l’était, à presque demander l’autorisation pour s’exprimer, à amoindrir ses idées pour permettre aux autres d’exposer les leurs, à s’excuser sans arrêt… à ce moment-là, proche de la jeune femme qu’elle regardait avec intérêt, une main toujours posée sur son épaule, elle aurait aimé s’excuser elle aussi.
Evie aurait aimé s’excuser pour s’être parfois montrée un peu froide dans sa façon d’envisager leur collaboration simplement parce qu’elle n’était pas certaine que partager plus que des secrets professionnels était une bonne chose sur le long terme, et qu’elle ne se pensait pas bonne, pas assez armée émotionnellement parlant, même si elle le cachait particulièrement bien, pour nouer des liens solides avec ceux qui l’entouraient sans tout gâcher à un moment donné. Pourtant, à cet instant-là, elle était persuadée que si elle avait permis à Lucia de s’ouvrir davantage sur sa vie personnelle, si elles avaient partagé des moments durant lesquels elles seraient devenues plus que des collègues, les invectives de son ex-petit ami auraient pesé un peu moins lourds sur sa conscience de jeune femme ; elle aurait continué à vivre sa nouvelle relation sans craindre de voir des commentaires désobligeants apparaître sur ses réseaux sociaux, ravivant des souvenirs qu’elle devinait comme étant très douloureux.

Evelyn ferma de nouveau les yeux, et ce plus rapidement encore pour pouvoir les rouvrir quasi-immédiatement, et opina du chef quand elle lui confirma, pour de bon, sans plus aucune hésitation, qu’elle avait bien gardé les messages de son ancien amoureux. Encore un peu, elle amoindrissait son ressenti - un réflexe qu’elle jugerait différemment maintenant, c’était certain. Aussi Evelyn lui dit, son accent hybride s’enrobant d’une douceur sincère "Au contraire. Si tu as été blessée, ce n’est pas rien. C’est même ça tout le problème." Et elle ne dit rien de plus, puisque la convaincre du contraire était un chemin à parcourir sur la durée et qu’elle le savait, plutôt lucide sur le sujet, qu’elle n’était sans doute pas la plus psychologue pour l’accompagner à le mener.
Alors elle lui demanda si elle en avait déjà parlé à quelqu’un, et eut confirmation que peu de monde savait "C’est normal. Mais je suis au courant maintenant, moi aussi… et tu ne dois pas hésiter si tu te sens acculée par ce garçon, s’il tente quoi que ce soit pour de nouveau entrer en contact avec toi, d’accord ?" commença-t-elle, hochant la tête pour appuyer son discours et le continuer en regardant la jeune femme dans les yeux. Un sourire pointa pour la rassurer et puis enfin, elle lui lâcha l’épaule pour lui laisser le loisir de bouger si elle en ressentait le besoin ; ainsi arrêtées au beau milieu du trottoir, elles ne semblaient pas se soucier des passants qui les contournaient "Je comprendrais que tu veuilles en parler à ta colocataire, je reste une option que tu ne dois pas sous-estimer néanmoins. Je t’aiderais, quoi qu’il en soit." Elle marqua une pause, pour mieux reprendre sur le même ton "Ne te dis pas que tu seras capable de gérer tout ça toute seule. Entoure- toi… de qui tu veux, mais entoure-toi, Lucia." affirma-t-elle sans ciller pendant qu’elle relâchait un soupir de soulagement lorsqu’elle lui confirma que non, il n’avait jamais levé la main sur elle.
Et elle ne s’en était pas vraiment aperçu durant tout leur échange, mais une pression pesait sur tout son corps qui se relâcha soudain et qui agit de lui-même quand, contre toute attente, elle prit la jeune femme dans ses bras pour lui adresser une étreinte serrée, maternelle, qu’elle accompagna par d’autres paroles de réconforts qu’elle consolida par un regard fixe quand son assistante se remit à parler "Hey, tu ne m’embêtes pas. Tu peux me faire confiance, je suis là."

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Lucia Whitemore & @Evelyn Pearson

« Au contraire. Si tu as été blessée, ce n’est pas rien. C’est même ça tout le problème. » Blessée je l’ai été, mais n’est pas rien puisque je suis si sensible ? Mon ex est-il responsable puisque je m’effondre au moindre coup de vent et qu’un rien me bouleverse ? Sévère avec moi même j’aurais tendance à trancher et à admettre que oui, je suis en partie responsable. Mais je sais que c’est là un de mes travers, que de toujours lui pardonner sans égard pour moi et mes sentiments, alors je puise dans le regard de ma mentor pour hocher doucement la tête, pour comprendre à mon rythme et pour tenter d’enfoncer dans mon crâne à coup de marteau que je n’ai rien à me reprocher : je suis passée à autre chose après lui, bien après lui s’affichait au bras d’une autre jeune femme quelques jours après notre réparation, je l’ai fait tard puisque j’ai eu besoin de temps pour m’en sentir prête. A présent et malgré les quelques problèmes qui agitent mon couple : eux sont ma faute, Swann ne peut comprendre ma retenue et je comprends qu’il soit peiné que je ne me livre pas, je suis heureuse, j’ai tout pour l’être et, je tente de m’en convaincre puisque les habitudes ont la peau dure : je n’ai pas d’excuses à présenter. Je ne dois pas demander pardon à un homme qui m’a blessée de vivre ma vie, d’avancer et d’être en train de tomber à nouveau amoureuse. « C’est normal. Mais je suis au courant maintenant, moi aussi… et tu ne dois pas hésiter si tu te sens acculée par ce garçon, s’il tente quoi que ce soit pour de nouveau entrer en contact avec toi, d’accord ? » Je la regarde et, alors que je prononce ma promesse, je réalise qu’il ne s’agit pas de mots en l’air. « Je t’en parlerais s’il le fait. » Parce qu’il y a quelques chose dans ses yeux qui me pousse à avoir envie de lui confier un peu de mon fardeau bien que, évidemment puisqu’on ne se refait pas, je ne peux m’empêcher de me sentir un peu coupable à cette idée. Je n’aime pas déranger, l’ai-je déjà précisé ? « Je pense qu’il était juste saoul, ou qu’il s’est disputé avec sa copine. » Celle par laquelle il m’a remplacée puisque les réseaux sociaux m’ont confirmé qu’ils étaient toujours ensemble.

Si je me suis ouverte à Leah c’est parce qu’elle a ramé et que, à coup de bienveillance mais de persévérance, elle a réussi à morceler ma coquille. Si Evelyn y arrive c’est d’une autre façon, plus parce que je vois en elle une figure maternelle qu’un ersatz de soeur. « Je comprendrais que tu veuilles en parler à ta colocataire, je reste une option que tu ne dois pas sous-estimer néanmoins. Je t’aiderais, quoi qu’il en soit. » Sa main sur mon épaule me rassure et, sans savoir comment lui confier ma reconnaissance qui m’étouffe, je me mords la lèvre inférieure et je hoche la tête doucement. « Ne te dis pas que tu seras capable de gérer tout ça toute seule. Entoure- toi… de qui tu veux, mais entoure-toi, Lucia. » Il n’y a que deux personnes à qui je crève de ne pouvoir en parler, d’en être incapable : Swann et Hannah. La seconde parce que j’ai peur de son jugement et de la décevoir, le premier parce que je ne veux pas lui paraître plus faible et idiote que je n’ai déjà l’impression de l’être en sa présence. Je suis gauche, je rougis et il m’impressionne puisque j’en tombe pas si doucement mais sûrement amoureuse, alors que nous n’avons échangé que quelques baisers. « Je n’aime pas en parler... » Je baisse les yeux avant de les relever vers elle. « Je n’ai pas envie que les gens me voient d’une autre façon. » Et j’ai essayé pleins de choses : aller voir une psychiatre, me médicamenter pour faire disparaître mes crises d’angoisses, les mêmes qui ont menacé de réapparaître lorsque je me suis retrouvée à moitié nue et surtout tétanisée devant mon petit ami, les groupes de parole : j’ai le sentiment que rien n’est vraiment fait pour moi et que je n’ai ma place nulle part : certainement pas au milieu de ces femmes que leur conjoint battait.

En plus de toute ça, je me sais petite chose fragile et, si j’en ai autrefois profité, j’aimerais parfois être capable de faire preuve d’un peu plus de force de caractère ou, en tout cas, j’aimerais ne plus être que ça. « Hey, tu ne m’embêtes pas. Tu peux me faire confiance, je suis là. » Elle m’attire à elle, elle me sert dans ses bras ma mentor que rien ne semble ébranler et que je sens pourtant touchée à un tout autre niveau lorsqu’elle m’écoute aujourd’hui et, pour éviter de fondre en larme, je passe mes bras autour de ses épaules et j’enfouis ma tête dans son cou. Je suis mal à l’aise, nous ne sommes pas vraiment amies elle est moi, elle reste ma patronne et, au delà de son statut, quelqu’une que je respecte immensément, mais l’étreinte me rassure et je crois qu’aujourd’hui j’en ai besoin. Lorsque je la lâche, je baisse les yeux avant de confesser. « A lui j’aimerais lui en parler. Mon petit ami. » Parce qu’un jour mes secrets nous détruiront : il a beau être l’un des hommes les plus doux et patient que j’ai rencontré, il ne nous portera pas éternellement si je ne m’ouvre pas. « Parce que ça me bloque, ça nous bloque pour avancer. » Je n’ose entrer dans les détails : ma patronne n’a pas besoin de savoir que je suis restée tétanisée lorsqu’après deux mois de relation nous avons tenté de passer au stade supérieur. « Mais je sais pas comment le faire. Je veux pas qu’il me voit différemment. Je veux pas qu’il agisse différemment. » Et surtout, je ne veux pas le perdre.

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Evelyn Pearson & @Lucia Whitemore

Chercher des excuses à son bourreau est chose commune chez les victimes d’abus en tout genre. En vérité, c’est humain de chercher une explication à l’inacceptable et de vouloir comprendre à hauteur d’empathie pourquoi certaines personnes agissent d’une façon ou d’une autre tout en sachant pourtant que parfois, et cela même souvent d’ailleurs, il n’y a pas de définition logique aux mauvais agissements d’autrui. Elle ne pouvait pas se mettre à la place de Lucia, Evelyn, mais elle comprenait son besoin de se raccrocher à l’éventualité que ce garçon ne lui avait pas fait du mal en toute connaissance de cause, bien qu’uniquement verbalement, et c’était déjà de trop. Elle en était tombée amoureuse, et pas qu’un peu visiblement et dans ces cas-là, prendre conscience qu’on est attiré par ce genre de personnes, ça ne fait en rien du bien à l’estime qu’on se porte à soi-même ; on fini toujours par se dire qu’on l’a bien cherché quelque part. Lucia en manquait déjà suffisamment, de confiance en elle, pour se torturer de la sorte avec les potentielles bonnes raisons qu’avaient eu son ex-petit ami de la prendre ainsi à partie. En somme, c’était elle la victime, pas le contraire.
Elle le comprenait, c’était vrai. Elle trouvait cependant ça tellement dangereux que dans le fond, elle ne pouvait pas l’encourager à vouloir démêler ce qu’il s’était passé exactement quand il avait pris son téléphone pour souiller l’espace commentaires de ses réseaux sociaux. Lucia devait penser à elle, accepter qu’elle n’avait pas besoin de se définir en fonction de cette histoire qui l’avait meurtrie et continuer de vivre sa vie, sans oublier qu’elle avait un jour été dans cette position pour autant, seulement en faisant une bonne raison de se faire confiance parce qu’elle avait eu la force de passer à autre chose.

Elle avait peur qu’on la voit autrement. C’était le cas. Mais dans toute sa modestie, Lucia ne se rendait pas compte que ce n’était pas forcément un mal. Evie l’avait toujours sentie fragile, mais maintenant qu’elle connaissait cette partie de sa vie, même si ce n’était que dans les grandes lignes, elle pouvait assurer qu’elle s’était trompée. Elle tenait à ce qu’elle le sache, aussi elle prit la parole tout de suite après qu’elle lui eu fait part de sa crainte de voir le regard des autres permuter lorsqu’ils le posait sur elle.
Un léger sourire remonta la pommette gauche de la jeune femme quand enfin, elle lui dit "Ce sera le cas. Mais ne pense pas que ça va jouer à ton désavantage, Lucia." commença-t-elle, prenant le ton doux qu’elle avait en réserve, et qu’elle jugeait souvent comme n’étant pas assez compatissant alors qu’il l’était, indubitablement "Au contraire, ça prouve à quel point tu es capable d’aller de l’avant." Il n’y avait qu’à voir toutes ces femmes qui avaient défoncées des portes ouvertes durant l’avénement du mouvement Me Too. Passé le choc des révélations, on ne prenait plus pitié de celles qui racontaient leur histoire avec une force incroyable ; on les traitait comme de véritables guerrières qui permettaient aujourd’hui, bien qu’à une lenteur qu’Evelyn jugeait poussive, de faire évoluer les mentalités. Lucia, qui avait tendance à amoindrir tout ce qu’elle faisait, s’inscrivait dans la continuité d’un progrès certain en la matière.
Evie voulait qu’elle le comprenne, alors lorsqu’elle la prit dans ses bras un instant, et qu’elle sentit ses bras se serrer autour de ses épaules, elle lui chuchota près de son oreille "Tu es plus forte que ce que tu crois voir quand tu te regardes dans le miroir. Et pour ce que ça vaut, moi je la vois, cette force en toi." Se reculant un peu pour pouvoir poser son regard sur elle, et desserrer leur étreinte, Evelyn repoussa une mèche de cheveux du visage de son assistante avant de définitivement battre en retraite. Elle remit convenablement son sac sur son épaule, et après une légère inspiration, l’air de la ville lui emplissant les poumons, elle fit "Allez, on va le manger ce burger." Et tandis que la jeune femme reprenait la parole, elle glissa un bras sous le sien comme pour sceller la promesse qu’elle venait de lui faire en lui assurant que, quoi qu’il arriverait, elle serait toujours présente pour lui apporter le soutien qu’elle méritait.
Même si ça la mettait un peu dans l’embarras d’avoir une vue aussi intime de l’existence de la jeune femme qu’elle avait rencontré quelques mois plus tôt seulement. Quelque part, redressant le menton pour fouler le chemin jusqu’à la brasserie qu’elles convoitaient, elle se jugea assez construite pour se dire que finalement, elle pouvait passer au-dessus et faire un effort pour la conseiller, pour l’épauler, et jouer le rôle que Lara lui avait permis de masteriser au cours de l’année écoulée ; celle de la grande-soeur à qui on pouvait tout confier - ce qui encore une fois fût le cas quand elle lui parla de son partenaire actuel. Leurs talons claquant à l’unissons sur l’asphalte impeccable de Spring Hill, Evie lui répondit, le regard perdu devant elle, et la tête ayant légèrement vrillée sur le côté "J’ai l’habitude de dire qu’il faut laisser le temps au temps. Tu as vécu une épreuve, tu as le droit de ressentir des sentiments contradictoires à l’idée de te lancer à nouveau dans une histoire qui implique d’être aussi proche de quelqu’un." Elle tourna la tête vers elle pour harponner son regard, raffermissant la prise de son propre bras sous le sien "Mais la communication, c’est important, surtout au début. Tu n’es pas obligée de rentrer dans les détails avec lui, tu peux simplement lui expliquer que tu as besoin d’y aller doucement… ce qui là encore, n’est pas une mauvaise chose. Si tu veux mon avis, on a tendance à aller tous trop vite. Prendre son temps, c’est bien aussi." Elle lui sourit, fronçant le nez en détournant la tête, et en ajoutant par la même "Ça se fera naturellement, quand tu seras prête à explorer tes secrets avec lui… le reste suivra, à ton rythme. S’il tient à toi, il l’acceptera." Pourquoi se retrouvait-elle toujours à donner des conseils matrimoniaux alors que sa plus longue relation n’avait jamais été officialisée ? Cette pensée la fit sourire intérieurement alors qu’elle concluait à l’intention de Lucia, lui donnant un très léger coup de coude pour marquer son point "Ça ira, Lucia."

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Lucia Whitemore & @Evelyn Pearson

« Ce sera le cas. Mais ne pense pas que ça va jouer à ton désavantage, Lucia. Au contraire, ça prouve à quel point tu es capable d’aller de l’avant. » J’entends à peine la fin de la phrase tant le début confirme mes craintes : les gens me verront différemment. Elle me voit différemment et si d’après ses dires ce n’est pas un mal, si elle perçoit une force que je ne suis pas certaine de posséder, je ne sais pas si j’apprécie l’idée qu’on pose un oeil nouveau sur moi. La constance est mon maître mot. J’ai été constante toute ma vie, loin de toute touche d’excentricité ou d’excessivité, loin d’être imprévisible. Je me suis perdue certes, mais par manque de caractère et de détermination, pas parce que j’aspirais à aller butiner à droite et à gauche. Je suis un coeur fidèle. Je suis une collaboratrice stable et fiable. J’ai envie que ces deux choses soient perçues comme le coeur de ma personnalité et, même si réussir à passer outre ce qu’il m’est arrivé peut être vu comme une force je n’ai pas envie qu’elle fasse partie de moi : je n’ai pas envie que, d’une quelconque manière, Lawrence fasse encore partie de moi. Pourtant, malgré mon désarroi, elle parvient à me rassurer d’une étreinte Evelyn, et d’un peu de douceur. « Tu es plus forte que ce que tu crois voir quand tu te regardes dans le miroir. Et pour ce que ça vaut, moi je la vois, cette force en toi. » Je la remercie d’un regard sincère, quand elle détache ses bras et que je m’éloigne d’un pas. Evelyn, j’ai le sentiment qu’elle s’est construite dans le but de devenir forte, indépendante et je me demande comment elle verrait le fait que je rejette en bloc cette force à cause de son origine, de la façon dont je l’ai acquise. Moi, j’aurais préféré rester l’innocente jeune femme que j’étais avant lui, je l’aimais ma candeur, j’aimais ma naïveté autant que j’aime ma douceur : je n’ambitionnais pas d’en devenir une autre à cause ou grace aux épreuve de la vie. « Je suis pas encore persuadée que ce soit une bonne chose. Je veux pas de quelque chose qu’il m’aura laissée. » Laissée ou prodiguée, fait naître en moi somme toute. Je hausse les épaules, un peu mal à l’aise en l’observant elle aussi reculer de quelques pas. Elle n’est pas à l’aise avec les étreinte ma boss, je le vois et je le devine, alors ce me touche d’autant plus qu’elle ait pris sur elle pour me rassurer et m’apporter un peu de sérénité. Je me tais, je ne proteste pas plus face à son constat. « Allez, on va le manger ce burger. » « Tu vois que je vais réussir à te faire abandonner les légumes cuisinés. » J’en doute, s’il y en a une qui est obstinée et dont la volonté est inflexible dans notre étrange duo c’est bien elle. Moi, il y a bien longtemps que j’ai abandonné le combat de beaucoup pour manger sain (je ne l’ai même jamais mené pour être honnête). Je mange peu, avec un appétit d’oiseau, mais je donne l’impression de mettre un point d’honneur à n’avaler que des horreur en terme de diététique. Je suis fluette de toute façon, et si mon corps pourrait paraître plus musclé, j’ai la chance de rester mince.

J’enfonce mes mains dans mes poches quand je me livre à propos de Swann, de notre relation et surtout de ses obstacles, et je peine à garder mes yeux dans les siens. On frôle des sujets sérieux, sensibles et même intimes, même si je ne fais que le sous entendre. Puisque ce ça nous bloque pour avancer, il dissimule ma peur panique des rapports entre un homme et une femme, il dissimule ma peur de l’intimité de couple. « J’ai l’habitude de dire qu’il faut laisser le temps au temps. Tu as vécu une épreuve, tu as le droit de ressentir des sentiments contradictoires à l’idée de te lancer à nouveau dans une histoire qui implique d’être aussi proche de quelqu’un. » Je suis sûre à propos de Swann. Je suis sûre d’avoir envie de faire un bout de chemin avec lui que je rêve le plus longtemps possible, en parfaite romantique. « C’est si irrationnel. Il est parfait mais moi, dans certaines circonstances, je me bloque et je me referme comme une huître. » Alors que je n’en ai pas envie. Alors que je n’ai pas envie de lui donner l’impression de le rejeter. « Mais la communication, c’est important, surtout au début. Tu n’es pas obligée de rentrer dans les détails avec lui, tu peux simplement lui expliquer que tu as besoin d’y aller doucement… ce qui là encore, n’est pas une mauvaise chose. Si tu veux mon avis, on a tendance à aller tous trop vite. Prendre son temps, c’est bien aussi. » J’esquisse un sourire, consciente de son effort pour me rassurer. « Ça se fera naturellement, quand tu seras prête à explorer tes secrets avec lui… le reste suivra, à ton rythme. S’il tient à toi, il l’acceptera. » Je plisse les lèvres en une grimace et je hoche la tête. « Il est patient. Il est même très patient, mais tout le monde a ses limites et j’ai peur de le blesser, je veux pas qu’il se sente rejeté. » Me voilà à parler couple et relation avec ma boss, et je rougis en le constatant. De la vie privée d’Evelyn je ne sais rien et je ne pense pas que ce soit parce qu’il n’y a rien à dire : je pense simplement que, comme beaucoup de femme qui semblent si fortes que rien ne pourrait les faire flêchir, elle ne parle pas de ce genre de chose. Elle cloisonne, elle laisse le personnel à la maison et nul doute que ce qu’elle est en train de faire aujourd’hui, m’inviter à parler de ma vie privée, cela chamboule ses habitudes. « Ça ira, Lucia. » Oui ça ira. Lawrence est à Sydney, à des milliers de kilomètres d’ici, il planche sur son nouvel album, il roucoule avec sa nouvelle petite amie. Qu’est ce qui pourrait se passer mal ? Pourquoi moi, alors que j’ai été droite et intègre, je devrais être celle qui souffre encore ? Son dommage collatéral ? « Oui, j’espère. » J’espère que Lawrence était juste saoul. Qu’il a même oublié m’avoir envoyé ce message. J’espère que son fantôme et les plaies qu’il m’a laissées ne s’inviteront plus dans ma relation avec mon petit ami. « J’espère aussi que Kate Sanders n’aura pas trop remarqué que j’étais ailleurs. Je tiens beaucoup à ce projet. » Le premier mariage sur lequel je suis impliquée de A à Z. La première fois que j’ai l’impression que l’on me fait confiance et que l’on me donne des responsabilités. « Elle m’a reparlé du vignoble d’ailleurs, je crois que l’idée lui plait beaucoup. » Sommes nous censées traiter un sujet après l’autre ? La robe puis le lieu ? Ou bien le métier de wedding planner demande-t-il de perpétuellement jongler avec tous ces paramètres ? Je m’interroge alors que j’indique du doigt la brasserie à la brune. « C’est ici. Quand est-ce qu’on commencera à visiter les lieux qui les intéressent ? »

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