I THINK WE SHOULD RUN joamie & sieddington

Joanne comptait beaucoup sur cette soirée pour continuer à faire pencher la balance en sa faveur, concernant la demande de financement pour laquelle elle attendait toujours une réponse. Si c'était accepté, son ascension professionnelle serait fulgurante. Mais sa tête était bien loin de cet immense projet qu'elle avait en tête depuis qu'elle avait vu Hayden. Depuis que Keith avait prétendu être un homme bien pendant plusieurs minutes avant de révéler sa véritable personnalité, quel était sa véritable identité. "Les prédispositions..." soufflait-elle en secouant la tête, avec amertume. Non, ce n'était pas une excuse valable à ses yeux et oui, elle avait l'impression que Jamie s'était bien fichu d'elle. Keith ne valait pas mieux, en ayant subitement retourné sa veste devant le mutisme d'Hayden et les regards incompréhensifs du couple. Ils ignoraient ce qu'il manigançait, quels avantages il avait à tirer à mettre ainsi le feu aux poudres au milieu d'un trio où les histoires étaient vraisemblablement loin d'être réglées. La désinvolture de l'ami d'Hayden dépassait la condescendance. Ce n'était ni le lieu, ni le moment de continuer à faire des coups aussi bas. Malgré le fait que Jamie ait pu contrarier son épouse quelques minutes plus tôt, celle-ci continuait à prendre sa défense en assurant qu'il lui avait toujours été fidèle et que ses frasques étaient du temps où ils étaient séparés. Difficile pour elle malgré tout d'accepter encore le fait qu'il ait partagé son lit avec un certain nombre de femmes pour compenser un probable manque d'affection. Hayden coupait la parole à Keith avant qu'il ne fasse davantage de dégâts autour de lui. C'était après cet échange quelque peu tendu qu'Hayden décidait enfin de se manifester et d'assurer qu'elle ne reconnaissait pas son ami dans l'attitude qu'il décidait de mettre en avant ce soir-là. Apparemment, cela ne ressemblait pas à Keith. Cela était si surprenant pour elle qu'elle exigeait même de lui qu'il demande pardon auprès du couple – et donc, auprès de Joanne. Celle-ci en fut particulièrement surprise et le manifesta par un haussement de sourcils. A côté, Jamie menaçait le brun implicitement en lui faisant comprendre qu'il ne vaudrait pas mieux qu'ils se revoient un jour. On savait que le Keynes était tout à fait capable d'en venir aux poings s'il en avait envie. Il avait le sang chaud, il ne valait pas mieux trop se frotter à lui. Mais Keith préférait ignorer totalement ses menaces et continuer à baisser dans le peu d'estime des personnes qui l'entouraient. Il continuait à jouer la carte de la provocation. Lui-même déçu d'entendre Hayden prendre leur parti le fit supposé qu'elle avait encore des sentiments pour lui. Etait-ce possible ? Joanne se posait bien évidemment la question devant toute cette mascarade, qui virait peu à peu au désastre. Dans l'espoir bien naïf d'adoucir la situation alors que les premiers regards commençaient à se poser sur le quatuor, Joanne entreprit de démarrer une conversation plus posée et anodine. Jamie suggéra à son épouse de quitter les lieux. Non, il le lui ordonnait, plutôt. A prétendre qu'elle ne se sentait pas bien comme excuse et ainsi l'éloigner d'Hayden autant que possible. "Je vais très bien." siffla-t-elle à voix basse de façon ironique, en le fusillant du regard. "Parce que maintenant, tu ne me laisses plus le choix ?" C'était son lieu de travail, une soirée organisée par ses supérieurs, son projet professionnel qui était en jeu. Jamie pouvait bien partir s'il le voulait, Joanne n'en avait initialement pas l'intention. C'était à Keith de faire le clou du spectacle. Personne ne s'attendait à le voir prendre un verre de whiskey pour le jeter à la figure de Jamie. Joanne avait regardé la scène d'un air totalement abasourdi. Cette fois-ci, tout le monde les regardait bel et bien. Pendant une fraction de secondes, on aurait même entendu les mouches voler, avant que quelques murmures ne s'élèvent. Les larmes aux yeux face au fiasco de cette soirée, la petite blonde ne sut pas comment réagir dans un premier temps. Keith rappelait, fier comme un coq, qu'il avait fait partie des forccs de la police. Difficile à croire devant un tel comportement de sa part, surtout en appuyant bien sur le fait que Jamie ait un passé judiciaire que l'ancien lieutenant utilisait volontiers comme menace. Joanne sortit de son sac à un main des mouchoirs en papier afin de les donner à son époux, afin qu'il puisse au moins s'essuyer un peu le visage. "Mais qu'est-ce qui vous prend ?" lança-t-elle à Keith alors qu'elle aidait Jamie à essuyer son visage. Il dépassait les bornes, et Hayden derrière lui en répliquant le même geste envers lui. Ca ne faisait qu'aggraver la situation, l'image que tous rendaient. "Vous êtes une personne méprisable." ajoutait-elle à l'ancien policier. Alors que de discrètes larmes de colère sillonnaient ses joues, Joanne n'osait même pas faire face au regard de son supérieur, ni même des autres convives. Jamies avait peut-être raison, il valait mieux rentrer à la maison, mais ce n'était pas de gaieté de coeur car le couple savait que le reste de la soirée n'allait pas être des plus joyeuses, contrairement à ce qu'Hayden pouvait prétendre espérer. Joanne posait sa flûte de champagne à moitié vide sur la table la plus proche qu'elle trouvait sans lever les yeux. Oui, il était grand temps qu'ils partent. "Tu as raison, finalement. Allons-y." dit-elle sèchement à Jamie, en lui adressant à peine un regard. A dire vrai, la petite blonde n'avait même pas le coeur à vouloir entendre ses explications une fois rentrée à la maison alors qu'elle méritait pleinement d'en avoir. Si Jamie lui avait caché pendant tout ce temps le retour d'une femme pour qui il avait eu des sentiments, quels autres secrets dissimulaient-ils à Joanne afin de s'assurer de ne pas attirer une nouvelle fois ses foudres. Au fond, il avait raison, mais d'une autre, elle ne tolérait plus ses cachotteries. Cela rendait leur relation d'autant plus malsaine et Joanne en avait assez d'entendre que c'était pour protéger leur couple, ou du moins, ce qu'il en restait. Elle quittait la salle dans laquelle avait lieu le vernissage d'un pas assuré, sans regarder derrière elle. Cette soirée était un véritable cauchemar, elle n'en revenait toujours pas. Elle passa sa main sur ses joues humides alors qu'elle rejoignait la voiture, sans trop faire attention si Jamie la suivait de près ou de loin tant elle était piégée dans ses propres pensées.  

« Plutôt mourir étouffé que de m’excuser auprès de ce lâche… »
Au moins une chose à propos de laquelle Keith et le Keynes tombaient d’accord ; des excuses n’étaient d’aucune utilité en dehors d’un pur gâchis de salive. L’un ne s’en laisserait pas arracher à son cadavre, et l’autre ne souhaitait pas en entendre ; faire croire à ce genre de civilité après tout ce que le comportement de l’autre homme avait de problématique ne ferait qu’ajouter plus de grotesque à la scène. Jamie en avait presque oublié que son interlocuteur n’avait du gentleman que le costume lorsqu’il se permit de laisser comprendre que toute prochaine provocation de ce genre dans un cadre moins formel déboucherait sur une conclusion qui se passerait de mots. Il n’en fallut pas plus pour que Keith démarre au quart de tour à nouveau. « Sinon quoi ? » L’anglais leva les yeux au ciel. “Vous savez très bien quoi.” Et Joanne savait, et Hayden savait. Elles avaient eu leur lot de démonstrations des mauvais jour de Jamie. Ce fut peut-être afin d’éviter tout débordement de ce genre que Joanne tenta faiblement de faire abstraction de la bataille de coqs en cours, ce qu’il avorta immédiatement en suggérant de quitter les lieux. Mais même son épouse avait décrété qu’elle ne serait pas dans son camp ce soir, pas depuis qu’elle avait croisé le regard d’Hayden. "Parce que maintenant, tu ne me laisses plus le choix ?" Oh, comme il aurait aimé qu’ils ne perdent pas de temps en brimades de ce genre, comme il aurait préféré qu’elle daigne l’écouter pour une fois, qu’elle acquiesce et leur tourne le dos sans plus un mot. Cela leur aurait probablement épargné la suite de cette scène. Du moment où Keith s’empara du verre de whisky jusqu’à ce que le contenu de celui-ci vint brûler les yeux de Jamie, il ne se douta de rien, n’anticipa rien, et se retrouva aussi choqué que le reste des convives autour d’eux. “Mais vous êtes malade ?!” s’était-il exclamé dans un hurlement de douleur alors qu’il plaquait ses mains sur ses yeux, tentait de se débarrasser de l’alcool tout en sentant le liquide lui irriter les iris et rougir ses paupières. L’odeur et les tâches étaient le cadet de ses soucis en comparaison avec la sensation de corrosion qui envahissait son visage trempé. « C’est pour vous remettre les idées à la place… Et ne pas menacer un ancien flic… Vous risquerez gros… » Voilà qu’il leur en taillait une belle réputation à la police, Keith, en plus de parachever sa propre image de douchebag de première. « Ramenez votre femme avant de vous faire ridiculiser. Ne vous inquiétez pas pour moi, le ridicule ne tue pas… contrairement à mes poings sur votre faciès. » Jamie continuait à se frotter les yeux, une serviette dans les mains, aidé par une Joanne toute aussi outrée que lui. Il n’avait pas besoin de les voir pour les sentir posés sur eux, les regards. Il avait développé cette aptitude à les deviner par le poids qu’ils faisaient peser sur lui, la gêne, la honte, l’inconfort. C'était mentir de prétendre que, par habitude, cela ne l’atteignait plus. Et voilà que Keith avait décidé d’en remettre une couche. Hayden se chargea de la revanche, certainement plus pour son propre compte et l’embarras que lui causait son ami que pour les Keynes. Un second whisky fut gâché dans la bataille, et cette fois Keith en était la victime. Si la colère n’avait pas été l’émotion dominante, Jamie aurait pu se sentir reconnaissant malgré tout. “Est-ce que quelqu’un compte escorter cet animal hors d’ici ou vous appréciez trop le spectacle ?” lança-t-il au directeur du musée et aux agents de sécurité qui demeuraient figés autour d’eux, s’échangeant des regards dans une concertation tacite sur la marche à suivre alors que celle-ci était évidente ; jeter Keith dehors plutôt que de le laisser s’en aller comme si de rien n’était, fier comme tout. « Je suis sincèrement désolée pour tout ce qui vient de se passer. N’hésite pas à me faire parvenir la note du pressing, Jamie. En vous souhaitant une meilleure fin de soirée que son début. » Tomber de rideau pour Hayden aussi, qui tourna les talons sans une once d’hésitation et sans laisser qui que ce soit entrevoir le fond de sa pensée. "Tu as raison, finalement. Allons-y." concéda Joanne bien trop tard. Oui, il avait eu raison. Il avait eu raison dès le départ et ils auraient pu partir avant ce désastre, ce cataclysme éclair dont la note finale, la cerise sur le gâteau, fut le moment où l’un des hommes de la sécurité s’approcha de lui et le prit par le bras pour les raccompagner dehors comme s’il était, tout naturellement, le fauteur de trouble à l’origine de la scène. Et il savait pourquoi, tout le monde savait pourquoi, et personne ne le remettrait en question. Nul besoin de lire dans les pensées pour deviner qu’ils estimaient tous qu’il n’avait que ce qu’il méritait. Qu’importe ce qu’il s’était réellement passé, là-bas.