« Mystery Train »    jonah fletcher & @adèle shephard.

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La capsule de la troisième bière de la journée sauta dans sa main, il était bientôt quatre heures de l’après-midi. Dans l’autre main, il tenait la manette de la console. A côté de lui, Liam choisissait la prochaine piste sur laquelle ils allaient s’affronter. Défilaient sur l'écran la montagne choco, la corniche champignon, et bien sûr, sa préférée, le manoir trempé. "T’es prêt ?” il demanda en jetant son dévolu sur Hyrule, pour changer. “J’suis né prêt.” fit Jonah, un peu trop persuadé d’être imbattable. Persuadé que c’était un truc cool d’être aussi doué à Mario Kart passé les trente ans pendant que ses amis de lycée postaient sur les réseaux sociaux leurs fiançailles, mariages, premier ou second gamin. Lui, il restait bloqué dans l'insouciance adolescente. C’était pas faute de chercher à faire comme eux, suivre le chemin traditionnel de la vie telle qu’on se l’imagine depuis tout petit. Mais n’avait-il pas abandonné cette direction il y a dix ans, lorsqu’il avait allumé sa webcam pour la première fois afin de partager sur l’internet tout neuf son intérêt pour la niche de l’horreur ? On ne pouvait pas avoir du succès de partout, se disait-il. On pouvait être heureux au boulot ou en amour, rarement les deux. En tout cas, c’était ce qu’il concluait des stories de ces mêmes personnes de ses anciennes promos, et cela le rassurait un peu.

L’heure passa et le Fletcher récupéra ses affaires afin de quitter l’appartement et laisser Liam à sa vie d’homme marié. Evie venait de rentrer, alors il devait partir. Jonah était toujours amusé par cette impression d’être l’amant de son ami, comme un petit secret ; ce qu’il restait des jeunes années où les jeux vidéos étaient la préoccupation principale. Ça et DBZ en fin d’après-midi. Il salua la jeune femme, leur souhaita une bonne soirée. Ils allaient sans doute se goinfrer de quinoa devant les infos, ruminer à quel point le monde part en sucette, l’effacer de leur mémoire devant le dernier film Netflix au scénario aussi maigre que le salaire de leurs scénaristes, faire grincer les lattes du lit dix minutes et filer se coucher tôt. Comme les adultes responsables qu’ils étaient. Boring.

La descente des escaliers jusqu'au hall d'entrée fut ponctuée par le brouhaha de voix étouffées, un mélange de résidents allant et venant, de bruits d'ascenseur, de télévisions au son trop élevé à travers les portes. Il se fit une remarque sur l’isolation des appartements et la balaya immédiatement de son esprit avec un rire mutique. Déformation professionnelle.

C'est alors qu'il la vit. Adèle, se tenant là, dans le hall d'entrée, près des boîtes aux lettres. Il lui avait fait visiter cette villa abandonnée, celle sur Golding. Elle avait été vendue depuis. Les yeux de Jonah se fixèrent sur elle, captivés par la rencontre inattendue. Elle était différente ici, hors du contexte professionnel où ils s’étaient rencontrés pour la première fois. Cependant, il ne saurait pas dire pourquoi. Il n'avait jamais vraiment su ce que lui-même avait pensé de sa démarche, il n’y avait plus pensé après ce jour-là. Après tout, il aurait dû se douter que la situation se présenterait un jour, qu’une autre agence serait curieuse des pratiques d’Hex. Habituellement, Jonah défendait ses “dons” et la réalité des rituels bec et ongles. Auprès d’Adèle, il avait admis le revers caché de l’agence. Elle ne paraissait pas être quelqu’un qui diffuserait l’info, sachant que cela ferait plus de mal que de bien. "Salut ! Ça fait un moment," dit Jonah, le sourire aux lèvres en s’approchant d’elle. "Adèle, n'est-ce pas ?" Sa voix résonnait dans le hall d'entrée. Leurs regards se croisèrent, et Jonah ne put s'empêcher de remarquer que, malgré le cadre très différent de leur rencontre actuelle, il y avait toujours cette lueur d'énigme dans les yeux de la jeune femme. Elle avait toujours l’air de garder un secret. Tout ce qu’il espérait, c’était qu’il ne se montrait pas trop intrusif en l’abordant ainsi -et qu’il ne la retardait pas auprès d’un client dans le coin.

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La surprise était complète, mais pas désagréable. Jonah ne s'attendait pas à croiser Adèle ici, mais il sourit en la voyant s'approcher de lui -plutôt que de le fuir en feignant recevoir un appel, d’écouter de la musique ou simplement de ne pas l’avoir vu. Malgré l’étrangeté et la maladresse de leur première rencontre, le jeune homme n’avait rien contre elle, et il avait même apprécié leur courte conversation à l’agence. « Ça fait un moment, oui. Vous... » Elle s’interrompit et s’approcha mystérieusement. Pour mieux l’entendre tandis qu’elle chuchotait, Jonah fut obligé de se pencher ; après tout, il était perché à facilement deux têtes de plus qu’elle. « Oh rassurez-moi, il n'y a aucun appartement hanté ? » Sa question le fit rire doucement. Il leva un sourcil taquin, répondant d'un ton léger ; “Aucun mauvais esprit dans le coin, pas à ma connaissance.” Il laissa le doute planer avec humour et un clin d'œil complice. Sa croyance personnelle, c’était que les esprits étaient partout. Néanmoins, son petit doigt lui disait que s’il en faisait part à Adèle, celle-ci risquait de fuir la civilisation à toutes jambes pour s’isoler dans une cabane au milieu de la jungle Amazonienne. “Mais pourquoi on chuchote au juste ?” il ajouta, amusé. Il n’y avait personne d’autre dans le hall de l’immeuble, et les éventuels esprits se fichaient bien qu’ils baissent le volume sonore de leurs voix. Que pouvait-on bien espérer cacher au royaume de l’invisible ? « C'est juste que je viens de rejoindre une colocation, je voudrais pas que ca prenne fin si vite... » Visiblement, le moindre fantôme était un deal breaker. Jonah ne jugeait pas. L’information qu’il retenait, c’était qu’elle n’était pas présente pour le travail -même si les sacs de course auraient pu le mettre sur la voie. “Oh, vous habitez ici ?” Heureuse coïncidence. Il ne saurait pas expliquer pourquoi il la qualifiait de ‘heureuse’ ; tant qu’il n’avait pas à s’en plaindre, alors c’était forcément positif, tout simplement. Lui n’avait jamais vécu les joies et les peines de la colocation, mais grandir avec quatre autres frères et sœurs était, à son sens, un aperçu amplement suffisant qui lui avait donné le goût de vivre seul. “Je sors de chez un ami qui vit au cinquième.” il ajouta comme si Adèle était susceptible de connaître chacun de la centaine et quelques d’habitants de l’immeuble alors qu’elle avait emménagé il y avait peu et qu’il ne mentionnait même pas le nom de Liam. Tu réfléchis parfois, Fletcher ? « Vous souhaitez peut-être prendre un café ou autre chose ? » Face à cette proposition, un Jonah d’humeur taquine -si cela ne s’était pas encore remarqué- inclina la tête légèrement, toujours avec ce sourire amical sur le visage. “Ça dépend.” Petite pause pour le suspense. Allez lui faire comprendre que, non, la vie n’est pas un film et que ce genre de silence soudain avait plus de chances de mettre son interlocuteur mal à l’aise que de lui donner l’air cool. “Vous voulez vraiment m’inviter pour un café, ou vous avez juste besoin d’aide avec ça ?” fit-il en indiquant les sacs de courses d’un signe de tête.

Adèle avait eu l'impression d'avoir un bon feeling avec l'agent immobilier qui se trouve pourtant être un concurrent -et de taille à écouter Soren parler de lui. Elle n'avait pourtant pas parlé de son entrevue avec le jeune homme parce que le connaissant, il ne l'aurait pas lâché jusqu'à ce qu'elle craque et lui dise tout. Et elle n'avait pas l'intention de lâcher le morceau aussi facilement - davantage quand Jonah lui avait demandé de ne pas ébruiter l'affaire, malgré le fait qu'elle soit pas le style à savoir garder des secrets de cette ampleur pour elle. Malgré tout, Jonah aidait des familles et c'était du moins ce qu'elle avait envie de retenir de cette histoire. Le recroiser ici près de son nouvel appartement lui fait grincer des dents, parce qu'elle n'a pas envie de changer de nouveau, de se retrouver encore dans une chambre d'hôtel parce qu'ils ne pourront plus rentrer chez eux. Mais elle se dit que désormais, elle ne sera plus beaucoup seule et que finalement la maison de son frère restera ouverte quoi qu'il en soit : si elle parvient autant que lui, à ravaler leur fierté qui les bouffe. Il semble souriant et détendu, Jonah quand il descend les marches, se retrouvant devant elle à côté des boîtes aux lettres. « Aucun mauvais esprit dans le coin, pas à ma connaissance. » Sa phrase la fit sourire légèrement alors qu'elle hausse les épaules, non elle n'est pas triste pour autant ou décue. Visiblement Jonah ne saura répondre à sa satisfaction de pouvoir parler de nouveau à son défunt frère et elle devait l'accepter. « Mais pourquoi on chuchote au juste ? » Qu'il demande, jouant le jeu sans finalement comprendre réellement la raison. « J'voulais pas que le bruit s'ébruite si il y avait des esprits par ici... » Qu'aucun autre de ses voisins commencent à lancer des rumeurs ou à s'inquiéter. Elle préférait s'assurer de sa venue avant. « Oh, vous habitez ici ? » Elle fait oui de la tête, un sourire sur ses lèvres avant de poursuivre à son tour pour apporter plus d'explications à Jonah. « Je suis arrivée qu'en juin mais oui j'habite ici désormais. » Et elle n'a pas à se plaindre de ses deux colocataires, enfin surtout de Carl. Parce que l'entente avec Chelsea n'est pas encore au beau fixe, la rouquine lui reprochant clairement d'être la soeur de Ash et que ce dernier se soit permis de jouer avec Amy. Entre les deux femmes c'est un peu plus compliqué que sa relation qu'elle entretient avec Carl, son date qu'elle a rencontré quelques mois plus tôt : les choses n'auraient pas pu mieux se passer entre eux qu'actuellement. « Je sors de chez un ami qui vit au cinquième. » Que lui confie Jonah alors que Adèle réfléchit un instant. Cinquième étage, ça lui dit pas vraiment, pour sa part elle s'arrête qu'au premier mais il se peut qu'elle croise la personne de temps en temps vers les boîtes aux lettres, le meilleur endroit dans un tel lieu. « Ça me dit rien comme ça. » Qu'elle avoue en haussant les épaules. « Vous habitez dans quel quartier vous ? » Qu'elle demande en relevant son visage vers l'agent, alors que désormais elle  connait presque tous les quartiers pour y avoir vécu au moins quelque temps. « Ça dépend. » Et ça amuse Jonah qui reprend assez vite alors que Adèle fronce les sourcils, « vous voulez vraiment m’inviter pour un café, ou vous avez juste besoin d’aide avec ça ? » Ça fait rire la jeune Shephard avant qu'elle avoue, l'air de rien, d'un air espiègle et taquin, « les deux qui sait. » Elle avoue sans mal en rigolant à son tour avant de reprendre aussitôt, « je peux même vous faire un double café pour votre aide. » Alors qu'elle se met à rire avant de récupérer son sac de course, elle n'allait quand même pas lui faire porter ses courses alors qu'ils ne se connaissent pas. Elle habite en plus qu'au premier, pas comme si ça allait être compliqué. « Si vous voulez me suivre, » qu'elle avoue en passant en première avant de grimper la dernière marche. « On est déjà arrivé. » Qu'elle confie en poussant la porte d'entrée après avoir rentré sa clef dans la serrure, par chance Chelsea et Carl sont encore au travail.

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Les inquiétudes d’Adèle étaient rassurées et il n’était plus nécessaire de chuchoter comme des agents secrets. Pas d’esprits dans le coin, pas de connaissance d’un crime dans l’immeuble, l’endroit était vraisemblablement sécuritaire et la jeune femme n’avait pas besoin de replier ses valises tout juste défaites. « Je suis arrivée qu'en juin mais oui j'habite ici désormais. » Il se fit la remarque qu’avec la commission de la vente de biens de luxe dans l’agence de Soren, il s’attendait à ce qu’Adèle ait amplement les moyens de s’offrir un autre cadre de vie, mais les raisons de certains arrangements étaient propres à tout un chacun et se montrer indiscret n’avait pas été un revers de sa curiosité naturelle. Non, lui, son truc, c’était de partager des détails inutiles sans que personne ne lui demande quoi que ce soit. Indiscret envers lui-même, donc. « Ça me dit rien comme ça. » avoua la brune à propos de son voisin quelques étages plus haut. Bien sûr que ça ne lui dit rien, Fletcher. « Vous habitez dans quel quartier vous ? - Dans le West End, à deux pas du Highgate Hill Park. » Est-ce que le design des façades de l’immeuble avait précipité sa décision d’emménager là dès le départ ? Absolument. Heureusement, les parties communes et l’agencement des appartements étaient du même standing. Le seul hic, c’était qu’il passait les fins de mois à manger des pâtes pour rembourser le prêt de cet achat compulsif de taille. À l’époque, il fêtait le millionième abonné et s’était senti pousser des ailes.

Jonah suivit Adèle à travers les couloirs de l'immeuble jusqu'à ce qu'ils arrivent à sa porte d'entrée. « On est déjà arrivés. » commenta-t-elle, et il est vrai que le trajet n’avait pas été des plus fastidieux. Maintenant qu’il y était invité, Jonah avait hâte de découvrir l'endroit où elle vivait, tout en se demandant encore ce qui l'avait poussée à l'inviter. À croire qu’il se créait une habitude de se rendre là où des jeunes femmes lui disaient d’aller sans réfléchir au pourquoi du comment. Juste suivre le mouvement, et voir où cela le menait. Jusqu’à présent, il n’avait pas eu à se plaindre.

Adèle ouvrit la porte, révélant un appartement cosy dont l’organisation et le rangement trahissait d’office la présence d’au moins un autre résident. C’était un truc d’agent immobilier, de remarquer ce genre des détails. Il prétendait rarement en être un bon, mais il fallait admettre que la déformation professionnelle prenait parfois le dessus. Il estimait déjà l’espace en mètres carrés. Les murs étaient peints d'une couleur claire qui donnait une impression d'espace, et la décoration était simple, mais éclectique, la faute aux multiples goûts différents sous un même toit. "C'est sympa ici," commenta Jonah en entrant, d’une politesse éternellement trop complaisante. Ce qu’il remarqua également, ce fut le silence. Le regard du jeune homme glissa dans l’espace à la recherche d’un signe de vie, mais personne d’autre n’était présent -à moins de s’être planqué dans l’une des chambres. À voir s’il aurait le droit au tour du propriétaire, ou si la pièce à vivre était la seule dont l’accès était autorisé aux personnes extérieures. Chaque foyer a ses règles. “Vous êtes sûre que c’est pas vos colocs les fantômes ?” plaisanta Jonah en faisant mine de froncer les sourcils d’un air dubitatif. Après tout, ce n’est pas parce qu’il n’y a pas âme qui vive… qu’il n’y a pas âme-tout-court dans les parages.

Elle n'aurait évidemment pas la réponse de savoir en quel honneur elle avait invité Jonah à la coloc. Et en y pensant de plus près si l'un des deux colocs débarquent à l'improviste, quelle serait leur première réaction ? Très certainement qu'ils se diraient que cet homme et Adèle devaient bien se connaître pour en arriver à ce stade. Et même pas, finalement. Elle le connaît à peine, mais ils n'avaient pas pu boire leur verre lors de la précédente fois, elle y voyait là, l'occasion parfaite. Et puis elle avait certainement encore tellement de questions à poser, quand bien même il lui avait révélé la supercherie de ses maisons à vendre. Il n'y avait jamais eu directement de fantômes ou de morts atroces, du moins aucune preuve tangible pour l'affirmer. Peut-être qu'Adèle perdait son temps mais dans le doute, elle devait poursuivre ce qui lui semblait juste pour elle. Elle avait même réussi à décrocher sa planche de Ouija. C'est pour dire. « Dans le West End, à deux pas du Highgate Hill Park, » qu'il répond assez simplement à sa question. Elle est curieuse Adèle, suffisamment pour détester les blancs et le silence. C'est pas son fort. C'est un quartier qu'elle connait suffisamment pour y avoir été a plusieurs reprises. Finalement elle l'emmène avec elle, grimpant les escaliers, un étage rien de bien méchant. Peut-être n'est-il pas du genre sportif. La visite de l'appartement se fait assez rapidement. « C'est sympa ici, » qu'il avoue alors que Jonah observe un peu partout. « Je me dois aucun mérite, le design vient de Chelsea. »  Qu'elle préfère avouer sans aucun mal. « Vous êtes sûre que c’est pas vos colocs les fantômes ? » Et ça fait sourire la Shephard alors qu'elle file dans la cuisine, « promis ils sont encore en vie. » Elle devrait peut-être faire gaffe à ce qu'elle dit, après tout Jonah n'est pas assez intime pour comprendre peut-être ce genre d'humour, quand bien même elle a noté la taquinerie du brun a tout épreuve. « Vous souhaiter boire quelque chose en particulier ? » Si Jonah a certainement remarqué la planche ouija qui est juste posée sur l'un des meubles du salon, Adèle jette un rapide coup d'oeil pour voir ce qu'elle peut proposer, « jus de fruit, soda, bière, café. » Elle énumère en lisant sur les bouteilles en même temps, avant de tourner son visage le sortant du placard pour proposer la dernière chose : le café en jetant un rapide coup d'oeil à Jonah qui ne sait pas vraiment tenir en place et ça l'a fait rire.

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Jonah suivit Adèle dans l'appartement, observant attentivement les lieux. Il ne s'attendait pas à grand-chose, mais il fut agréablement surpris par le design intérieur. Ce n’était pas simple d’obtenir un résultat susceptible de plaire à chaque membre d’une colocation, et il y avait sans doute eu des concessions. « Je me dois aucun mérite, le design vient de Chelsea. » Il acquiesça comme s’il savait bien évidemment de qui il s’agissait. “Mes compliments à Chelsea, alors.” Qui qu’elle soit. D’ailleurs, elle n’était pas présente. Ni elle, ni le troisième colocataire, et le Fletcher ne pouvait pas s’empêcher de souligner l’ironie de la situation avec un trait d’humour. « promis ils sont encore en vie. » assura Adèle. “...quelque part dans la cave.” il poursuivit avec un rictus malicieux. Immédiatement, son imagination inspirée de la multitude de films d’horreur qu’il regardait quotidiennement figurait une scène tirée d’Hannibal ou de Hostel. Les psychopathes usaient des moyens les plus tordus pour garder les victimes dans un état plateau entre la vie et la mort, une longue agonie, latente, cruelle. Heureusement, Adèle n’avait pas l’acabit de la tueuse sans pitié. Il ne voulait pas la sous-estimer, mais honnêtement, il suffisait de constater les deux têtes de différence de hauteur entre eux pour qu’il ne se sente pas menacé et puisse rayer sereinement cette possibilité parmi les raisons ayant motivé son invitation. « Vous souhaitez boire quelque chose en particulier ? » Elle lui proposa différentes boissons, énumérant tout ce qu'elle avait à offrir. “Bière, volontiers.” choisit-il à la surprise générale. S’il y en avait, il en buvait, c’était aussi simple que cela. Il ne prenait pas le temps de considérer les autres possibilités, de s’interroger sur sa réelle envie d’ingurgiter encore plus de bulles et de mousse, l’automatisme prenait le dessus. En attendant, Jonah reprit son exploration des lieux -en surface, il n’oserait pas ouvrir des portes. Entre les bibelots et les photos souvenir, il jeta un coup d'œil rapide à la planche ouija posée sur l'un des meubles du salon et la reconnut sans mal. Après tout, elle avait trôné chez lui pendant de longues années ; il en connaissait chaque défaut, chaque éraflure et les endroits où la peinture s’était effacée. “Alors c’est vous qui l’avez remportée ?” il demanda en la saisissant. “Vous avez des esprits à qui vous souhaitez jeter un coup de fil ?” La question, bien que prononcée sur le ton de la rigolade, avait tout le potentiel du monde de résulter en une immense indiscrétion, il ne le réalisait que trop tard. Comme à chaque fois, les mots fusaient, les neurones regrettaient.

Elle l'observait de loin, déambulant dans l'appartement, s'offrant le loisir de commenter le design et les décorations de l'appartement sans que rien ne vienne d'elle. Probablement même que c'était déjà comme ça quand Carl est arrivé en janvier dernier. Tout le mérite va donc à Chelsea ou à leur ancienne colocataire qu'elle ne connait pas, elle n'a véritablement pas posé la question à Carl quand ils en ont parlé. Ça n'avait pas vraiment de l'importance pour Adèle, elle pouvait elle-même décorer comme elle le souhaitait sa chambre - bien qu'elle ne soit pas là colocataire idéale pour cette pièce. Elle préfère se mélanger aux autres Adèle, ne pas rester dans son coin, ne supportant pas la solitude. Et quand elle ne squatte pas le grand salon ou le balcon, elle préfère sortir hors de la résidence. Visiter d'autres endroits, faire les boutiques ou profiter de pop corn dans une salle de cinéma ou encore d'une glace sur une plage. Elle ne fuit pas la foule, elle l'a suit. « Mes compliments à Chelsea, alors. » Adèle finit par sourire avant de reposer son attention sur Jonah. « C'est la première colocataire d'ici. » Elle avait peut-être omis de dire qu'elle faisait partie de ses colocataires, ça semblait pour Adèle logique. Mais Jonah ne pourrait probablement pas mettre un visage sur ce nom. « ...quelque part dans la cave. » Et ça fait sourire davantage à Adèle de voir cette répartie avant qu'elle hausse banalement les épaules.« Et ça ne vous effraie pas plus que ça visiblement ? » Qu'elle souffle sur un ton léger avant de se diriger vers la cuisine et d'énumérer en direct les différentes boissons. « Bière, volontiers. » Pour sa part elle optera sans équivoque sur un jus de fruit qu'elle récupère avec la bière avant de revenir vers Jonah pour la lui tendre. « Si vous avez besoin d'un verre, dites le moi... » Oui de quel coté il est ? Verre ou goulot ? Elle voit bien qui l'observe facilement ce qui s'y passe autour d'eux avant qu'il voit ce qu'Adèle aurait pu glisser discrètement dans sa chambre : l'ancienne planche ouija de Jonah. « Alors c’est vous qui l’avez remportée ? » Sur le coup elle avait été assez fière surtout qu'il y avait toujours une personne pour enchérir par-dessus elle mais devant le Fletcher, évidemment qu'elle cache cette fierté sans doute mal placée. épaules. « Oui et je suis contente de l'avoir obtenue, j'ai bien cru ne jamais l'avoir. » Mais force est de constater que quand elle a une idée en tête, elle n'a malheureusement (ou heureusement) pas ailleurs. Elle se pose sur la banquette. Alors que Jonah possède la planche en main. « Vous avez des esprits à qui vous souhaitez jeter un coup de fil ? » Qu'il demande en relevant son regard sur Adèle alors qu'elle paraît soudainement surprise et perd même ce petit sourire qui trônait sur son visage. Cette question la met mal à l'aise parce que si elle était venue jusqu'à Jonah la dernière fois et qu'elle avait visité sa demeure sans aucune intention de l'acheter - et cela, quel qu'en soit le prix, c'était justement pour Ash. Son frère est mort pendant une course illégale. « Mon petit frère, » qu'elle lâche en descendant son verre de jus de fruit d'une traite. Et elle déteste l'alcool mais elle était consciente à cet instant que si son verre avait été une boisson alcoolisée, elle aurait connu le même sort. « Vous savez vous en servir ? » Chelsea la tuerait sur place si elle savait, mais elle avait un rendez-vous qui devait durer une éternité alors au pire c'est sur le Flanagan, qu'Adèle et Jonah tomberaient.

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Adèle revint avec les boissons, lui tendant sa bière et prenant un verre de jus de fruit pour elle-même. "Si vous avez besoin d'un verre, dites-le moi..." Jonah la remercia avec un sourire et empoigna la bouteille. Dans le débat verre ou goulot, il penchait vers la seconde option bien volontiers. Sa nature curieuse le poussait à fourrer son nez partout, et forcément, il remarqua son ancienne planche de Ouija trônant dans l’appartement. Il ne savait pas si c’était le hasard ou une intention délibérée de la jeune femme de se procurer cet objet, soit parce qu’il répondait à son besoin de réponses, soit parce qu’il lui appartenait à lui, qui avait de larges connaissances dans le domaine. « Oui et je suis contente de l'avoir obtenue, j'ai bien cru ne jamais l'avoir. » Une fois l’objet remis à l’association, Jonah n’avait suivi les enchères que d’un œil. Il craignait bien trop de regretter son geste charitable et de faire marche arrière -non, il n’aurait jamais osé, et cela lui aurait d’autant plus brisé le cœur. Lorsqu’on l’informa de la somme pour laquelle la planche avait été remportée, il avait finalement été conforté dans son choix et tout regret s’était envolé. Comme quoi, faire une bonne action ne venait jamais sans son lot d’émotions contradictoires. À entendre Adèle, vaincre les autres enchérisseurs n’avait pas été si simple. Elle avait certainement dû batailler pour l'obtenir, et cette détermination transparaissait dans sa réponse.

Jonah prit la planche entre ses mains avec une certaine nostalgie, lui qui était persuadé qu’il ne la reverrait plus jamais. Sa question idiote, il la posa avec un sourire taquin, sans réfléchir comme trop souvent. Adèle sembla prise de court, son visage affichant une expression mêlant la surprise et l'inconfort. Son expression se fit plus sérieuse, et elle baissa les yeux vers son verre de jus de fruit, le tenant fermement. « Mon petit frère. » souffla-t-elle, révélant involontairement une partie de son passé qu’elle aurait largement préféré garder pour elle à n’en pas douter. Le cœur de Jonah tomba dans ses talons, ses épaules s’alourdirent soudainement. “J-je… Je suis tellement désolé. Je n’aurais pas dû demander.” Pas besoin d’être un foutu medium pour voir que la douleur de cette perte était toujours là, palpable. Il t’aurait suffi d’activer tes deux derniers neurones, Fletcher. Son regard descendit avec honte sur la planche de Ouija. Il la contempla un instant, le regard perdu dans ses sinuosités gravées, avant de relever les yeux vers Adèle, dont le visage semblait hanté par le passé. « Vous savez vous en servir ? » Il prit une gorgée de sa bière pour gagner du temps avant de répondre. Finalement, il acquiesça d’un signe de tête. “Mais c’est pas un outil très fiable, vous savez.” précisa-t-il immédiatement. Dans ses enquêtes, Jonah se reposait rarement sur les outils ésotériques et leur préférait la technologie actuelle. Ce genre de choses n’intervenait qu’en complément des instruments scientifiques. Et la planche de ouija, plus que n’importe quel autre outil, lui inspirait un certain degré de méfiance. “C’est même plutôt dangereux, il reprit. On ne sait jamais vraiment quand c’est l’inconscient de la personne qui tient le palais qui le pousse à bouger inconsciemment. Et en cas de contact, c’est impossible de déterminer si on s’adresse bel et bien à la personne qu’on espère, ou à… autre chose.” Il observa le visage d'Adèle, cherchant des signes d'acceptation ou de refus de ses paroles. Il ne voulait pas la pousser à parler davantage de son frère si elle ne s'en sentait pas prête, mais il souhaitait lui offrir un espace pour partager si elle le désirait.

Au plus loin que remonte sa mémoire, Adèle ne se souvient plus du jour où elle s'est intéressée à ce monde énigmatique. Il est vrai qu'en approchant Jonah elle avait espoir qu'il lui réponde à ses questions. Et qu'il lui permette inconsciemment de revoir son frère. Mais elle a été probablement trop naïve pour croire un seul instant qu'il puisse exister sur cette terre quelqu'un capable de communiquer avec l'au-delà. Peut-être que l'amour pour quelqu'un fait faire des choses invraisemblables et croire à tout, c'est en tout cas ce qu'elle s'est dit la fois dernière : quand Jonah lui a dit qu'il ne pouvait pas grand chose pour discuter avec ceux partis. Elle s'était sentie bête, idiote puis les choses avaient repris leur cours des choses. C'est donc une surprise de le croiser au bar de son immeuble. Une surprise, et à la fois une frayeur. Elle imagine que quand il est dans les parages c'est pas toujours une bonne nouvelle. Mais finalement, Jonah la rassure. Il n'est pas venu pour le boulot mais en détente. « J-je… Je suis tellement désolé. Je n’aurais pas dû demander. » Il se tient face à elle, avec sa bière en main dans cet appartement qu'elle commence à connaître par coeur pour y habiter depuis juin. Pas que Adèle soit le genre à rester enfermer chez elle, pour autant en l'occurrence cette fois elle ne comptait pas partir de sitôt. Le visage de Jonah blanchit face à la révélation de la Shephard. Il ne s'y attendait pas - et d'ailleurs elle non plus, elle ne s'était pas attendu à ce que son frère l'appelle pour lui annoncer le décès de Ash. « Vous en faites pas. Faut vivre avec... » Certainement qu'elle tente de rendre le change, alors qu'elle hausse les épaules. C'est plus facile à dire qu'à faire mais elle n'a pas vraiment le choix. Elle était proche de Ash, un peu moins qu'avec son aîné, mais aujourd'hui elle a l'impression d'avoir perdu les deux. « Mais c’est pas un outil très fiable, vous savez, » la planche entre les mains de Jonah, peut-être que ça lui donnera l'occasion de l'expérimenter. Elle hausse les épaules devant sa réplique. « Comment ça ? » Elle arque un sourcil. « C’est même plutôt dangereux. On ne sait jamais vraiment quand c’est l’inconscient de la personne qui tient le palais qui le pousse à bouger inconsciemment. Et en cas de contact, c’est impossible de déterminer si on s’adresse bel et bien à la personne qu’on espère, ou à… autre chose. » Elle ignore où il veut en venir mais ne compte pas vraiment laisser la planche en repos pour le reste de sa vie. « Et qui voulez-vous d'autres qui répondent ? » Elle demande avant d'hausser les épaules en buvant une gorgée de son jus de fruit, . « C'est pas grave, je le ferai fonctionner un autre jour. » Elle était obstinée la petite, allait-il se risquer à la laisser se débrouiller seule face à un esprit quand lui avait presque toute les cartes en mains ?

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« Vous en faites pas. Faut vivre avec... » Jonah regarda Adèle avec une expression mélangeant la compréhension et la préoccupation. Il pouvait s’imaginer la douleur qu'elle devait ressentir à la suite du décès de son frère, ayant lui-même cette grande fratrie dont il ne supporterait pas de perdre le moindre membre. Malgré cela, elle continuait à chercher des réponses. Il savait que les questions sur l'au-delà pouvaient être à la fois apaisantes et troublantes. Il avait vu de nombreuses personnes chercher dans une quête de vérité similaire. Il se demanda si, pour Adèle, acquérir la planche de Ouija était une tentative de communiquer avec son frère, une quête de compréhension et de clôture, ou simplement une recherche de réconfort dans la possibilité que quelque chose subsiste après la mort. Dans tous les cas, il respectait sa détermination.

Jonah se devait néanmoins de saisir l'occasion de partager ses connaissances et ses inquiétudes à propos de l’utilisation de la planche. Il pouvait clairement voir l'intérêt d'Adèle pour le sujet, et en tant que pseudo expert en la matière dans la pièce, il lui parût être de sa responsabilité de la mettre en garde contre les éventuels dangers. « Et qui voulez-vous d'autres qui répondent ? » demanda-t-elle, perplexe. Le jeune homme hésita un moment, ses yeux fixés sur la planche. “Des entités malveillantes, trompeuses ou… simplement perdues.” Après tout, si les vivants étaient aussi désespérés d’entrer en contact avec les morts, il était pertinent de songer que les morts, eux aussi, avaient soif de renouer avec les vivants par tous les moyens, tous les portails qui s’ouvriraient, quitte à mentir et tricher.

Malgré les avertissements, Adèle semblait plus décidée que jamais à tenter sa chance avec cet outil, un jour ou l’autre. « C'est pas grave, je le ferai fonctionner un autre jour. » Jonah reposa doucement la planche sur la table, regardant Adèle avec un air sérieux. "Je comprends que vous cherchiez des réponses, Adèle, mais…” Mais il ne pourrait rien dire pour l’en dissuader, n’est-ce pas ? De toute façon, ce n’était pas sa place de décider pour elle, de lui dire ce qu’elle devait faire ou non. En revanche, quitte à ce qu’elle s’y risque, autant que ça ne soit pas seule. Et il était là, lui, avec tout ce prétendu savoir, ces expériences passées qui n’avaient mené à rien mais qui n’avaient jamais terni sa conviction que le voile de l’au-delà frôlait la réalité des vivants. Il prit une grande gorgée de bière et lâcha un soupir, un de ceux qui voulaient dire “j’vais le regretter et j’vais le faire quand même”. “... mais vous pouvez pas vous lancer là-dedans en solo.” Nerveusement, il passa une main dans ses boucles et scanna l’environnement à la recherche de l’emplacement idéal pour une séance improvisée. La table du salon ferait l’affaire. Ils pourraient tirer les rideaux pour se couper du jour.  “Vous avez des bougies ?”

Qu’attendait-elle en réalité de tout ça ? Adèle l’ignorait. Elle devrait arrêter de vivre dans le passé et profiter du présent – phrase dîtes par son propre frère aîné lors de leur dernière dispute, une encore qu’elle se serait bien passé. Ils n’arrivent plus à se comprendre tous les deux, plus à s’apprivoiser et un moindre rien déclenche une explosion qui reste encore douloureux pour la Shephard. Elle se réfugie dans ses souvenirs avec Ash en pensant que tout irait mieux ainsi, en abandonnant toujours un peu plus Cody alors qu’il le lui a ouvertement reproché. Elle devrait alors sans doute réfléchir à deux fois, alors qu’elle n’est la coloc de Carl et de Chelsea depuis si peu de temps au point d’être celle qui pourrait mettre à mal leur habitation. Mais ça ne traverse pas ses pensées une seule seconde, parce que pour elle, il n’y aura aucun problème. N’est-ce pas ? «  Des entités malveillantes, trompeuses ou… simplement perdues. » Elle reste silencieuse un instant. Quel est le message que Jonah tente de lui faire passer, elle l'ignore Adèle mais est-ce qu'il saurait la faire changer d'avis ? Bien sûr que non. « Et si on peut les aider où est le mal ? » Oui, elle avait parfaitement entendu le début de sa phrase et n’avait pas retenu que la fin. Mais quand bien même le risque serait bien présent, elle avait envie de le prendre. Juste cette fois. « Je comprends que vous cherchiez des réponses, Adèle, mais… » Elle relève ses yeux sur lui devant son ‘mais’ attendant sans doute la suite, fronçant les sourcils. Est-ce que vraiment elle avait envie d’entendre une raison qui la pousserait à ne pas faire les choses ? Non, évidemment pas, mais il est en droit de le faire. Elle est suffisamment fonceuse et passionnée Adèle pour suivre son instinct et le mener jusqu’au bout, malgré les pertes et les risques que ça engendre. « ... mais vous pouvez pas vous lancer là-dedans en solo. » Sans doute que d'affronter ça avec quelqu'un d'autre - et en l'occurrence Jonah qui s'y connait un peu plus qu'elle ne pourrait que la rassurer, « vous êtes sur ? Je ne voudrais pas vous obliger à quoi que ce soit… » Qu'elle lui demande malgré tout, elle ne voudrait pas qu'il lui arrive quelque chose ou qu"il finisse par regretter. Il a pourtant dû en voir d'autres et sûrement des biens pires. « Vous avez des bougies ? » Elle réfléchit un instant. « Oui attendez un petit instant, » elle s'éloigne du salon pour se rendre dans un placard du couloir et récupérer un paquet de bougies encore jamais ouvertes. Elle revient vers Jonah en lui tendant le paquet, « vous croyez que ce sera suffisant ? » Elle ne sait absolument pas dans quoi elle s'engage mais elle semble prête et volontaire en tous les cas.

 « Mystery Train »    jonah fletcher & @adèle shephard.

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« Et si on peut les aider où est le mal ? » Cette fille avait sévèrement besoin de regarder plus de films d’horreur. On aidait pas un esprit malveillant à rejoindre l’autre côté comme on aidait une vieille dame à traverser la route. Généralement, si on en croyait les Poltergeist et autres Exorcistes, il fallait s’attendre à un max de grabuge à la maison, des objets flottants, des poupées flippantes, une ou deux personnes possédées, option stigmates ou larmes de sang, et une vilaine facture EDF à cause de l’allumage intempestif d’appareils électriques. Mourir était aussi une option, d’ailleurs. Néanmoins, Jonah préféra se mordre la langue plutôt que de, premièrement, noyer Adèle sous une montagne d’informations cinématographiques qu’elle n’avait pas réclamées et ne formaient pas réellement une base de données fiables malgré toutes les mentions “tiré d’une histoire vraie” ; secondement, la faire complètement paniquer en laissant sous-entendre qu’un larbin d’il-ne-savait quel sous-sol de l’Enfer était susceptible de s’ajouter à la colocation et faire largement assez de dégâts pour lui faire perdre son dépôt de caution. Non, au lieu que de faire la chose sensée (partir de là vite et bien en laissant la jeune femme prendre les risques toute seule comme l’adulte responsable et consentante qu’elle était, sans oublier de lui souhaiter bonne chance et bonne continuation), le Fletcher opta pour l’erreur de tout bon protagoniste de scénario du genre : l’aider à organiser une séance. « Vous êtes sûr ? Je ne voudrais pas vous obliger à quoi que ce soit… » Jonah observa Adèle, percevant son entêtement mêlé à une certaine vulnérabilité. Et, désormais, une touche d’inquiétude. Bien sûr que non, il n’était pas sûr, et il savait encore moins qui il se croyait être pour se penser en mesure de maîtriser les éventuels événements paranormaux qui pourraient découler de leur tentative de communiquer avec les morts. Il était un Youtubeur. Un foutu Youtubeur qui bourrait ses vidéos d’effets spéciaux pour faire croire aux apparitions et aux manifestations de l’au-delà. Un genre d’influenceur immobilier, comme disait Hassan, qui en rajoutait des couches sur des histoires déjà tragiques pour le plaisir de faire peur et d’avoir le sentiment d’être le personnage principal du film de sa vie. Un chasseur de fantômes qui n’en avait jamais vu, ni obtenu la preuve de leur existence. Un enfant endeuillé qui, lui aussi, voulait croire que quelqu’un qu’il aimait persistait dans un plan astral non loin de lui. Et c’était peut-être la détermination de cet enfant intérieur qui le fit acquiescer sans l’ombre d’un doute.

Il leur fallait des bougies. Il fallait aussi un miroir, que Jonah se permit de décrocher du mur de l’entrée, et un contenant rempli d’eau. « Vous croyez que ce sera suffisant ? » demanda-t-elle en lui tendant le paquet de chauffe-plats tout ce qu’il y avait de plus banal. Jonah souria, rassurant. « Ça devrait être plus que suffisant. L'important, c'est l'intention derrière leur utilisation. » Il poussa un peu le canapé, plaça la table basse au centre du salon, la planche de Ouija dessus. Le miroir posé sur le meuble TV, un bol d’eau face à celui-ci. “C’est des genres de connecteurs, il expliqua à propos de leur présence (ce qu’on voyait rarement dans les films). On dit que c’est plus facile pour un esprit de se rendre visible dans un reflet. Et l’eau, c’est comme un élément conducteur, ça fait le lien entre notre monde et le leur. Dans un tas de cultures, en tout cas.” C’était ce qu’il avait retenu de ses longues heures de lecture sur le sujet. Il alluma les bougies, créant une lueur vacillante dans la pièce. Un peu nerveux, il prit une grande inspiration. "Prête ?" demanda-t-il, son regard croisant le sien. Quoi qu'il en soit, ils étaient maintenant lancés dans cette expérience. “On se vide la tête, doigts sur le palet, et c’est parti. Comment s’appelle votre frère ?”



WIN : Jonah appelle l’esprit plusieurs fois, et au bout de plusieurs minutes, quelqu’un leur répond. Le palet se met à bouger sur la planche pour répondre à leurs questions. Mais est-ce vraiment le frère d’Adèle ? Est-ce vraiment un esprit tout court ou juste leur inconscient qui déplace le palet tant ils veulent y croire ?

SO CLOSE : Première tentative, rien. Seconde, rien. Le découragement se fait sentir. Peut-être devraient-ils arrêter, ou essayer une dernière fois ?

FAIL : Malgré les appels et la patience, rien ne se passe. Aucune silhouette dans le miroir. L’eau est calme. Les bougies fondent, leurs espoirs aussi. Tant pis.

Si on demandait réellement à Adèle ce qui lui prenait à cet instant, elle ne saurait même pas répondre elle-même. Elle est furieusement entêtée quand elle s’y met, en ne considérant pas que le pire puisse arriver : puisque le pire a déjà été sous ses yeux en mars dernier quand elle a reçu l’appel de trop de Cody, son aîné. Depuis, elle vogue entre désir de retrouver Ash et de pouvoir le prendre dans ses bras. Elle n’a pas été là pour lui, de l’autre côté de la mer, au Mexique, ne voulant pas accepter ce que sa vie était devenue alors et voulant retrouver un havre de paix, ce qui bien évidemment été largement plus compliqué aujourd’hui. Elle s’est plongé corps et âme dans son boulot pour lui permettre tout oublier, et Jonah est rentré dans sa vie, avec cette lueur d’espoir, ce renouveau qui lui permettrait peut-être naïvement de réaliser ce qu’elle désire au fond le plus sur terre : pouvoir simplement s’excuser de son comportement, parce que ce n’est pas suffisant de se rendre au cimetière pour lui raconter ce que sa vie sans lui est devenue. Le cœur battant, elle fronce les sourcils, ne comprenant même pas pourquoi il fait tout ça pour elle, et quand bien même il a été franc avec elle l’autre fois quant à ses vidéos, et ses villas dont elle garderait soigneusement ce secret pour elle, sans réellement savoir pourquoi. Adèle, se dit que tant personne de son entourage n’est directement touché, elle n’y voit aucun inconvénient. Elle observe Jonah de loin qui s’active, bouge de place certaines choses, repositionne d’autres trucs, et elle se demande si c’est réellement une bonne idée, de le faire qu’à deux. Comment vont-ils retrouver l’appartement après ça ? Avec Chelsea l’amour n’est déjà pas fou, alors si Adèle vient à casser quelque chose, ou si un truc finit détruit, ça risque de chauffer pour elle. Mais Jonah est déjà là, et elle ne compte pas rebrousser chemin si proche du but : elle ne s’est jamais caché vouloir retrouver son frère, d’une quelconque manière qui soit, c’était donc pour elle une évidence quand elle a vu la planche de ouija. Et diriger par son ancien propriétaire, que d’honneur ! « Ça devrait être plus que suffisant. L'important, c'est l'intention derrière leur utilisation. » Ca rassure la Shephard, il semble à l’aise, qu’elle ne devinerait à aucun moment que ce monde est loin d’être le sien, et que derrière ses pas décidés et cette faculté à vouloir faire les choses bien, il s’avère que Jonah a un peu moins de notoriété auprès des esprits et fantômes que ce qu’il laisse entrevoir. « C’est des genres de connecteurs, en posant un bol d’eau face au miroir, elle n’y aurait jamais pensé, mais elle semble évidemment vouloir tout retenir, on dit que c’est plus facile pour un esprit de se rendre visible dans un reflet. Et l’eau, c’est comme un élément conducteur, ça fait le lien entre notre monde et le leur. Dans un tas de cultures, en tout cas. » Elle acquiesce d’un signe de tête, avant qu’il relève ses yeux sur elle, « prête ? » Un léger sourire apparaît derrière évidemment ce qu’on peut lire comme étant un peu anxieuse, elle mentirait de dire le contraire, « autant que possible. » Qu’elle avoue dans un vague soupire, ça ira peut-être mieux dans quelques minutes, les bougies qui sont allumés, Adèle se rapproche un peu de Jonah, s’accroupissant par terre devant la planche, « on se vide la tête, doigts sur le palet, et c’est parti. Comment s’appelle votre frère ? » Elle fait un signe de tête, pose à son tour ses doigts sur le palet et finalement répond à la question de l’agent immobilier, « Ash. Ash Shephard. » Elle ne sait pas bien quoi dire, par quoi commencer, peut-être que connaître déjà l’identité de la chose qui leur parle, déjà serait un bon argument pour vouloir poursuivre dans cette voix, et ainsi en savoir un peu plus. « Est-ce que c’est toi, Ash ? » Sa voix est hésitante, on la voit sans aucun doute rarement ainsi, elle qui d’habitude sautille partout, amène sa joie de vivre, elle semble prendre plus que au sérieux tout ça, mélangé entre de la crainte et une certaine satisfaction. Quand bien même ils ne parviennent pas à parler à celui qu’elle aimerait.

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