« We shall greet the morning... together»    jonah fletcher & @zelda rivera.

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Profitant du silence nocturne dans la résidence, Jonah était penché sur son micro et lisait à voix haute ses quelques lignes de commentaire par-dessus les images envoyées par son monteur. Il était enfin parvenu à trouver des acheteurs pour la villa de Golding Street et, avec leur accord, celle-ci était devenue le théâtre de leur dernière séance de purification — l'une de leurs meilleures, d’après lui. Ils avaient sorti le grand jeu : après tout, la bâtisse avait connu rien de moins qu’un quadruple homicide, c’était l’occasion ou jamais d’en faire des caisses. Le résultat était au rendez-vous. Le jeune homme pouffait régulièrement en découvrant les réactions sur les visages des anciens et futurs propriétaires de la villa. Il faisait également preuve d’une bonne dose d’autocritique face à sa propre performance. Avec les années, il supportait plutôt bien de se voir et de s'entendre en vidéo, mais il ne pouvait s’empêcher d’être son pire juge. Lorsqu’il était question de rajouter la voix off, le Fletcher se reposait sur les précieux conseils que Zelda lui avait donnés. Ne pas trop accentuer les voyelles pour ne pas avoir "une diction de putain de Lord", y aller doucement sur le r "t'es pas tigrou"... Il trouva donc cocasse de recevoir un sms de sa part à l’instant où ses pensées se tournaient vers elle.

En moins de temps qu’il n’en fallait pour que Thanos ne claque des doigts, Jonah se retrouva devant le Canvas. Le message de Zelda ne lui avait pas laissé le choix. Enfin, elle, oui, mais sa conscience, non. Incapable de la laisser seule dans l’état qu’il lui avait deviné entre les lignes cryptiques de ce qui ressemblait à un appel à l’aide semi-assumé, il avait rappliqué. Le Canvas, niché dans les rues animées de Fortitude Valley, inondait le trottoir de la lumière électrique de ses néons. Jonah s’y était déjà rendu, il ne savait plus à quelle occasion. Sans doute un énième date foireux, quoi d'autre ? Ne sachant pas à quoi s’attendre de la part d’une Zelda en détresse, elle qui ne donnait jamais l’impression d’avoir besoin de qui que ce soit, il poussa la porte avec une légère appréhension. Peut-être qu’il n’était pas la bonne personne pour le job, qu'un dompteur de fauves serait plus adapté. Peut-être que le message ne lui était même pas destiné, initialement. Il se sentait comme un chevalier maladroit dans une armure deux tailles trop grande, tentant tant bien que mal de voler au secours de la princesse en détresse. Tant d'embûches pouvaient se dresser entre lui et son objectif comme… résister à l’envie de commander une bière, pour commencer.

L’atmosphère bruyante du bar l’enroba comme un violent courant d’air et déjà son mètre quatre-vingt révolus ne l’empêcha pas de se sentir tout petit au milieu des noctambules. Il avança prudemment entre les tables, balayant du regard la foule animée à la recherche du signe distinctif de Zelda - l’air le plus blasé que vous pourriez trouver à des années lumières à la ronde. Manquant de peu d'écraser les pieds de quelques danseurs intrépides, Jonah se frayait un chemin à travers la foule, faisant preuve d'une grâce absente alors qu'il évitait chaises, tables, verres éparpillés et aisselles moites. La silhouette familière à la moue légendaire fut enfin aperçue au loin, assise à une table. Soulagement. Jonah arriva derrière elle et, afin de lui éviter une crise cardiaque, posa doucement une main sur son épaule. “Hey. Ton sauveur est là.” Ew. Toutes les chaises étaient prises aux alentours. Il demeura donc debout, l’air nigaud. “C…ça va ?” lui demanda-t-il timidement, espérant qu'elle n'était pas trop mal en point. La question lui parut immédiatement stupide et le regret l’envahit aussitôt. Elle allait définitivement regretter d’avoir fait appel à lui. “Je te raccompagne chez toi, si tu veux ? Mon chocobo est garé à deux pas.”

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Jonah n'était pas du genre à laisser quelqu'un dans une situation délicate. Ce n’était ni la première, ni la dernière fois qu’on le voyait laisser ce qu’il faisait en plan sur un simple coup de fil ou un texto d’une personne. Même ceux qui ne méritaient pas son temps, et encore moins son dévouement. Il estimait faire ce qu’il aimerait qu’on fasse pour lui, traiter les autres comme il souhaiterait qu’on le traite. Des attentes souvent déçues qui ne l’empêchaient pas de réitérer les mêmes choix à chaque fois, prendre toujours la même décision. Peut-être qu’il n’apprenait pas de ses erreurs, qu’il n’imprimait pas qu’être un peu égoïste ne faisait pas de mal ou qu’il n’avait pas besoin d’être le valet personnel de qui que ce soit pour devoir se sentir apprécié. Peut-être qu’il ne voulait pas accepter de jouer le jeu d’un monde dans lequel on avait décrété qu’être gentil et attentif était une faiblesse. Zelda sembla le remarquer seulement lorsqu'il posa la main sur son épaule. Elle se tourna vers lui, les yeux écarquillés, et Jonah put voir la surprise dans son regard. Il s'attendait à une réaction explosive de sa part, mais elle sembla trop étonnée pour cela. Attendait-elle quelqu’un d’autre ? Une minute, le jeune homme songea qu’aucun message ne lui avait été destiné initialement et qu’il avait l’air bien stupide. Tant pis, il était là, et il comptait bien aider la brune comme il l’avait prévu. « Pffftfftgt. Mon sauveur. J’suis Zelda et tu me sauves, cliichééé ! - L’univers t’a donné ce prénom pour cette raison. » D’ailleurs, l’univers lui avait mis Jonah dans les pattes pour qu’il soit celui qui sautait sur la moindre occasion de lâcher un jeu de mot de bas étage à propos des fameuses aventures de Link et de sa princesse de sœur. Un rôle qui lui tenait à cœur en toutes circonstances.

Jonah ne put s'empêcher de sourire, malgré la situation. Il savait que Zelda n'était pas du genre à exprimer sa gratitude de manière conventionnelle, mais il pouvait lire entre les lignes. Tant qu’elle ne lui disait pas de foutre le camp, alors il pouvait estimer avec certitude qu’elle repartirait bien du Canvas avec lui. « Attention, j-j-j’ai perdu une chaussure. T’y crois toi ???? » dit-elle en s'agrippant à lui pour ne pas trébucher. “J’crois que t’aurais pu faire pire.” Une chaussure, c’était le cadet de ses soucis. Il y avait bien d’autres tristes péripéties qui pouvaient tomber sur une jeune femme seule et ivre. Au moins, là, ils auraient une anecdote amusante et chaotique à se remémorer plus tard. Zelda avait toujours eu un don pour se mettre dans des situations inattendues, une partie de Jonah n’était pas étonné de la scène qu’ils vivaient. Intérieurement, il se promit d’appeler l’établissement le lendemain afin de leur demander s’ils avaient trouvé une chaussure orpheline qu’il puisse récupérer et rendre à Zelda.

Sans trop de difficulté, il la soutint jusqu'à sa voiture, tout en se demandant comment elle avait réussi à se mettre dans un tel état. Enfin, l’arme du crime était évidente : l’alcool. Le motif, beaucoup moins. Elle monta difficilement à l'intérieur, et il ferma la portière. Elle lui fit signe de rouler, et il démarra en direction de chez elle, faisant de son mieux pour éviter les virages brusques et les secousses qui pourraient la rendre malade. Ayant saisi la bouteille qui traînait sur sa banquette arrière depuis une période comprise entre deux semaines et deux ans, il la tendit à Zelda. “Tu veux de l’eau ? - J’ai envie de crever. - Ok, mais tu veux pas de l’eau d’abord ?” Visiblement, non. A vrai dire, si c’était pour ingurgiter le liquide quasiment trouble qui se trouvait dans cette bouteille, lui aussi aurait préféré ravaler ses remontées acides que de s’intoxiquer un peu plus ainsi. Il renvoya donc l’eau à l’arrière pour mieux l’oublier encore un long moment -jusqu’à la prochaine fois qu’il nettoierait sa voiture, un peu avant que les poules n’aient des dents. Entre temps, Zelda s’était mise à jouer avec les boutons de la radio. Les programmes du soir se divisaient en trois catégories : les talk shows où les âmes en peine appelaient pour partager leur dernier coup de gueule du moment, les DJ en galère proposant une ambiance club pour ceux qui n’avaient pas les moyens de s’y rendre en personne, et les playlists pleines de nostalgie qui rappelaient que les années 80 étaient il y a 40 ans désormais et non plus 20 comme dans l'imaginaire collectif. La jeune femme coupa rapidement la musique. Jonah la regarda avec curiosité. Ivre, mais assez consciente pour faire la difficile en matière de son ? Non, elle semblait boudeuse et contrariée. Sa tête dodelinait en suivant les mouvements de la route. La vitre de la portière la soutenait vaguement. « J’t’ai sauvé d’un date foireux dans l’coin ??? Comment ça s’fait que tu sois venu… si vvite… à cette heure-ci ??? » Jonah se racla la gorge, se demandant comment expliquer son arrivée précipitée sans révéler l'impact de ses messages sur lui. Il s’était inquiété, voilà. Les amis, ça s’inquiète et ça fait tout ce qui est dans son possible pour rappliquer en cas de besoin.  “C’est ce que font les héros, non ?” déclara-t-il plutôt, toujours confortablement couvert sous sa propre cape d’invisibilité qu’était l’humour. Il reprit, plus sérieusement ; “Je taffais sur une vidéo, j’avais du voice over à faire. Je bosse mieux le soir sur ce genre de trucs.” Moins de bruits parasites. En somme, il était réveillé et il n’habitait pas si loin. “Et toi, tu veux me dire ce que tu arrosais ?” demanda-t-il doucement. Zelda était étrangement dans un état vulnérable. Ce n’était pas dans ses habitudes. Cependant, Jonah avait horreur de se montrer indiscret lorsqu’il était question de ses proches et était parfaitement prêt à lâcher l’affaire au moindre mot dans ce sens. Son seul souhait, c’était de faire ce qu'il pouvait pour l'aider à passer à travers cette nuit visiblement difficile.

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Les lumières de la ville passaient en un éclair, illuminant brièvement l'habitacle de la voiture alors qu'ils avançaient dans la nuit. L’intérieur aurait mérité un bon coup de balai, certes, mais Zelda le connaissait assez pour ne pas s’en offusquer, n’est-ce pas ? Jonah conduisait prudemment, gardant un œil attentif sur la route tout en écoutant Zelda débiter ses pensées acerbes. Même dans cet état, elle restait elle-même, et c'était quelque chose qui le rassurait, même s'il trouvait parfois son sens de l'humour plus tordu que le sien. Il avait rangé la bouteille d’eau à sa place -balancée à l’arrache sur la banquette arrière jusqu’à ce qu’elle tombe au sol d’ici deux virages comme un chat jetant tout par terre. Zou, du balai.  Lui ne voyait pas le problème que le liquide soit un tout petit peu (beaucoup) trouble, mais soit, il ne souhaitait pas insister face à la tête de mule en chef. « Me fais pas regretter de t’avoir appelé. J’te jure. Tu vas le payer pendant dix piges sinon. Et t-ta bagnole aussi. - Mon chocobo. » il corrigea sans prêter attention au reste des menaces vociférées. Il aurait pu appeler son véhicule de manière cliché et cheesy comme la Jojo-mobile, le Jojonator, le Tofourgon en référence à son chat, ou encore le Nimbus 2000 comme le balai de son co-Gryffondor, mais son amour pour Final Fantasy lui avait plutôt fait penser à ses créatures qui menaient d’un point à l’autre de la map. Ils étaient jaune, sa couleur préférée, alors cela faisait sens. « Hm. J’espère que tu fais plus ton truc chiant avec les R, là.. » Zelda grognait encore tandis que le Fletcher lui avait révélé le programme de sa soirée de vidéaste célibataire en tête à tête avec son chat. “Tu veux diRRRe RRRouler les RRR comme un peRRRoquet de piRRRate ?” fit-il pour la taquiner. Son regard amusé se posait de temps en temps sur elle, du coin de l’oeil, dans la périphérie de sa vision. Oh, il allait se prendre un coup de manche à balai, de batte de baseball, de semelle de chaussure quelque part sur le coin de la tronche pour cet affront, il attendait simplement de subir l’impact.

Puis vint la question délicate de pourquoi elle avait sombré dans une telle cuite. L'alcool coulait dans ses veines, l'encre d'une rage retenue, l'antidote à une semaine qui l'avait étrangement insufflée d'une férocité digne d'un chat en colère. Jonah ne pouvait s'empêcher de se demander ce qui l’avait poussée dans ce sombre état d'esprit. Cependant, il préférait ne pas creuser davantage. Il comprenait trop bien que parfois, la simple écoute valait mieux que toutes les tentatives de résolution. Et qu’entre parler et pousser les soucis sous le tapis d’un coup de balai, le choix pouvait être vite fait. « J’arrose mon gosier d’alcool fort à défaut de pouvoir arroser les autres avec et de craquer une allumette pour leur foutre le feu. », déclara Zelda, un sourire énigmatique dansant sur ses lèvres, alors qu'elle semblait prête à réciter une liste de noms à ajouter à sa liste noire. “C’est un peu extrême, mon chat.” Chill out Arya Stark. Jonah esquissa un sourire en coin, mêlant amusement et inquiétude. La brune était une combinaison complexe de sarcasme et de vulnérabilité, une guerrière masquée sous l'armure de l'humour cinglant. Loin d’avoir un balai dans le derrière, elle disait ce qu’elle pensait, comme elle le pensait. « T’as deviné, j’ai eu une semaine de merde. Le genre de semaine où j’ai envie d’avoir ma propre île, d’y organiser des Hunger Games avec les gens qui m’ont fait chier pour qu’ils s’entretuent sans que j’me salisse les mains. Et par-dessus le marché, le survivant, j’le balancerai sur un nid de frelons histoire de le briser alors qu’il pensait s’en sortir. » Dans un autre contexte, cela aurait pu être considéré comme une blague noire, mais connaissant Zelda, il savait qu'elle le pensait au moins à moitié sérieusement. Il ne pouvait s’empêcher de l’imaginer parfaitement capable d’abattre quelqu’un avec un balai à chiottes. “C’est une fanfiction que je lirais bien volontiers.” L'humour, comme toujours, était sa manière de désamorcer l'intensité ou le sérieux d’une conversation. “Et qui aurait gagné d’après toi ? Ton agent, ton chat, ton frère, ton daron ?” il demanda, manière subtile (d’après lui) d’en savoir plus sur le ou les fautifs ayant envenimé la semaine pour Zelda.

La brune croisa les bras, une expression de lassitude peinte sur son visage, et murmura qu'elle voulait rentrer chez elle, probablement pour retrouver la présence réconfortante de son chat. Sage décision compte tenu de son état, et Jonah était plus qu'heureux de l'aider à réaliser cette intention. Ayant lui-même un chat, il ne comprenait que trop bien à quel point un animal pouvait être tout ce dont on avait besoin pour se sentir mieux. “On arrive bientôt dans votre royaume.” Les rues de la ville étaient désertes à cette heure de la nuit, seules les lumières des réverbères éclairaient leur chemin. Tous les chats étaient gris. Le silence enveloppait la voiture, rompu uniquement par le bruit des pneus sur l'asphalte et les murmures occasionnels de Zelda. On reconnaissait aisément les conducteurs ivres de part leurs mouvements de volant houleux et leurs réflexes à retardement, tous rendus cons comme des manches à balai à chaque carrefour. Alors qu'ils approchaient de son domicile, les rues devinrent de plus en plus familières pour Jonah. Enfin, ils atteignirent la résidence de la jeune femme. Jonah se gara devant la porte, coupa le moteur et tourna son regard vers la jeune femme. "Nous voilà arrivés à bon port, milady", déclara-t-il d'un ton léger. Il descendit de la voiture et se dirigea vers la portière côté passager pour l'aider à sortir. “Du balai, princesse, on descend du chocobo.” Elle semblait encore un peu vacillante, mais son visage affichait une lueur de soulagement à l'idée de retrouver son chez-soi. Et son fameux chat. Jonah la soutint doucement, veillant à ce qu'elle ne trébuche pas à nouveau sur ses talons dépareillés, l’escortant façon voiture-balai en fin de course. Une fois devant la porte, il la laissa s'appuyer contre le mur, la fixant avec une sollicitude mêlée d'amusement. “Ça fera 20 dollars, m’dame.”

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« J’te dois plus, parce que tu vas m’aider à monter. » Ah?
Il aurait dû s’y attendre. À la voir fouiller frénétiquement à l’aveugle dans son sac à main, un œil disant merde à l’autre, la bouche entrouverte inconsciemment, et les jambes flageolantes comme celles d'un bambin qui apprend à marcher, il n’existait aucun scénario dans lequel Zelda parvenait jusqu’à son appartement par ses propres moyens. Si Jonah partait, un autre habitant de l’immeuble allait la trouver en train de taper sa meilleure nuit sur le carrelage du hall d’entrée, option filet de bave en travers de la joue. “J’ai pas besoin de te porter, hein ?” il demanda avec une pointe d’appréhension concernant la réponse. Ses bras en cure-dents n’étaient pas en mesure de soulever la brune façon demoiselle en détresse, aussi poids plume soit-elle. Ils avaient plus de chances de s’arracher de ses épaules et tomber par terre, la faisant atterrir sur les fesses, les quatre fers en l’air. Alors c’était soit le sort de lévitation, soit Zelda parvenait à marcher en l’utilisant comme béquille. Là encore, la dure réalité réduisait leurs options, et le Fletcher parvint à mi-soutenir mi-tirer son amie jusqu’à l'ascenseur. Dans la cage métallique qui montait les étages, Jonah pouvait sentir le corps de la brune frissonner contre le sien, la chaleur de son souffle alcoolisé lui chatouillant le cou. Il était perplexe, à mi-chemin entre la préoccupation et le soulagement. Il ne comprenait toujours pas la situation, la raison de sa beuverie, les boudages, les rires hystériques, les envies de battle royale. Il savait que Zelda n'était pas une âme solitaire et fragile, mais la voir dans cet état lui faisait réaliser à quel point elle avait besoin de réconfort en ce moment.

Malgré tout, les mimiques d’une Zelda alcoolisée lui arrachaient sourire sur sourire avec un amusement certain. Une fois les clés jetées en sa direction, Jonah inséra la bonne dans la serrure et fit tourner le pêne, ouvrant la porte d'entrée et dévoilant l'intérieur tamisé de l'appartement de la brune. Jonah s'écarta pour laisser passer son amie, qui, malgré son état éthylique avancé, était parvenue à s'immiscer sans trop de difficulté. Il poussa un soupir de soulagement. La première étape était franchie, mais il se demandait bien ce qui allait se passer ensuite. Zelda était imprévisible dans ses réactions, comme un chat sauvage que l'on pouvait caresser un moment et qui, sans prévenir, pouvait vous griffer. Elle avait le don de le surprendre, parfois agréablement, parfois moins. Cette fois, c’était la première option. « Est-ce que tu… Enfin… Tu peux rester ? S’il te plaît. » demanda-t-elle. Malgré le comique de sa moue suppliante, l'expression dans ses yeux trahissait une vulnérabilité qu'elle avait du mal à cacher. Pour Jonah, il n'y avait pas vraiment de choix à faire. Il se sentait responsable d'elle en cet instant. Elle était là, au bord du gouffre, et bien que son humour acerbe soit une armure qui pouvait repousser les plus coriaces, Jonah savait qu'en dessous de tout ça, il y avait une personne en peine. “Bien sûr, pas de souci.” Ca ne serait pas la première ni la dernière fois qu’il squatterait le canapé.

Une petite boule de poils fit son apparition, bondissant gracieusement sur le comptoir. Mimo venait les saluer. « Le seul être qui ne me déteste pas à l’heure actuelle... - Bah merci bien ! - Enfin, il y a toi aussi. MAIS, vu que j’suis une mauvaise personne, j’imagine que.. c’est qu’une question de temps avant que tu n’me tournes le dos toi aussi pour rejoindre le club Anti-Zelda monté par ma famille. » Le Fletcher fronça les sourcils. C'était une pity party et personne ne l'avait prévenu ? Il y avait définitivement baleineau sous gravillon et le langage cryptique de son amie ne lui permettait pas, encore une fois, de saisir quoi que ce soit. “T’sais quoi, plutôt que de dire des bêtises, on va se détendre dans le canap’, oublier le monde pour un moment, et..." Zelda fut prise d'un violent haut-le-cœur. Elle se précipita vers les toilettes, abandonnant Jonah dans la pièce principale avec le chat. Les premiers sons gutturaux peu ragoûtants résonnèrent jusqu’à ses oreilles. “Et vomir. Ouep.” Tant pis pour la tirade qu’il s’était imaginé lui clamer.

Pendant que Zelda se vidait de ses excès d'alcool, Jonah fit un tour rapide de l'appartement. Il connaissait bien l'endroit, ayant passé de nombreuses soirées ici à discuter, boire, ou simplement à traîner. Dans la cuisine, il fouilla les placards à la recherche d’un snack comme le ventre sur pattes qu’il était. “Bingo.” souffla-t-il, victorieux, en tombant sur un fond de paquet de crackers au fromage abandonné à côté d’un sac de farine à peine entamé qui témoignait d’une courte lubie de Zelda pour la pâtisserie -il y avait au moins deux ans de ça. C’est avec sa trouvaille qu’il continua de déambuler. Pour le moment, le bruit des toilettes était la seule bande sonore de l'appartement. Une seconde, il songea à attendre le retour de son amie en s’asseyant là, pépère, les pieds sur la table basse. Mimo semblait avoir une opinion bien tranchée sur la question, observant Jonah comme s'il attendait qu’il se bouge et règle le problème de manière héroïque. Ce fut donc sous la pression du chat que Jonah se rendit près de la porte des toilettes et s’assit par terre en attendant que Zelda termine son affaire. Et même la mélodie du dégueulis ne pouvait l’empêcher de manger ses crackers au fromage dans le plus grand des calmes.

Mimo se frotta à lui, cherchant des caresses (ou espérant un cracker), et Jonah obéit à ses demandes en passant doucement sa main dans son poil. "T'inquiète pas, on va veiller sur elle." Sa voix était douce, comme s'il essayait de rassurer non seulement le chat, mais aussi Zelda, qui était actuellement aux prises avec les démons de sa soirée. “Toi et moi, on la laissera pas tomber. On va l’obliger à nous supporter encore longtemps. Parce que c’est une chouette personne, hm ?” Sa tête posée contre le mur, son crâne roula sur le côté, tournant son visage en direction de la porte. A travers le battant clos, il cherchait la présence de Zelda, un signe de vie, quelque part dans les toilettes, elle aussi assise sur le sol. “Que dis-tu ? Monter un club Pro-Zelda pour répliquer ? T’es un génie, Mimo. Quoi ? Non, on ne peut pas engager des tueurs à gage pour descendre sa famille. Pourquoi ? Parce que c’est diablement cher, d’une. Et c’est pas très moral, Mimo. Tss, t’es bien le chat de ta maîtresse.” Il ne pouvait pas la voir, mais il espérait que son monologue lui arrachait au moins un sourire. Puis, comme s'il avait eu une idée lumineuse, il ajouta : "Tu veux que je te prépare ma potion anti-gueule de bois ? J'ai un secret pour les cuites qui passent mal, super efficace." La mixture en question n’avait rien d'appétissant, même si elle ne comportait ni bave de crapaud, ni venin de serpent. Il l’avait inventée faute de pouvoir faire s’envoler la nausée et le mal de crâne d’un coup de baguette magique. C’était sans doute le pouvoir que tout le monde avait rêvé d’avoir au moins une fois dans sa vie -notamment passé trente ans, quand le mal se met soudainement à durer quarante-huit heures malgré l’ingestion d’un Doliprane toutes les quatre heures et de deux litres d’eau. Hop, d’un claquement de doigts, plus de gueule de bois. Un geste pour soulager la souffrance de milliers de personnes qui avaient trop fait la fête la veille, un peu trop enthousiastes à l'idée de célébrer un anniversaire, une promotion, un enterrement de vie de célibataire, un mariage, un diplôme, ou simplement la fin d'une semaine de travail éprouvante. Adieu les maux de tête, les nausées et la fatigue d'une nuit de débauche. Jonah, qui ne perdait pas le nord, s’imaginait déjà monter un business autour de pareille habilité. "Jonah's Hangover Haven", ça sonnait bien. Le sanctuaire des fêtards repentis. En quelques minutes, ils repartiraient comme neuf, frais comme des gardons. Bien sûr, il serait le premier à bénéficier d’un pouvoir pareil, et c’était bien ce qui lui faisait réaliser que ce n’était pas une bonne idée ; libre de boire de la bière à gogo, de vider les bars à grands coups de shooters de tequila, et cela sans conséquences ? Il passerait son temps ivre. Mais est-ce que l’ivresse avait encore de l’intérêt lorsqu’elle devenait un état permanent ? Sans doute pas. En tout cas, à cet instant, il ferait usage de pareil don sur Zelda sans hésiter. Il lui épargnerait de longues minutes penchées sur la cuvette des toilettes, bataillant avec ses cheveux pour qu’ils n’en frôlent pas le contenu de son estomac. Un claquement de doigts, et elle aurait pu aller se coucher après une tisane, comme une adulte responsable. À la place, elle allait sans doute devoir gober un œuf cru la tête en bas en se pinçant le nez.

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La proposition de lui faire boire quelque chose pour soulager sa gueule de bois fut accueillie par une fin de non-recevoir. Jonah, même s’il n’était pas visible de son côté de la porte, leva les mains en signe de reddition comique. "D'accord, d'accord, pas de potion magique. On ne va pas empirer les choses." Pourtant l'œuf cru tête en bas, c’était diablement efficace. Il sauta sur ses jambes et se redressa lorsque le verrou des WC claqua en sens inverse, signal que Zelda était sur le point d’en sortir. Lorsqu'elle réapparut, à la fin de son odyssée gastrique, il lui offrit un sourire compatissant et lui tendit un des derniers crackers au fromage du fond du paquet (qu’il avait entièrement anéanti en quelques minutes). Ça, ça ne risquait pas de lui faire de mal. Et manger était toujours une solution à tout, d’après lui. Néanmoins, son sourire d’abruti heureux s’évapora instantanément. La révélation de Zelda le laissait sans voix et le cœur dans les snickers. Elle avait lâché la nouvelle comme une bombe, une déclaration brutale qu'il ne s'attendait pas à entendre. La mort de son père.

Sans un mot, le Fletcher suivit Zelda depuis le pas de la porte des toilettes jusqu'à son repli sur le balcon, clope au bec, le visage masqué par un sourire triste. Lui ne fumait pas. L'air frais de la nuit les enveloppait. Le silence s'étira un instant, avant que la brune ne rompe le calme avec une confession crue de ses pensées pendant les derniers moments de son père. « Tu sais ce que je faisais pendant qu’il mourait ? J’étais en train de me demander si j’allais aller le voir ou pas. J’ai hésité. Pendant des jours. J’suis finalement arrivée à l’aéroport pour rien parce que… Allô Zelda ? Il est mort, finito, décédé, dead, kaput. » Jonah pouvait sentir toute la confusion, la colère, et la douleur derrière ses paroles. Il l'écouta en silence, cherchant à comprendre, à être là pour elle, même s'il ne pouvait pas effacer le passé. « Faut croire que j’suis pas si chouette que ça, tu vois.. » fit-elle pour conclure. Il pouvait comprendre qu’elle pense cela, même si c’était faux.

À son tour, il s’adossa à la rambarde du balcon. Il lâcha un soupir, comme s’il avait retenu sa respiration un long moment. Fallait dire que l’atmosphère était si pesante qu’il y avait de quoi se sentir en apnée. Au bout d'un moment, il brisa doucement le silence. "Si tu veux parler, je suis là. Si tu veux juste être, je suis là aussi. Et si tu as besoin d'une épaule pour pleurer, je suis là pour ça aussi." C’était cheesy à crever, cliché à souhait et pas mieux formulé qu’un post inspirationnel sur insta, cependant son regard exprimait toute sa sincérité. Il comprenait que certaines douleurs étaient trop profondes pour être exprimées en mots. Parfois, les paroles étaient superflues. Parfois, il suffisait d'être là, de partager un instant avec quelqu'un qui comprenait sans juger. Savoir qu'on n’était pas seul dans ces moments difficiles pouvait faire toute la différence.

Un léger vent nocturne fit frissonner les boucles de Jonah. Il savait ce que c’était, la perte d’un parent. Il n’irait pas jusqu’à prétendre qu’il savait exactement ce que ressentait ou pensait Zelda, mais il avait une solide estimation de l’ampleur de la peine, du vide. C’était un trou qui ne se rebouchait jamais ; le reste de la vie se construisait autour, comme une maison par-dessus un puits. "Les gens réagissent de façons différentes à la perte, il reprit, n’ayant jamais vu deux personnes se comporter de la même manière après un décès parmi les centaines qu’il avait côtoyées dans son travail. Parfois, on se sent plus fort en s'éloignant, pensant que c'est le moyen de survivre. Ça fait pas de toi une mauvaise personne, tu sais. La vie, la mort, c’est un foutoir, et chacun fait comme il peut." Malheureusement, être tolérant avec soi-même était bien plus facile à dire qu’à faire. Il était même parfois plus simple de se montrer tolérant avec les autres que face à nos propres réactions humaines. Jonah, qui avait perdu sa mère très jeune, ne pouvait s’empêcher de faire un parallèle avec sa propre expérience et les regrets que Zelda formulait, option sauce Sriracha bien épicée. “J’ai pas pleuré à l’enterrement de ma mère, il révéla. Enfin, c’est un peu flou pour moi, mais j’ai pas fait de scène, j’me souviens, j’étais pas inconsolable comme on pourrait l’attendre d’un gosse qui a perdu sa seule famille. Pas mal de gens ont dû se dire que quelque chose clochait chez moi.” Il n’en doutait pas une seconde. Il existait une conception bien détaillée de la “bonne manière” d’être triste à des funérailles. “J’avais déjà passé un long moment à la voir s’en aller petit à petit. Je crois, en fait, que j’avais déjà versé toutes mes larmes pendant ces quelques mois. Et une fois qu’elle était bel et bien partie, c’était juste… comme ça.” Il n’était pas “prêt”, car rien ne pouvait préparer à cela. Il s’était simplement fait à l’idée. Sa Maman allait mourir, et on ne pouvait pas l’empêcher. “J’étais triste, bien sûr, dévasté. Mais j’avais surtout peur de la suite. J’étais seul, et je ne savais pas ce qu’il allait advenir de moi. J’avais que ça en tête, “qu’est-ce qu’on va faire de moi, maintenant ?”.” Des gens lui avaient expliqué qu’il allait aller dans une nouvelle maison en attendant qu’une famille l’adopte. Il n’allait connaître personne, dans cette maison, s’ils étaient sympas, méchants, s’ils allaient se moquer de ses lunettes, de ses difficultés en lecture. Il ne savait pas s’il allait avoir une chambre à lui, rester dans la même école, perdre ses rares amis. Et pour combien de temps. Rien ne lui assurait qu’il allait être adopté. Même s’il l’était, toutes les mêmes questions revenaient comme une vague. C’était tout ce qui avait envahi sa caboche, à sept ans. “J’étais tétanisé, mais tout ce que les gens ont vu, c’est un gosse qui chiale pas.” Il s’en était voulu. Du moins, c’était le bouquin imagé des normes sociales qui l’avaient poussé à regarder sa réaction à ces évènements avec dureté et se juger lui-même. Il soupçonnait que c’était la même chose qui arrivait à Zelda. Elle avait eu une certaine réaction face à l’imminence de la mort de son père, et ce n’était pas “la bonne réaction”. D’après qui ? “Tout ça pour dire que ça sert à rien d’être dure avec toi-même, ou de t’épancher sur la manière dont les autres jugent comment toi tu process ton deuil. Peut-être que t’as eu peur, que t’étais en colère, un mélange de tout, et t’aurais pas pu faire autrement.” Parce qu’elle a ses raisons, parce qu’elle est elle, parce que c’est comme ça, point c’est tout.

Jonah ne savait pas si ses mots avaient le moindre impact, et à vrai dire, il en doutait assez fortement. Au moins, il était présent, et Zelda savait qu’elle était en présence de quelqu’un qui pouvait écouter et comprendre. Tant pis si les discours ne faisaient pas mouche. “Qu’est-ce que tu lui aurais dit ? il demanda d’une voix douce. Si t’avais pu être là à temps, qu’est-ce que t’aurais dit ?” Au fond, est-ce que cela aurait changé quoi que ce soit qu’elle se fasse violence pour sauter dans le premier avion ?

 « We shall greet the morning... together»    jonah fletcher & @zelda rivera.

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En somme, Jonah comprenait l'absurdité des attentes sociales qui entourent la perte d'un être cher. Les regards inquisiteurs, les murmures réprobateurs, comme si la manière dont on exprime sa douleur devait répondre à un protocole préétabli. Les gens avaient du mal à comprendre que le chagrin était aussi unique que la personne qui le portait. « Je suis désolée, Jojo... » avait lâché Zelds, avec sincérité sans doute, et aussi un peu parce que c’était la suite logique du protocole. Il esquissait un sourire, “faut pas” ironique dans la commissure de ses lèvres ; c’était passé, c’était comme ça. Il n’en parlait pas pour se faire plaindre ou lancer un concours de qui l’avait la plus mauvaise. C’était plutôt sa manière de dire qu’il comprenait, d’une certaine manière, ce que d’autres avaient du mal à envisager. Et puis, les confessions, c’était moins weird quand c’était donnant-donnant : s’il confiait une partie de lui, alors Zelda pouvait placer sa confiance en lui plus facilement. Y’avait que chez le thérapeute que la déferlante de paroles était à sens unique, et ils n’étaient pas là pour se psychanalyser. « J'ai pas pleuré non plus, avoua-t-elle, j’avais rien à dire, j'ai pas fait de discours, rien. [...] qu’est-ce qu’il en a à foutre des états d’âmes des cons qui restent sur terre, hein. Déjà qu’il en avait rien à foutre de son vivant… » Au fond, quel était le mieux : ceux qui trouvaient soudainement des montagnes de qualités aux gens une fois qu’ils étaient décédés, ou ceux qui s’épargnaient de se plier à l’exercice parce qu’un mort n’avait pas besoin d’être caressé dans le sens du poil ? Jonah n’avait pas vraiment d’avis sur la question, et donc, se passait de juger. Déformation professionnelle oblige, il ne put s’empêcher de se faire la remarque qu’un esprit aussi détaché allait au moins avoir le mérite de ne pas hanter qui que ce soit puisqu’il n’y trouverait pas d’intérêt. Mais parfois, les fantômes étaient créés de toutes pièces par ceux qui ne savaient pas lâcher prise, par peine, par regret, par colère.

Au propre ou au figuré, le Fletcher ne voulait pas que Zelda se sente hantée par la relation avec son père, ironiquement plus présente dans la mort que de son vivant. Il ne prétendait pas avoir toutes les réponses. Pas la moindre, même. Tout ce qu’il savait, c’est qu’il était important de se pardonner soi-même, et plus tard, avec le temps, pardonner les autres afin de tourner la page. « J'en sais rien. Bonjour… ? T’as mauvaise mine. J'sais pas. Ca devait faire plus de dix ans qu'on s'était pas parlés. » Un lien brisé ne se réinventait pas sur un lit de mort avec l’excuse de l’heure qui tourne. Ce que Jonah voulait qu’elle comprenne, c’était qu’elle n’avait pas à se reprocher de ne pas être venue plus tôt, de ne pas être arrivée à temps : cela n’aurait rien changé. « Apparemment, ce drama king a écrit des lettres à mon frère, ma sœur... Je te laisse imaginer qui n'a pas eu sa p'tite lettre parfumée aux regrets et autres conneries. Si même à l’article de la mort, il ne voulait même pas m’écrire un simple « merde » sur un papier, pourquoi est-ce qu’on me pète les ovaires ? » Jonah comprit la blessure supplémentaire que cela représentait. Pas facile d’avaler que papa tenait une tier list de ses rejetons, même lorsqu’on en avait déjà conscience. Impossible de digérer que quelqu’un de mourant avait encore pour priorité de vous signifier que vous n’existez pas pour lui. Le jeune homme eut le cœur lourd. "C’est difficile de comprendre pourquoi certaines personnes agissent de manière aussi insensible. Mais tu as raison, tu n'as pas besoin de justifier tes émotions. Personne ne peut te dire comment tu devrais réagir. Be the bigger person, qu’on dit tout le temps. J’crois pas que ça s’applique quand ton daron c’est l’autre parti et qu’il s’applique à te faire sentir comme une merde.”

Jonah, assis à côté de Zelda sur le canapé, ressentait toute la détresse de son amie. Le torrent d'émotions qu'elle venait de libérer reflétait une douleur profonde, longtemps enfouie et soigneusement dissimulée derrière un masque de froideur. « Il a été celui qui a décidé de me foutre à la porte quand j’ai arrêté mes études. C’est lui qui m’a dénigrée, humiliée, rabaissée. Il a entendu parler de ma désintox, et pas un coup de fil, pas un mot, même pas à travers mon frère, rien. Nada. Et si j’en suis arrivée là, c’est sa faute. » Le jeune homme se sentait impuissant face à cette douleur, mais en même temps, reconnaissant que Zelda ait choisi de partager ce fardeau avec lui. Il ne la pressa pas de parler davantage, sachant que chaque mot qu'elle partageait était comme une brèche dans le mur qu'elle avait construit autour de ses sentiments. Il écouta attentivement chaque parole, ressentant le poids des années de souffrance niées. La colère palpable dans sa voix, les larmes refusant d'être retenues plus longtemps, tout cela était une tempête émotionnelle qu'il ne pouvait ignorer. « Ils savent pas ce que j’ai enduré, ce que j’endure encore aujourd’hui après avoir été rejetée par mes parents. Jamais je ferai subir ça à mon gosse, jamais. » Son cœur se serrait à chaque pan de son histoire, ces fragments de douleur et d'abandon qui avaient sculpté la personne qu'elle était devenue. La façon dont elle avait été rejetée, ignorée, humiliée par celui qui aurait dû être son soutien, rien ne le justifiait. Et alors qu'elle laissait échapper ses larmes, le jeune homme sentit une boule se former dans sa gorge. Il ne pouvait pas comprendre entièrement ce qu'elle avait traversé, mais une partie de lui connaissait l’ampleur de la déception causée par un paternel aux abonnés absents, vous tournant le dos. Son père biologique n’avait jamais fait partie du paysage et avait fui ses responsabilités. Néanmoins, son père adoptif, lui, cochait toutes les cases, et en cela le Fletcher avait conscience de sa chance.

Lorsqu'elle posa sa tête sur son épaule, cherchant un réconfort qu'elle n'osait pas demander ouvertement, Jonah passa timidement un bras autour d'elle, laissant un silence réconfortant s'installer entre eux. Il ne parla pas immédiatement. Ce n’était pas le moment d’avoir des mots maladroits, irréfléchis, et des vannes à deux balles. « Si tu parles de ça à qui que ce soit, je vais devoir te tuer. » Il émit un petit rire, soufflé, face à la menace formulée avec un ton à moitié sérieux, comprenant que c'était une tentative maladroite de préserver sa dignité, même dans cette vulnérabilité partagée. “J’vais l’écrire dans mon burn book et le garder comme moyen de pression pour obtenir tout ce que je veux. T’imagines pas le nombre de sushis que tu vas devoir financer pour payer mon silence.” Il la bouscula légèrement en la taquinant. C’était bizarre, de la tenir ainsi dans les bras, elle qu’il avait le réflexe d’appeler “bro” façon GTA et pas de la voir comme une vraie fille. Parce que les bros ça s’échange pas des kleenex en chialant sur le canap’, il paraît. "Et pour ton père... il ne mérite pas une larme de ta part, Z. Regarde tout ce que tu as traversé et tout ce que tu as accompli malgré tout. Tu es bien plus que ces souvenirs douloureux, t’es pas définie par ce qu’il pensait ou pas de toi. Tu t’es déjà vengée de ses conneries. J’suis sûr qu’à l’autopsie ils lui ont trouvé un deuxième trou de balle tellement il a préféré ça plutôt qu’admettre qu’il avait eu tort." Oh, doucement, Fletcher, tu glisses. “C’que je veux dire, c’est que tu lui devais rien, vivant, mourant, ou mort. Le laisse pas avoir soudainement plus d’emprise sur toi maintenant qu’il est plus là. Ca fait longtemps qu’il était plus là.”