« Comment tu peux être aussi sûr de ça ? » Il vint souffler, il vint soupirer, il vint se frotter les yeux d’une main alors que la réponse de la jeune femme l’énervait déjà. Elle se devait de se moquer de lui présentement, ce n’était pas possible autrement. « Peut-être parce-que vous faites partie de la même famille ? Quelque-chose dans ce genre là ? » Le ton qu’il abordait trahissait, malgré lui, l’agacement dans lequel il commençait lentement à se laisser glisser. Il n’aurait pas voulu que le conversation se dirige vers cette pente dangereuse, mais le comportement de Jillian le forçait à emprunter ce chemin là.

Alors forcément, lorsqu’elle commence à sortir la carte de la fuite, de l’évitement, il vint taper du pied au sol et grogner encore davantage. « Et pourquoi pas ? J’étais seule sur le banc, c’est toi qui m’as retrouvé. » Il vint secouer la tête, levant les yeux au ciel et abordant un rire moqueur - mais pas de ceux mignon qu’il aurait pu lui garder en réserve. Il était railleur, railleur et excédé. « Tu es venue chez moi en disant à Dorian que tu me cherchais. Tu viens dans le seul endroit de Brisbane qu’on connait tous les deux par coeur et t’oses me dire que c’est moi qui te cherche ? C’est petit, même pour toi. » Elle était pourtant la professionnelle de ce genre de plan, de ce retournement de situation - mais généralement, elle y mettait un brin plus de style et de classe que là. Elle ne venait passimplemnt retourner la vérité pour l’envoyer valser dans les orties.

Et ce qui était prévisible se mit à se dérouler sous les yeux d’Ezra, après être restée presque sagement assise pendant toute la première partie de la discussion, Jill vint se lever du banc pour rebrousser chemin - ou pour aller se perdre ailleurs, il n’en avait que faire, le résultat était le même: elle fuyait alors qu’il continuait de lui parler. Elle était en train de faire des conneries et ne pouvait pas mieux l’illustrer que par ce type de réaction. « Et puis t’as qu’à te barrer pendant que je te parle aussi ! » Au moins, ça eut le don de la faire arrêter. Elle ne daigna pas de retourner pour lui faire face, mais au moins elle avait arrêté de fuir pour le moment. « C’est quoi les conséquences si je reste ? Si je fais une connerie ? Si un soir j’ai tellement envie de sortir que je les laisse avec n’importe qui ? Si je me mets à faire une crise et à hurler encore plus fort qu’eux juste parce qu’ils pleurent parce qu’ils ont faim ? C’est quoi les conséquences de ça ? »

Les paroles de Jillian vinrent emmener avec elle, pendant quelques instants, un froid glacial. Il comprenait chaque mot qu’elle avançait, Ezra - oh promis qu’il comprenait tout ce qu’elle lui disait. Mais, à ses yeux, ce n’était pas suffisant. Ironie du sort et de la situation, quand on y regardait de plus près, lui qui n’avait pas été capable de s’accrocher avec autant d’ardeur lorsque la soeur de la jeune femme devant lui l’avait quitté onze ans plus tôt. « La vie. » La réponse lui semblait tellement évidente qu’il hésita, pendant un instant, à venir expliciter davantage son point de vue - et après, il se dit que plus il parlait et moins Jill serait tentée de s’éclipser de la conversation. Et pour le moment, il avait réellement besoin de la retenir de partir pour de bon. « Les conséquences du fait de rester auprès des tiens et de ta famille c’est simplement la vie, Jill. Que tu le veuilles ou non, elle va arriver. Que tu décides de faire ta lâche et de partir, la vie va quand même être la conséquence. Mais au moins tu seras là pour tes proches. » Il vint soupirer, posant ses mains sur ses hanches, comme reprenant son souffle. « Si tu te bats pas pour ce que t’as de bon dans ta vie, le reste n’aura plus de saveur. » Et sur ces mots, il vint baisser le regard.

Spoiler:

Il est aussi excédé qu’elle. Elle reste assise quelques minutes, mais dans sa tête, elle cherche déjà un moyen de s’éloigner le plus loin possible de cet endroit. Il la connait trop bien, il est trop franc et elle le déteste plus que tout. Elle aimerait que finalement il ne soit pas venu, qu’il l’ait laissé seule se torturer l’esprit en regardant le ciel. « Peut-être parce-que vous faites partie de la même famille ? Quelque-chose dans ce genre là ? » Elle soupire, hésite entre le regarder et lui lancer un regard noir ou faire comme s’il n’était pas là. Pourquoi il continue sur ce terrain là ? Il ne pouvait pas venir ici et lui dire qu’elle avait raison. « Tu es venue chez moi en disant à Dorian que tu me cherchais. Tu viens dans le seul endroit de Brisbane qu’on connait tous les deux par coeur et t’oses me dire que c’est moi qui te cherche ? C’est petit, même pour toi. » Il parle, il ne s’arrête pas et Jill grimace un peu plus à chaque fois. Dorian lui a donc dit qu’elle venait parce qu’elle cherchait Ezra, il n’aurait pas pu mentir ? “Je t’emmerde.” Peut-être que ça c’est moins petit.

« Et puis t’as qu’à te barrer pendant que je te parle aussi ! » c’est à cet instant qu’elle s’arrête de marcher, mais sans se retourner. Elle préfère être dos à lui, comme ça, il ne voit aucune de ses réactions. Elle se tait pendant de longue minutes, mais elle finit par parler, un peu trop encore une fois. « La vie. » Il ne l’aide absolument pas. « Les conséquences du fait de rester auprès des tiens et de ta famille c’est simplement la vie, Jill. Que tu le veuilles ou non, elle va arriver. Que tu décides de faire ta lâche et de partir, la vie va quand même être la conséquence. Mais au moins tu seras là pour tes proches. » “Je suis pas comme tout le monde, pas comme toutes les mères.” Cette fois elle se tourne vers lui, ça non plus elle ne l’a jamais dit à voix haute. “J’ai pas réussi à les aimes. Quand ils sont nés, j’ai rien ressenti. Que du vide et de la haine.” Et ça, ce n’est pas normal, elle le sait très bien. « Si tu te bats pas pour ce que t’as de bon dans ta vie, le reste n’aura plus de saveur. » Il a raison, elle le sait. Pourtant elle soupire, comme pour lui faire comprendre qu’il ne sait rien de ce qui se passe dans son esprit. “Personne comprend…” Et c’est peut-être ce qui la rend aussi malheureuse au fond.

« Je t’emmerde. » Ca avait le mérite d’être clair, et ça eut par la même occasion le mérite de venir fermer le clapet d’Ezra pendant plus de dix secondes d’affilé. Ils s’en allaient vers des contrées qu’ils avaient déjà exploré auparavant. Ce serait mentir que de dire que Jill et lui ne s’étaient jamais pris la tête de façon aussi forte, aussi concentrée. Ce serait également mentir si Ezra osait dire que ça ne le touchait pas autant que ça le faisait déjà à l’époque. Il savait très bien qu’elle venait lui adresser de tels mots parce-qu’elle était au plus bas, Jill. Et qu’il réagissait de la sorte parce-qu’il était énervé de son côté. Il savait tout ça - mais ça ne l’empêchait pas de continuer sur cette voie là. « Tu m’emmerdes ? Et bah vas te faire foutre, Jillian. Si c’est pour me recevoir comme ça, t’as raison je crois: j’aurais pas du venir. » Oh, peut-être qu’il dépassait à son tour les bornes des limites mais il n’en avait plus grand chose à faire en réalité. Si elle ne voulait pas comprendre qu’elle se fourvoyait depuis le début, elle avait qu’à rester la tête dans son trou et ne pas accepter l’aide qu’il voulait lui donner. Surtout l’aide qu’elle avait elle-même demandée.

Demandée, mais qu’elle n’assumait pas de recevoir, rebroussant déjà chemin alors que de son côté, Ezra n’avait pas terminé la discussion. Il vint l’interpeler, lui faire comprendre que fuir n’était toujours pas la solution - que ce fusse présentement ou dans toutes autres situations - et que de toutes façons, qu’importe si elle faisait en sorte de rester dans le coin, la vie continuerait de tourner. Si elle restait dans le coin, au moins elle ne ferait partie. « Je suis pas comme tout le monde, pas comme toutes les mères. » « Et alors ? » Sa voix était plus sèche, son ton plus pesant - il ne mettait plus les formes dans ses paroles, et elle l’avait cherché. Il vint froncer les sourcils, ne comprenant pas comment cet argument pouvait venir lui donner le droit de s’éclipser comme ça de la vie de ses enfants. Aucune mère n’était la même que sa voisine, ce n’était pas un mystère. Il fallait juste que Jillian trouve sa façon de faire à elle. Ce n’était pas plus sorcier que ça. « J’ai pas réussi à les aimer. Quand ils sont nés, j’ai rien ressenti. Que du vide et de la haine. » Si c’était possible, ses sourcils seraient venus se froncer encore davantage. Qu’est-ce qu’elle racontait ? Comment ça elle n’avait rien ressenti quand ses enfants étaient nés ? Du vide ? De la haine ? Ezra vint secouer la tête. « Tu racontes quoi là ? » Elle n’avait jamais eu de telles paroles à ses côtés, et ces dernières semblaient sortir un peu de nulle part.

« Personne comprend… » Il vint soupirer, elle fonctionnait comme un vieux disque rayé. « Je comprends pas là, non. Comment tu peux parler de haine pour tes enfants ? Je sais que la fin de grossesse a pas été des plus simples… » Il vint soupirer quelque peu, adoucissant contre son gré sa voix - il ne savait rester trop longtemps énervé et encore moins contre elle alors qu’il l’entendait, la fragilité dans sa voix. « Mais dis pas que c’est de la haine pour eux que tu ressens, voyons. » Non, il ne comprenait pas.

Spoiler:

Elle ne prend pas de pincettes Jill, et lui non plus. Elle est furieuse qu’il ne prenne pas sa défense, elle ne sait pas non plus ce qu’elle doit vraiment penser. Il a raison, elle le réalisera plus tard. Mais, pour le moment, elle préfère le détester de toutes ses forces. « Tu m’emmerdes ? Et bah vas te faire foutre, Jillian. Si c’est pour me recevoir comme ça, t’as raison je crois: j’aurais pas du venir. » ça lui pince le coeur un peu, et elle ferme les yeux, toujours dos à lui. Elle y va peut-être un peu fort mais pourtant il est toujours là. S’il ne part pas maintenant, elle n’a plus aucune arme que dire la vérité pour le faire fuir. “T’es venu pour quoi ?”

Elle essaie de se confier un peu plus, et elle le fait sans même y réfléchir. Comme pour justifier sa réaction face à Ezra. « Et alors ? » Encore une fois il ne comprend pas. Personne n’arrive à comprendre ce qu’elle peut ressentir. Elle va finir par abandonner. Elle doit gérer ses sentiments et ses émotions seule, comme elle l’a toujours fait en réalité. Elle soupire pour seule réponse, elle ne veut pas s’enfoncer encore plus pour le moment, et il a déjà l’air furieux le blond. Au bout de quelques minutes de silence elle finit par avouer à voix haute ce qui la terrifie réellement depuis le jour de son accouchement. Elle en était déjà consciente avant que les jumeaux viennent au monde. Elle était incapable de leur parler, de les imaginer quand Bailey passait de longues minutes à leur raconter tout un tas de choses. « Tu racontes quoi là ? » Ses dents se serrent, et ses yeux se ferment une nouvelle fois. “T’as très bien entendu.” Et même si ce n’est pas le cas elle ne le dira pas de nouveau. « Je comprends pas là, non. Comment tu peux parler de haine pour tes enfants ? Je sais que la fin de grossesse a pas été des plus simples… Mais dis pas que c’est de la haine pour eux que tu ressens, voyons. » Elle se tourne et croise son regard. Les mots, il ne les croira pas. Mais ce qu’il verra dans son regard, il ne pourra pas le nier. Elle ne ment pas, elle n’a pas pour habitude de mentir à Ezra. “C’est horrible hein ?” Et si d’autres personnes savaient ça ils la traiteraient sûrement tous de monstre.

Plus les minutes avançaient et plus il s’énervait. Il n’aimait pas ça, vraiment, l’agacement dont il faisait preuve présentement car ce n’était pas ce côté là de lui qu’il désirait faire ressortir aujourd’hui. « T’es venu pour quoi ? » Il n’était pas venu là pour insulter la jeune femme, pour chose sûre déjà. Il était venu ici pour la soutenir, pour lui apporter son aide. Elle était venue pour ça chez lui, de base, qu’importe si elle assumait ou non le fait d’être venue lui demander de l’aide. Il ne désirait pas la laisser de côté et faire en sorte qu’elle se sente mal, mais elle le poussait dans ses retranchements avec une attitude de la sorte. « Quelque-chose pour laquelle je pensais vouloir me battre, mais j’en doute maintenant. » Et il poussait le bouchon toujours plus loin, il venait appuyer davantage sur ce qui faisait mal. C’était malsain, mais sa relation avec Jillian avait toujours malheureusement comportée certains épisodes peu productifs de la sorte. Ils s’aimaient autant qu’ils adoraient se détruire, simplement parce-qu’ils osaient se dire la vérité en face.

Et c’était ce qu’il comptait continuer de faire, Ezra. Même s’il devait utiliser un ton de voix inadapté pour l’état psychologique de la demoiselle. Même s’il devait continuer à lui expliciter des choses qu’elle ne désirait en rien entendre. Même s’il devait jouer le méchant flic dans son histoire - il ne la lâcherait pas de la sorte. Il avait beau lui dire d’aller se faire voir, ce n’était en rien son intention et il ne partirait pas d’ici, et elle non plus, tant qu’ils n’auraient pas terminé cette discussion. « T’as très bien entendu. » Il fronçait les sourcils, secouant quelque peu la tête. Il ne réfutait pas le fait d’avoir correctement entendu les paroles de la jeune femme, au contraire - il ne les comprenait simplement pas. Ou plutôt, il refusait sans s’en rendre compte de comprendre le sens lourd qu’elles apportaient. Ce ne fut que lorsque Jill daigna enfin se retourner pour venir plonger ses yeux dans ceux bleus du Beauregard qu’il comprit. « C’est horrible hein ? » Un soupire lui échappa, et son coeur se brisa. Elle savait se montrer fort, Jill, il l’avait vu faire des dizaines et des dizaines de fois. Elle savait être solide quand elle en avait besoin et avait appris au fil des années à se construire seule et par elle-même.

Mais le regard qu’elle lui lançait là, qu’elle lui dédiait, il ne l’avait jamais vu auparavant. « Jill… » Alors, oui, il comprit - qu’elle ne se moquait en rien de lui, qu’elle lui disait la vérité depuis le début, qu’elle n’était rien d’autre finalement que tellement perdue qu’elle préférait s’éloigner de tout ça plutôt que de laisser ses émotions prendre le dessus une nouvelle fois. « Tu… » Il vint soupirer, fronçant le bout du nez et serrant la mâchoire, se frottant les yeux d’une main l’instant d’après. Il se trouvait à cours de mots, Ezra, et même s’il était persuadé que ses paroles précédentes étaient toujours vraies, il ne pouvait se résoudre à venir les répéter désormais. Alors, contre toute attente et comprenant que les mots n’étaient plus d’actualité pour venir exprimer les choses justes, il vint faire les quelques pas qui le séparaient de la jeune femme pour venir la prendre dans ses bras. Il avait toujours été dit qu’un geste pouvait valoir mille mots. « Ne pars pas, s’il te pait. » Murmurés alors que son cour se brisait de nouveau et surement à l’unisson du sien.

Spoiler:

Elle ne veut pas se retourner, il n’a pas besoin de voir dans quel état elle est. « Quelque-chose pour laquelle je pensais vouloir me battre, mais j’en doute maintenant. » Oh qu’ils font mal ces mots. Il sait à quel point il la blesse. « Va-t’en alors ! Qu’est ce qui t’oblige à rester là. » Elle serre les dents et continue de retenir les larmes de toutes ses forces. Elle ne doit pas pleurer, pas maintenant. Elle en aurait terriblement besoin pourtant, elle n’a pas pleuré depuis des semaines malgré tout ce qui se passe dans sa vie et dans sa tête. Mais elle lutte, elle passe son temps à lutter contre absolument tout la McGrath. Elle préfère s’énerver et déverser toute sa haine sur Ezra qui se tient encore immobile derrière elle. Elle n’a toujours pas fui, il ne l’a pas fait non plus et finalement ils savent qu’aucun des deux ne le fera pour le moment.

Elle voulait vraiment rester stoïque, le faire partir le plus loin possible pour qu’il n’ait plus jamais envie de revenir. Ca c’est ce qu’elle aimerait faire croire à la plupart des gens quand en fait la seule chose qu’elle cherche c’est un peu plus d’attention. Elle veut avoir quelqu’un qui la pousse dans ses retranchements à ses côtés. Et c’est ce qu’il fait le blond, il le fait parfaitement bien même si ça la blesse profondément d’entendre de tels mots.

Elle a fini par craquer Jill, elle a parlé, dit des mots qu’elle osait à peine s’avouer à elle-même jusque là. Elle déglutit difficilement, ne le lâche pas du regard même s’il finit par la regarder autrement. Elle se demande ce qu’il va penser d’elle à partir de là. Et peut-être qu’elle se dit seulement que c’était sa dernière tentative, son dernier stratagème pour qu’il la voit sous son vrai jour et qu’il préfère partir plutôt que d’être le meilleur ami d’une tarée pareille. « Jill… » Elle attend. Il ne trouve pas les mots et elle n’en trouvera pas d’autre pour s’expliquer plus, elle ne peut rien dire après de telles annonces. « Tu… » Elle attend la sentence, elle se mord l’intérieur de la joue pour ne pas laisser glisser les larmes qui tentent de se frayer un chemin sur ses joues. Il s’approche, et dans sa tête, elle s’imagine qu’il va passer à côté d’elle sans rien dire de plus et s’enfuir. Mais il ne fait pas ça Ezra, il ne la traite pas comme le monstre qu’elle pense être et il la prend dans ses bras. Elle tient le coup, difficilement, mais elle ne pleure toujours pas. « Ne pars pas, s’il te pait. » Ce sont ces mots-là, ce ton, les bras d’Ezra qui resserrent l’étreinte autour d’elle qui la font éclater en sanglots. Ils deviennent incontrôlables les pleurs, comme si elle les retenait depuis des mois. C’est peut-être le cas au fond. Elle ne sait pas si elle repartira, mais ce qu’elle sait c’est qu’elle ne veut pas le perdre. « Ne m’abandonne plus jamais, s’il te plaît. » Ils n’auraient jamais dû s’éloigner l’un de l’autre pendant plus de dix ans. Elle ne répétera plus cette erreur la McGrath, plus jamais.

Il aurait pu continuer de s’acharner pendant des heures, Ezra. Il se connaissait assez endurant pour partir dans une telle bataille et faire en sorte de ne pas baisser les armes de suite. Jillian n’était pas mieux, dans cette catégorie. Elle était hargneuse et têtue, elle ne lui laisserait jamais avoir le dernier mot. Alors, parce-qu’il savait tout même s’avouer vaincu quand toutes les issues avaient été bouchées ou étaient inaccessibles, il vint baisser les bras. De façon figurative, car ses bras vinrent eux entour le corps de la jeune femme. Il vint rendre les armes à partir du moment où il s’était aperçu dans le regard de la jeune femme que tout ce qu’il prenait pour une simple crise de rébellion égoïste était en réalité le plus gros appel à l’aide qu’elle n’avait jamais formulé. C’étaient ses yeux, qui l’avaient trahie. Et le pire dans tout ça, c’était qu’il était quasiment sur qu’elle avait fait exprès cette fois-ci de les laisser s’exprimer de la sorte.

Et alors qu’il avait ses bras autour d’elle et qu’il venait serrer aussi fort que le corps de Jillian pouvait encaisser, il vint la supplier de ne pas partir. Parce-qu’Ezra aurait beau prétendre tout ce qu’il voulait, il n’avait personne comme la jeune femme pour combler le vide à ses côtés. Si dix ans plus tôt, ils passaient plus de temps à se chamailler qu’à avouer tenir l’un à l’autre, désormais il ne voulait plus faire la même bêtise. Et il ne savait pas si c’était ses paroles, sa fatigue accumulée, le contexte tendu dernièrement ou un mélange de tout ça, mais Jill vint finalement éclater en sanglots dans ses bras. De ceux qui vous transpercent le coeur rien qu’à les écouter. Qui viennent vous tremper la chemise en un instant et un de plus seulement. Son corps en tremblaient, sa détresse déchirait l’air et le coeur d’Ezra au passage. « Ne m’abandonne plus jamais, s’il te plaît. » Il secouait la tête, il venait caresser son dos du plat de sa main. Il déposait des baisers sur le dessus de son crâne et murmurait ses paroles. « Plus jamais, promis Jillian. Plus jamais. »

Parce-qu’ils avaient tenté une fois, et que plus jamais. Ils n’avaient désormais plus que leurs yeux pour pleurer l’absence et les années abandonnées au temps assassin. Ils n’avaient plus que les regrets à ressasser en souvenir d’un passé qui ne leur avait jamais appartenu.

Le silence vint s’installer, prenant place là où ce qui semblait être la minute d’avant, les insultes étaient reines et le venin vin de table. Le silence les enveloppa, avant qu’Ezra ne vienne s’oser à un soupire, alors que la jeune femme dans ses bras semblait s’être quelque peu calmée. » Viens, je te ramène chez toi. » Parce-que dans tout ça, cela faisait toujours deux semaines qu’elle était, aux yeux du reste de sa famille, en fuite - voire portée disparue. Si Ezra aurait voulu rester avec elle à tout jamais pour apaiser son chagrin et sa douleur, il ne le pouvait cependant pas. Jouer à l’adulte responsable n’était pas sa partie d’échec favorite, mais celle à laquelle il se devait d’être fidèle présentement.

Spoiler:

Elle avait craqué, elle l’a regardé. Son regard était empli de toutes les émotions qu’elle avait réprimé jusque là. Mais si elle pleurait là, maintenant, est ce qu’elle pourrait un jour s’arrêter ? Elle continue de le regarder dans les yeux jusqu’à avoir une quelconque réaction. Elle a peur de ce qu’il va penser d’elle, et ce à quoi elle ne s’attendait pas, c’est qu’il la prenne dans ses bras pour la serrer contre lui. Elle a l’impression de perdre toute sa dignité, et elle n’aurait jamais pu se montrer aussi vulnérable sur ce sujet face à une autre personne que lui. Elle n’osera jamais le dire à personne d’autre, et ça l’a vraiment soulagé bien plus qu’elle ne voudrait bien l’admettre.

Elle se perd dans leur étreinte, elle aimerait ne jamais le lâcher parce qu’elle ne s’est jamais sentie aussi perdue qu’à ce moment là. « Plus jamais, promis Jillian. Plus jamais. » Ils ne s’abandonneront plus jamais, ils ne referont plus jamais l’erreur d’il y a dix ans. Jill avait préféré hurler plutôt que de lui dire à quel point ça la blessait qu’il ne cherche pas à les suivre ou à les retenir. A la retenir elle plus particulièrement. Elle avait fugué, elle n’était pas restée dans l’avion et les sœurs McGrath auraient pu le rejoindre si elles n’avaient pas été aussi furieuse contre lui.

Elle pleure et elle ne sait pas comment s’arrêter, alors elle se concentre sur les bras d’Ezra qui la serrent le plus fort qu’il peut. Elle avait besoin d’un ancrage pour s’effondrer. Elle avait besoin de rencontrer le fond pour tenter de finir par remonter lentement et se construire une nouvelle vie avec toutes les personnes qu’elle aime à ses côtés. Elle respire de mieux en mieux, et elle arrive à se sentir plus légère pendant quelques secondes. Elle ne le lâche pas mais elle l’écoute, il est bien plus calme et elle aussi. » Viens, je te ramène chez toi. » Elle ne fait qu’hocher la tête en restant contre lui encore quelques temps. « Merci… » il ne l’a pas abandonné, malgré toutes les horreurs qu’elle a pu dire.

Autour d’eux aurait pu avoir lieu la fin du monde. Le banc qu’ils avaient tant chéri pendant de si longues années aurait pu partir en fumée, le vent frais de l’hiver australien aurait pu les emporter, le courant de la rivière en contre-bas aurait pu venir tout dévaster sur son chemin. Ils n’auraient pas bougé. Les bras d’Ezra étaient fermement maintenus autour du corps frêle d’une Jillian dont les émotions étaient telle la tempête qu’elle pouvait être. Il ne bougeait pas et ne comptait plus bouger tant qu’elle aurait besoin de lui pour la soutenir. Si elle avait besoin de quelques minutes, il resterait. Si elle avait besoin de plusieurs semaines, le résultat serait le même - il comptait tenir sa promesse et ne plus s’en aller.

Ce ne fut que lorsqu’il vint sentir que les sanglots avaient cessé qu’Ezra desserra quelque peu ses bras, et qu’il vint enfin prendre la parole. S’il aurait voulu rester toute la vie ici si elle en avait besoin, aucun des deux ne pouvaient cependant se le permettre. D’autres personnes dépendaient de la décision nocturne de la McGrath, et d’autres personnes attendaient après eux - désormais Ezra était impliqué malgré lui dans la réapparition de Jill - des nouvelles. Elle était partie sans rien dire mais elle ne pouvait plus se cacher du monde entier de la sorte. « Merci… » Venir répondre à la jeune femme n’était pas nécessaire, ni utile. Pour ce soir, ils avaient bien assez usé des mots. Certains n’avaient pas été des plus beaux, mais c’était aussi leur façon à eux de fonctionner. C’était bancal, mais ils n’avaient jamais rien connu de plus équilibré.

Alors, venant retirer sa veste pour la passer sur les épaules de son amie, il vint l’entrainer avec lui vers la sortie du parc, l’aidant par la suite à monter dans sa voiture. Le trajet se fit en silence, parce-qu’il n’y avait plus besoin de dire quoi que ce soit de toutes façons. Le silence était réparateur. Le silence permettait à Jillian de recharger ses batteries pour les combats qu’elle aurait à mener par la suite.

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