Otis Abernathy n’a pas l’air d’être d’accord avec le fait que je ne me prive pas pour accuser mon défunt invité de choses dont nous savons tous qu’il était coupable. Je sais qu’il existe en ce monde une solidarité masculine à tout épreuve qui fait qu’aucun homme ne l’aurait pointé du doigt comme je suis en train de le faire et, cela tombe bien, puisque je n’en suis pas un. Je n’agis pas non plus avec à coeur la volonté de défendre la cause féminine : j’abhorre les femmes autant que j’abhorre la place qui a été dessinée pour nous dans cette société. J’ai choisi de porter mon statut de femme fièrement devant moi, usant de robes suggestives mais chics et de portes jartelles, mais j’ai également à coeur d’être assise à la table des hommes lorsqu’il s’agit de décisions et de discussions politiques, quelque chose que mon défunt époux avait du mal à comprendre. « Et si je vous demandais de parler, vous, que diriez-vous ? » Je lève un sourcil et je me braque, me sentant accusée de quelque chose sans trop savoir quoi. « Cela dépend le sujet. Sur Derrickson et sa femme pas grand chose, je n’épouvre aucune compassion pour quelqu’un que je ne connais pas. » Aka, la femme victime des coups de son mari. « Quand au meurtre qui vient d’avoir lieu sur ma propriété, je ne dirais rien puisque je ne sais rien, je cherche comme vous à comprendre ce qu’il a pu se passer. » Puisqu’à moins qu’il ait cru que des ailes lui avait poussées, il n’a pas sauté seul le médecin. Moi, j’affirme que je n’ai rien à voir là dedans avec le menton levé et sans détourner le regard.

On pourrait croire que l’heure de mon interrogatoire est venue, que l’inspecteur McGrath est passé d’Abernathy à moi mais nous sommes interrompus par l’apparition d’une silhouette qui ne manque pas de me faire sursauter. Pleine de caractère mais plus rusée que téméraire, je ne manque pas de rester quelques pas en arrière.

« Ce n'est pas ce que vous croyez. »
« Qu'est-ce que c'est, alors ? »

La silhouette s’avance, et McGrath semble reconnaître le visage de la jeune femme qui se révèle dans la lumière. Moi non, et nous sommes sur ma propriété. « Et bien qui est-ce ? » Je m’adresse au détective, avant de me retourner vers l’inconnue. « Et que faites vous chez moi ? » Habituée à profiter de l’attention innocente que les hommes me donnent à l’occasion de ces dîners, j’en oublie systématiquement d’inviter leurs femmes. Quelle tête en l’air voyons...

Wrapped in shadows
@Raelyn Blackwell & Matt McGrath - Univers alternatif

« Et si je vous demandais de parler, vous, que diriez-vous ? » que je demande, à brûle pour point. Elle rage déjà, je le sens, d'être celle sur la sellette. Mais c'est bel et bien l'évidence à mes yeux, surtout à l'entendre piquer d'autant de sous-entendus qui me semblent tous plus noués que possible les uns aux autres. « Cela dépend le sujet. Sur Derrickson et sa femme pas grand chose, je n'éprouve aucune compassion pour quelqu’un que je ne connais pas. » elle s'exprime, elle explique, elle apporte sa vision, quelques grommellements à travers. « Quand au meurtre qui vient d’avoir lieu sur ma propriété, je ne dirais rien puisque je ne sais rien, je cherche comme vous à comprendre ce qu’il a pu se passer. » hm, hm.

J'aurais eu autre chose à dire, bien sûr. D'autres questions, des interrogations plus pointues. Le témoin actuel ne m'intéresse plus, ce n'est qu'elle que je vois - puis une silhouette plus évidente que tout le reste, tantôt loin et désormais proche. « Et bien qui est-ce ? » l'ombre est fine, le visage caché par la lueur de la lune. Quand l'inconnue s'avance, elle a tout de familier au point où je ne cache pas mes sourcils de se froncer d'emblée. « Et que faites vous chez moi ? » « Abby? » bien sûr que c'est elle. Pourtant l'incompréhension dans ma voix n'est pas associée à la surprise de la reconnaître, mais bien à celle de la trouver ici.

« C'est ma femme. » que j'avance, me détournant vers Raelyn, avant de gommer l'espace qui restait entre Abby et notre petit groupe. « Je savais que tu me cachais quelque chose. » « Pas ici. » les remontrances seront isolées, dans l'un des box. Les questions du pourquoi et du comment, les soupçons dont elle m'accable. Tout ce qu'elle me reproche et le boulot qui prend trop de temps à travers. Les aventures qu'elle m'invente, les idylles qu'elle me dépeint. Au final elle part et je reste, et c'est en anticipant le regard de Rae sur moi lorsque je reviens à ses côtés bredouille d'une femme qui s'en est allée que je souffle une seconde de trop.

« Poursuivons. À la maison? » de retour au programme principal.

Elle répond du tac au tac la blonde. Elle est rompue à l’art du discours depuis longtemps et elle a rapidement compris qu’il lui donnerait l’ascendant sur la gente masculine, surtout accompagné de ses grands yeux verts et de regards charmeurs. Raelyn, elle maîtrise tout ça à la perfection et lorsqu’elle répond il est difficile de savoir si elle ment, si elle survole ou si elle est entièrement honnête : certainement un peu des trois. Les ragots qu’elle a obtenu de sa femme de chambre concernant Derrickson et sa relation “tumultueuse” - c’est le moins que l’on puisse dire - avec son épouse ont forgé pour elle une image peu reluisante du médecin et si elle ne montre pas de signe particulier de stress ou de trouble concernant les événements du soir, il est difficile d’en conclure pour autant qu’elle sait plus que ce qu’elle veut bien dire.


Le détective n’insiste pas, mais la demoiselle sent qu’il en aurait eu des questions, elle le sent et se promet de prendre les devants pour le convaincre de son innocence. L’est-elle ? L’accident a eu lieu sur sa propriété mais n’est-ce pas là un coup monté contre elle ou l’un de ses domestiques ? « Abby ? » Le détective semble reconnaître la femme qui leur fait face, et Raelyn hausse un sourcil en le questionnant du regard. « C'est ma femme. » Sa femme donc. La surprise peint les traits de la blonde et un sourire amusé se dessine sur ses lèvres. « Et que fait-elle dans mes écuries ? » Puisque si pour lui le fait d’être sa femme semble tout expliquer, pour Raelyn c’est loin d’être le cas. « Je savais que tu me cachais quelque chose. » Bras croisé sous sa poitrine, la jeune femme observe la scène qui se déroule sous ses yeux avec un amusement qu’elle ne tente même pas de dissimuler. Rien ne la stimule plus que d’assister à une scène supposée se dérouler derrière les portes closes, rien ne l’amuse davantage que de discerner une faiblesse chez quelqu’un qui ne veut en laisser paraître aucune. « Pas ici. » Il la raccompagne jusqu’à l’entrée des écuries et l’entrée du domaine, ou en tout cas c’est ce que suppose la blonde, avant de les rejoindre. « Poursuivons. À la maison ? » Raelyn hoche la tête sans le quitter des yeux : s’il pense pouvoir s’échapper aussi facilement, il se trompe puisqu’elle n’est pas du genre à laisser couler. « Derrickson n’est donc pas le seul à avoir des problèmes de couple à ce que je vois. » Oh ça l’amuse, ça l’amuse terriblement et elle ne tente même pas de le cacher. « Etait, d’ailleurs. Doit-on s’attendre à voir toute votre famille débarquer ? » Le groupe se met en marche vers la maison, avant qu’elle ne s’inquiète de la suite des événements. « Très bien. Et ensuite, vous continuez les interrogatoires ? » Ils ont été perturbés par une bêtise, mais le mystère est loin d’être levé sur la mort du docteur.  

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@Raelyn Blackwell & Matt McGrath - Univers alternatif

C’est une comédie de Vaudeville sans que personne n’ait envie de rire, et certainement pas moi alors que mes yeux restent rivés à ceux de ma femme, l’alliance à son annulaire qui brille un peu trop évidente sous les rayons de la lune. On regarde et on juge, je soupire et j’attends, les explications qui montent et la dispute qui n’en est que plus prompte à éclater. Oui, notre mariage battait de l’aile et oui, ça se voyait transparaître pour tous les pores de sa peau comme de la mienne. Mais c’était pas du tout le bon endroit pour le faire savoir à la populace. Passons.

Abby questionne, Raelyn aussi, j’en viens à contracter la mâchoire et à mordre l’intérieur de mes joues au point où ça goûte le fer, contre ma langue. Si cette soirée pouvait se terminer, personne n’en serait déçu et certainement pas moi. « Derrickson n’est donc pas le seul à avoir des problèmes de couple à ce que je vois. » ouais, qu’elle s’amuse. Qu’elle pique, qu’elle pointe, qu’elle laisse un sourire glisser sur ses lèvres. J’en fais pas fi, initiant le pas vers la maison une fois certain que la femme qui partage ma vie a bel et bien quitté la propriété de mon hôte au nez trop long pour mes affaires. Quelques questions, c’est tout. Une confession à l’amiable, et on ne s’étonnera que je veuille m’assurer que tout se règlera convenablement en un accident qui débilisera qui que ce soit ayant cru à un meurtre passionnel. « Etait, d’ailleurs. Doit-on s’attendre à voir toute votre famille débarquer ? » je le retiens à peine, le soupir excédé qui se casse sur mes lèvres, maintenant que l’ombre du manoir n’en est plus une, et qu’on arrive enfin à l’immense porte du bâtiment tout aussi massif.

« Très bien. Et ensuite, vous continuez les interrogatoires ? » « C’est le plan, oui. » le plan qui n'arrête pas de rencontre des culs-de-sac, quand bien même j'ai espoir de le mener à bien. Entre des silhouettes qui fuient les jardins et ma femme qui se planque dans les box, on est bien loin de confessions que ce genre de pratique pourraient amener. Tous sont toujours là d’ailleurs. Installés dans le grand hall certains plus impatients que d’autres, la grande majorité de retrouvant désormais un verre de bourbon bien rafraîchi à la main. Si l’alcool adoucit la patience, il délie les langues et me souffle à l’oreille qu’on arrivera sûrement à quelque chose d’un peu plus concret dans les minutes à venir.

WIN : le prochain interrogatoire est avec Miss Robbins, candidate politique et féministe bien engagée dans la communauté
SO CLOSE : le prochain interrogatoire est avec Mr Marsh, écrivain et poète de renom, artiste à la tête en l’air
FAIL : le prochain interrogatoire est avec Sgt Barnoll, ancien sergent des forces armées australiennes, plusieurs fois médaillé d’honneur à la langue acerbe et à l’impatience prononcée

Après cette scène digne d’un vaudeville, la jeune femme du détective est, presque brusquement, congédiée. Moi, je laisse échapper un rire, une remarque acerbe, mais pas le moindre regard à destination de la malheureuse. Reléguée au rang de vague, elle n’a déjà plus la moindre importance dans mon esprit et mon attention ne se porte plus que sur la suite de la soirée et la poursuite de l’enquête du détective. Quelles conclusions tirera-t-il de tout ça ? Osera-t-il m’accuser moi, dans ma propre maison ?

« C’est le plan, oui.  » Les interrogatoires continuent donc et, alors que nous retrouvons le grand salon du manoir, je constate qu’au sein des invités les discussions et hypothèses vont de bon train. Ils ont tous un verre à la main et débattent avec ardeur de ce qu’il a pu se passer. Une chute accidentelle ? Le défunt n’était qu’à peine alcoolisé : pour la plupart il a été poussé. Mais par qui ? Chacun jette des regards en coin à son voisin, chacun  suspecte et tous ne sont que des hypocrites : personne ne se soucie vraiment du sort de ce pauvre Derrickson : il ne s’agit là que d’une curiosité morbide qui me dégouterait si je m’inquiétais vraiment du sort d’autrui. « C’est vous le chef. »

Et puisqu’il l’est, c’est vers le sergent Barnoll que son choix se porte : c’est également lui que j’aurais choisi d’interroger en premier si j’étais à sa place. Après tout, en tant qu’ancien militaire, il sait tuer non ? « C’est une mascarade que d’interroger les invités quand tout le monde sait que c’est vers le personnel de maison qu’il faudrait tourner vos soupçons. » Le personnel de maison a bien trop peur de moi et des conséquences de ce genre d’acte. Et puis, après tout, lequel d’entre eux possède une raison valable de s’en prendre au médecin ? « Pour qui me prenez-vous ? Je fais effectuer des contrôles poussés sur les gens que j’engage. » Le succès de mes réceptions doit continuer à être au rendez-vous et, pour ça, il est nécessaire que personne ne craigne de se faire égorger par le cuisinier ou poignarder par une femme de chambre.