Elle avait connu mieux, comme reprise : tous les passants pouvaient en attester, alors qu’elle boitillait dans la rue et jusqu’à l’hôpital sous le regard un peu surpris des patients. Elle condense sur elle-même la totale : front ouvert et sang jusqu’à sa veste, bras replié contre son corps et salement amoché, et cheville qui la faisait souffrir à chaque fois qu’elle mettait une once de poids dessus. Elle n’aurait sûrement pas détonné dans le paysage de la salle des urgences : entre les gamins qui vomissaient par terre et les personnes âgées qui avaient fait une sale chute, elle se fondait presque dans l’arrière-plan des “moins urgents”, et c’est exactement pour cette raison qu’elle avait préféré directement envoyer un SMS à l’infirmier n°1 de son répertoire, et tant pis si elle excédait de quelques années le côté pédiatrique de son emploi : elle ne pouvait pas se permettre d’attendre des heures, surtout avec tout ce sang qui lui rentrait dans les yeux et qui manquait de lui faire prendre une autre voiture sur le coin du nez.
Elle avait refusé de prendre un taxi, préférant marcher. Ca lui donnait au moins le temps de réfléchir à une raison qui aurait pu la mettre dans cet état, puisque son travail n’en faisait évidemment pas partie, et des courts d’arts martiaux n’auraient pas pu expliquer l’ampleur des blessures. L’idée de se faire passer pour Dina lui avait effleuré l’esprit à plusieurs reprises : une cascadeuse aurait pu plus facilement justifier ses blessures qu’une soi-disant employée de tribunal.

Elle avait donc convenu avec elle-même de dire la vérité : accident de voiture, sans préciser davantage ce qu’elle faisait au moment où ça s’était passé. Elle n’avait pas envie de mentir à Nathan alors qu’elle abusait déjà de leur lien pour se faire soigner sans passer par les registres officiels. Son message tenait donc en quelques mots succincts : « Salut, t’as 5mn ? J’ai besoin d’un petit pansement… Je te remercie en bière après ton shift ;) » suivi d’une succession de lettres aléatoires dûes à une goutte de sang qui avait sali tout son clavier. Elle éponge une nouvelle fois son front avec sa manche alors qu’elle attend dans l’entrée, bien consciente de foutre du sang partout par terre et de faire peur aux gamins malades qui attendent non loin. Elle aperçoit Nathan et un sourire fend immédiatement son visage, aussitôt regretté alors que le mouvement étire la paie sur son front. Putain. « Bon, j’ai peut-être abusé sur le petit pansement. » Son sourire a tout d’une excuse alors qu’elle le salue d’un coup de menton, n’osant pas le prendre dans ses bras pour plein de raisons différentes. Ca fait trop longtemps qu’ils ne se sont pas vus, elle en a conscience, et elle regrette que leurs retrouvailles soient provoquées par sa propre maladresse. « Je t’offrirai trois bières au lieu d’une. Ou cinq, je te dois bien ça. »

@Nathan Atkins

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***
La journée de Nathan a été absolument non-stop. Il s’est réveillé ce matin avec un message de sa mère lui rappelant qu’il devait absolument venir manger à la maison dans la semaine et il lui avait répondu rapidement avant de se préparer pour aller à l’hôpital pour son shift. Lorsqu’il est arrivé à St Vincent’s il lui a fallu approximativement deux secondes pour comprendre que sa journée de boulot allé être chargé. Les chambres étaient déjà pleines et la salle d’attente était également bien remplie. Alors sans attendre, il avait pris la relève de ses collègues et s’étaient perdus dans son boulot comme il le fait souvent. Cela lui évite de penser à sa sœur, au fait que les choses entre eux sont encore compliqués et tendus. Il déteste le fait que plus rien entre ne soit comme avant, comme lorsqu’ils étaient gamins. C’est comme si un fossé c’était crée entre eux et que malgré tout ce qu’ils ont pu traverser plus rien ne serait pareils. Son retour à Brisbane a d’ailleurs été plus dur qu’il ne l’aurait pensé. Le fait de se savoir dans la même ville que sa sœur, mais de ne pas pouvoir la voir plus souvent, ou partager de simples choses avec elle, lui pèse, mais il ne veut pas non plus lui mettre la pression. Shiloh a traversé des choses dures avec son ex, et si il s’en veut de ne pas avoir pu la protéger, il doit respecter son timing.

Nathan est tiré de ses pensées alors qu’il sent son portable vibrer dans sa poche et qu’il reçoit un message auquel il ne s’attend absolument pas, provenant d'Elena. Elena et lui se sont rencontrés il y a maintenant quelques années alors qu’ils faisaient tous les deux de l’humanitaire en Afrique. Leur connexion a été instantanée et depuis ils ont toujours pris soin de garder contact malgré les kilomètres qui ont pu les séparer. Nathan a d’ailleurs eu un crush sur Elena les premiers temps, il faut avouer qu’elle a toujours été belle avec ses cheveux bruns lui retombant sur les épaules et ses yeux noisette qu’il aime tellement. Cela fait cependant des mois qu’il n’a pas vu la brunette et qu’ils n’ont pas échangé plus que quelques sms par-ci par-là. Il est un peu surpris d’avoir de ses nouvelles, mais loin d’être déçu. Il s’apprête à lui répondre, mais avant même de pouvoir taper la fin de son message, son regard se pose sur une silhouette familière. Elena se trouve à seulement quelques mètres de lui et il ne peut retenir le sourire qui s’étire sur ses lèvres avant qu’il ne se transforme en grimace en voyant l’état du front de son amie. “Bon, j’ai peut-être abusé sur le petit pansement.” Il laisse échapper un rire et secoue la tête. “Oui clairement. Suis moi.” Il prend son bras et l’entraîne dans une salle de soin. Il l'a fait s’asseoir sur la table d’osculation avant de se tourner pour attraper une paire de gants. “Je t’offrirai trois bières au lieu d’une. Ou cinq, je te dois bien ça.” Nathan laisse échapper un nouveau rire avant de se tourner à nouveau vers elle. “On verra ça une fois que j’me serais occupé de toi.” Il prend des compresses et vient, le plus doucement possible, nettoyer la plaie au maximum avant de regarder si elle allait avoir besoin de points de suture. La proximité soudaine avec Elena le rend cependant un peu nerveux. Des mois qu’ils ne se sont pas vu et voilà qu’ils se retrouvent presque nez à nez. “Tu t’es pas loupé. Je pense que tu peux échapper aux points suture, mais je vais devoir te mettre de la colle parce que ça se refermera pas tout seul.” Nathan lui explique, baissant pendant quelques secondes son regard vers le sien. “Comment est-ce que tu t’es fait ça ?”

Elena suit Nathan sans trop broncher, consciente qu’elle se déverse de partout et qu’elle contourne à peu près tous les règlements en entraînant son ami avec elle - elle s’assied sur la table d’auscultation dans le plus grand des silences et se passe à nouveau un bras sur le front, comme pour limiter la casse (spoiler : trop tard). « J’ai fait la connaissance très rapprochée d’une voiture. » Elle ne précise pas ce qu’elle foutait à courir sur la route, ni le fait que le rapprochement en question n’était pas tant accidentel : elle se contente de hausser les épaules, parfaite dans son rôle de victime. « J’ai pas gagné, si jamais t'avais un doute. J’ai toujours été nulle à chier en auto-tamponneuses, après. » elle lui offre un pauvre sourire en le laissant l’ausculter - il accepte déjà de la prendre sur son temps de travail, il ne manquerait plus qu’elle soit chiante, ou tout autre chose qu’immobile. Elle fait alors en sorte d’être une statue sous le regard et les mains de Nathan - chose qu’elle n’a jamais très bien su faire, et encore moins avec lui. Le revoir après plusieurs mois, c’est se confronter à tout ce qu’elle a pu soigneusement éviter jusque-là : la dernière fois qu’ils avaient réellement passé du temps ensemble, elle était mariée, et suffisamment certaine de son désintérêt pour les hommes pour classer Nathan comme un super méga pote pour lequel elle nourrissait un intérêt PUREMENT PLATONIQUE. Le fossé entre les deux périodes lui fout une espèce de vertige - à moins que ce ne soit les quarante litres de sang qui lui fuyaient par le crâne. Elle grimace alors que Nathan inspecte la plaie, et se sent d’un coup toute petite sous son toucher.

« Bref, rien de grave, la nana m’a donné son numéro et on va régler ça sans passer par les flics. » Autrement dit sans passer par elle-même, sa propre institution supposée - elle espère que Nathan aura l’indulgence de ne pas lui poser davantage de questions. Elena est donc la reine des mythos, et elle se prête particulièrement mal au jeu, mais au moins son état est assez pressant pour que l’hypothèse d’un accident plus grave puisse être aisément écartée - pour le moment. Et en soi, ce n’est pas faux : l’intéressée comptait certainement la dissuader davantage que la propulser sur le capot, même si elle a fui avant de lui filer un numéro pour qu’elles se recontactent. Finalement, peut-être qu’elle aurait du rester à croupir dans son petit tribunal, plutôt que d’aller jouer les gros bras avec des gens qui font huit fois sa taille et son poids, armes plus ou moins violentes non comprises. « Ça se passe bien, depuis ton retour ? » Elle y réfléchit et se rend compte que ça fait presque dix mois que Nate est de retour en ville, et qu’ils n’ont dû se voir qu’une fois depuis, au tout début de son retour. « Merde, mais ça fait vraiment longtemps qu’on s’est pas vus, en fait. » Demi-sourire d’excuse : elle sait qu’elle en est partiellement responsable, à courir à droite à gauche et à être toujours trop enfermée dans son propre crâne. « J’ai pensé à toi, d’ailleurs. J’ai du passer en Egypte y a quelques semaines, et j’ai repensé au truc que tu m’as dit, là, comme quoi les plumes d’autruches étaient un symbole de justice et tout. Du coup je t’en ai ramené une. » Quant à savoir ce qu'il foutrait d'une plume d'autruche chez lui... Elle se prépare mentalement pour la colle et pince les lèvres pour éviter de se plaindre, penchant le visage vers le ciel pour rendre son front plus accessible. « Tu retrouves tes marques ? C’est pas trop chiant Brisbane après tous tes voyages ? »

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***
“J’ai fait la connaissance très rapprochée d’une voiture.” Nathan fronce immédiatement les sourcils à la révélation d’Elena assise face à lui. Un accident de voiture, alors qu’elle était clairement à pieds vu les dégâts que la voiture a laissés sur son front. “J’ai pas gagné, si jamais t'avais un doute. J’ai toujours été nulle à chier en auto-tamponneuses, après.” Il ne peut s’empêcher de laisser échapper un léger rire à sa remarque. Il connaît assez bien Elena depuis le temps et il aurait dû se douter qu’elle allait faire ressortir son sarcasme en beauté alors qu’elle aurait sûrement se faire beaucoup plus mal que ce n’est le cas. C’est d’ailleurs l’une des choses qu’il a toujours beaucoup aimées chez elle, elle a cette façon de rendre n’importe quelle situation plus légère et il faut bien avouer que des fois ça fait du bien. À vrai dire, quand il l’a rencontré, Elena a été comme un bol d'air frais pour Nathan, elle la fait sourire, rire et, sortant doucement d’une dépression, il avait eu l’impression de se remettre doucement à vivre avec une nouvelle amie à ses côtés. Une amie qui malheureusement était mariée avec une femme et qui, aux dernières nouvelles, n’a aucune penchant pour les hommes, ce qui a donc rapidement réduit les chances de Nate à zéro, que ca soit à l’époque de leur rencontre ou aujourd’hui. Baissant les yeux sur sa main gauche, il remarque cependant le manque d’alliance, celle qu’elle avait porté pendant si longtemps. Les choses ont-elles changé depuis la dernière fois qu’ils se sont vus ? “C’est souvent ce qui arrive dans les rencontres humain contre voiture ouais. Tu as surtout eu de la chance de pas être plus blessée.” Nathan lui avoue essayant de garder un ton léger pour masquer le fait qu’il ne peut s’empêcher de s’inquiéter pour elle. Comment en est-elle arrivée à se faire renverser par une voiture ? “Bref, rien de grave, la nana m’a donné son numéro et on va régler ça sans passer par les flics.” Il hoche la tête. “Laisse l’infirmier decider si c’est rien de grave. Je vais fixer ta plaie et j’aimerais bien faire quelques tests, juste être sûr que tu vas vraiment bien.” Mieux vaux prévenir que guérir comme on dit.

Posant les compresses dans la poubelle, Nathan fouille dans un tiroir pour un sortir la colle pour plaie et une boite de pansement alors qu’Elena reprend la parole dans son dos. “Ça se passe bien, depuis ton retour ?” Il lui jette un regard avec un léger sourire. “Oui ca va. J’ai pris mon appart depuis le début de l’année et j’ai adopté une chienne. J’ai repris le football Australien aussi.” Explique-t-il, restant loin des sujets sensibles tel que sa sœur. Ce n’est ni l’endroit ni le temps pour rentrer dans des choses compliquées, surtout alors qu’il ne devrait même pas avoir Elena dans une pièce de soin de premier lieu. Après tout, il bosse dans le service enfant. “Merde, mais ça fait vraiment longtemps qu’on s’est pas vus, en fait.” Oui, cela fait longtemps et la brunette lui a vraiment manqué, son énergie lui a manqué. “J’ai pensé à toi, d’ailleurs. J’ai dû passer en Egypte y a quelques semaines, et j’ai repensé au truc que tu m’as dit, là, comme quoi les plumes d’autruches étaient un symbole de justice et tout. Du coup, je t’en ai ramené une.” Nathan est touché qu’Elena ait pensé à lui à des milliers de kilomètres d’ici, alors qu’ils ne sont pas en contact constant depuis qu’ils ne sont plus dans le même pays. Il se rapproche à nouveau d’elle, de nouvelles compresses poser à côté de lui et commence à venir essuyer les dernières traces de sang. Doucement, essayant d’être le plus délicat possible, il se rapproche d’elle pour venir appliquer la colle. “C’est gentil. Je suppose que ca veut dire qu’il va falloir qu’on se revoit. Pour que tu me la donnes.” Dit-il avec un sourire en coin, concentré sur sa tache malgré la proximité de leurs deux visages. Ils n’ont jamais été aussi proches et le parfum de la brune vient lui remplir les narines. Son cœur bat bien trop vite dans sa poitrine alors qu’il tente de ne pas y penser. “Tu retrouves tes marques ? C’est pas trop chiant Brisbane après tous tes voyages ?” Il hausse les épaules. “Ca a toujours été la maison pour moi. J’ai toujours su que je reviendrais vivre ici, tu sais. C’est la que sont ma famille et la plus part de mes amis.” Explique-t-il simplement avant de se reculer un peu. “Tu peux baisser la tête, mais ne bouges pas trop pendant quelques minutes.”

Nathan range les affaires qu’il a sorties et retire ses gants avant d’aller se laver les mains sans jamais trop s’éloigner de la brune. “Et toi alors, qu’est ce qui te ramène à Brisbane ? Juste de passage où tu es là pour de bon ? Comment ca va avec ta femme ?” Demande-t-il par curiosité. Allaient-ils pouvoir à nouveaux traîner ensemble ou est ce que Nate allait-il devoir encore la voir partir dans d’autres voyages ? Il vient prendre la boite de pansement et avec un sourire en coin il lève la boite. “T’as le choix entre Dora l’exploratrice, Captain America ou Bob l’éponge.” Il remarque le regard de son ami et laisse échapper un rire. “Et t’es venu dans le service enfant, j’ai pas d’autres choix.”

Avec son quotidien jamais très rassurant et rarement plus sécurisé, Elena avait appris à relativiser tout écueil qui pouvait se trouver sur son chemin : elle n’en mourait jamais, au final, et franchement, ça ferait des trucs rigolos à raconter quand elle serait assez vieille pour ne plus être astreinte au secret professionnel. Elle préférait prendre le bon côté des choses pour éviter la partie sordide, l’idée qu’elle pourrait un jour ne pas rentrer, tout court - elle avait eu le temps d’y penser, en Arabie Saoudite, après avoir signé son testament. Et voilà des mois qu’elle se battait avec elle-même pour ne pas se noyer dans des pensées envahissantes qu’elle ne pouvait partager à personne : ça inquiéterait sa jumelle, et Victoria n’était plus là pour la laisser se reposer en silence. Ca ne laissait que ses collègues, et autant gueuler ses peines dans une chambre à échos : ils avaient tous les mêmes, de toute façon, et s’attarder trop dessus signerait leur fin. Avec Nathan en revanche, elle ne sentait pas le poids de ses secrets la rattraper : il la laissait en dire autant qu’elle voulait sans poser de questions, et c’était libérateur. « I’m fine. Promise. » Comme pour le convaincre quant à son état ne nécessitant absolument aucun test, elle lève le bras et le pouce et les rabaisse aussitôt en grimaçant : peut-être un peu trop de confiance.

Pour se distraire de la future colle qui va bientôt refermer la plaie sur son front, elle s’enquiert de son état, se rendant compte par la même occasion qu’ils ne se sont pas vus depuis longtemps. Longtemps peut tenir en quelques mois, mais quelques mois suffisent à ce que sa vie ait suffisamment radicalement changé pour qu’elle soupçonne que celle de son ami n’ait pas moins été remplie : « No way, you got a dog? Can I come say hi sometime soon? I need to say hi. » Son visage s’illumine un peu trop pour l’animal de compagnie de quelqu’un d’autre, mais qu’importe : son chien lui manque, et si Victoria a cédé pour qu’elle le voit de temps en temps, ça n’enlève rien au fait qu’elle n’a jamais vraiment su vivre sans animaux de compagnie et qu’elle est absolument prête à squatter chez Nathan davantage que de raison pour profiter du sien. Et elle d’enchaîner sur son dernier voyage, précisant qu’elle a rapporté un cadeau (même si bien moindre et ridicule, en rétrospective) à celui qu’elle considère comme son meilleur pote. « Of course we need to hang out again soon. If you don’t invite me I’ll just show up at your football games, anyway. » Elle se rassure en se disant que ce n’est pas un date, qu’il n’a pas proposé un date de toute manière, et que c’est absolument normal de ne pas être à l’aise avec leur proximité quand ils ne se sont pas vus depuis si longtemps. Ils s’écartent malgré tout inconsciemment, et le silence retombe jusqu’à ce qu’elle ne le brise à nouveau. « Fair enough », lâche-t-elle quand Nate lui explique avoir toujours eu l’intention de revenir. « Seen your family yet? » Elle ne s’approche pas de front du sujet soeur jumelle, qui lui a toujours semblé un point sensible et que Nathan n’a jamais réellement développé de lui-même.

La colle posée sur son front, elle reste docilement le nez vers le ciel, contemplant toutes les mauvaises décisions qui l’ont menée jusqu’ici. Son bras lui fait toujours un mal de chien tandis que le sang afflue jusqu’à sa cheville pour y battre sourdement. Les questions de Nate parviennent à peine à ses oreilles : il lui faut se recentrer pour qu’elles arrivent jusqu’à son cerveau (tous ses neurones ont dû passer dans la survie). « Are you kidding me? Spongebob sounds rad. » Elle lui offre son sourire le plus enfantin, comme pour lui prouver qu'elle est tout à fait sérieuse (presque). Ça ne dure pas, parce qu'il lui faut bien répondre à ses questions, mais la perspective d'un dessin rigolo sur le front l’a déjà en partie réconfortée. « Nah, staying for a while this time. » Elle n'avait jamais bougé que pour le boulot, depuis que son père l'avait sortie du Brésil et de LA. Elena était une aventurière de longue distance sur courte durée : elle partait souvent, mais jamais plus de quelques semaines. « Still have a bit of traveling to do for work, though, but it’s mostly going to be short-term stuff. You’ll be the first to know. » assure-t-elle avec un regard complice en sa direction. C'est sa seule manière de s’assurer une couverture convenable avec un job imprévisible qui l’emmenait parfois pour un bout de temps dans des pays qu’elle n'aurait jamais visité seule. Nathan n’a pas plus de connaissances sur ce sujet que le reste de ses proches, et elle est inévitablement ramenée à tous ses manquements du passé. « Victoria left. » C’est un aveu mou, faible et qu’elle ne saurait défendre. Le divorce est de sa faute, purement, qu’importe l'angle par lequel on le considère : sa vie relationnelle est tachée par ses mensonges à répétitions et elle est incapable de s'en sortir, sinon en quittant le PSI. « I’m fine », s'empresse-t-elle d’ajouter, parce que la perspective de s’attarder sur le sujet l’horripilait. « It was mutual…pretty much. » Autant carrément mentir, puisqu'elle n'est plus à ça près. « How come you got a dog, though? What’s her name? What's she like? » Tout pour éviter les questions possibles, et tout pour éviter d’en venir aux tests.

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***Nathan décide d’ignorer les mots d’Elena qui lui répète pour la énième fois qu’elle va bien. Il se refuse à la laisser partir tant qu’il ne fait pas au moins un minimum son boulot et qu’il vérifie qu’elle aille vraiment bien. Mais c’est un combat pour les prochaines minutes, pour le moment, il préfère se concentrer sur la plaie présente sur le front d’Elena et il tente de se concentrer seulement sur ça, ignorant la proximité qu’il a avec la belle brune. Ce n’est pas comme si c’était la première fois, pas vraiment, mais cela fait des mois qu’ils ne se sont pas vus et Nate a toujours eu un léger faible pour elle. Elle lui demande de ses nouvelles et bien évidemment l’infirmier ne peut s’empêcher de mentionner l'adoption récente de sa chienne. Adopter Arlo en janvier a été la meilleure décision qu’il ait pris depuis un moment et l’avoir dans sa vie l’aide vraiment dans son quotidien. “Yup, got a pup. She was three months when I got her in January. And you can come say whenever you want.” Nathan n’a pas oublié à quelle point Elena aime les animaux, c’est d’ailleurs l’un des points communs qu’ils sont et qui a fait qu’ils sont devenus amis aussi rapidement. “Do you still have the same number? You should text me and come by one day.” Trainer avec Elena, parler jusqu’au bout de la nuit autour d’un feu, à regarder les étoiles manque beaucoup à Nate. Il a énormément de bons souvenirs avec la brunette et si il a été inquiet que leur amitié ne soit pas pareille en revenant en Australie, il a eu tort. Ils sont aussi proches qu’ils l’ont toujours été. “Or you can just show up at one of my game, that works too.” Il laisse échapper un rire avant qu’Elena n’aborde le sujet un peu tabou sans pour autant entrer dans les détails. Nathan lui a rencontré que sa sœur jumelle, Shiloh, a disparu de sa vie du jour au lendemain sans prévenir et elle sait à quel point cela l’a affecté. Il hoche doucement la tête. “Yeah. I lived with my parents when I came back last June. I just got my apartment in the beginning of this year. They’re doing good, just living their life you know.” Et il remercie silencieuse, dans sa tête, Elena de ne pas demander des nouvelles de Shiloh parce qu’il n'aurait pas vraiment su quoi dire. “How’s your family?” Demande-t-il en retour, elle aussi a une sœur jumelle.

La colle appliquée sur le front de la brune, Nate range son matériel avant d’offrir le choix de pansement à Elena qui ne semble pas dépiter par le fait que les seuls choix sont des choix… Enfantins. Il laisse échapper un rire lorsqu’elle choisit Bob L’éponge. “I should have known.” Murmure-t-il plus pour lui que pour elle avant de venir l’ouvrir et le placer sur sa plaie tout en lui demande combien de temps elle compte rester. Il sait qu’Elena aime voyager, mais il est plutôt heureux lorsqu’elle lui dit avoir décidé de rester pour quelque temps. Peut être qu’ils allaient pouvoir passer du temps ensemble, rattraper les quelques derniers mois sans se voir. “That’s great Lena, I’m glad you’re staying for a bit. I’ll invite you for diner one of those days.” Ils pourraient parler, comme avant, partager ce qu’il se passe dans leur vie respective, savoir où en sont les choses. En parlant de vie, Nathan lui demande alors des nouvelles de sa femme. Si il y a bien une chose qui avait déçu Nate quand ils se sont rencontrés c’est qu’Elena soit marié, et pas du tout intéressé par les hommes, du moins aux dernières nouvelles. Son sourire disparaît cependant aux paroles de la brune. Victoria est partie. “Fuck.” Il observe les traits de la brune devant elle et vient doucement prendre sa main dans la sienne pour la serrer. “I’m sorry. How are you feeling about it?” Demande-t-il.

Il a pourtant à peine fini ses mots qu’Elena tente déjà de changer de sujet, retournant les choses vers sa chienne. “Her name is Arlo and she’s amazing. But changing subject won’t get me off your back.” Il secoue la tête, un sourire en coin. Typique Elena. “Look I understand if you don’t want to talk about it, but just so you know. I’m here if you change your mind and you need someone to talk to, or to go out with, or whatever really.” Il lui offre un sourire, lâchant sa main pour aller attraper une petite lampe de porche et revenir se placer devant elle. “Okay, now just follow the light for me.” Il passe la lampe devant ses yeux, une fois, deux fois, trois fois avant de l’éteindre et de laissé retomber sa main. “Any headache? Nausea? Feeling lightheaded?”

« I do still have the same number, yes. And I’ll definitely text you- I just hope you won’t block me too quick for asking about her too often. » Ca lui fait du bien, de parler de tout et de rien avec Nathan ; il offre une coupure bienvenue à son quotidien, une bouffée d’air frais à un tout qui est devenu trop lourd et envahissant. Il a toujours représenté cette bulle hermétique au reste ; une bulle bienvenue parfois au milieu des conflits, le genre qui tombait toujours au bon moment. Ce n’est qu’une énième preuve, et elle préfère penser qu’elle est anodine. Ils parlent de tout : du chien de Nate, de sa famille, de son passage chez ses parents à son retour sur Brisbane. Elle répond à son tour, donne des nouvelles de ses parents, de sa soeur : « Good, I guess. My mum has someone new, apparently, which is a weird thing to think about. » Elle fronce le nez sans savoir si c’est à cause de l’idée d’un nouveau beau-père ou de l’alcool contre sa plaie. « Dina is thriving. Lots of movies to work on, getting huge recognition. It's working out great for her. » Elle n’a qu’abordé en surface le sujet de sa relation avec sa soeur auprès de Nate : elles n’ont jamais réellement réussi à être proches, et ont toujours du mal à renouer. Elles essaient, au moins - la carrière de Dina forcée par leur mère n’a pas entaché leur envie de former une espèce de proximité nouvelle. « Saw her last week, actually. Trying to get her to meet someone. » L’ironie de la chose la frappe un peu plus maintenant que c’est elle qui trime comme une perdue sur les apps, swipant à droite sur son coloc (quelle idée) ou sur une ex d’il y a dix ans (encore pire).

Elle n’aborde réellement le sujet de son divorce que quand elle y est contrainte, un joli pansement Bob l’Eponge à présent placardé sur son front. Elle le plisse et le fronce comme pour éprouver la gêne qu’il procure au mouvement. « Ask me again in a couple decades, yeah? » Elle plaisante, mais c’est une pauvre tentative avant de complètement changer de sujet et demander davantage d’infos sur le chien. La vérité, c’est qu’elle est infoutue de savoir comment elle se sent : soulagée, quelque part, d’avoir eu raison, d’avoir su se barricader suffisamment avant la fin, et puis déçue de l’avoir fait spontanément. Détruite surtout de mettre fin à près de dix ans comme ça, sans autre forme de procès, avec une maison vide et rien à dire pour sa défense. C’est presque pire, de se rendre compte qu’elle avait déjà commencé à faire son deuil il y a deux ans de ça. « Thanks, Nate. I might just take you up on the hanging out. » Elle lui offre le sourire un peu piteux de celle qui est passée sous une voiture il y a une heure, et qui passe quotidiennement sous un huit-tonnes tous les jours. Elle serre la main dans la sienne, brièvement, et relève le menton pour se laisser sagement examiner les yeux.

« I mean, sure, but that's to be expected when you're run over by a car, I'd say. » Autant en plaisanter, puisqu’il n’y a plus grand-chose d’autre à faire. Elle tente d’y réfléchir un peu mieux : pas de nausée, juste un énorme sentiment de fatigue, et un mal de crâne qui lui serre les tempes. « Nothing a good night sleep and paracetamol can’t fix. Promise. » Elle n’en sait rien, factuellement, mais elle a déjà été plus en souffrance et elle se sent suffisamment en possession de ses moyens pour rentrer chez elle sans encombre, et pour reprendre le boulot demain sans trop de peines. « Or a beer. When’s your shift over? I’ll wait. Ain’t got much to do, anyway. » Pas comme si elle voulait vraiment rentrer chez elle, de toute façon, ni qu’il s’inquiète outre mesure. « Or a Coke. Maybe a Coke’s more reasonable, actually. » Elle masse sa tempe de sa main intacte.

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***L’idée d’à nouveau pouvoir passer du temps avec Elena fait sourire Nathan, parce qu’il doit bien avouer que depuis qu’il l’a rencontre il avait pris l’habitude de l’avoir a ses cotes, et maintenant que c’est à nouveau le cas il se rend compte que cela lui a manqué. Leur dynamique plus a manque et même si il aurait préféré qu’elle vienne le voir sans avoir besoin d’être recollé, littéralement, il est content qu’elle soit la. Il laisse échapper un rire aux paroles de la brune et lève les yeux au ciel. “I could never block you.” Lui explique-t-il. Elena a toujours réussi à mettre un sourire sur le visage de Nate et avec elle les choses sont simples, sans prises de tête et c’est ce qu’il apprécie de leur amitié. Nate profite alors du fait qu’elle soit là pour lui demander un peu de ses nouvelles, de comment se passe les choses avec sa famille. Il sait qu’Elena et Dina n’ont jamais été extrêmement proches et peut-être que c’est l’une des raisons pour laquelle il se sent aussi connecté avec la brunette en face de lui, même si elle n’est jamais vraiment rentré dans les détails et lui n’ont plus à vrai dire. “I’m glad to hear they’re doing great. But you know you can’t force your sister into anything right?” Lui meme aurait aime que Shiloh ne rencontre jamais son ex a vrai dire. Parce que si elle n’avait jamais rencontré Lawrence, elle n’aurait jamais coupé les ponts avec lui et ils seraient encore proches, comme ils l’étaient avants. Mais malheureusement il ne peut pas changer le passe.

Ce n’est cependant qu’en apprenant la séparation d’Elena et sa femme qu’il se dit que des fois il devrait sûrement être moins curieux. Il voit la douleur et la déception sur le visage de son ami et même si il ne peut pas réellement comprendre, il se doute que cela doit être vraiment dur pour elle. Il vient doucement prendre la main d’Elena dans la sienne et la serre doucement, un signe pour lui montrer qu’il est la si elle a besoin de lui, ou de quoi que ce soit. Il hoche doucement la tête aux paroles de son amie et lui adresse un sourire rassurant. Il se doute qu’elle allait avoir besoin de temps pour guérir, pour arriver à avancer. “Anytime, you know I love hanging out with you. We always have a good time.” Et c’est vrai que Nathan n’a pas un seul mauvais souvenir quand il en vient à Elena. Il se rappelle de leurs soirées au milieu de nulle part à regarder les étoiles avec un feu qui frémit pas loin a parler de tout et de rien et à rire aux bêtises de la brune.

Malgré les paroles de son amie qui lui assure qu’elle va bien, Nathan ne peut s’empêcher de faire son travail correctement et de lui demander si elle a mal à la tête ou si elle se sent nauséeuse. La dernière chose qu’il veux c’est qu’elle se retrouve avec une ‘concussion’. Il l’observe un peu septique alors qu’elle tente une nouvelle fois de le rassurer et il finit par hocher la tête. “A coke is definitely more reasonnable for you, yeah.” Parce que boire de l’alcool apres un accident et avec un anti-douleur n’est jamais réellement une bonne idée. Il jette un coup d’œil à l’horloge accroche dans la salle de consultation dans laquelle ils sont. “I finish in 10 minutes if you want to wait?” Après confirmation de son amie, il lui offre de se retrouver devant l’hôpital dans un petit quart d’heure. Au moins traîner avec Elena lui permettra aussi de garder un œil sur elle.

Une quinzaine de minutes plus tard, Nathan se change rapidement, enfilant un jean et un pull avant de se frayer un chemin hors de l’hôpital ou Elena l’attend patiemment. “Hey, I’m ready. Where do you want to go?”