Accoudé à une table avec quelques amis, Simon était perdu dans ses pensées. À chaque fois qu’il voyait la porte de l’établissement s’ouvrir, il jetait un regard curieux et attentif, espérant voir se dessiner la silhouette de Mavis Barnes. Mais ses attentes furent douchées à de nombreuses reprises et, à peine la porte s’était-elle refermée que le tatoué repartait dans ses songes. Elle lui avait dit qu’elle viendrait ; et puisqu’elle lui semblait être une femme de parole, le tatoué n’en doutait pas. Seulement, il s’impatientait autant qu’il appréhendait leurs retrouvailles : la dernière fois que leurs chemins s’étaient croisés, les choses s’étaient terminées abruptement. Enroulant ses lèvres autour de sa paille pour boire une gorgée de son cocktail, l’Australien essayait de raccrocher les wagons et de s’intéresser à ce que ses amis racontaient, mais rien n’y faisait : il était incapable de se concentrer, et encore moins de participer à une conversation. Il essuya quelques commentaires moqueurs de la part de ses amis, qui avaient l’habitude d’un Simon bout-en-train ; son indifférence le fit simplement hausser les épaules. Il aurait des jours meilleurs, c’était sûr. En entendant la petite clochette tinter, Simon tourna machinalement la tête vers l’entrée. Et cette fois-ci fut la bonne : la silhouette de Mavis venait de se dessiner dans l’entrebâillement de la porte. En moins de temps qu’il ne faut pour le dire, il était debout. Il profita de ne pas encore avoir été découvert pour l’observer et, une fois n’est pas coutume, il la trouva à croquer. Longs cheveux blonds, teint légèrement hâlé, éternelle moue boudeuse : elle était un condensé parfait de ce qui plaisait à Simon.


Il abandonna ses amis, fit quelques pas vers elle, et esquissa un léger sourire pour la saluer. Une fois arrivé à sa hauteur, il hésita une fraction de seconde puis, bravant son appréhension, se pencha pour déposer ses lèvres sur la joue de Mavis. Le fait qu’elle ne le repousse pas était déjà, aux yeux de Simon, une petite victoire. « Bonsoir, Mavis. » Lui qui était habitué à fanfaronner, se trouvait étonnamment timide. « Je ne pensais pas que tu serais disponible un soir de Nouvel An. » Confessa Simon avec bienveillance. Ce devait être une soirée particulièrement dynamique aux urgences, où les patients plus ou moins atypiques devaient se succéder. Une soirée où les forces vives et les étudiants de bonne volonté devaient être les bienvenus, pour accompagner les titulaires qui devraient gérer les cas les plus graves. Mais, égoïstement, il était ravi que la blonde ne soit pas retenue par ses obligations professionnelles. « Je suis content que tu sois là. » Admit-il à voix basse, alors que son regard balayait distraitement le sol. Conscient que son attitude ne jouait pas en sa faveur, et que fuir ne résoudrait pas le marasme dans lequel il s’était lui-même mis, il releva la tête vers son interlocutrice. Il tenta un sourire léger, et reconnut : « Je n’étais pas sûr que tu acceptes de venir, après la dernière fois. » Et c’était un euphémisme ; il savait que son attitude lui avait porté préjudice, et avait mis fin plus tôt que prévu à leur après-midi. Pas certain que Mavis voudrait revenir sur cet épisode chaotique, Simon préféra ne pas s’étendre, et poursuivit sur un autre sujet qui avait fait les gros titres : la tempête qui avait secoué Brisbane. « Tu n’as pas trop été impacté par la tempête, j’espère ? » La question était ouverte, et pouvait aussi bien concerner sa vie privée comme sa vie professionnelle. « J’ai cru comprendre que les conditions avaient été rudes, à l’hôpital. » Ses collègues policiers et pompiers avaient eu fort à faire, au cours de cette nuit interminable. Les interventions s’étaient enchaînées, et plusieurs personnes avaient dû être secourues. On distinguait deux types de profil : les idiots inconscients, qui s’étaient stupidement cru suffisamment fort pour braver les conditions météorologiques épouvantables, et ceux qui n’avaient pas eu de chance et avaient été pris au piège. Mais la soirée était propice à la détente, et parler du travail n’était pas la meilleure des idées pour y parvenir : « J’arrête avec le boulot. » Promit Simon en souriant, avant d’enchaîner : « Je te paye un verre ? » La proposition était, en réalité, une affirmation déguisée. Bien sûr, qu’il allait lui payer un verre. Il n’attendait que ça, de pouvoir trinquer en sa compagnie. La véritable question était plutôt de savoir ce que Mavis allait boire. Il s’écarta, et désigna d’une main le maigre espace qu’il y avait entre deux groupes d’amis pour qu’elle puisse se diriger vers le bar.

« Je n’y crois pas un seul instant. » Rétorqua-t-il avec un sourire amusé, alors qu’il secouait légèrement la tête. À vrai dire, il était soulagé. Soulagé qu’elle ait accepté de venir, et soulagé de constater qu’elle ne semblait pas lui tenir rigueur de leur précédente entrevue. Pas de remarque désobligeante, pas de commentaire glacial — à peine une phrase pour se moquer de Simon, et de la pseudo-obsession qu’il faisait sur Leon Barnes. Conscient que cela lui avait porté préjudice par le passé, il laissa échapper un rire léger, et répliqua, faussement inquiet : « Tu en es bien sûre, hein ? » Il faisait preuve d’auto-dérision, laissant implicitement entendre à Mavis qu’il avait compris que le spectre de son père n’avait lieu de se dresser entre eux. Et parce qu’il savait que l’héritière Barnes aimait particulièrement son indépendance, il choisit de la charrier à ce sujet avec un sourire espiègle : « Est-ce qu’il t’a au moins donné la permission de minuit ? » Il l’espérait, en tout cas — même s’il savait que la blonde était la seule et unique personne qui régentait sa propre vie. Mais Simon se contenterait, au moins pour cette fois-ci, de ce que Mavis pourrait lui donner. Elle lui donnait envie d’être patient, et de faire les choses de la bonne manière. Sans se brusquer, sans se précipiter.


La tempête ayant été le sujet majeur du mois de décembre, Simon s’enquérait des péripéties que Mavis avait vécu. Sa réponse concernait le moment le plus critique, où elle avait apparemment trouvé refuge dans une pharmacie. « Décidément, tu es prédisposée. » Fit remarquer le tatoué avec un sourire. Être bloquée dans une pharmacie quand on fait des études de médecine… ça sonnait drôlement ironique. « J’ai vu. » Commenta-t-il en inclinant la tête. Elle avait fait la promotion de la campagne de don du sang sur les réseaux sociaux, et les services étatiques  publics s’étaient mobilisés pour montrer l’exemple. Un acte citoyen, ni plus ni moins, auquel Simon avait naturellement répondu. « Mon chef a envoyé l’ensemble du bureau pour les dons. » Précisa-t-il, avant de mettre fin aux discussions liées au travail. Ils étaient, l’un et l’autre, suffisamment accaparés le reste de l’année par leur job pour en parler tout au long de la soirée. « Tu brilles. » Commenta-t-il après avoir passé la seconde précédente à observer Mavis, qui venait de dévoiler un top pailleté qui était tout à fait de circonstance. Il se força à détourner le regard pour éviter toute suspicion ou autre attitude répréhensible, et jeta un coup d’oeil sur son propre accoutrement — un jean, des baskets blanches, et un tee-shirt noir. « Comme tu peux le voir, je n’étais pas franchement inspiré pour la soirée. » Il se moquait de lui-même et de son manque d’intérêt pour cette dernière nuit de l’année, que la société avait impérativement voulu rendre spéciale. À vrai dire, l’ancien agent de terrain n’était pas un grand fervent de nouvel an : il n’avait jamais compris pourquoi les gens ne se souhaitaient de bonnes choses qu’à cette occasion, et sa profession l’avait définitivement fait cataloguer cette soirée comme étant l’une des plus denses et des plus compliquées à gérer. Trop d’alcool, trop de drogue, trop d’excès : les accidents étaient nombreux, et les dégâts pouvaient être considérables. Ce qui ne l’avait pas empêché, plus jeune, d’être parmi ceux qui cumulaient les excès.


Ils profitèrent d’un maigre espace entre deux clients pour se faufiler jusqu’au comptoir du bar, où Simon posa machinalement un coude pour ne pas en être aussitôt éjecté. Autour d’eux, la foule était dense, compacte — et le phénomène ne ferait que s’accentuer au fur et à mesure que les minutes s’écouleraient. « Aurais-tu une opinion dégradée de toi-même, pour me demander un truc pareil ? » Demanda Simon en arquant un sourcil. Il était quelque peu surpris par la question de Mavis qui , à ses yeux, avait toujours dégagé une confiance inébranlable en elle. Il ne pensait pas s’être trompé  sur ce point : elle avait toujours fait preuve d’aplomb et d’assurance. À son tour, il joua avec leur proximité et se pencha vers elle pour ajouter : « Il ne t’a pas effleuré l’esprit que j’avais simplement envie de finir l’année 2023 de la meilleure des façons possibles, en la meilleure compagnie possible ? » Il gratifia la blonde d’un clin d’oeil malicieux, et se pencha sur le comptoir pour passer leur commande. « Et toi, madame je ne suis pas populaire ? » Demanda Simon avec un sourire espiègle, en reportant son regard sur elle. « Soulagée d’avoir été invitée à une soirée ? » Il n’avait pas envie de savoir si elle avait dû faire un choix entre plusieurs invitations, ou s’il était effectivement le seul de ses contacts à avoir été libre ce soir de trente-et-un décembre. « Je ferai de mon mieux pour que tu ne regrettes pas l’alternative pizza - pot de glace - film niais. » Promit-il, avant de ricaner et de se moquer de ses idées préconçues. « Plus cliché, tu meurs. »

Simon était reconnaissant envers Mavis. Reconnaissant parce qu’elle avait d’abord accepté de venir à sa rencontrer ce soir, malgré leur précédente entrevue. Reconnaissant parce qu’elle avait mis les pieds dans le plat pour briser la glace, et tourner en dérision les histoires et autres sentiments étrangers liés à son père. Il rit en l’entendant préciser qu’il était apparemment de garde aux urgences, et laissa échapper un « Parfait » qui disait tout et rien à la fois quant à ses intentions. Il ajouta, sans baisser le regard : « Tu oses me donner carte blanche ? C’est à tes risques et périls. » Mais il n’était pas méchant, Simon, tout au plus un peu casse-cou. Alors Mavis ne risquait pas grand-chose, en fin de compte. « Voilà qui fait de moi un chanceux. » Commenta le tatoué avec un clin d’oeil. Son message avait été on ne peut plus clair et, cette fois-ci, Simon avait été capable de l’entendre : sa vie lui appartenait, et son père ne la régissait en rien.  Un rappel qui prouvait au principal intéressé qu’il avait eu raison de reprendre contact avec elle, et qui l’enchantait sur un point : il serait en bonne compagnie pour ce passage à la nouvelle année.


La glace désormais brisée, Simon occulta leurs précédentes péripéties pour se consacrer pleinement à la suite de leur soirée. Si ses amies restaient dans le bar, comme ils en avaient l’habitude, le tatoué n’excluait pas la possibilité de s’échapper à un moment donné, quitte à rompre avec la tradition. « Je n’en demande pas tant. » Dit-il en secouant vivement la tête, un léger sourire aux lèvres. Si son supérieur avait « vivement conseillé », comme il se plaisait à le dire, à l’ensemble de ses collaborateurs d’aller faire don de leur sang, Simon l’avait fait, pour sa part, avec conviction. Il avait eu l’occasion, parfois bien malgré lui, d’être sensibilisé aux besoins en sang et en plaquettes des hôpitaux. « Ta campagne a rencontré le succès que tu espérais ? » Quand les gens traversaient une crise commune d’ampleur, ils étaient toujours plus prompts à réagir, à compatir, ou à mettre la main à la pâte. De quoi donner foi en l’humanité ? Malheureusement, Simon était plus habitué à côtoyer les pires personnages, prêts aux pires actes. Mais parfois, lors d’une soirée spéciale, il lui était donnée l’occasion de voir quelqu’un briller — littéralement. « C’est un bon choix. » Déclara le brun en inclinant légèrement la tête, Mavis lui faisant remarquer qu’elle avait voulu marquer le coup. Il s’amusa de sa réflexion, et l’interrogea : « Tu as toujours été aussi pragmatique, ou c’est venu petit à petit ? » Pour sa part, Simon était à des années lumières de l’être. Mais il avait renoncé, estimant que cette qualité était plutôt le reflet de la gent féminine — à moins que ce ne soit qu’une excuse pour justifier le fait qu’il soit particulièrement tête en l’air, quand il ne s’agissait pas de son travail. « De circonstance, mais un peu plus discret, en ce qui me concerne. » Et facile à retirer, si jamais il décidait, comme l’année précédente, d’aller piquer une tête avant le lever du jour. Mais les choses seraient probablement différentes cette fois-ci ; Ruben n’était pas là pour se joindre à lui, et amuser la galerie en faisant les quatre cents coups. Il sourit, amusé par son commentaire concernant son manque d’extravagance capillaire. « Nouvelle année, nouvelle couleur. » Répondit Simon en passant machinalement une main dans ses cheveux, qui commençaient à récupérer un peu de longueur après avoir été presque rasés. Laissés au naturel, ils étaient d’un noir jais. « Mais je ne suis pas encore décidé. » Avoua-t-il en haussant les épaules. « Si tu as des suggestions, je suis toute ouï. » Il n’y avait pas grand-chose qui pouvait l’effrayer ; il était déjà passé par tout un tas de couleurs plus ou moins vives, plus ou moins flashy. Du gris au bleu, en passant par le rose : les expérimentations avaient été nombreuses, et avaient débuté des années plus tôt, lorsqu’il était encore lycéen. Ça l’avait fait rire de voir se décomposer les visages de ses professeurs et du personnel encadrant. Et ça, ça l’avait poussé à continuer.


Ils avaient dû fendre une foule déjà dense et compacte pour arriver jusqu’au comptoir. Chemin de croix, qui s’annonçait de plus en plus pénible au fur et à mesure que la soirée avancerait. Accoudé au bar, l’Australien arqua un sourcil et demanda : « La concurrence ? De quelle concurrence parles-tu ? » Il haussa les épaules, et embrassa la salle d’un regard, comme pour lui signifier qu’il n’y avait pas de concurrence en vue. Un sourire étira ses lippes, et il balaya  ses propos d’un revers de mai. « Prends ça pour de la flatterie si tu le souhaites. » Malicieux, il ajouta : « Mais j’avais simplement envie d’être honnête. » Un pas en avant, un pas en arrière ; avec Mavis, il tâtonnait pour voir où se situaient ses limites. Ce qu’elle tolérait, ce qu’elle acceptait, ce qu’elle aimait — et l’exact inverse, aussi. Il appréciait leurs échanges, il appréciait le fait de la découvrir : c’était un sentiment grisant, parfois exaltant. Et elle lui prouva, une énième fois, qu’elle était un esprit aussi libre qu’indépendant. « Ça ne m’étonne pas de toi. » Confia Simon en souriant. « Tu te serais greffée à une soirée quelconque, ou tu aurais profité d’un moment de calme ? » Il était curieux de savoir quel autre choix aurait fait Mavis, s’il n’avait pas osé faire fi de leur dernière entrevue. « J’ai hésité. » Admit-il, sans en expliquer les raisons. Il  le se monterait honnête, si elle le lui demandait. Il poursuivit : « Mais j’avais envie de te voir. » Ce n’était pas la flatter son interlocutrice que de lui dire le fond de sa pensée, n’est-ce pas ? Il évoqua ensuite la possibilité d’une soirée pizza - pot de glace - film niais, qui sembla soulever quelques interrogations chez Mavis. « Non : rester accoudé au bar, c’était ça mon vrai plan de secours. » Admit Simon en faisant la moue. « Nettement moins vendeur, hein ? » Au moins, il était réaliste. Si elle avait décliné son invitation, il aurait probablement passé la grande majorité de sa soirée à s’enivrer avec son groupe d’amis. « Je suis navré de t’annoncer que ce n’est pas du tout dans mes projets pour ce soir. » Déclara le brun en secouant la tête. « Mais je peux nous organiser ça, à l’occasion. » Le plus compliqué serait sans doute de comparer leurs emplois du temps respectif, et de voir à quel moment ils auraient tous les deux une disponibilité. « Tu choisis le film, par contre. C’est mon seul impératif. »

Parler de travail avec Mavis était, en quelque sorte, naturel. Après tout, n’était-ce pas entre les murs de l’hôpital dans lequel elle travaillait qu’ils s’étaient rencontrés pour la première fois ? Simon gardait un souvenir doux-amer de cette première entrevue, qui avait été suivie de nombreuses autres. Jusqu’au jour où les rendez-vous n’avaient pas été suffisamment rapprochés au goût du tatoué, et qu’il avait suggéré une sortie. « Les gens ont la mémoire courte, quand il s’agit de faire des bonnes actions. » Commenta Simon en haussant les épaules. Il ne voulait pas doucher l’optimisme de Mavis, mais il était un peu plus négatif qu’elle sur le sujet. « Seuls les événements dramatiques et d’ampleur font s’unir la plus grande majorité. » C’était un fait : quand la cause était grande, et qu’elle dépassait l’existence de chacun, les gens pouvaient se rassembler et faire preuve de bonté, de générosité. Mais, bien vite, les drames laissaient place au quotidien. Et ainsi, la vie reprenait et les tracas quotidiens prenaient à nouveau le pas sur le reste. Les deux adultes n’échappaient pas à cette règle. Ce soir, ils laisseraient leur quotidien de côté pour se concentrer sur l’instant présent. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que Mavis avait fait forte impression à l’ancien agent de terrain. « Je ne te demande rien de tel. » Répondit le tatoué en secouant la tête, avec un léger sourire. Mavis n’avait pas besoin d’une robe, de talons hauts, ni même de sequins pour briller. « Décidément, c’est tout un programme. » Constata Simon, qui se posait nettement moins de question sur son apparence. En même temps, il n’avait aucun mérite : l’essentiel de sa penderie était composé de tee-shirts, de jeans, de sweats à capuche, et de pulls relativement fins. Il aimait être à l’aise, tout simplement. « La prochaine fois, si tu as le moindre doute… Choisis juste de ne pas te prendre la tête. Si les gens ne sont pas capables de voir au-delà d’une tenue vestimentaire, peut-être que cela signifie qu’ils n’en valent pas la peine. » Suggéra le brun en haussant les épaules. C’était en tout cas son point de vue, et il était plutôt bien placé pour en témoigner : avec ses nombreux tatouages, il dénotait dans le paysage. Même son crâne, dévoilé depuis qu’il s’était rasé la tête deux semaines plus tôt, n’avait pas été épargné par les dessins. « Ah, toi aussi tu l’as remarqué. Ça me rassure. » Plaisanta le brun, alors que ses yeux pétillaient de malice. Il s’amusait des remarques de Mavis, et  poursuivit en ajoutant : « Et en plus, tu dis ça sans m’avoir vu en uniforme. Le jour où ça arrivera, tu me trouveras carrément irrésistible. » Il appuya sa remarque par un battement de cils exagéré, fier de ses inepties.


« Tu es la seule dans mon viseur pour ce soir. » Assura-t-il en inclinant légèrement la tête. Si elle voulait croire l’inverse, libre à elle — mais alors, elle se méprendrait sur lui et sur ses intentions. Il leva les yeux au ciel lorsque Mavis lui parla de nouveaux numéros de téléphone à rentrer dans son répertoire, et secoua vivement la tête : « Attends attends, je ne suis pas d’accord ! » Et il allait s’en expliquer : « Ce n’est pas parce que j’ai de nouveaux numéros que j’ai été à l’initiative de quoique ce soit. » Mais ça ne l’avait pas empêché, jusqu’à maintenant, de profiter des occasions qui se présentaient à lui sans se poser de question. « Tu veux qu’on parie ? » Répéta-t-il en arquant un sourcil, avant d’ajouter : « Je suis sûr que tu seras plus accostée que je ne le serai, et que c’est toi qui finiras avec le plus de nouveaux numéros à la fin de cette soirée. » Parce que les hommes ne doutaient de rien, parce qu’ils tentaient leur chance, et parce que dans cette tenue lumineuse, elle allait attirer les yeux de tous et toutes. Ils divaguèrent ensuite sur leurs projets respectifs qui n’auraient jamais lieu, puisqu’ils étaient tous les deux présents dans ce bar pour fêter le passage à la nouvelle année. « Calme, mais reposant. » Fit remarquer Simon. Aux antipodes, donc, de ce qu’ils s’apprêtaient à vivre ce soir. « Si le monde t’incommode, dis-le moi. » Ajouta-t-il, se montrant prévenant. Il se fichait du lieu dans lequel ils étaient ; l’important pour Simon, c’était de passer un peu de temps avec son interlocutrice. « Un peu, je dois bien l’admettre. » Concéda le spécialiste en informatique avec un sourire malicieux. Leur dernière rencontre avait été quelque peu chaotique, et leurs emplois du temps respectifs les avaient tenus éloignés pendant quelques temps. « Non, parce que je ne compte pas te répondre. » Dit Simon, alors que ses lippes s’étiraient en un sourire malicieux. Avait-il des projets particuliers pour la soirée ? Aucunement. Il se laisserait porter et se laisserait guider par ses envies et par les opportunités. Et si le destin n’oeuvrait pas en sa faveur, il se chargerait de provoquer sa chance. À moins que Mavis, d’elle-même, lui mette le pied à l’étrier en lui demandant s’il comptait l’inviter chez lui. « Même pas peur. » Déclara le tatoué avec un sourire amusé, presque sur un ton de défi. Avait-elle pensé qu’il botterait en touche ? Son appartement n’était pas bien grand, mais il l’était suffisamment pour accueillir Mavis le temps d’un film et d’un repas digne d’un américain lambda. Et il n’avait rien à cacher — ou presque, si on omettait son travail pour le PSI. « Saint-Valentin, si tu es encore célibataire à cette période et que tu n’as rien de mieux à faire. » Proposa le brun en haussant les épaules. Le jour pouvait être hautement symbolique, pour les personnes en couple. Simon, lui, n’avait jamais été transcendé par cette fête qu’il trouvait aussi niaise qu’hypocrite. « Mais je dois te prévenir : je ne vis pas seul. » Il n’avait encore rien dévoilé de son colocataire à quatre pattes, mais préférait le faire avant d’inviter Mavis chez lui. Il le fit en toute confiance, maintenant qu’il savait que la blonde avait aussi un chat. « J’ai moi aussi un fauve qui s’appelle Hercule, et qui a tendance à… prendre des aises. » Mais si son chat pouvait se montrer caractériel, Simon devait bien reconnaître qu’il n’avait pas été le meilleur et le plus assidu en matière d’éducation. Il l’avait eu lorsqu’il était encore chaton, et s’était laissé attendrir par cette bouille qui suivait son maître comme un chien l’aurait fait.

« Je serais fou, si j’étais contre. » Rétorqua Simon avec un sourire malicieux. Il n’allait certainement pas se plaindre de plaire aux femmes ; c’était plutôt un avantage, quand on y pensait. Et puis, c’était un fait : il avait toujours eu du bagout, toujours discuté et séduit, toujours été taquin. Il voyait tous ces mécanismes comme des jeux, des challenges, des défis à relever. Et il était persuadé que Mavis possédait aussi cet esprit de compétition ; il suffisait de voir son air faussement innocent et son petit sourire en coin pour comprendre qu’elle n’était pas insensible à l’idée de relever un défi. Elle lui tendit une main, qu’il serra volontiers. Il ricana en l’entendant parler du gain, et suggéra, goguenard : « Que dirais-tu d’un tatouage ? » Si ses souvenirs étaient exacts, l’étudiante en médecine lui avait dit n’avoir jamais osé franchir le pas. Mais accepter un tel challenge serait donc osé de sa part. « Beau joueur, je te laisserai le choix du motif. » Précisa Simon avec un clin d’oeil complice. Pour sa part, il ne prenait pas beaucoup de risque : son corps était déjà bien marqué par les dessins et autres phrases au sens plus ou moins énigmatique. « Et je t’accompagnerai, si l’aiguille te fait vraiment trop peur. » Il se moquait gentiment d’elle, et de cette crainte que nombreux étaient à partager. Leurs mains se dénouèrent, tandis qu’elle faisait état de sa vie occupée pour justifier son manque d’intérêt pour les potentiels nouveaux numéros qu’elle pourrait recueillir. « C’est vrai, c’est ce que tu as dit. » Déclara Simon en penchant légèrement la tête. « Qu’est-ce que tu fais, quand tu décides de t’accorder une parenthèse dans ta vie occupée ? » Demanda le brun en arquant un sourcil. Et il ne parlait pas de sport ou de cuisine ; il parlait clairement de l’aspect sentimental de sa vie privée. « À part m’appeler à la rescousse, bien sûr. » Il se redressa, remettant une distance nécessaire entre eux.


« Peut-être que tu me manqueras moins, parce que j’aurais entre temps découvert que tu étais Cruella d’Enfer. » Il savait que Mavis Barnes avait un caractère bien trempé, et qu’elle ne se laissait pas marcher sur les pieds. Naturellement, ça ne faisait pas d’elle une hystérique voleuse de chiens ; mais il n’avait aucun mal à l’imaginer piquer ses interlocuteurs, si elle se sentait menacée pour une quelconque raison, ou si elle était simplement lasse. « Tu sais quoi ? Ne jamais dire jamais. » Répondit Simon en haussant les épaules. Il n’allait certainement pas prétendre le contraire, alors que c’était exactement ce qu’il avait en tête. À la place, il préféra la titiller : « Et tu n’as même pas pris tes jambes à ton cou. » Simple constatation. En fin de compte, peut-être que l’idée d’être embrassée pour fêter dignement la nouvelle année ne lui déplaisait pas. « Goût du challenge, furieuse envie, ou naïveté enfantine ? » Il s’attendait à ce que son interlocutrice opte pour la troisième option. Il s’esclaffa quand il l’entendit indiquer qu’elle était redoutable, et secoua la tête : « Qu’est-ce que je risque, franchement ? » Elle avait une aisance financière qu’il n’avait pas, elle vivait dans un quartier plus chic que le sien, et il n’avait rien à cacher — ou plus exactement, rien qui ne pouvait être trouvé dans son appartement. « Excepté peut-être un jugement sévère sur ma façon de vivre, admettons. » Parce qu’il n’était pas l’homme le plus organisé du monde, et que son frigo débordait de conneries à manger. Pour le reste, en tant que célibataire, il ne s’en sortait pas trop mal. Il déposa une main sur son torse, et afficha une moue offusquée : « M’enfin Barnes, quelles idées as-tu en tête, franchement ? » Ils se taquinaient, se moquaient gentiment de l’autre, et se titillaient sur des sujets sous-jacents à leur présente conversation. « Tu me prends pour un dépravé ? » Il ferma les yeux, et secoua vigoureusement la tête. Aucunement choqué, mais plutôt sincèrement amusé par la situation. « Ce n’est pas parce que je te fais venir chez moi un soir de Saint-Valentin que je vais te sauter dessus. » Sauf si elle n’était pas contre l’idée, évidemment. Pour cette nouvelle année, Simon avait pris une bonne résolution : se montrer davantage entreprenant en sa compagnie, et occulter les doutes qui pouvaient parfois l’assaillir. Mavis n’en était responsable en rien ; c’était lui, qui avait des soucis à régler. « Vendu. Je t’épargnerai le combo bougie - pétales de rose, promis. » Déclara-t-il avec un clin d’oeil. La pizza et la glace remplissaient déjà suffisamment de clichés à eux seuls ; pour le reste, ils s’en passeraient. « Il n’aime pas trop partager, je crois. » Concéda le tatoué avec un sourire amusé. « Seul Ruben est un peu près épargné par ses humeurs. » Sans doute était-ce lié au fait qu’il l’avait beaucoup vu, lorsqu’il n’était encore qu’un chaton. Ou peut-être parce que Ruben n’hésitait pas à se montrer généreux quand il s’agissait de le nourrir. « Un gin-tonic. » Répondit-il, alors que Mavis se penchait par-dessus le comptoir pour passer leur commande au serveur. « Alcool pour toi ce soir, ou tu restes raisonnable ? » Demanda le brun, alors qu’elle se retournait finalement vers lui.

« Voilà quelque chose que je te déconseillerais vivement, quoiqu’il en soit. » Rassura Simon en secouant la tête. Se faire tatouer un prénom, des initiales, un visage… Si à un moment donné, cela pouvait sembler être une bonne idée, l’Australien était loin d’en être persuadé. Certes, il avait toujours la possibilité de faire recouvrir le tatouage, si les choses s’envenimaient un jour. Mais… Non, quoiqu’il en soit, il n’était pas convaincu. « Je te suggérerai plutôt un mantra, ou un animal fétiche. Bref, un truc qui a du sens pour toi. Et de préférence à un endroit discret. » C’était comme ça qu’il avait commencé, pour sa part, avant d’y prendre définitivement goût et d’avoir le corps habillé par plusieurs dizaines de tatouages. Ses lippes s’étirèrent en un sourire malicieux lorsqu’elle lui fit remarquer que sa proposition n’était très fair-play. Il haussa les épaules, et déclara : « Je n’avais pas saisi qu’il y avait une notion de fair-play qui entrait en compte. » Leur jeu n’ayant aucun règle pré-établie, le champ des possibles était donc largement ouvert. Mais Mavis n’était ni naïve, ni stupide : elle n’allait pas se laisser berner facilement. Simon, au travers de leurs différentes rencontres, avaient aussi remarqué qu’elle avait l’art et la manière de botter en touche, quand il s’agissait de divulguer une information plus privée. Elle le faisait toujours avec malice ou élégance, s’extirpant d’une situation par une pirouette habile. Dans le cadre de son travail, il n’aurait pas hésité à titiller à son interlocuteur, à insister jusqu’à ce qu’il craque, à retourner le couteau dans la plaie. Dans sa vie privée, il faisait preuve de nettement plus de souplesse : lui-même détestait avoir l’impression d’être oppressé. Partant du principe qu’on ne faisait pas aux autres ce qu’on n’aimait pas vivre soi-même, il prenait son mal en patience et choisissait d’attendre. « Et il y en a beaucoup qui rôdent ? » Demanda Simon en arquant un sourcil, alors que ses lèvres s’étiraient avec malice. Probablement plus qu’on ne pouvait le penser. Il pinça son pouce et son index, qu’il fit glisser devant ses lèvres en appuyant le tout d’un clin d’oeil complice. Motus et bouche cousue : promis, il ne dirait rien. Chacun avait droit à son jardin secret.


« La femme de ma vie, carrément. » Dit-il en faisant la moue. « Ça va les chevilles ? » Demanda Simon, après avoir levé les yeux au ciel et secoué la tête. Il y avait bien longtemps qu’il avait arrêté de se projeter dans le futur, quand il rencontrait une femme. Aux yeux de ses amis, il était l’éternel insatisfait : incapable d’avoir une relation stable, incapable de tomber amoureux. Bien sûr, il avait eu des coups de coeur, des sentiments ambigus, des attaches plus profondes que d’autres. Mais avait-il jamais été amoureux ? Il s’était souvent posé la question, sans être tout à fait certain de la réponse. Mais à défaut de s’engager franchement avec Mavis, continuer de flirter et partager quelques baisers lui semblait être une bonne première étape. « Cet appel du pied, c’est indécent ! » S’exclama le tatoué, en partant dans un léger rire. Il nota cependant que l’idée ne lui était pas déplaisante — il était persuadé que si tel avait été le cas, il aurait eu droit à une réaction nettement plus franche, et nettement moins taquine.


Simon n’aurait pas parié un centime sur cette fin de soirée, et ce début de nouvelle année. Et pour cause : avec Mavis, il était difficile de savoir sur quel pied danser. Un pas en avant, deux en arrière : il tâtonnait toujours, se montrant tantôt hésitant, tantôt audacieux. Comme lorsqu’il l’avait invité à passer la Saint-Valentin en sa compagnie, si d’autres projets ne lui incombaient pas. Manière judicieuse d’essayer d’en savoir davantage sur l’état de sa vie sentimentale — comme bien souvent, elle avait été plutôt évasive sur le sujet. Il gloussa en la voyant se moquer de lui, main posée sur le coeur, et air théâtral joliment imité. « Tu te rends compte de la chance que tu as ? » Puisqu’il s’était fait passer pour un bon samaritain, autant poursuivre sur cette voie. Spontanément, il ne dirait pas qu’il faisait partie de la catégorie des « gars biens ». Pour autant, cela faisait-il de lui un homme malhonnête ? Pas franchement non plus. « Nier une éventualité ? Pas mon genre. » Concéda Simon avec un sourire malicieux, alors qu’il plongeait son regard dans celui de Mavis. « Madame est trop aimable. » Répondit le tatoué avec un clin d’oeil, alors qu’elle acceptait de lui accorder le bénéfice du doute quant à ses intentions. Ils parlèrent ensuite du chat de Simon, évacuèrent rapidement le sujet Ruben, et interpellèrent finalement le barman. En attendant que ce dernier ne s’occupe d’eux, Mavis divagua sur un potentiel petit-déjeuner partagé. « Demi-pension ? On ne se refuse rien. » Fit remarquer le brun en arquant un sourcil. « Mais je devrais avoir de quoi te nourrir, je pense. » Et au pire, il lui resterait toujours l’option de sortir aller chercher quelques viennoiseries à la boulangerie, en attendant que la belle au bois dormant n’ouvre un oeil. Le barman enregistra leurs deux commandes, et se détourna d’eux pour leur préparer leur breuvage respectif. « Mavis Barnes se laisse donc parfois tenter. » Déclara l’ancien agent de police avec un sourire goguenard. Et il ne parlait pas uniquement d’alcool, évidemment. Il trinqua avec elle quelques instants plus tard, plein d’insouciance.


L’heure fatidique du passage à la nouvelle année se rapprochait, et la soirée battait son plein. S’il avait été difficile de se frayer un chemin jusqu’au bar pour commander, c’était désormais une mission presque impossible : la foule s’entassait, riant, dansant, chantant, profitant des dernières minutes de cette année. Simon abandonna son verre vide sur le comptoir, et tendit une main à Mavis avant de fendre la foule, espérant trouver un endroit moins compact. Peine perdue ; comprenant qu’il n’obtiendrait pas gain de cause, il se retourna vers la blonde et la fit tournoyer sur elle-même en souriant. Elle brillait de mille feux, dans son haut à sequins, parfois éclairée par la lumière artificielle du lieu. « Tu ne m’as même pas dit : quelles sont tes bonnes résolutions pour la nouvelle année ? » Demanda-t-il après s’être penché légèrement vers elle pour entendre la réponse.

Noyés dans la masse de personnes étant venue pour fêter le passage à la nouvelle année, et le bruit assourdissant des conversations et de la musique qui était jouée de plus en plus forte, Mavis et Simon s’éloignèrent finalement du bar pour essayer de trouver un endroit plus calme. C’était vraisemblablement peine perdue ; la piste de danse était déjà bondée, et ils devraient jouer des coudes pour la traverser. À moins que… Le tatoué s’empara de la main de Mavis, avant de la faire tournoyer sur elle-même et de la rapprocher définitivement de lui, grandement aidé par les bras de la principale concernée qui se nouèrent autour de son cou. Il ricana, et se mordit la lèvre inférieure comme s’il avait commis une grave erreur. « Vraiment ? » Interrogea Simon en arquant un sourcil, faussement inquiété, mais en réalité loin d’être peiné par la remarque de Mavis.  Regrettait-il de s’être montré un brin plus tactile, et de l’avoir fait tournoyer l’espace de quelques secondes ? Absolument pas. Il y avait déjà un moment qu’entre Mavis et lui, une double lecture était possible. Quelque chose couvait, c’était indéniable : il suffisait de voir comment ils se regardaient et se taquinaient pour deviner une forme de rapprochement. « Pars du principe que je n’ai pas eu le temps d’actualiser mes données à ce sujet, alors. » Précisa-t-il en souriant. Elle pourrait lui opposer que c’était un comble, de ne pas être à jour, quand on travaillait dans la police et que l’on admettait avoir une appétence pour le monde informatique. Si on exceptait les membres du PSI qui composaient le reste du groupe, personne n’avait connaissance des capacités de Simon dans ce domaine : pour la plupart, il était un nerd parmi tant d’autres. Les doigts de Mavis, qui chatouillaient agréablement sa nuque, le firent immédiatement redescendre sur terre : il n’allait certainement pas songer au travail ce soir, alors qu’il était en bonne compagnie et libéré de ses fonctions secrètes. « Mavis la tornade. » Souffla l’Australien en souriant, aucunement surpris par le tempérament volcanique de son interlocutrice. Elle s’affirmait, était fière d’elle, avait la tête haute : des traits de caractère qui n’étaient pas pour déplaire au tatoué. « Tu vas tout ravager sur ton passage, il n’y a pas de doute à avoir. » Fit-il remarquer en inclinant légèrement la tête. Et il espérait pour elle que ses objectifs seraient atteints, et qu’elle rencontrerait le succès escompté. Il n’ignorait pas ses ambitions estudiantines, et ses projets d’avenir qui en découlaient. « Eh ! » S’exclama-t-il, faussement offusqué par sa remarque concernant ses propres bonnes résolutions. « J’ai arrêté d’en prendre des vraies depuis quelques années. » Admit-il en haussant les épaules, avant de confesser avec un sourire coupable : « Parce que c’était toujours les mêmes, et que je n’étais pas foutu de les tenir plus de quarante-huit heures. » Il fit la moue ; il n’y avait pas de quoi en être fier. Arrêter de fumer était probablement la bonne résolution qui était revenue au sommet de sa liste, à chaque nouvel an — mais la motivation n’avait jamais réellement été au rendez-vous. En revanche, il y avait bien quelque chose qui le motivait particulièrement ces derniers temps. Quelque chose qui lui trottait dans la tête, et qu’il comptait bien mettre en oeuvre pour ne rien regretter. Alors, s’affranchissant de toutes les règles de bienséance, il pencha la tête vers Mavis Barnes et déposa chastement ses lèvres sur les siennes, goûtant au fruit défendu. Finalement, il n’avait pas attendu que l’heure tourne pour accomplir son méfait ; si la nouvelle année se profilait à l’horizon, les douze coups fatidiques n’avaient encore pas sonné la fin de cette ancienne ère. Qu’importe : quand une occasion se présentait, il fallait la saisir. Il relâcha la légère pression qu’il avait exercé sur ses hanches, et se décolla lentement d’elle. Faisant durer le plaisir de l’avoir entre ses bras, de sentir sa chaleur contre lui, et son odeur chambouler ses terminaisons olfactives. « Tu vas appeler la brigade des moeurs ? » Questionna l’ancien agent de terrain avec un sourire amusé, son front appuyé contre le sien. Il faisait naturellement référence à la remarque qu’elle lui avait fait précédemment, concernant le fait de demander l’autorisation avant de faire quelque chose. Le mystère de cette enquête ne demeurerait pas longtemps ; il suffirait d’interroger les bonnes personnes pour que les faits soient révélés. « Je plaiderai coupable, de toute façon. » Souffla-t-il en se rapprochant à nouveau de Mavis, prêt à réitérer l’expérience. Profitant de chaque seconde, de chaque instant. Profitant parce qu’après tout, il avait lui aussi le droit de goûter à un peu de bien-être et de légèreté dans sa vie. De toute façon, que risquait-il ? C’était un jeu presque innocent, sans conséquence.