L'envie d'incendier Gary lui avait traversé l'esprit, puis elle s'était raisonnée en se rappelant que c'était elle qui avait insisté jusqu'à ce que son supérieur ne craque et ne l'informe quant à l'appel d'Amos Taylor. Ce dernier avait déploré le goût de l'effort de la jeune femme et elle l'avait retenu. Ou s'était retenue. Ils avaient beau ne pas se connaître, leur échange avait gagné en familiarité de manière assez rapide, leur politesse était surjouée, presque parodique, les piques étaient à la fois réelles et courtoises. Un délire. Par fierté, elle n'avait pas bisqué, bien que ses yeux avaient peut-être incendiés Amos sans qu'elle ne s'en rende compte; River avait beau s'être établie en quasi opposition stricte à sa famille, elle possédait néanmoins l'orgueil des Shears.
Le goût de l'effort, hein ?

Gary, tout va bien, merci de te porter garant, je rentre chez moi maintenant, on se voit dans la semaine. Elle ne lui avait pas laissé le temps de répondre qu'elle raccrocha et s'installa dans sa voiture pour reprendre la route en sens inverse.
La scène se bouclait dans sa tête, les mots et le ton de l'homme aussi, comme si il était à côté, alors qu'il l'avait quittée depuis plusieurs minutes déjà. Alors que la journaliste n'avait presque pas bronché au moment où le grand homme mystérieux semblait la mettre en garde, son cœur s'emballait un peu plus à chaque fois qu'elle se refaisait la scène. N'importe qui aurait parié sur la peur, l'hésitation, l'appréhension, avant de voir l'espèce de sourire qui se dessinait sur les lèvres de l'Australienne sans même qu'elle ne s'en rende compte. C'était l'excitation. Le frisson qu'elle n'avait pas senti depuis des années, le vertige d'une affaire plus sinueuse encore que ce qu'elle s'était imaginé, d'une affaire qui devenait de plus en plus stimulante alors qu'encore aucun élément réellement utilisable n'avait fait son apparition.


Durant les quinze jours qui séparaient sa première entrevue avec Amos Taylor, River s'était agitée comme elle n'avait plus eut l'occasion de le faire depuis des années, ou du moins avec un investissement personnel plus accru. S'enfermant dans son bureau, passant des heures au téléphone, quittant la maison que pour aller récupérer son fils à la crèche ou pour aller rendre visite à des contacts utiles et tout cela sous le regard amer de son mari.
Bien décidée à se présenter à l'heure au rendez-vous convenu avec le moteur de ses agitations récentes, ou trop impatiente pour s'inquiéter d'être trop en avance, River arriva au restoroute avec une trentaine de minutes devant elle. Entrant dans l'établissement avec une décontraction évidente, la journaliste n'ôta pas ses lunettes au moment de s'installer à un carré, ni au moment de commander son café. Payant d'avance afin de s'assurer de n'être pas interrompue plus que de nécessité lorsqu'elle présenterait ses trouvailles à celui qui l'avait prise de haut, River profita de son avance pour calmer son euphorie.

Au moment où il s'assied puis la salue, la fine brunette ôte ses lunettes de soleil et le salue à son tour. La question qu'Amos pose avec précipitation la satisfait, si il avait fait de la rétention d'informations lors de leur première rencontre et l'avait encouragée à se débrouiller par elle-même, le grand brun semblait presque s'en mordre les doigts. Ça ... dit-elle en posant sa main sur l'enveloppe, c'est de quoi vous faire parler Amos. Sur ces mots elle attrape sa tasse de sa main libre afin de prendre une gorgée de café. Vous ne buvez pas ? demande-t-elle soudainement, comme si elle venait tout juste d'y penser, avant de reposer sa boisson sur la table, sans jamais ôter son autre main de l'enveloppe. Mais je préférerais largement que vous me répondiez de vous-même. Qu'est-ce qui peut pousser un vétéran à fréquenter un repris de justice ? A boire au point de se mettre en danger ou encore de déserter son studio pour un bateau ? Seule la première de ses questions compte réellement, mais elle lui fait comprendre par les autres qu'elle sait faire son travail, ne craint pas l'effort et que la relation entre lui et Mitchell est sensiblement plus intéressante que celle qu'il lui imaginait avec l'Américain. Ainsi, elle lui laissait le bénéfice du doute, bien qu'étant donné les aspects de sa personnalité qu'il lui avait dévoilé la première fois, River était prête à parier qu'il la pousserait, sans le savoir, à révéler le contenu de l'enveloppe qu'il regardait avec appréhension.  

 Il semble acerbe, peut-être que ce n'est pas volontaire mais peu encline à envisager le meilleur avant le pire, River ne répond pas. Elle plisse les yeux quand il souligne le fait que ce soit elle qui fréquente Mitchell. Ce dernier était-il aussi dupe qu'Amos ? Ou était-ce Amos qui surjouait le doute pour la faire parler ? Ils n'avaient beau n'être que deux, la situation se transformait en impasse mexicaine inversée, ou quelque chose du genre. Il l'avait appelée, pour la lancer sur une piste, mais il ne lâchait rien et ne manquait pas de lui rappeler sa relation avec Mitchell. Alors, sans doute qu'il disait vrai le grand brun aux yeux clairs, celui qui malgré une physionomie singulière et inspirant la sympathie savait imposer tout le contraire par sa gestuelle. Si il s'inquiétait autant de la possible liaison entre elle et Strange, c'était sans doute car il avait réellement l'intention de baver sur ce dernier et qu'il ne pouvait se permettre de confier ses intentions et informations à quelqu'un qui pourrait les révéler sur l'oreiller. Mais River ne pouvait pas se permettre de lui révéler ses intentions plus qu'elle ne l'avait fait lors de leur précédente rencontre. Tout deux avaient gros à perdre, et tout deux avaient gros à gagner. Pour cette raison, elle le laisse d'abord l'insulter, le ramollissement tout ça. Aha ! Elle se retient de pouffer. Il est charmant Mitchell, mais qu'importe le jeu qui se trame entre River et lui, ce n'est pas cette aventure ou cette parodie d'aventure qui va la détourner de son travail. Pas encore. Pas si dix ans de mariage et un enfant n'avaient pas réussit à le faire. C'est vous qui êtes ramolli, je suis ici pour Mitchell pas pour vous, c'est bien ce que l'on s'est dit la dernière fois il me semble ? Qu'elle lui signifie quand il se détourne sans hésiter, fier de la laisser en plan, fier de jouer le mystérieux.
Si c'était l'idée de sentiments amoureux ou d'euphorie sexuelle trop intenses entre Mitchell et River qui inquiétait Amos, elle le rassurerait. Elle le rassurerait après. Quand il aura, à son tour, montré patte blanche ou fait preuve d'un minimum de considération envers le temps qu'elle lui consacrait pour encore rien de plus que du vent et du suspens -bien qu'en vérité, ce qui poussait la journaliste à lui accorder ce temps c'était plus son caractère obsessionnel qu'une quelconque manipulation vaudou de la part du vétéran-.
Elle est belle. Qu'elle lâche d'une voix douce avant d'attraper l'enveloppe entre ses deux mains, de l'ouvrir et d'en sortir une photo. Photo sur laquelle on la voit sortir du club la blonde, pas très grande en taille mais grande en charisme. Elle a ce je ne sais quoi que les stars ont qui font qu'à l'écran on leur prête le mètre quatre-vingt alors qu'elles n'en dépassent pas le soixante.  Même moi je craquerais. Qu'elle ajoute, étrangement sincère, en sortant une photo d'eux deux. Vous pensez que son histoire est plus intéressante ? Une troisième photo, ils sont en voiture cette fois.
Le regard de River reste rivé sur les trois clichés pendant quelques secondes avant qu'elle ne dépose l'enveloppe, encore pleine d'autres arguments, à feu la place d'Amos.

Toujours plus prompt à la contrarier qu'à accorder ses violons avec elle, le vétéran se sent à nouveau l'obligation de "corriger" les dires voire les actes de River. Qu'il l'appelle Baumann plutôt que Shears l'irrite intérieurement. C'était vain de croire que de donner le nom de son père à son fils protégeait ce dernier des personnes que la journaliste pouvait éventuellement contrarier. Au fond, elle savait que c'était presque une fausse excuse, ou la pression familiale, peut-être un mélange de deux. Un sentiment de fierté inexplicable que Amos Taylor venait de bafouer tout en avançant ses pions, "rabaissant" ainsi l'oeuvre d'une vie de travail acharné à un mariage, un accomplissement social dont River s'était toujours sentie détachée.
Sans se démonter, celle-ci dévoile alors le contenu du paquet, plutôt convaincue qu'à l'inverse de ce que le grand brun venait d'affirmer, elle ne s'était pas trompé d'enveloppe. A vrai dire, elle avait presque sortie celle-ci de son chapeau, à en croire l'air abattu de celui qui rapidement fini par tomber sous les balles pour mieux revenir s'asseoir. Touché. Si un sentiment de satisfaction saisit instantanément River, une partie d'elle compatis avec l'homme qui lui fait face. Pas pour ce qu'il est, encore un inconnu peu agréable dont elle ne se sent avoir aucun point en commun; mais pour celui qui dans ses frasques peut entraîner un être cher. C'est beaucoup d'exigences pour la position dans laquelle vous vous trouvez, vous ne trouvez pas ? Elle est calme, si il prend cette réponse comme une volonté d'être insolente, il s'y trompe. River formule ses pensées comme celles-ci prennent forme dans son esprit. Il s'est r'assit, sans réfléchir, et exige encore et encore.
Après un bref soupir qu'elle s'essaie plus ou moins de camoufler, la journaliste fait un mouvement de tête en direction de l'enveloppe qu'elle avait déjà déposée à la place d'Amos. Ouvrez.
Après une dernière gorgée de café, elle passe à table.
Vous voulez jouer franc jeu ? Je vais l'être. Cette enquête, je ne vous ai pas attendu pour la lancer par conséquent je n'ai pas besoin de vous pour la mener. Mais si vous m'avez approchée, ce n'est pas par le fruit du hasard et je sens bien que ma relation avec Mitchell vous dérange, il est votre cible comme il est la mienne. Mettons de côté les piques inutiles concernant mon mariage qui ne vous concerne en rien, et ne concerne pas plus l'affaire par ailleurs. Ça, c'est presque vrai. Car lorsque l'Australien avait mentionné le sacrifice du mariage Shears-Baumann pour Strange, c'était si idiot que River en aurait presque rit, mais lorsqu'il avait modifié son hypothèse pour un sacrifice en faveur de l'affaire il avait été trop près du but. Trop près des réalités du foyer de River et des tensions qu'ils avaient connus, mis derrière eux, et qu'elle déterrait à nouveau dès le jour où elle avait rencontré Mitchell. Vous savez, le mariage est certes une chose fragile parfois, mais je n'irais pas mettre le mien à la poubelle pour un homme dont je ne sais rien et certainement pas pour Strange, car il est l'objet de mon papier et ce qui passe avant tout, vous devriez le savoir, précise-t-elle, pensant au coup de poignard qu'elle avait donné au parti politique de son propre père et à l'entourage proche de ce dernier en révélant les instigateurs du réseau pédophile de 2012. ... C'est mon travail. Il faut au moins un accident de voiture pour m'arrêter. Qu'elle ajoute, presque lasse mais intéressée par la réaction d'Amos, afin de savoir si ce simple sous-entendu éveillera des souvenirs en lui ou si ses informateurs ont leur limites. Alors Mitchell, si je peux l'endormir par quelques battements de cils... Pourquoi pas ? Conclut-elle, sans ironie, sans frime. Froide et pragmatique, méthodique même, car elle est encore peu habituée à jouer de ses charmes et pourtant si décidée à tenter tout et son contraire pour s'approcher du but.

Vous n'alliez pas partir ? Rétorque-t-elle lorsque Amos semble reprendre ses esprits avec une mine presque fière qui lui donnerait presque le vertige à elle. Il la ballade. Il me ballade. Les yeux de River se baissent dans la direction de l'enveloppe qu'il lui renvoie et la jeune femme passe deux doigts sur sa tempe, ne cachant pas toute l'exaspération que l'homme lui faisant face lui inspire à ce moment précis. Notre première rencontre semblait plus prometteuse. Admet-elle, Vous avez demandé à me voir, je viens, vous me demandez d'enquêter sur vous, je le fais, vous voulez connaître ma relation avec Mitchell Strange, je vous la donne, et pourtant vous faites encore la fine bouche. Si il ne voyait pas l'ingratitude même de son propre comportement, River commençait sérieusement à regretter sa curiosité. Si elle devait trimer, elle le ferait. Alors, évidemment, ce serait plus simple si il pouvait l'aider, lui qui prétendait tout savoir et certainement que c'était ce même savoir qui le poussait à être aussi hargneux, mais qui des deux avait approché l'autre ?  
Ses mots l'agacent. Elle serre les mâchoires le fixant droit dans les yeux alors que moult insultes tournaient dans sa tête mais il est à ce moment sans doute capable de les lire dans son regard puisque River n'est pas habituée à réprimer ses pensées. Finalement elle sourit, faussement, son sourire annonce la paix, ses yeux l'emmerde.
Et vous êtes détestable. Vos petits secrets à la mord-moi-le nœud commencent à me fatiguer, je n'ai pas attendu après vous, trouvez moi arrogante et présomptueuse je m'en moque. Je ne vous ai pas attendu pour exister. Elle attrape l'enveloppe et la renverse sur la table, le contenu se déversant en désordre, plus de photos de Raelyn, mais aussi ses informations récoltées sur Mitchell, la nature de certains immeubles, le lien entre la location de la blonde et le fait que Mitchell en soit propriétaire, des pages agrafées du compte-rendu de son premier entretien avec Mitchell, la prison, des photocopies de ses notes personnelles concernant le fil qu'elle comptait mener quant à l'enquête, notamment en contactant Anwar. Si vous pensez encore que je suis capable de gâcher une affaire sur laquelle je travaille c'est que vous êtes plutôt mal renseigné, siffle-t-elle alors, afin de ne pas apporter plus d'attention sur eux bien qu'ils soient seuls la serveuse pouvaient toujours s'ennuyer assez pour tenter de les écouter. Elle ne se doute pas de ce qui l'inquiète, maintenant qu'elle est honnête. Elle ne voit pas que la possibilité même de passer par tout les chemins pour son affaire alors qu'elle a bague au doigt et enfant à l'école puisse inquiéter, elle ne sait pas qu'il n'est pas clair pour lui comme ça l'est pour elle que lorsqu'elle a un but en tête River ne l'a pas ailleurs; que son indépendance et son côté obsessionnelle a toujours été un poison pour ses proches mais un réel atout pour sa carrière. Que vos motivations soient égoïstes ou pas m'est égal, alors je vous prierez de cesser de porter vos jugements sur les miennes.

C'est de plus en plus évident qu'il aime s'entendre parler et se mettre en scène. Lui dont il est évident qu'il porte Mitchell Strange en disgrâce a finalement quelques points en commun avec l'Americain. Avec elle aussi si on l'écoute, puisqu'il lui reproche son arrogance quand il la personnifie si bien lui-même. Un vague instant elle entendrai presque la voix de Luke lui rappeler combien il était temps de cesser de s'épuiser physiquement et moralement, de se mettre en danger et de rencontrer des types louches au bord de l'autoroute. Il lui rappellerait que sa carrière était déjà toute tracée, que les trophées étaient déjà tombés et qu'il était temps de se concentrer sur leur famille. Pour toutes ces raisons, cet entretien resterait privé, après l'énergumène qui lui fait face elle ne tient pas à se prendre une deuxième morale de la part de son époux. Putain. Si seulement il était possible d'envoyer un robot ou un subalterne, un pigeon voyageur même pour faire face à l'humain cela lui enlèverait une belle épine du pied. L'air suffisant du grand brun l'exaspère et son esprit se détache finalement de ce pourquoi elle vient presque de s'emporter. Cause toujours, lui dirait-elle volontiers, lui dit-elle déjà ne serait-ce qu'en portant son regard ailleurs que dans le regard bleu du fanfaron. Ce que vous faites de votre mariage et avec qui vous êtes prête à coucher pour obtenir une promotion, je m’en tape. Il rattrape son attention et River fronce les sourcils à ces mots. Coucher ? murmure-t-elle, à elle-même plus qu'à lui, frappée par l'évidence qu'elle tente d'ignorer depuis des semaines. Ce ne sont vraiment pas ses méthodes, et pourtant elle l'a sous-entendu elle-même. A-t-elle réellement pensée pouvoir séduire sans ouvrir les cuisses ? Oui. Est-elle prête à le faire maintenant que l'éventualité est amenée ? Peut-être. Réalise-t-elle maintenant que ce sont ses valeurs qui partent à vau-l'eau en même temps que son idée d'approche ? Elle aurait souhaité que non. Non, non, non. Le plan, c'est de se rendre assez désirable, c'est de planter l'idée en Mitchell, lui faire tourner la tête, se rendre inaccessible, devenir une obsession pour lui, passer à l'acte ? Jamais.
Jamais ?  2017 lui revient en pleine figure, et le souvenir de sa seule et unique -pourtant déjà de trop- faute envers Luke rend la rencontre avec Amos encore plus désagréable. Elle n'avait pas envisagé cela possible. Vice de procédure. Qu'elle répond platement, Je suis dans l'attente d'une rencontre avec un inspecteur de police à ce propos. A la dernière phrase d'Amos, River ne pût s'empêcher de rouler des yeux. Pourquoi pensez-vous que je m'intéresse à lui ? Il la pense vraiment stupide le con. Mon journal m'a demandé d'écrire un torchon sur le nouvel investisseur immobilier de la ville, j'ai rencontré Mitchell et ses réponses ne peuvent être plus vague. Il cherchait à noyer le poisson, il espérait sans doute m'endormir avec un tas d'anecdotes presque passables. Presque, car elle décortiquerait chaque morceau. J'ai vu l'allure de son restaurant, écouté son récit du "chanceux" qui a fait sa fortune presque par erreur, ou par la magie du Saint-Esprit, je n'y ai pas crût et, comme toujours j'ai suivi mon instinct.

Une question oui, mais River n'est pas certaine de vouloir réellement la lui poser à lui. Pourtant, il est sans doute actuellement le mieux placé pour l'aiguiller sur l'approche à mener auprès de l'Américain mais rien dans leur rapports actuels n'encourageait River à dévoiler plus encore ses doutes auprès d'Amos. Alors elle préfère passer son tour, ignorant la réaction de son interlocuteur, estimant que pour l'heure ce sujet ne nécessitait qu'un face à face entre elle et son miroir. Anwar Zehri. Dans une autre vie, Amos aurait pût être enseignant, il s'essaie à la maïeutique et River consent. Tout est là. Répond-t-elle alors, désignant à nouveau l'enveloppe et le compte rendu de ses recherches, prouvant ainsi sa bonne volonté. Les entrées du restaurant ne suffisent pas à payer autant de biens immobiliers, et les finances du restaurant ne sont pas en accord avec les entrées. Ajoute-t-elle quand même, au cas où il aurait mal aux yeux pour lire, avançant ainsi le plus gros de son avancée et de ses soupçons. Elle acquiesce lorsque Amos avance le talent de Mitchell pour la dissimulation, non pas qu'elle en ai la preuve directe, seulement que l'affaire avait beau être entre ses mains que depuis quelques pauvres semaines, ses trouvailles lui semblaient tantôt précieuses comme tantôt maigres et déprimantes. Je n'arrive pas encore à remonter précisément au delà de son arrivée en Australie, hormis les courses de motos. Ajoute-elle enfin, cette fois-ci de plus en plus investie dans la démarche professionnelle, calmée de ses précédents émois et volontaire à brainstormer. Au blanchiment d'argent, j'avais vraiment besoin de le préciser ? S'étonne-t-elle presque, à peu près amusée avant d'à son tour faire revenir la serveuse, trop énervée précédemment pour se faire re-remplir sa tasse, elle lui demande désormais. Le corps de la journaliste se détend, ses sourcils se froncent non plus par contrariété mais sous le poids de la réflexion. Vous avez mentionné ses failles..., avance-t-elle, définitivement moins irritée par la présence d'Amos. Pour le bien de son enquête, elle ne serait pas rancunière, mais cette attitude n'est pas calculée. Parce qu'après les tomates qu'ils se sont envoyés dans la tête, River trouve un certain plaisir à cette discussion, car celle-ci tourne autour de l'affaire et les rapports humain l'importent peu dans ces situations. C'était tout ce qu'elle souhaitait, parler de l'affaire, creuser le chemin vers les réponses, et ce qu'importe ce que pouvait lui inspirer son interlocuteur, Amos comme un autre. Je peux en utiliser ? Des failles, puisque de toute manière ils avaient mentionnés le sujet depuis un moment déjà, peu encline à demander quoique ce soit quelques secondes auparavant, l'intérêt lui faisait passer outre tout le mal qu'elle avait pensé d'Amos et tout le lot de tensions qu'il lui avait provoqué comme il était en train de les dissiper en coopérant.

Gamine elle ferait presque un bond, rassurée à l'idée de pouvoir faire confiance à son flair. Mais elle n'en fera rien, parce qu'il est beaucoup trop tôt pour crier victoire, parce que Amos dit encore sans nommer, parce que River sait que même en sachant parfois que l'on fait bonne route, le chemin n'en n'est pas moins semé d'embûches. Et à ce stade, River ne sait même pas encore d'où provient l'argent sale de Strange.  
Elle perçoit une lueur paradoxalement sombre dans le regard d'Amos quand il mentionne ses volontés vis-à-vis de l'Américain. Et vous, où est votre place ? Demande-t-elle sans arrière pensée, bien que réellement curieuse, espérant à nouveau ne pas faire face à un règlement de compte plus vicieux qu'une balle entre les deux yeux. Concernant les failles, et le reste, River écoute sans broncher, ses sourcils s'arquant un peu plus ou un peu moins selon les révélations, ou du moins les morceaux de révélations. Qu'avez-vous à perdre ? Les intentions d'Amos lui semble à la fois étranges et censées. Si il côtoie Strange, sans doute a-t-il besoin de couvrir ses arrières et d'agir via un intermédiaire -elle, visiblement-, mais ce qui l'interroge c'est le fait qu'il veuille la ralentir. Vous voulez qu'il tombe sans vous mettre en porte-à-faux, soit, mais pourquoi me ralentir ? Jusqu'à ce que nous nous rencontrions rien ne nous reliait vous et moi. Perplexe. Il aurait pût la laisser mener son affaire, observant de loin si cela avançait, il aurait pût lui envoyer des informations anonymes, il aurait pût passer par bien des chemins sans avoir à interférer dans ses affaires à elle ni se soucier des siennes à lui.
Elle a un bref rire concernant le poker. Ennui. A essayer, un jour pourquoi pas. Il fait dans les paris illégaux ou dans le strip poker ? S'amuse-t-elle presque quand la réponse à sa précédente question semble tomber, peut-être. Souhait-il la ralentir pour la protéger elle ? Baignait-elle dans les exactes même affaires de Strange ? Hypocrite. C'est une prostituée ? Demande-t-elle alors, concernée par ce qu'il imagine suffire pour lui faire confiance, mais plus comme un accord tacite sous forme de piques. Une manière de dégager le sujet comme il le souhaite, comme ci elle ne comptait pas, tout en tiquant quand même. Ceci dit, si la réponse s'avérait positive, elle aurait pût être un bon témoin. Je ne suis pas contre la prostitution du moment que celle-ci est à l'autonomie et à l'initiative des travailleuses du sexe, alors j'imagine que Strange fait dans le proxénétisme. Précise-t-elle finalement, afin d'être certaine qu'il n'essayait pas de l'alpaguer avec une idée du féminisme datant de Mathusalem. Il les force ? Il y a du chantage ? Elles sont dépendantes ? Enchaîne-t-elle alors, pour dresser le portrait, voir si c'est si intéressant qu'il le sous-entend, si sa vendetta n'enverrait pas plutôt une flopée de jeunes femmes en prison pour "rien" , car elles en seraient les premières victimes. Mais dans son égoïsme il ne le voit pas. Puis, alors qu'elle fixe la photo de Raelyn sortant de l'immeuble elle ajoute, sans détacher son regard de la photo : Il les héberge. Et là, la limite morale est franchie. Tout est imaginable. Les prive-t-il de leur libertés ? Les place-t-il pour les avoir sous sa garde ? Fait-il même venir des filles d'autres pays ? River pousse un long soupir avant de redresser ses yeux vers Amos. C'est entendu. Elle lui tendrait bien la main afin d'en échanger une poignée, mais le contact physique n'a jamais été son fort, et l'idée ne lui a en réalité pas traversé l'esprit.