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@ichabod bates

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Dire qu’Ezra avait évité avec un soin tout particulier Ichabod durant les dernières semaines ne serait pas tout à fait un mensonge. Disons que depuis qu’ils avaient eu cette discussion plutôt portée sur le business tous les deux, le jeune homme ne se trouvait plus autant à l’aise aux côtés de son collègue qu’il avait pu l’être un jour passé. Ce qui était dommage à ses yeux, étant donné que le Bates lui avait presque littéralement sauvé la vie - mais il ne pouvait s’empêche de venir se rappeler la dette colossale qu’il avait envers lui désormais. Au moins, les soucis financiers du garage avaient été résolus en deux temps, trois mouvements, depuis le jour ayant suivi leur discussion où Ichabod lui avait déposé un sac rempli de billets. Sans faire le moindre commentaire ou poser la moindre question - parce-que c’était l’accord qu’ils avaient passé entre eux, ou plutôt que Icha avait fait en sorte qu’Ezra accepte - mais en écarquillant les yeux à la vue de quoi était rempli le sac, le jeune homme avait pu conclure les affaires qui attendaient de côté depuis trop longtemps désormais et ne plus en parler par la suite. Ca lui avait demandé quelques mouvements stratégiques pour qu’aucune mauvaise intention ne soit mentionnée à travers les échanges d’argent clôturés, mais il s’en était sorti.

Depuis, comme un enfant où un parent aurait réparé ses bêtises à sa place, Ezra préférait rester loin de son employé. Déjà, parce-qu’il avait mille et une question à lui poser et qu’Icha avait justement précisé qu’il ne désirait pas en entendre parler, mais aussi donc pour ne pas venir exposer la honte et la reconnaissance qu’il éprouvait en regard de cette situation et de son salvateur. Il observait de loin, faisait en sorte qu’ils n’aient pas à bosser sur les mêmes contrats, profitant de cette période de flou total dans son esprit pour régler aussi tous les rendez-vous qui avaient été mis de côté tant Ezra était plongé corps et âme à trouver une solution pour relever le garage.

Ce ne fut que lorsqu’une tête blonde, que le Beauregard n’avait jamais vu auparavant au garage ou ailleurs, s’en vient payer une visite à Ichabod qu’il vint prêter une attention un brin plus poussée envers les actions du Bates. Déjà, parce-que ce dernier avait cru bon de venir utiliser le bureau d’Ezra comme lieu de conversation avec une tiers personne qui n’était pas du garage comme s’il était chez lui - en considérant la somme qu’il avait investi dans le garage désormais, cette vérité n’était peut-être plus si fausse désormais -, mais également parce-que ce n’était pas le genre d’Ichabod de venir accueillir presque à bras ouverts une jeune femme au garage comme s’il accueillait une vieille connaissance. Et depuis le temps qu’il travaillait chez Ezra, cela n’était jamais arrivé, aussi bons pouvaient être les souvenirs du Beauregard en tous cas.

Alors, un matin alors que le mois de novembre touchait pratiquement à sa fin, ne sachant taire sa curiosité quand à cette dite visite plus longtemps, Ezra s’en vint rejoindre Ichabod qui travaillait sur le dernier contrat qu’ils avaient accepté, tenant deux gobelets de café à la main. « J’ai pas mis ni sucre ni crème, mais tiens, si t’en veux quand même. » Il vint poser le breuvage brulant sur l’établi du Bates, avant de tirer le tabouret le plus proche pour venir y poser, cette fois ci, son derrière, soufflant sur son café pour le refroidir. La question qu’il s’apprêtait pas la suite à poser, Ezra, était tout autant délicate qu’elle n’avait en réalité pas sa place sur un lieu professionnel. Il ne savait juste pas mettre sa curiosité trop longtemps de côté, et ne pouvait s’empêcher en même temps de se poser des questions sur la vie d’Ichabod - ce dernier étant extrêmement avare sur ce type de détails là. Et s’il ne pouvait poser des questions sur la provenance de l’argent fourni, il s’imaginait avoir le droit de venir titiller sur autre chose en guise de récompense pour se tenir à carreau sur tout autre sujet. Après avoir avalé une longue gorgée de café, Ezra finit par expirer plus longuement avant de relever son regard vers Ichabod, un sourcil haussé sur son front. « Mon bureau est ton nouveau lieu de rendez-vous avec les jolies demoiselles, maintenant ? »

Voir Ezra arriver avec un gobelet à la main n’est jamais une bonne chose. Il arrive toujours avec son petit sourire en coin ou sa démarche mal assurée, ce qui n’est une preuve de plus qu’il a quelque chose à annoncer ou à demander. Je l’observe du coin de l'œil et commence un jeu avec moi-même consistant à deviner quelle sera la suite des événements. La voiture attendra, c’est la seule certitude de cet après-midi. « J’ai pas mis ni sucre ni crème, mais tiens, si t’en veux quand même. » J’esquisse un sourire en coin - ce qui à ses yeux ressemblera à quelque chose d’aussi rare qu’incroyable. Pourtant, dans le but de ne pas lui faire perdre ses précieuses habitudes, je reprends bien assez rapidement sur un ton qui est éternellement le mien : « Tu sais bien te vendre, toi. » Lui ou ce qu’il a à proposer, c’est du pareil au même. J’attrape pourtant le verre sans sucre ni crème (ne manquerait plus qu’il soit aussi sans café) après avoir rapidement essuyé ma main contre le torchon. Mes empreintes se brûlent contre les rebords et j’ajoute un dernier mot tel un aveu. « Merci. » Je suis le premier à me moquer de lui et à le voir comme un enfant, mais le remercier ne me coûte absolument rien.

Si j’avais presque cru croire qu’il était devenu un adulte pendant la nuit et qu’il allait me parler d’un contrat ou d’un autre, d’une pièce ou d’une autre, voilà le Beauregard qui ne cesse de m’étonner. « Mon bureau est ton nouveau lieu de rendez-vous avec les jolies demoiselles, maintenant ? » Mes lèvres posées contre le verre manquent de recracher tout le café que j’avais commencé à boire. Mes yeux, eux, deviennent aussi ronds que des billes l’espace d’un simple instant. Ce n’est qu’après que je me rends compte à quel point Ezra aura finalement tout le loisir de mal interpréter ma réaction, à mon plus grand désarroi. « Elle n’est pas majeure dans certains pays du monde encore, fais attention à ce que tu dis. » Puisque je ne peux pas lui avouer toutes les raisons de cette rencontre ni même l’identité de la “jolie demoiselle” qui ne se conjugue qu’au singulier, je ne peux cependant pas m’empêcher de le prévenir avec mes gros sabots de père aussi protecteur qu’absent. Je savais que sa visite était une mauvaise idée tout comme je savais que le sourire d’Ezra ne valait rien de bon ; et parfois je jure que je préférais avoir tort sur certains sujets. « Le problème c’est qu’elle soit jolie ou que ce soit dans ton bureau ? » A cela, il n’y a bien sûr qu’une seule bonne réponse de possible et j’espère pour lui qu’il ne tombera pas dans le piège consistant à disserter autour des formes de ma fille. Mon sourcil levé le met en garde quand le sien n’était là que pour s’amuser, comme si j’étais un de ses amis à l’université ou quelque chose dans le genre. Je vois bien plus le gérant comme le petit frère qui ne cesse de faire des bêtises partout où il passe mais pour qui je continuerai à faire tout et n’importe quoi. Ne le lui dites pas, il risquerait d’être encore moins supportable encore. « C’est aussi le moment où tu m’expliques depuis quand tu en as quelque chose à faire de qui est ce que je peux bien voir. » C’est le moment où je m’assure qu’il s’est contenté de voir quelques cheveux blonds sur lesquels il ne peut poser ni de nom et encore moins d’histoire. Encore une fois, moins il en sait et mieux chacun s’en portera. Personne ne se confie jamais à ses cadets, avouons le enfin aujourd’hui - et tout le monde se sert d’eux pour se faire rapport du café. Je dois avouer qu’au milieu de tous les problèmes dans lesquels il vient de nous enliser, il a au moins le mérite de me servir un café qui vaut le détour.

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Le sourire qui vint orner un instant les lèvres de Ichabod fut aussi bref que rare, et Ezra fut de son côté quelque peu déçu de ne pas pouvoir en profiter plus longtemps. « Tu sais bien te vendre, toi. » Le sourire d’Ezra était désormais quelque peu amusé. « Merci. » Et déjà, le Bates était de retour dans son attitude habituelle, celle qu’Ezra admirait tout comme il la craignait.

Aujourd’hui, malgré son petit sourire de merdeux qu’il ne savait retenir et sa curiosité mal placée, il en venait tout de même à craindre la réaction future d’Ichabod. Et lorsque ce dernier vint écarquiller ses yeux, menaçant de recracher sur Ezra sa gorgée de café, le Beauregard perdit son beau sourire. « Elle n’est pas majeure dans certains pays du monde encore, fais attention à ce que tu dis. » Là, ce fut au tour du blond de venir ouvrir davantage ses yeux. Il ne savait pas si cette précision de la part d’Ichabod était réellement censée rassurer et apaiser ses questions, ou les attiser. Les idées d’Ezra étaient forcément allées dans des endroits quelque peu détournés quand à la visite de cette jeune femme sur le lieu de travail d’Icha, mais il ne s’était pas imaginé qu’il puisse lui préciser ce type de détail en première intention. « Le problème c’est qu’elle soit jolie ou que ce soit dans ton bureau ? » Il vint ouvrir la bouche, pour la refermer aussi rapidement. Il se devait de ne pas jouer à l’idiot - pas plus qu’il ne savait le faire naturellement sans aide, en tous cas -, et venir répondre par la première idée qui lui traversait l’esprit n’était pas une bonne idée, loin de là. « Le fait que ce soit sur ton lieu de travail ? » Il n’était même pas sûr de la réponse qu’il avançait, préférant tourner cette dernière en question en attendant la validation du Bates, venant forcer quelque peu les sourcils d’inquiétude quand à son temps restant à vivre.

« C’est aussi le moment où tu m’expliques depuis quand tu en as quelque chose à faire de qui est ce que je peux bien voir. » Oh, qu’il allait avoir encore plus envie de venir lui tirer les oreilles. Ezra n’avait, en réalité, aucune bonne raison d’oser venir poser ce type de question au jeune homme. Il ne pouvait juste pas taire sa curiosité, et avait peut-être de façon un peu naïve pensé qu’avec les soucis qu’il avait partagé avec Ichabod, ce dernier serait plus enclin à lui faire confiance et à discuter un peu avec son patron, à s’ouvrir davantage. Il vint cependant évincer cette idée là, sachant d’avance que ce n’était pas celle à mettre en avant dans un premier temps, haussant les épaules par la même occasion. « Parce-que je suis curieux, et que je le suis avec tout le monde ici. » Il aurait pu ajouter qu’il n’allait pas s’arrêter en si bon chemin simplement parce-que Ichabod était lui-même, mais la vérité était tout autre - s’il avait mis autant de temps à venir lui poser la question, c’était justement parce-que le Bates était lui-même et qu’il n’était pas n’importe qui aux yeux de son cadet. « Et que je me rappelle pas la dernière fois que quelqu’un soit venu te voir ici ? » Et pourtant, Ichabod n’avait pas été embauché dans le coin hier. Ezra avait l’habitude de voir des allers et venues de personnes qu’il connaissait, pour un oui ou pour un non, de voir son gamin courir et déambuler à travers le garage même lorsque des outils dangereux pour lui étaient dans le coin. Les proches de son employés ne venaient pas au garage - alors forcément, quand Ichabod venait utiliser le bureau d’Ezra sans discrétion aucune pour s’entretenir avec une jolie blonde, la curiosité du patron était à son comble.

Je pose une question et offre deux possibilités de réponses, toutes très mauvaises. Bien qu’une part de moi trouve la situation quelque peu cocasse, je pense en majeure partie qu’il est en train de jouer avec le feu et connaissant l’individu, il va obligatoirement se brûler. J’ai déjà risqué trop en lui donnant quelques milliers de dollars, je ne peux pas me permettre de continuer dans cette voie là en le mettant au courant de ma vie privée. Ce qu’il peut bien penser à me propos m’importe peu ; ce qu’il pense de ma fille, par contre, a une toute autre importance. Ce n’est même pas une question de confiance, simplement mon éternel besoin de jauger les risques avec les avantages. Beaucoup de risques ici et peu d’avantages. « Le fait que ce soit sur ton lieu de travail ? » Ezra est un gars bien, il n’y a aucun doute à cela, et toutes les précautions qu’il met dans sa réponse ne sont pour moi qu’une preuve supplémentaire. Je pensais qu’il allait sauter à pieds joints dans le piège mais il l’esquive plutôt habilement, assez pour qu’un fin sourire étire mes lèvres. “Tu t’en tires bien.” Il est en train de ramer à contre-courant, certes, mais au moins il ne coule pas. L’accusation est sur ma tête mais c’est le Beauregard qui se retrouve entre de beaux draps assez rapidement, sans que je n’ai la moindre envie de m’en plaindre. J’imagine que sa question était rhétorique, je n’y répondrai donc pas.

A mon tour j’en viens à poser des questions, en me demandant notamment pourquoi est ce qu’il est soudainement si curieux à propos de ma vie privée alors qu’il sait pourtant que je ne laisse s’échapper aucune information à ce propos. Cela n’a jamais été le cas depuis que je suis ici et cela ne le sera pas à partir de maintenant non plus. « Parce-que je suis curieux, et que je le suis avec tout le monde ici. » Il ne ment pas à ce propos. Il est l’archétype du bon patron que tout le monde prend pour un ami, et sa générosité va souvent bien trop loin à mon sens. Pourtant, sa vie n’est pas la mienne et s’il souhaite laisser dormir tous les employés sur son canapé alors grand bien lui fasse. « Et que je me rappelle pas la dernière fois que quelqu’un soit venu te voir ici ? » Parce qu’il n’y a pas d’antécédent et qu’il le sait aussi bien que moi. Je n’ai pas à fouiller dans ma mémoire : personne ne vient au garage parce que personne ne sait que j’y travaille. Avant, en tout cas, c’était le cas. Aujourd’hui je soupçonne de trop nombreuses personnes de savoir de quoi est fait mon travail au quotidien lorsqu’il n’est pas question de négocier les prix de sachets de cachets blancs. “C’est pas parce que tu perds déjà la tête, je te rassure.” J’aurais pu lui faire des blagues à ce sujet, si jamais j’aimais réellement faire des blagues. Spoiler alert, ce n’est absolument pas le cas et il le sait autant que moi. “Elle ne reviendra pas et il n’y aura plus de malentendu à ce sujet.” Peu importe ce qu’il croit savoir à propos d’Ilaria ou de notre entrevue, il se méprend. Il ne pourrait décemment pas trouver la vérité au milieu des mensonges, surtout pas alors que tout est entériné depuis autant d’années. “T’as toujours pensé être mécano, Ezra ?” S’il pose des questions venues de nulle part alors j’imagine pouvoir en faire de même, non ? Parce que moi, je me demande vraiment quelle aurait été sa vie s’il ne s’était pas lié de trop à l’ancien patron et à ces lieux. Il a le caractère pour faire bien des choses et, surtout, pour être au milieu d’êtres humains et non de voitures qui ne parlent que par alarmes et ampoules qui grillent toutes les cinq minutes. "Pas espion en tout cas, ça je sais." Quoi qu'un peu plus endurcit, il pourrait utiliser son visage et ses répliques d'éternel adolescent pour berner bien des personnes. Moi le premier, parce qu'en y repensant je n'ai jamais pris le temps de me méfier de lui.

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Il aurait pu facilement le deviner, qu’il mettait sa vie en danger en venant poser de telles questions à Ichabod. Seul un idiot oserait s’aventurer sur un chemin pentu de la sorte - oh, wait. Et le silence venait se glisser à la suite de sa dernière phrase - qui était en réalité une question, tellement il était peu sur de ce qu’il avançait -, ne le mettait en rien à l’aise. Il soupçonnait le Bates de l’étirer encore un instant de plus de façon volontaire; avant qu’il ne vienne finalement étirer un fin sourire sur ses lèvres. « Tu t’en tires bien. » Il jurait retrouver l’habilité à respirer normalement en cet instant, ses sourcils venant se relâcher quelque peu sur le haut de son visage.

Ce n’était pas pour autant qu’il était sorti d’affaire, mais au moins il semblait avoir passé la première étape du feu. On lui avait toujours dit que la curiosité était un vilain défaut; défaut dont il comprenait les conséquences seulement en cet instant. « C’est pas parce que tu perds déjà la tête, je te rassure. » Serait-il en train de le rassurer avant de le manger tout cru ? N’était-ce pas ce que faisaient les grands prédateurs avec leurs proies, de les apaiser avant de les achever ? Ezra était la proie idéale. S’il n’avait pas déjà abusé de la blague et des remarques, le Beauregard serait venu faire remarquer que de eux deux, Ichabod était celui le plus susceptible de perdre la boule, suite à son âge plus avancé - mais il faisait confiance à son instinct de survie et ne vint rien ajouter pour le moment, se contentant de venir hausser un sourcil, de boire une gorgée de café, de repérer la sortie la plus proche. « Elle ne reviendra pas et il n’y aura plus de malentendu à ce sujet. » « Ce sont pas mes affaires, c’est ça ? » La prochaine fois que la jeune femme mettrait les pieds au garage, Ezra ne pourrait s’empêcher de jeter un regard plein de sous-entendus à Ichabod. La prochaine fois, peut-être même qu’il aurait la chance d’aller lui parler avant que le Bates ne l’en empêche - la prochaine fois, comme s’il y aurait forcément une prochaine fois alors que Icha ne tenait en rien à ce que sa vie personnelle ne vienne mettre les pieds au Mecanor. « Du moment que les affaires qui ne sont pas les miennes restent en dehors de mon bureau. » Qu’il vint conclure, en haussant les épaules. Il tentait d’être assez malin ici pour ne pas réellement donner d’envie de meurtre à Ichabod, et il avait l’impression de presque bien s’en sortir.

« T’as toujours pensé être mécano, Ezra ? » L’air surpris qui vint prendre place sur le visage du patron n’était en rien faussé. Il s’attendait à toutes remarques de la part du Bates, mais cette question n’avait jamais été une possibilité dans son esprit. Cela faisait plusieurs années qu’ils bossaient ensemble, et jamais Ichabod ne s’était posé de telles questions - ou du moins pas à haute voix face à Ezra. « Pas espion en tout cas, ça je sais. » Alors, un petit sourire se glissa sur les lèvres du blond. Il prenait cette remarque considérée comme humoristique pour lui comme un signe de la part de Icha pour se détendre quelque peu. « J’aurais été très mauvais espion, oui. » Personne ne viendrait nier cette vérité limpide. « Mais oui, dans le fond, j'ai toujours voulu être mécano. » Simple comme bonjour, telle était la réponse adressée à Ichabod - et sur laquelle Ezra n’avait pas besoin d’inventer d’histoire pour se défaire d’une affaire qui ne le regardait en rien. Si ce n’était pas vers ce domaine là qu’il s’était tourné lorsque le temps des études supérieures s’était présenté, c’était en revanche le domaine vers lequel il avait toujours voulu se tourner. Les longues études et le prestiges d’une carrière en tant qu’architecte n'avaient en rien réussi à le retenir dans cette filière, si bien qu’il avait pris un virage serré sans jamais regretter son choix. « Si j’avais voulu, j’aurais pu être architecte aujourd’hui… Mais j’étais trop passionné par la mécanique pour rester des années à écouter des profs assis sur une chaise huit heures par jour. » Lorsqu’il allait en cours autant de temps dans une même journée, bien entendu.

« Pourquoi cette question ? » Il était à peu près sur de ne pas mourir de suite en osant demander ça à Ichabod, et sinon il avait mentalement mémorisé le chemin qui lui permettait d’avoir accès à la porte de derrière du garage, là où s’il faisait un effort, il pourrait réussir à échapper à la seule main qui restait à son employé pour venir l’étrangler. « Moi je suis curieux tous les autres jours de l’année, alors que c’est pas vraiment un style qui te va au teint de ton côté, normalement. »

Observer les différentes réactions d’Ezra a toujours quelque chose d’amusant. Non pas que je me moque de lui, loin de là, mais je suis toujours étonné de sa capacité d’adaptation face à l’attitude que je peux avoir à son égard. Je sais que je me montre souvent bien difficile face à lui, souvent intransigeant, à jamais fermé. Il ne s’en est pourtant jamais plaint, il n’a jamais franchi aucune limite non plus. Il pose parfois un pied trop proche de la ligne rouge mais agit toujours par inadvertance et bienveillance, ce que je trouve admirable. Le Beauregard est ce genre de personne qu’il semble impossible de corrompre. Il est ce genre de personne contre qui la vie finit toujours par se retourner et j’imagine que je n’ai pas besoin de le lui expliquer, il l’a déjà vécu de lui-même à plusieurs reprises. « Ce sont pas mes affaires, c’est ça ? » Il a le droit à un nouveau sourire de ma part alors qu’on commence à s’éloigner du sujet de ma fille et ainsi de toutes les maladresses que chacun pourrait commettre. “Tu comprends vite.” J’ai eu à lui expliquer longtemps mais ce n’est pas un détail que l’histoire retiendra. Je me contente de muettement le remercier d’accepter de ne pas creuser le sujet et ainsi s’en tenir au peu d’explications que j’ai pu lui donner. « Du moment que les affaires qui ne sont pas les miennes restent en dehors de mon bureau. » Bien souvent j’oublie que je n’ai plus rien d’un roi et qu’il a tout de mon patron. Ironiquement, il est celui qui me signe les chèques alors que je me suis chargé de renflouer les coffres il y a peu. “Bien sûr.” Je lui assure, retrouvant à nouveau le sérieux qui me caractérise tant.

Lorsqu’il m’assure avoir toujours voulu être mécanicien, il ne peut lire aucune surprise dans mon regard. Personne ne l’aurait été, j’imagine. J’ai toujours connu Ezra avec du cambouis sur les mains et une cigarette au bout des lèvres, deux choses qui ne font sûrement pas bon ménage. “Je n’ose même pas imaginer quel genre de blague auxquelles tu aurais pu penser en rapport avec ton travail si t’avais finalement été architecte.” Et par là, je parle surtout du genre de blague qu’il lance tout particulièrement à la gente féminine sans pour autant aller plus loin - à ma connaissance en tout cas. Ezra aurait été le premier à réutiliser son nom de famille et l’associer à ce qu’il crée du bout de ses mains désormais dotées d’un crayon de graphite. A mes yeux, cela ressemble à une vision de l’enfer mais il a sans doute eu raison de ne pas choisir l’avenir réputé comme le plus glorieux des deux. Les temps sont difficiles au garage mais il aurait coulé s’il n’avait pas été présent au moment de la passation de pouvoir. Ces instants sont cruciaux et ô combien difficiles à vivre. « Pourquoi cette question ? » Parce que puisque n’importe quel sujet de conversation sera bien plus assuré sur lui que celui de ma fille, j’estime encore avoir le droit d’en choisir un qui m’intéresse un minimum. Non? « Moi je suis curieux tous les autres jours de l’année, alors que c’est pas vraiment un style qui te va au teint de ton côté, normalement. » - “Je rassemble des informations à ton sujet pour faire croire à la police que j’étais ton confident, le jour où je t’aurai tué parce que tu auras encore fait une connerie.” Ce qui semble trop gros pour être vrai pourrait aisément être confondu avec la vérité, que j’ai face à moi Ezra ou qui que ce soit d’autre. La faute au regard que je lui tends, sûrement. La faute à l’absence de sourire sur mes lèvres, aussi. “T’es un bon gars, Ezra, mais un jour tu devras vraiment me raconter ce que tu as fait pour que le Destin s’acharne autant sur toi.” Je parle franchement, cette fois-ci. Il n’y a pas d’ironie noire à discerner mais un simple constat. Effectivement, mes paroles ne répondent en rien à sa question. Mais il ne m'en tiendra pas rigueur, n'est-ce pas?

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Le sourire qui vint orner les lèvres d’Ichabod était de type si rare, qu’Ezra n’hésita pas un instant avant de venir l’imiter. « Tu comprends vite. » Ce n’était pas quelque-chose qu’on lui disait souvent, alors il vint prendre le compliment, son sourire toujours un brin méfiant tout de même mais bien présent. Après tout, c’était Ichabod qui était devant lui et si jusqu’il y avait peu de temps, il avait été l’employé modèle, le Beauregard regardait la situation par deux fois désormais, ne sachant trop ce que le Bates avait comme tour dans son chapeau de magicien.

« Je n’ose même pas imaginer quel genre de blague auxquelles tu aurais pu penser en rapport avec ton travail si t’avais finalement été architecte. » D’un sujet à un autre, la discussion avait rapidement changé de cible - ce qui n’était pas pour déplaire à Ezra, qui se savait marchant sur des oeufs avec le sujet de conversation qu’il avait lui amené. « Je peux t’en donner des extraits en exclusivité, si tu veux. » Pas qu’il n’y avait jamais pensé, mais plutôt qu’il avait eu le temps d’exercer dans ce domaine lorsqu’il était encore en études. Déjà à l’époque, tout le monde savait que le jeune homme allait de paire avec son humour - pas forcément au gout de tout le monde tout le temps, mais il fallait avouer qu’il en avait tout de même. Si Ichabod demandait de façon un peu trop insistante, c’est-à-dire presque pas du tout, il y avait fort à parier qu’Ezra tenterait de glisser une ou deux blagues qui n’avaient rien à voir avec le reste de conversations ici et là… jusqu’à temps qu'il reçoive un regard un peu de travers et qu’il comprenne, sans que le moindre mot soit ajouté, qu’il avait été trop loin. A partir de là, il ne tenterait plus quoi que ce soit.

« Je rassemble des informations à ton sujet pour faire croire à la police que j’étais ton confident, le jour où je t’aurai tué parce que tu auras encore fait une connerie. » C’était exactement pour ce type de réponse et ce genre d’attitude qu’il se méfiait en tous temps d’Ichabod désormais, Ezra. Car, en cet instant, l’air on ne peut plus sérieux qui s’était glissé sur le visage de l’homme en face de lui ne lui permettait pas de savoir si ses mots étaient à prendre au pied de la lettre ou s’il sous-entendait un humour derrière tout ça. Ce n’était pas forcément des points sur lesquels il serait venu s’arrêter autant, par avant. Il aurait surement eu un rire un peu trop tiré, montrant qu’il était un brin forcé, puis serait passé à autre chose. Désormais, il prenait chaque mot de son employé au sérieux et se demandait parfois s’il allait passer le reste de la journée ou s’il allait mettre à exécution ses menaces - après tout, il lui avait déjà explicitement dit qu’il pourrait le transformer en homme mort, et le voilà qu’il recommençait aujourd’hui; il y avait de quoi prendre plus qu’au sérieux ses mots, s’ils se retrouvaient si souvent répétés. « Ils vont pas être déçus du voyage quand tu feras ton récit alors. » Parce-que s’il y avait la possibilité, Ezra choisissait toujours la porte de l’humour. Il savait que ce n’était pas forcément la solution à tout et pour tout, mais s’il pouvait tenter, il le faisait. Surtout si cela lui permettait de venir étirer un sourire supplémentaire et alléger l’ambiance qui glissai dangereusement vers un sérieux qui ne lui plaisait guère.

« T’es un bon gars, Ezra, mais un jour tu devras vraiment me raconter ce que tu as fait pour que le Destin s’acharne autant sur toi. » Les yeux du Beauregard vinrent s’arrêter un instant dans ceux du Bates, surement afin d’y décerner s’il était sérieux ou s’il s’agissait ici un nouveau moyen de s’assurer qu’ils avaient complètement changé de sujet - et lorsqu’il comprit qu’Ichabod était on ne peut plus sérieux, il vint détourner son regard pour le laisser se porter au delà des portes du garage, sur l’avenue noire de monde alors que l’heure de pointe se faisait pressée. Le sourire qu’il portait jusqu’alors sur ses lèvres vint se teinter légèrement d’un voile de nostalgie, de mélancolie. « Si tu trouves la réponse avant moi, je veux bien que tu partages l’information. » Il n’allait pas nier les mots d’Icha. Il avait raison, et c’était quelque-chose qu’Ezra ne tentait pas trop de regarder de front de peur de s’y perdre - la pente était toujours plus facile à descendre qu’à remonter. « Ou peut-être que je réponds juste parfaitement à la phrase ‘trop bon trop con’, qui sait. » Haussant rapidement les épaules, il vint boire la dernière gorgée de café de son gobelet, désormais froid. « Du moment que tu m’annonces pas que c’est toi qui orchestre tout ça en douce depuis des années, et que maintenant tu te lasses alors tu m’en parles, j’accepte toutes les explications. » Il avait un CV long comme le bras de choses abracadabrantesques qui lui étaient arrivées au cours de sa courte vie, Ezra. Parfois, cela réussissait à l’étonner lui-même - mais après tout, un rien l’étonnait, personne n’était donc réellement surpris de cette information.

Ezra a beau n’avoir que quelques années de différence avec moi, j’ai souvent tendance à le voir bien plus comme un fils plutôt que mon patron (d’accord, j’oublie souvent la hiérarchie au sein de Mecanor). Ce n’est pas pour autant que j’ai moins de respect pour lui, loin de là, mais une part de moi ne peut pas s’empêcher de vouloir son bien alors qu’il semble inapte à trouver le chemin seul. Chacun a ses particularités et c’est une chose que j’entends, mais je n’arrive toujours pas à comprendre comment est-ce qu’un civil sans histoire dans son genre peut justement en attirer autant. D’autant que, comme je lui ai précisé, il est réellement une bonne personne et ne mérite pas ce qu’il lui arrive et que je ne peux qu’observer de loin, d’un air désolé. Mon regard reste posé dans le sien, immuable. « Si tu trouves la réponse avant moi, je veux bien que tu partages l’information. » J’aimerais bien l’avoir mais je doute encore que cela arrive avant bien, bien longtemps. Après plusieurs années à ses côtés, je n’arrive toujours pas à apercevoir de lumière pour lui. Ou disons que dès que c’est le cas, les espoirs d’un avenir heureux semblent s’effondrer rapidement. Foutu Ezra, il aurait tant à donner. “Ça se paiera cher, Beauregard.” J’esquisse un demi-sourire. Il sera le premier à comprendre que mes mots n’ont rien de réellement heureux. Si je le pouvais, je serais en train de chercher une réponse à ses problèmes bien avant les miens. De nous deux, il a pourtant tout l’air d’être celui qui est le plus dans la panade; et je ne sais toujours pas comment cela est Dieu possible.

Alors, à défaut de trouver une solution universelle, le brun se met en quête des raisons de l’existence de ses problèmes. Grave erreur, si vous voulez mon avis. Cela ne lui servira à rien de comprendre cela, il doit se focaliser sur la façon d’y remédier parce que ça occupera déjà bien assez de son temps. « Ou peut-être que je réponds juste parfaitement à la phrase ‘trop bon trop con’, qui sait. » - “Y’a sûrement de ça.” Je serai bien le dernier à nier ce fait, il sait bien qu’il ne peut pas compter sur moi pour le rassurer à propos de questions aussi évidentes. L’un n’empêche pas l’autre, je peux vouloir son bien mais continuer à affirmer le fait qu’il a quand même tout d’un sacré imbécile, lui qui veut le bien de la Terre entière sans savoir trouver le sien propre. « Du moment que tu m’annonces pas que c’est toi qui orchestre tout ça en douce depuis des années, et que maintenant tu te lasses alors tu m’en parles, j’accepte toutes les explications. » Si seulement Ezra, si seulement. Mon sourire est à peine plus présent; bien plus triste aussi. “Un jour je promets de te révéler ma véritable identité mais tu es encore loin du compte.” Ce qui pour lui restera sûrement une blague de son bien trop vieil employé a une toute autre saveur pour moi. Ce sont tout sauf des mots en l’air et je compte bien les honorer le moment venu, ce qui est encore loin d’être le cas aujourd’hui. Il le saura si jamais il en tient de sa vie ou que la mienne arrive à terme. Avant cela, mieux vaut ne pas l’impliquer dans des problèmes bien plus immenses encore que ceux auxquels il est confronté au jour le jour. “Ca va mieux au niveau financier?” Passant éternellement d’un sujet à un autre, j’en reviens à quelque chose de bien plus actuel et déjà source de bien de troubles, pour lui comme pour moi.

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@ichabod bates

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« Ça se paiera cher, Beauregard. » Avec Ichabod, la seule chose dont Ezra était certain, c’était qu’il ne pouvait déterminer si ses phrases étaient du lard ou du cochon; voyez ici qu’il ne savait jamais s’il s’agissait d’un humour tellement bien caché qu’il peinait à en décoller les bords de l’image, ou si le Bates était on ne peut plus sérieux et que seul Ezra venait voir ici de l’humour - et, s’ils se trouvaient dans ce cas de figure là, à quel point il devait s’inquiéter pour sa vie. Pour être sûr donc de ne pas venir faire une énième bourde, Ezra se contenta de venir secouer quelque peu la tête, petit sourire accroché aux lèvres. Bien entendu, il se fourrait le doigt dans l’oeil jusqu’au coude en se disant qu’il y avait effectivement de l’humour dans les mots de son employé, mais cela lui permettait de ne pas faire de trop gros cauchemars la nuit.

« Y’a sûrement de ça. » Là, en revanche, il vint lever les yeux au ciel sans se retenir un seul instant. Qu’il vienne dire de lui-même qu’il était peut-être trop bon trop con était une chose; Ichabod n’était cependant pas nécessairement obligé de venir valider ses propos, même si ces derniers se trouvaient être effectivement justes. « Un jour je promets de te révéler ma véritable identité mais tu es encore loin du compte. » S’il n’était pas venu étirer un sourire franc à sa première réponse, il vint cependant le faire sans hésitation à la seconde. Il était plutôt monnaie courante que Ezra vienne titiller Ichabod sur une double-identité, tel un espion plutôt doué dans son domaine qu’il pourrait être. Chaque tentative s’était soldée, jusqu’alors, par un échec, et cela devait surement bien faire rire le Bates de voir à quel point Ezra n’était pas un bon Sherlock. « Je vais pas m’arrêter en si bon chemin dans mon enquête, t’inquiètes pas. » Même s’il pensait qu’il était possible qu’il ait en face de lui un doué du mensonge, Ezra pensait surtout qu’Icha se foutait ouvertement de lui et que les seules révélations qu’il lui ferait en temps et en heures serait une compilation vidéo des meilleurs moments où il avait réussi à le berner.

Cependant, le Bates s’appliquerait-il autant à changer de sujet s’il se jouait de son cadet avec autant d’ardeur ? Surement pas - mais Ezra n’était pas apte à venir remarquer ce type de détails. « Ca va mieux au niveau financier? » Surtout lorsqu’il était question de venir, à la place, mettre en lumière des sujets de conversation qui lui plaisait aussi peu. Certes, les finances se portaient bien mieux dernièrement grâce à l’aide non-négligeable d’Ichabod, mais ce n’était pas pour autant qu’Ezra aimait en discuter. Déjà parce-qu’il ne pouvait en discuter avec personne d’autre qu’avec le jeune homme qui se trouvait face à lui, et autant parce-qu’il n’était toujours pas à l’aise avec ce qui s’était passé. Le garage était son projet, son petit bébé, et il avait du accepter une aide plus que douteuse pour faire en sorte qu’il reste à flots. « C’est même pas comparable. » Le petit sourire qui ornait ses lèvres était autant satisfait que gêné. « J’ai pu payer toutes les factures en attente, les fournisseurs veulent de nouveau bosser avec nous… » C’était lorsqu’il faisait le bilan à haute voix de la sorte qu’il se rendait compte que les choses étaient vraiment au bord de la crise, lorsqu’Ichabod était venu le trouver.

« Et promis, comme tu m’as demandé, j’ai rien dit. » Il avait jeté un coup d’oeil circulaire avant de venir avancer ces mots là. Il savait qu’il n’était pas supposé en parler, c’était Ichabod lui-même qui lui avait imposé cette règle; mais il s’agissait du même Bates, alors il n’y voyait aucun mal. « Certains partenaires ont été un peu étonnés de me voir revenir vers eux aussi vite, mais j’ai noyé le poisson. » Simplement dire que certains paiements en attendant avaient été réglés avait suffi à détourner la curiosité de personnes qui pouvaient se trouver être malveillantes.

« Je vais pas m’arrêter en si bon chemin dans mon enquête, t’inquiètes pas. » Oh je ne m’inquiète pas Ezra, tu peux au moins être assuré de ça. Il a un sourire d’enfant fier, je le lui rends avec plus de retenue. Mieux vaut le préserver de l’entière vérité aussi longtemps que possible, c’est bien mieux pour lui autant que pour moi-même. Osez me dire que je le traite comme un enfant et vous aurez raison. Si je peux au moins le protéger d’une partie de ce monde dont il ignore l’existence, alors il continuera aussi longtemps que possible et nécessaire à être traité comme tel. Ezra a la capacité de s’adapter à la personne qu’il tient face à lui et une part de moi le remercie d’avoir rapidement compris que l’entente cordiale était la meilleure chose à faire, et qu’il ne fallait surtout pas rouler des mécaniques en ma présence - le jeu de mot est gratuit, ne vous en faîtes pas.

Soucieux du bien être du Beauregard et de la viabilité du garage, je me permets enfin de l’interroger à propos de l’apport financier survenu en toute légalité quelques semaines plus tôt. Après tout, n’importe quel employé se doit de s’inquiéter pour son entreprise. « C’est même pas comparable. » J’hoche la tête, satisfait que la réponse soit posée sans nuances et aussi rapidement. « J’ai pu payer toutes les factures en attente, les fournisseurs veulent de nouveau bosser avec nous… » Tout semble réglé, alors. Je ne me fais pas d’illusion et suis encore loin de juger que Mecanor est sorti d’affaires mais Ezra a un poids en moins sur le cœur et les épaules, ce qui est déjà un bon début. Il peut au moins s’endormir plus tranquillement et/ou se concentrer sur d’autres problèmes qui ne concernent pas uniquement l’argent. “C’est une bonne nouvelle” que j’appuie, quand bien même il pouvait s’en douter avant que je n’intervienne. Pour une fois qu’il se passe quelque chose de bien dans sa vie, il mérite qu’on le souligne. Je préfère encore agir comme si je n’y étais pour rien puisque ce ne sont de toute façon pas les louanges ni même les remerciements que je cherche: Mecanor se remet à flot et c’est tout ce qui importe, pour lui, pour moi, pour tous les employés. « Et promis, comme tu m’as demandé, j’ai rien dit. » Il ressemble à un espion de film Américain et je suis sûr qu’il voudrait avoir des lunettes noires pour cacher l’endroit où se posent ses yeux. Au moins, je ne peux pas lui reprocher de ne pas écouter mes ordres (conseils, disons) et de ne pas jouer le jeu. Heureusement pour lui, il a rapidement compris que tout ceci était tout sauf un jeu. J’ai longtemps craint qu’il tente de défier les règles mises en place mais cela n’a pas été le cas, à mon grand soulagement, et il le précise encore aujourd’hui alors que je n’avais pas vocation à ramener le sujet sur la table. “Je sais. Si ça avait été le cas, on l’aurait rapidement vu.” D’une façon ou d’une autre, les conséquences auraient été immédiates sur Ezra, moi, le garage. Un à un ou tous en même temps, je ne suis pas au courant des détails, mais vous aurez compris l’idée. Ezra ne la comprend pas, lui, et encore une fois je reste vague par seul intérêt. « Certains partenaires ont été un peu étonnés de me voir revenir vers eux aussi vite, mais j’ai noyé le poisson. » - “Maintenant qu’ils sont payés, je doute qu’ils veuillent creuser trop profondément.” Ils penseront que ce ne sont pas leurs affaires et je n’irai pas les convaincre du contraire. Chacun trouve son compte dans cette histoire et c’est bien tout ce qui compte, raison pour laquelle je ne prends pas le risque de nous exposer en s’étendant sur le sujet. “C’est du bon boulot.” J’assure en le regardant une ultime fois dans les yeux, posant ma main sur son épaule alors que je prends la tangente et la sortie par la même occasion. Il mérite qu’on le lui dise au moins une fois, quitte à brouiller temporairement la véritable hiérarchie au sein des lieux.

come let the truth
be shared.

@ichabod bates

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« C’est une bonne nouvelle » Oh que oui, ça en était une, de bonne nouvelle. De voir les choses du bon côté, arriver du bon côté du tunnel. Ca changeait les choses, pour Ezra - et pour Mecanor, il n’en parlait même pas. Car au delà du fait que le Beauregard en avant moins gros sur les épaules, il y avait aussi le fait qu’il pouvait de nouveau assurer un avenir paisible à l’ensemble de ses employés. Certes, aucun d’eux - enfin, un seul d’eux pour être plus précis - n’était au courant de la situation réelle dans laquelle se trouvait le garage jusqu’alors, mais le patron se sentait davantage en sécurité, arrivait à dormir sur ses deux oreilles, depuis qu’il savait que chacun aurait sa part entière sans encombre à la fin du mois. Alors oui, il s’agissait effectivement d’une bonne nouvelle, et Ezra comptait s’en réjouir.

Mais pas de trop tout de même, car Ichabod avait été bien clair et précis que s’il se mettait à en parler à tout va, il ne verrait plus même l’ombre de cet argent - il ne verrait plus l’ombre de quoi que ce soit, ni le soleil allant de paire avec. C’était idiot, mais Ezra ressentit le besoin en cet instant, alors que son sauveur apportait le sujet des finances du garage sur le tapis, de lui préciser qu’il n’en avait comme convenu parlé à personne. Comme s’il avait l’impression que le Bates venait le tester sur le sujet, voir ce qu’il allait répondre, prendre la température. « Je sais. Si ça avait été le cas, on l’aurait rapidement vu. » Etait-il si mauvais menteur que Ichabod pouvait lire en lui comme dans un livre ouvert, sachant à l’avance si Ezra avait menti ou non ? Ce dernier vint froncer les sourcils un instant, ne sachant pas non plus si Ichabod ne l’avait pas mis sur écoute pour s’assurer qu’il ne parle de rien à personne - après tout, s’il prenait réellement ses menaces au sérieux, il pourrait très bien imaginer le Bates agir de la sorte. Mais pour ça, il fallait prendre réellement les conseils qu'il lui donnait et ce n’était pas tout à fait le cas. Il écoutait très attentivement ce qu’il lui disait, mais Ezra ne croyait pas qu’il le menaçait réellement - peu de personnes connaissaient pourtant déjà la suite de cette histoire là.

« Maintenant qu’ils sont payés, je doute qu’ils veuillent creuser trop profondément. » « Je pense qu’on devrait être tranquilles, oui. » On parce-qu’en apportant son aide, Ichabod faisait désormais partie de ce on aux yeux d’Ezra de ceux qui mettait la main à la patte - à défaut de pouvoir mettre les deux mains dans le moteur, on passera les détails. « C’est du bon boulot. » Les yeux d’Ichabod vinrent s’ancrer un instant dans ceux d’Ezra, et ce fut comme si pendant un instant, le jeune homme était renvoyé quelques années en arrière, dans une dimension qu’il avait presque oublié; quand Frank le regardait de la même façon, et qu’il lui disait également qu’il avait fait du bon travail. L’endroit était le même, seul un des deux acteurs présents était différent. Mais il revoyait parfaitement ce type de scène alors qu’un sentiment de nostalgie s’emparait de lui. Cela faisait longtemps, qu’on lui avait pas dit qu’il avait fait du bon travail. Peu nombreuses étaient les personnes qui l’avait félicité ainsi, au cours de sa vie, pour les efforts qu’il mettait en place afin de faire de son travail un bon travail justement. Et ca lui faisait du bien, de l’entendre de la sorte. Alors, un petit sourire vint s’étirer sur ses lèvres - sourire auquel Ichabod ne répondrait pas mais qui venait clôturer parfaitement la scène qui venait de se dérouler. Du bon boulot - pour une fois, Ezra avait l’impression d’avoir réellement fait le bon choix.