Derrière son sourire édulcoré, quelques miettes de tacos encore présentes entre ses dents, Aiden avait formulé des intentions de "nous" qui n'étaient pas tombée dans l'oreille d'une sourde. Si Megan réagissait positivement aux demandes silencieuses de l'acteur, elle réussissait aussi à obtenir de lui tous les rires, toutes les promesses, ce jeu de regard qui n'avait de sens que pour eux. Cette soirée n'était devenue plus douce que lorsqu'elle avait posé ses yeux sur lui, perdu, rancunier d'une célébrité qui ne lui ouvrait pas encore les bras alors qu'il ne faisait rien pour, un gars sans allure qu'elle avait réussi à charmer. Tout lu semblait trop loin, trop long, pas assez rapide, et se perdre dans les bras de la blonde était devenu maintenant le vœux que l'on caresse du bout des doigts. «
J’ai tellement mieux à te proposer. » Oh elle aurait très bien pu lui demander de la suivre dans les méandres de la ville pour se perdre dans les ruelles jusqu'à l'aube, ou bien lui proposer de rentrer gentiment chez lui, Aiden aurait simplement cligné des yeux pour lui répondre, abasourdi par cette tension qui continuait de grimper. «
Tout ce que tu veux. » Adolescent crédule qui n'avait jamais touché le cœur des filles, un sourire bien heureux sur sa lippe qu'il ne cherchait même plus à dissimuler derrière un soupire. Elle avait gagné toutes ces choses pour lesquelles il ne s'était jamais mis en avant. Loin de faire des plans sur une comète inconnue, le Turner se contentait de voler les instants présents, égoïste au point de ne vouloir la partager avec personne, quand bien même elle ne lui appartiendrai jamais. «
C’est la seule chose qui compte pour moi aussi. » Alors rien ne pourrait vraiment perturber la fin de cette soirée, ni les caquètements incessants provenant de la cuisine, ni le goût prononcé en ail surgissant des tacos avalés.
Quel fou avait un jour pu la délaisser au profit d'une autre ? Se désintéresser de son regard pour quérir des fantasmes insaisissables ? Megan avait tout pour elle, tout pour rendre les hommes heureux, un homme surtout. «
Non, jamais. » La réponse avait engendré chez l'acteur un sentiment mitigé de bonheur et de jalousie, alors même qu'ils ne connaissaient de l'autre que les apparats de surface. «
Et je ne serai pas de ceux là non plus. » Si la phrase visait plus à la rassurer qu'à l'insulter, Aiden avait tout de même pincer les lèvres pour ne pas se donner une image de prétentieux dont le seul but était d'atteindre ses draps pour s'en défaire au milieu de la nuit. Il voulait tout le reste aussi. Les siestes partagées devant la télévision allumée sur un programme de noël, les embrassades voilées dans le creux de ses reins, les petits dessins tracés machinalement sur sa peau pendant qu'elle dévore un bouquin, les discussions à cœur ouverts au milieu de la cuisine. Conscient de s'être embarqué sur le chemin sinueux des amourettes imaginaires, le Turner avait changé de sujet pour évoquer une passion peu charmante, les trains. «
C’était pas péjoratif tu sais… Tu vis le rêve de beaucoup de gens tu sais. » Il le vivait les yeux fermés. Incapable de savourer l'argenterie qu'on lui servait, les petits plats mis dans les grands, les efforts pour l'intégrer au sein d'une société élitiste, Aiden se contentait de mettre de l'argent de côté et du poulet frit dans son assiette. «
Pour le moment, qui sait quand tout ça prendra fin et que je serais obligé de retourner vivre chez mes parents… ou pire, de reprendre mes études. » Il avait abandonné les bancs de la fac pour vivre cette vie là, ses parents n'avaient quasiment plus de nouvelles de lui sauf pour les anniversaires ou les fêtes. En si peu de temps Aiden avait déjà bouleversé tout le court de sa vie pour faire ce qu'on lui demandait de faire, pour être une autre version de lui, il devenait de plus en plus impossible de revenir en arrière. «
Mais c’est pas le tiens, non ? Je connais pas grand monde qui évoquerait le métier d’acteur comme un job alimentaire. » Un haussement d'épaules, un vague de rose sur les joues, quelques balbutiements pour tenter de se défaire de cette questions n'auraient pas suffit pour qu'elle pense le contraire. En plus d'une tête bien faite Megan l'avait aussi bien pleine. «
Disons juste que j'essai de garder les pieds sur terre, si jamais tout ça s'effondre je ne veux pas perdre le peu que j'ai mis de côté. » Ses parents n'hésiteraient pas à le reprendre à la maison, pendant quelques temps seulement, et Aiden n'avait pas l'intention d'être de ceux qui se raccrochent au passé en quémandant des miettes de pain dans la bouche des producteurs.
Pour le moment il n'a pas envie de s'imaginer hors de cette vie, et surtout pas hors de ce moment dont il savoure toutes les secondes. Plus de questions, ce bla-bla qui couvre le bruit de leurs cœurs tambourinant, simplement l'idée de finir la soirée avec elle et de débuter la matinée son corps serré contre le sien. «
Ça dépend, tu cuisines les pancakes ? » Aiden avait arqué un sourcil alors qu'un bras tendu avait déposé un billet de pourboire sur la table «
Ça tu le verra demain matin. » Parce qu'il ne serait pas ceux qui prennent la porte sans dire aurevoir, ni même de ceux qu'elle ne verrait plus pendant des semaines jusqu'à ce qu'une notification vienne réveiller ses réseaux sociaux, non, Aiden voulait être celui qui reste jusqu'à ce qu'elle le mette à la porte. Une porte qu'elle avait ouvert sur ceux pour le laisser entrer dans son appartement après quelques minutes de marche, qui se referme aussitôt que les mains du jeune homme empoignent les hanches de la photographe. «
Chut… » Elle lui interdit l'usage d'un mot de plus, sans doute de trop, avant d'accepter un baiser pour lequel il se penche sans attendre. Au doux fracas de leurs lèvres qui se rencontrent s'ajoutent les gémissements troublés de l'acteur dont la peau s'étire, couverte de frissons, pendant que Megan l'entraîne dans le calme d'une chambre dont il n'aperçoit rien de la décoration.
***
«
Tu vas partir ? Ou tu vas rester ? » Les yeux entrouverts d'Aiden se referment pour ne pas être ébloui par la lumière de la journée, levée depuis bien longtemps, au contraire d'eux qui ont décidés de jouer les prolongations entre les draps. «
Tu veux que je m'en aille ? » Cette question, bordée d'incertitude, lui arrache tout de même une moue boudeuse alors qu'il enfuis son visage sous le drap tout en se rapprochant d'elle pour coller sa peau à la sienne. «
Je serais pas fâchée si prendre mon numéro de téléphone t’intéresse pas. » Que fallait-il comprendre derrière tout ça ? Megan avait, vraisemblablement, imaginé le voir partir au petit matin, cherchant son chemin a tâtons dans l'obscurité d'un appartement inconnu alors même qu'Aiden ne se voyait pas sortir de ce lit avant encore de nombreuses heures. «
Fais pas semblant si t’as pas l’intention de l’utiliser. » Elle semblait avoir trop l'habitude de ce genre de situation, femme que l'on ignore après avoir obtenu une nuit à ses côtés, reléguée au rang de coup d'un soir, de maîtresse délaissé. Du bout des doigts le Turner avait épinglé une mèche de cheveux blond derrière l'oreille de la photographe, sans savoir si il devait ou non la rassurer sur le fait qu'il n'avait pas l'intention de quitter son appartement à moins qu'elle l'y oblige. «
T'as de quoi faire des pancakes ? » Parce qu'il avait juré de lui faire découvrir sa façon de cuisiner, surtout parce qu'il n'avait pas envie de rejoindre son appartement, maintenant comme pour toujours.
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