(Amelyn #79) ► Piece of my heart

Piece of my heart

En plein cœur de cette dispute, je suis persuadé que la liste de mes obligations, toutes celles que m'impose Raelyn, est plus longue que mon bras. Je pourrais en inventer si, d’aventures, elle m’emmenait sur ce terrain en me réclamant des exemples. J’atteindrais des sommets de mauvaise foi et je sais qu’une fois redescendu, je m’en mords les doigts. Par ailleurs, pour combien de bêtises ai-je vomi entre l’amorce de ma conjointe et ma fuite sur le patio ? Trop ! Beaucoup trop. Résultat ? Après un bain qui ne m’a pas arraché de mes envies de boire - dommage, je l’avais soignée au creux des reins de mon épouse -, et quelques cachets trouvés dans la table de chevet, je me suis endormi, agité, la tête pleine des preuves de ma connerie. Sans l’aide d’un calmant, j’aurais tourné comme un lion en cage dans la chambre. Au comble de la stupidité, je serais sans doute redescendu pour chercher des poux à ma complice. Au lieu de ça, je me suis réveillé au terme de quelques heures sans rêves et, à ma grande stupéfaction, une partie de mes tourments se sont envolés. Il ne me demeure plus que ma culpabilité au souvenir des faits de ce début d’après-midi.

Les yeux grands ouverts, fixant le plafond blanc, je me pose mille questions. Raelyn est-elle fâchée après moi ? M’en veut-elle ? A quel point ? M’a-t-elle trouvé des circonstances atténuantes ? A-t-elle fait un saut jusqu’à la cave pendant la sieste de Micah ? A-t-elle trouvé les bouteilles ? Qu’en a-t-elle pensé ? A-t-elle pris l’initiative de les vider ? S’est-elle exécutée avec au fond du ventre de la déception ? Dans le mien gonflent mes angoisses et j’ai peur de me lever. J’ai peur de ce que je vais trouver si je sors de ce lit. Pourtant, je le rassemble, mon courage et, une fois dans le couloir, je me laisse guider par instinct vers les chuchotements et les rires : la chambre de Micah. Je m’appuie contre le chambranle. Je lui souris, à mon bébé. Elle me rend ma grimace, je m’avance vers elle, loin d’avoir oublié que je suis bon pour présenter des excuses à la maman, mais en puisant de la force dans le spectacle sous mes yeux de quoi abandonner la réalisation du navet suivant : “Le retour de la mauvaise foi.” Adjurer que je ne suis pas un têtu ? Perte de temps. Pas adapté non plus : je ne suis pas en position. Dès lors, répondant aux sollicitations de ma fille - elle tend les bras dans ma direction, sa forme de bois pendant au bout de sa main, je m’approche d’elle sans hésiter. En ce qui concerne ma partenaire, j’y vais plus lentement. Je suis plus comparable à un chat sous la pluie qui gratterait la vitre pour rentrer. Petit à petit, j’avoue, je cherche ensuite un contact, je me prépare à être éconduit et je soupire de satisfaction d’être si bien accueilli. Je tente donc un sourire et une proposition pour la suite de la journée. Si ma compagne, à se montrer insistante à ce que je crache le morceau, a négligé mes émotions, je n’ai pas le droit de le lui reprocher. Je peux à peine envisager de la considérer en partie responsable du gâchis, durant quelques heures, de cette journée spéciale. Nous étions supposés ne jamais l’oublier grâce à Micah et ses premiers pas. Autant dire que je rêve d’effacer tout ce qui ternirait nos souvenirs. Alors, je propose de sortir. Où ? Peu m’importe. Entre le parc et l’aquarium, la balance penche par le second, mais je suis de nature sévère. Je jurerais presque, dans mon couple, Rae est moins en colère après moi que je ne le suis. Elle ne s’oppose pas à l’idée et, ravi, je me prépare à la hâte. J’aide aussi à habiller la petite et, dans la voiture, j’essaie d’amuser ma princesse, par amour pour cette dernière et - non avouable - aussi pour attendrir ma dulcinée. Je lui jette régulièrement quelques coups d’oeil, du trajet, dans la file d’attente et jusqu’à l’aquarium en lui-même.

Dans les premières salles, je glisse autant que de petites attentions pour elle : caresser ses doigts des miens, la guider d’une main dans le bas de son dos, un souffle dans sa nuque tandis qu’elle pousse la poussette au devant d’elle. C’est devant les poissons les moins communs que Micah ouvre de grands yeux. Sa curiosité est à son comble. Je me suis penché sur elle pour lui enseigner mon “savoir” sur les raies manta. Peut-on la détacher ? L’autoriser à vaquer au milieu des quelques visiteurs - compte tenu que l’un de ses parents la tiendra par la main - qu’elle nous prouve que nous n’avons pas halluciné ses premiers pas, qu’elle nous gorge de nouveau de fierté, que j’ai l’occasion, cette fois, de l’immortaliser. J’en suis toujours à me questionner lorsque mon épouse pose sa joue sur mon bras. Le mien entoure sa taille. Je serre un peu plus fort, je m’apprête à lui chuchoter d’humbles excuses sous forme de pantalonnade quand Rae souligne l’une de mes inquiétudes. « Je ne sais pas. Elle était au lit. C’est grand à la maison.» Le babyphone ne nous a pas averti que son sommeil en a été troublé. « Mais, je suppose qu’un jour, ça le sera. Ou que c’est déjà arrivé. Là, elle a l’air bien, non ? » Elle l’est bien plus que nous. « Mais, est-ce que c’est bon de la préserver de ça ? Les gens se prennent la tête. Le monde n’est pas tout rose ou tout noir. Tout est en nuances. Je ne suis peut-être un modèle de tempérance.» Ma complice non plus. La subtilité nous conviendrait mieux. «Mais, c’est justement à cause du monde qui nous entoure.» J’ai haussé les épaules, non sans profiter d’embrasser la tempe de ma dulcinée avant d’avancer que, dans le fond, ça ne change rien : « On n’aurait pas dû se prendre la tête, pas aujourd’hui. En tout cas, je ne voulais pas que ça se passe comme ça ou en tout cas, je ne suis pas certain que ça méritait de tourner comme ça.» Vais-je si mal que ça ? Mes compensations sont-elles vraiment dérangeantes ?

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i was there, caught up in a dream, running after a new reality.

PIECE OF MY HEART
Raelyn Blackwell & @Amos Taylor (Amelyn #79) ► Piece of my heart - Page 2 873483867

Je suis difficilement impressionnable. Je ne me souviens pas d'une époque - même lorsque j'étais haute comme trois pommes - où j'aurais été capable de m'émerveiller face au spectacles des bêtes aquatiques exposées dans d'immenses aquariums. Rien n'a changé sur ce point, mais il y a bien une chose sur laquelle je m'émerveille, un tout autre spectacle : Micah. Ma fille a des étoiles pleins les yeux et semble médusée par les immenses créatures et par les poissons bariolés. Tantôt debout, mais complètement appuyée sur ses petites mains contre la vitre, tantôt dans les bras de son père, elle n'a d'yeux que pour les animaux qui eux l'ignorent royalement. Elle, elle les désigne du bout du doigt en les appelant par des noms ressemblant plus à des onomatopées de sa propre invention qu'à un vrai cours de biologie sous-marine.

Et moi, j'ai des étoiles pleins les yeux en la regardant. Au Club ou à l'Octopus, il s'agit d'une part de ma personnalité que je ne montre pas, jamais. Mais dans l'intimité, alors que je ne suis entourée que des deux personnes qui comptent à mes yeux, je m'en moque, de paraître plus douce et donc, plus vulnérable pour les quidam. Mon amour pour ma fille ne me rend pas plus fragile, ou plus tendre. A mon sens, il a plutôt tendance à faire de moi une lionne prête à sauter à la gorge de toute personne osant ne serait-ce que poser les yeux sur ma merveille. Il me rend sauvage, protectrice et dangereuse, prompte à surréagir puisque concernant Micah, je préfère prévenir que guérir. Et alors que je pose les yeux sur elle, je suis frappée par l'innocence et la joie dans ses yeux. Je me demande si elle le sent, lorsqu'Amos et moi nous disputons. Nous ne nous déchirons pas, mais est-elle capable de faire la différence ? Dans son subconscient, grandira-t-elle avec la peur au ventre que ses parents se disputent trop fort et finissent par se séparer ? Comprendra-t-elle qu'elle est élevée par des têtes de mule mais que nous sommes solides, indestructibles, mon mufle de mari et moi ? Que sa mère est une dominante et que, pour tempérer ce défaut, Amos est parfois obligé de hausse le ton mais que nous allons bien, que notre couple est à toute épreuve ? La joue posée contre le bras d'Amos - je n'ai pas envie de faire la tête ou de lui faire payer sa mauvaise foi - je partage avec lui ces questions. « Je ne sais pas. Elle était au lit. C’est grand à la maison. » Oui, c'est grand. Mais lorsque nous crions, ne l'entend-t-elle pas ? Si pas aujourd'hui, parfois ? Lorsqu'il revient vers moi sans savoir trop comment le faire, sent-elle la gêne et les tensions ? « Mais, je suppose qu’un jour, ça le sera. Ou que c’est déjà arrivé. Là, elle a l’air bien, non ? » Une raie manta passe près de la vitre, et Micah hoquète de surprise, avant de faire retentir dans l'aquarium son rire cristallin. Moi, j'esquisse un sourire tendre. « Oui, elle a l'air. » Je ramène en arrière ses cheveux fins sans me départir de mon sourire. « D'ici quelques années, elle découvrira les fonds marins pour de vrai avec son papa. » Et à l'occasion, sa mère, puisque j'aime plonger avec Amos. Mais j'aime encore plus l'idée de les imaginer tous les deux développer une complicité au travers de centres d'intérêts communs. Je ne suis pas de celles qui, dans ce cas de figure, se sentent à part ou exclues. J'aime voir ma fille et son père tisser ce lien particulier qu'ils partagent déjà. « Mais, est-ce que c’est bon de la préserver de ça ? Les gens se prennent la tête. Le monde n’est pas tout rose ou tout noir. Tout est en nuances. Je ne suis peut-être un modèle de tempérance. » Je voudrais la préserver de tout est peut-être la réponse la plus franche. Mais je veux qu'elle soit forte et solide aussi, et ces deux choses ne sont peut-être pas compatibles et, à choisir, je préfère être certaine de lui donner les armes pour savoir défendre ses intérêts dans notre monde. Mes craintes prennent certainement racine dans la frustration que génère chez moi le fait de savoir que je ne serai pas toujours là pour elle. « Mais, c’est justement à cause du monde qui nous entoure. » Je plie les lèvres, lui offrant une moue pensive d'apparence boudeuse, avant de hocher la tête. « Je veux juste pas qu'elle l'assimile et qu'elle ait peur, en grandissant. » Peur de nous dire les choses, peur d'être à l'origine d'une dispute, peur que nous nous déchirions et d'en être coupable. « J'aimerais juste savoir ce qu'il se passe dans cette petite tête blonde. » Je caresse à nouveau les cheveux de Micah, avant de poser un baiser sur sa tempe. « Nous, on le sait qu'on va bien. » Que nos disputent ne changeront jamais rien à ça. Que notre amour et notre passion sont plus importants et puissants que tout le reste.

« On n’aurait pas dû se prendre la tête, pas aujourd’hui. En tout cas, je ne voulais pas que ça se passe comme ça ou en tout cas, je ne suis pas certain que ça méritait de tourner comme ça. » Doucement, je hoche la tête. Je connais assez Amos pour savoir que ces quelques mots sont un premier pas vers un aveu de culpabilité. Attend-il que je fasse un pas vers lui à mon tour en lui confiant que je regrette ? Ce n'est pas le cas : je n'ai pas le moindre remord puisque je me bats pour lui, pour qu'il ait devant lui de longues années à nos côtés. « Non, ça n'aurait pas dû. » Tourner comme ça. « Mais c'est important. » Et à ce titre, nous devons en reparler. Faire l'autruche ne nous apportera rien de bon et ce n’est de toute façon pas le genre de la maison. De mémoire d’homme, il n’est arrivé qu’une seule fois que je n’ose confier ce qui me déchirait le ventre et le cœur et que je le garde pour moi, faisant gangréner la situation : lorsque je nourrissais le sentiment de ne pas être la priorité d’Amos. Depuis, chaque ressenti est partagé en temps et en heure. Et aujourd’hui, il est plus que temps d’adresser la méthode de compensation de mon complice. « Je voudrais qu’on en reparle. Et qu’on le fasse sans que tu te braques. » Pas comme tout à l’heure quand, pourtant, je pensais avoir pris toutes les précautions pour que cela n’arrive pas. « Pas tout de suite, pas maintenant. » Parce alors que nous partageons un moment à trois avec notre poupon qui s’émerveille du monde qui l’entoure. « Tant qu’elle sera réveillée, faut qu’aujourd’hui tourne autour d’elle. » Pour elle, mais aussi parce que je crois que nous en avons besoin pour ne pas nourrir plus tard de l’amertume à l’idée d’avoir "terni" cette journée. « Mais après. » Quand notre petite fille aura rejoint les bras de Morphée.

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Amelyn #79
@RAELYN BLACKWELL

Moi aussi, je redoute que Micah soit ébranlée par les disputes dont elle serait témoin. Comme Rae, je suis inquiet à l’idée que, si nous ne prenons pas garde, nous tremperons notre bébé dans le bain du doute perpétuel, que nous lui ôterons le sentiment de grandir dans un foyer solide, que nous la priverons aussi - peut-être - de l’insouciance d’être une enfant parce que chaque haussement de ton, entre ma complice et moi, la heurterait trop violemment ? Déniera-t-elle sa personnalité à la faveur de ce qu’elle recèle en tempérament afin de ne jamais être à l’origine d’un conflit ? Tentera-t-elle de devenir une petite fille parfaite ? Irréprochable ? Ignorant toute notion de caprices ? S’entourant de frustration de s’oublier, sans le réaliser vraiment, pour maintenir l’illusion que tout va bien pour ses parents ? Inversera-t-elle les rôles ? Se convaincra-t-elle que le sien est de nous protéger de nous-mêmes ? Si ma partenaire aspire à être rassurée, j’ignore comment m’y prendre. A ces questions, je n’ai formulé que des réponses hypothétiques juste bonnes à éteindre mes propres doutes - par exemple - suis-je un assez bon père ? Avant de prononcer le moindre mot, j’ai ceint la taille de Raelyn et je l’ai serrée un peu plus fort, heureux qu’elle ne me boude pas, soulagé qu’elle me flatte de ses attentions, ébaudi parce que notre anicroche est comparable à une broutille désormais. C’est une erreur de parcours, rien de plus. J’arrive même à me persuader qu’il ne sera plus nécessaire de revenir sur le fond puisque notre préoccupation bat des mains devant les vitres des aquariums, s’émerveillent devant des poissons aux couleurs bigarrées ou à l’aspect étonnamment drôle.

J’aimerais qu’elle parle, Micah.
J'aimerais qu’elle me décrive avec ses mots d’enfants comment elle voit tous ces mondes qui l’entourent : le sien, le nôtre, le marin, etc.
J’aimerais qu’elle me prête sa paire de lunettes pour enfant.
J’aimerais également qu’elle me prête assez de foi pour me dévoiler ce qui se dissimule dans sa magnifique petite tête blonde.
J'aimerais tant de choses encore...

En ça, je la comprends donc mon épouse. Je saisis et je l’affirme, soulignant que notre poupon - n’est-elle pas trop grande pour ce qualificatif désormais - n’a pas l’air moins épanouie que la veille ou la semaine précédente. « Et, oui, j’espère qu’elle aimera ça, nager, plonger. Je devrais peut-être aller aux bébé nageurs avec elle. Tu en penses quoi ? » Dans l’absolu, je présume que Raelyn ne s’opposera pas à ce que je partage une activité privilégiée avec notre fille. Je ne demande pas sa permission, j’interroge son coeur de maman qui pourrait appréhender un quelconque pépin. N’a-t-elle voix au chapitre, Rae ? Tandis que je l’observe, je bats la mesure de l’impact, sur elle, de notre querelle précédente. Bien sûr, son tracas par rapport à Micah et sa perception d’une ambiance, d’une situation donnée ou d’un contexte précis est effectif. Mais, se serait-elle encombrée de cette réflexion si, d’aventures, elle n’avait pas elle-même été touchée par ma mauvaise foi ? Par les cris que j’ai réfutés ? Par ma fuite dans la chambre ? Par… tout ce que je peux être con lorsqu’il plane au-dessus de moi le spectre d’une discussion dont l’issue pourrait bousculer mon fragile équilibre ? «Pour Micah, on fera attention.» ai-je avancé dans un premier temps, resserrant la prise de main sur la taille de guêpe de ma dulcinée. Dans un second, j’ai présenté une ébauche d’excuses par rapport à mon comportement. Il existe d’autres façons de refuser une conversation, d’autres plus constructives, d’autres qui ne rompent pas la communication durant des heures. Dès lors, je les intègre les desideratas de Rae, mais je me sens incapable de lui offrir ce qu’elle attend, si bien que je soupire mon désarroi sans le dissimuler. J’en baisse la tête pour que s’accrochent mes pupilles sur les cheveux fins de notre bébé. Pour elle, ne devrais-je pas affronter ce qui, je le suppose, perturbe sa maman ? Certainement. Sauf que le danger qui en découlerait, je ne le rêve pas.

A l’heure actuelle, je suis semblable à un funambule en fragile équilibre sur un fil de soie qui, à mesure que j’approche de mon but - la sobriété - s’effiloche. Il menace de se briser, et par conséquent, de provoquer une chute de plusieurs kilomètres suite à laquelle je finirai empaler sur le rocher de mon addiction. Il n’y a pas de filet dans ma condition, à peine quelques branches auxquelles se rattraper, au cas où le curseur de la volonté aurait grimpé jusqu’à son maximum grâce à de longs mois d’abstinence et dénué de tentations. Ce n’est pas mon cas. Si je le coup, l’alcool est partout autour de moi : au casino, en vente libre dans les supermarchés, dans la rue où jeunes et démunis s'assoient sur des bancs pour se siffler une bière. «Pas tant qu’elle se réveillée, effectivement. Et, après…» Je n’ai pas l’intention de refuser derechef. Je ne veux pas non plus semer un “peut-être” qui sous-entendrait que je décide seul de ses peines et de ses tourments dont je suis à l’origine. Elle mérite mieux que ça, ma partenaire, mais promettre serait mentir. Je me lance donc dans un semblant d’explication : « Je ne vais pas si mal que tu ne le crois. Je n’aime pas ce que tu m’as dit tout à l’heure, mais ça fonctionne, Rae. J’ai peur qu’en parler, ça m’enlève ça.» Par ça, j’entends : cette compensation, égoïste puisque ma conjointe oscille entre “ ce soir, il a envie de moi” ou “ Cet après-midi, je suis son empêcheur de tourner en rond.” A choisir, j’aimerais l’en préserver, mais qu’arrivera-t-il si je n’ose plus la toucher, ni par envie, ni pour m’assainir d’une autre d’entre elle bien plus malsaine ? Combien de temps me faudra-t-il pour craquer et replonger ? Est-ce que boire serait une erreur passagère ou serais-je contraint de tout reprendre au début ? «Après, je…. je ferai de mon mieux.» J’ai haussé les épaules, lui ai jeté un regard navré amplifié par des traits manifestant chagrin et soucis.

Ce masque ne m’a plus vraiment quitté : je l’ai troqué de temps à autre lorsque je me suis adressé à Micah, que je l’ai conduite en la prenant dans mes bras ou en la motivant à reproduire son exploit - tout est relatif - de ce début de journée. Il est reparu dans la voiture et s’est retiré, par respect, au moment de coucher un bébé qui en a pris pleins les mirettes et qui est, visiblement, pressée de recueillir câlins et baisers avant le début de sa nuit. Dois-je préciser que les battements de mon coeur ont accéléré une fois que nous avons fermé la porte de sa chambre derrière nous ? J’ai cherche une manière de me dérober, mais je pressens, au regard pesant dans mon dos, que si Rae respecte mon embarras et ce qu’il génère, elle a besoin d’être rassurée, elle aussi. C’est même une nécessité. J’ai donc ouvert la porte vitrée du patio, j’ai investi une chaise, allumé une cigarette, invité Raelyn à me suivre en la fixant des yeux et, ma clope allumée entre mes doigts nerveux, j’ai avancé que c’était mieux ici. «On a le babyphone. On peut l’entendre, mais pas elle. Alors, je t’écoute. »

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PIECE OF MY HEART
Raelyn Blackwell & @Amos Taylor (Amelyn #79) ► Piece of my heart - Page 2 873483867

« Et, oui, j’espère qu’elle aimera ça, nager, plonger. Je devrais peut-être aller aux bébé nageurs avec elle. Tu en penses quoi ? » J’ignore tout de la psyché des enfants. Je ne peux pas affirmer à Amos que, puisqu’il s’agit pour lui d’une passion et qu’il la partagera avec Micah, elle y prendra de toute façon goût. Mais à même pas un an, ma fille m’a déjà tout l’air d’être une fille à papa et j’ai du mal à imaginer un monde où elle ne le suivrait pas à la trace dans ses passions et ses habitudes, pour le meilleur et pour le pire. Si elle aussi, elle développe un tempérament de "soupe au lait" et fait de la mauvaise foi sa spécialité au point d’être capable de rivaliser avec son père, il y a fort à parier que leur duo me collera des migraines. L’idée me fait toutefois sourire, pour l’instant et pour une bonne raison : si elle tient au contraire plus de moi, c’est mon amant qui s’arrachera les cheveux. Dans un cas comme dans l’autre, Micah sera certainement une adolescente prompte à challenger ses deux parents. « Tu devrais. » S’il en a envie, alors il passeront un bon moment. Micah n’a jamais eu l’air effrayée par l’eau. « Elle adore passer du temps avec toi. Je suis certainement qu’elle adorera. » Et que, peut-être, cela augmentera ses prédispositions naturelles avec pour les milieux aquatiques. « Tu seras entouré de jeunes mamans : si l’une d’entre elles essaye de te faire du gringue, elle aura affaire à moi. » Je coule vers lui un regard amusé et tendre, avant de me reconcentrer sur Micah dès que la conversation se dirige vers des sujets moins agréables.

« Pour Micah, on fera attention. » Son bras se resserre autour de ma taille, et l’idée de le repousser ne me vient pas à l’esprit. Aujourd’hui, je sais faire la part des choses. Je lui en veux pour sa réaction et parce qu’il s’est emporté et m’a volontairement balancé, si pas des horreurs, des choses désagréables. Je lui en veux, mais cela ne change rien à ce que je ressens pour lui et au fait que j’en ai besoin, de cette proximité. Je me contente de hocher la tête tandis qu’Amos dépose notre fille au sol pour que, sans avancer sur ses deux jambes, elle puisse au moins s’appuyer contre l’aquarium pour découvrir le monde du haut de ses soixante-dix centimètres. Elle appuie son nez contre la vitre, et je laisse un doux rire me réchauffer la gorge. Il doit être effrayant, ce petit être humain au nez écrasé, pour les créatures de l’autre côté de la vitre. « Colle pas ta bouche contre la vitre. » Si j’ordonne, je le fais avec douceur en me penchant sur ma fille et en caressant son épaule. Mais elle a déjà son petit caractère Micah, ou bien est-elle trop jeune pour comprendre les consignes. Quoi qu’il en soit, elle fait exactement ce qu’elle a envie de faire et quand elle en a envie. « Pas tant qu’elle est réveillée, effectivement. Et, après… » Et après quoi ? Amos laisse sa phrase en suspens, et je me redresse de toute ma – petite – hauteur pour plonger à nouveau mon regard dans le sien. Comprend-t-il que j’ai besoin que le dialogue soit rétabli ? Que je ne souffre pas souvent de celui d’être constamment rassurée mais que là, j’ai besoin de l’être quant au fait que nous sommes encore capables de communiquer ? « Je ne vais pas si mal que tu ne le crois. Je n’aime pas ce que tu m’as dit tout à l’heure, mais ça fonctionne, Rae. J’ai peur qu’en parler, ça m’enlève ça. » Je l’observe et je sais qu’il y croit. Mais ça ne fonctionnera pas ad vitam aeternam et j’ai peur que la chute soit plus importante encore parce qu’il aura cru être tiré d’affaire. « Jusqu’à quand ? » Jusqu’à quand cela fonctionnera encore ? J’ai remarqué qu’en quelques semaines, son appétit sexuel a augmenté de façon quasi exponentielle. Alors, la question que je me pose c’est, pendant combien de temps ? Quand est-ce que cela ne sera plus suffisant, quand est-ce qu’il ressentira l’envie de boire juste après ? D’ici deux semaines ? Un mois ? Que se passera-t-il alors ? « Après, je…. je ferai de mon mieux. » Il ne promet pas. Mais parce que nous avons décidé tous les deux que toute discussion attendrait que les petites oreilles de Micah ne traînent plus pour avoir une discussion, une vraie, je l’espère. Pour l’instant, sans me détacher d’Amos, je me contente d’observer ma fille et de réagir avec amusement et tendresse à son baragouin.

Il n’a pas fallu attendre longtemps pour qu’elle tombe de sommeil. Sa sieste a été courte – à peine le temps de consommer une étreinte pour son père et moi, aussi vite que l’on boit un expresso – et la journée bien remplie pour elle. Pour nous, c’en est une autre qui commence.

Et alors qu’Amos me fait comprendre qu’il est prêt à m’écouter et qu’il choisit le patio pour être le théâtre de notre discussion, j’attrape mes cigarettes pour le suivre. « On a le babyphone. On peut l’entendre, mais pas elle. Alors, je t’écoute. » Il me prouve que, comme moi, il s’est inquiété des conséquences de nos cris sur notre bébé, après cet après-midi. Je referme la porte derrière moi et, avant de lui répondre, je prends le temps d’allumer ma cigarette qui, je l’espère, m’aidera à garder un calme olympien quoi qu’Amos ait en tête, comme "réponses" à mes questions. « T’as encore besoin d’aide. Et je suis pas certaine que t’en aies conscience, c’est ça qui me fait peur, pas tes appétits. » Je me moque qu’il soit prompt à me sauter dessus pour me déguster sans préliminaires. J’ai le caractère qu’il faut pour le repousser lorsque ce n’est pas le moment mais, surtout, il est rare que je ne partage pas son désir. « T’es pas retourné chez le psy, je me trompe ? » Je n’aime pas lui demander des comptes. Et je ne le ferai pas si j’avais la certitude qu’il est en sécurité, que tout ira bien. « Il faut qu’on puisse se parler de tout Amos. » Et de ça. Surtout de ça. Sans nous bouffer le nez parce qu’une situation nous fait peur ou qu’elle nous échappe. Nous ne sommes plus juste un couple, plus juste une équipe. Nous sommes bien plus que ça.

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Amelyn #79
@RAELYN BLACKWELL

Sur papier, c’était une bonne idée d’emmener Micah à des ateliers destinés à la familiariser à l’eau et à ressusciter des réflexes qui tendent à disparaître quelques jours - mois ? - après la grossesse. En théorie, me figurer entouré de maman ou de parturiente qui - j’en suis persuadé - s’émerveilleront devant la beauté de ma princesse m’oblige à déchanter. Pour peu, je renoncerais si l’idée de passer du temps avec mon enfant, en tête à tête, ne me ravissait pas. Bien sûr, j’aime les temps en famille tel que nous le partageons aujourd’hui, et ce, contre toute attente. Je me sens en sécurité dès lors que mes deux prunelles sont à mes côtés. Je n’ai pas à craindre mes angoisses irrationnelles à propos de leur sécurité. Toutefois, au-delà de la joie d’endosser pleinement mon rôle de père en organisant des activités avec pour seule compagnie Micah, permettre a Raelyn de s’occuper d’elle, de ne plus se dévouer à ses amour pour moi et pour son enfant ou d’oublier durant quelques heures ses responsabilités liés au Club ou au casino. A se demander comment, plus tôt, j’ai pu me montrer aussi con en détournant la vérité - ce pourquoi je suis remonté de la cave ébranlé -, en adressant des reproches indues à ma complice et en m’enfermant ensuite dans ma chambre pour m’assommer d’un ou deux cachets pour m’endormir et, de la sorte, ne plus penser. Plus désolant encore, c’est que je m’efforce de coutume de jalonner notre quotidien de quiétude de peur que Rae soit épuisée par mes faiblesses d’addict. C’est à cause de ces dernières que je garde jalousement des secrets que je devrais normalement partager avec ma partenaire. Pourquoi ne lui ai-je pas avoué que je ne me présentais plus chez le psy ? Avais-je réellement à me tracasser de sa déception ? Je la regarde s’inquiéter pour son enfant, la tancer de conseils d’un ton doux et ferme à la fois et, outre l’émotion qui m’étreint, je regrette. Je regrette ce que l’extérieur qualifierait de mensonges. Je déplore également les éventuelles conséquences de mes silences. Vont-ils la replonger dans une période compliquée de notre couple ? Celle où je planifiais de confronter le bourreau de Sofia ? Celle où je m’enfermais des nuits entières dans mon bureau à picoler ? A me lamenter sur mes souvenirs ? A redouter la naissance de la merveille qui remplit notre vie de bonheur tant j’appréhendais mal de ne pas être à la hauteur dans un rôle qui a été mien et dans lequel j’ai longtemps cru avoir échoué ? Le cas échéant, quels mots soulageront mon épouse ? En existent-ils ? Fourbu par l’impuissance, je me suis contenté de la serrer contre moi et de la rassurer au mieux à propos de notre fille, de l’impact de nos disputes sur son bien-être. J’avance aussi, comme une promesse, les premiers pions de la conversation qui nous attendra à notre retour, une fois Micah profondément endormie. Incapable de répondre à la question formulée par Raelyn, j’ai haussé les épaules et mes lèvres se sont tordues d’ignorance. A ce stade, je ne détiens rien de probant pour la détendre. Alors, je me contente d’un pseudo-serment derrière lequel se cache l’ombre d’une promesse : je n’esquiverai pas cette discussion, même si l’occasion m’en était donnée.

Le sort joue en faveur de ma conjointe. Micah n’a pas tardé à s’endormir. Sa première respiration plus lourde à sonner pour moi l’heure d’assumer mes responsabilités. A défaut de m’aider d’un peu d’alcool, j’ai emporté sur le patio mon paquet de cigarettes. J’en ai allumé une sans tarder et je n’ai pas non plus traîné à me jeter à l’eau puisque la baignade est obligatoire. J’offre voix au chapitre à Raelyn et, tandis que je l’écoute attentivement. Elle est brève et, si je ne m’offusque pas réellement, je me permets de la corriger. «De la façon dont tu dis ça, on dirait que… je sais pas… que je suis une espèce d'obsédés sexuels.» J’en suis peiné et je ne le dissimule pas. Je l’exprime en poussant un profond soupir. J’ai envie de renchérir que, la majorité du temps, c’est à mes envies d’elle que je réponds, mais je n’en suis pas tout à fait certain. Je doute, autant qu’elle et, quoiqu’il me plaise de m’appuyer sur l’hypothèse que c’est elle qui a planté cette graine dans mon cerveau à l’imagination fertile, je m’abstiens. Je fais de mon mutisme une barricade alors que je suis percé à jour. Comment dire : tu as raison ? Tu es dans le bon, je ne vois plus de psy ? Comment l’avouer tout de go sans l’alarmer ? Tête basse, je choisis d’éluder l’interrogation au profit de la remarque suivante. « Je t’ai pas dit tout de suite ce qui s’est passé à la cave, mais c’est pas parce que je voulais le cacher pour de mauvaises raisons. J’allais t’en parler quand j’aurais retrouvé mes esprits. » Je ne lui sers plus le discours qui prétend que je suis au mieux de ma forme : je me suis trahi au moment où j’ai feint de ne pas l’entendre à propos de mes rendez-vous chez l’addictologue. Alors, j’y reviens, mais à tâtons, sans préciser le fond de ma pensée. Elle le deviner : elle lit en moi. « Je n’ai pas besoin de plus d’aide que celle que tu m’apportes, Rae. Je n’ai pas d’intérêt à dire à d’autres ce que je pourrais te dire à toi. Pourquoi je perdrais mon temps à ça ? » A m’asseoir dans un divan devant une bonne femme qui fait semblant de m’écouter ? Qui envisage une médication ? Qui me soutient qu’un groupe de paroles pourrait m’être utile ? Que “ça fait du bien de ne savoir qu’on n’est pas seul à mener un combat différent et à la fois identique” ? «C’est toi mon garde-fou. C’est pas ce qu’on a dit ? » Et, à ce titre, je prends la mesure de son avertissement et j’ajoute : « Tu ne sais plus te situer et j’ai pas envie de sortir un panneau de couleur pour t’indiquer de quoi j’ai vraiment envie.» D’elle, d’alcool, ou des deux. «Alors, je trouverai autre chose, le temps que ça s’équilibre.» Autrement dit, je réprimerai ma convoîtise, j’éviterai de la toucher, je la laisserai seule maître à bord, je me tiendrai à sa disposition, mais éviterai toute avance, non pour la punir, mais pour la préserver de… mes appétits. « Mais, je le répète, je ne perdrai pas mon temps à faire des trucs qui me servent à rien. Je sais que je peux m’en tirer tout seul ou presque. J’y suis presque d’ailleurs et ça me ferait plaisir que tu y crois avec moi…» Au lieu de t’inquiéter, aurais-je renchérir. Sauf que ça aurait sonné, à mes tympans, comme la preuve d’un désaveu de sa part et je n’ai pas besoin qu’une telle hypothèse m’empoisonne l’esprit.

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i was there, caught up in a dream, running after a new reality.

PIECE OF MY HEART
Raelyn Blackwell & @Amos Taylor (Amelyn #79) ► Piece of my heart - Page 2 873483867

« De la façon dont tu dis ça, on dirait que… je sais pas… que je suis une espèce d'obsédé sexuel. » - « Tu sais bien que c’est pas ce que je pense. » Dans le cas échéant, je serais la pire des hypocrite puisque je n’ai jamais nié que le sexe occupe une place importante à mes yeux. Notre relation a bien vite dépassé le stade de la relation charnelle, mais nous avons par contre toujours été parfaitement accordés à ce niveau là. Notre passion, c’est une partie intégrante de qui nous sommes en tant que couple et jamais je ne voudrais que cela change. « Ou alors, j’en suis une aussi. » J’esquisse un sourire en tendant ma main libre dans sa direction. J’espère qu’il la saisira. J’espère qu’il comprendra que je n’ai pas envie que la discussion tourne au pugilat, ou qu’il ait l’impression que je lui fais un procès. Je suis là en tant que partenaire. Je suis là en tant que complice et femme, parce que je me fais du souci pour lui et, dans une moindre mesure, parce que nous n’avons pas réussi à communiquer tout à l’heure. Est-ce inédit ? Non. Mais avec le temps c’est devenu rare, et je ne veux pas que nos mauvais réflexes reviennent au galop. « C’est pas ça le message. » Le message, c’est que je m’inquiète pour lui, à cause de la force de mes sentiments à son égard, la faute à mon instinct de protection. Il ne s'étend qu’à ceux que j’aime.

« Je t’ai pas dit tout de suite ce qui s’est passé à la cave, mais c’est pas parce que je voulais le cacher pour de mauvaises raisons. J’allais t’en parler quand j’aurais retrouvé mes esprits. » - « Tu as été tenté. » Il n’a pas besoin de me l’expliquer. Il n’a même pas besoin de mots à vrai dire : je sais ce que c’est que d’être un addict. Je l’ai dit à Spencer : notre sentence à tous, c’est que la tentation ne disparaît jamais totalement. « Tu n’as pas besoin de t’en sentir coupable. Tu n’as même pas besoin de te justifier auprès de moi, je sais… » Je le lui confie avec gravité, puisque cela implique aussi que si je comprends, c’est parce que c’est également mon cas. « La seule chose qu’on peut faire, c’est résister. Et tu l’as fait, c’est admirable. » Même si la méthode m’inquiète, parce qu’utiliser des subterfuges pour tromper les sirènes de l'addiction, c’est risquer que tout s’effondre si un jour ça lui est impossible. « Et t’as même pas besoin de me le dire. On peut mettre en place un système, un geste, un mot, quelque chose pour que tu me le communiques, dans ces cas là. » Pour qu’il n’ait pas à mettre des mots sur cette désagréable sensation qui serre la gorge, donne l’impression d'étouffer et d’avoir la tête qui tourne. Parce que je le connais et qu’il n’a besoin d’en parler que s’il le souhaite.

« Je n’ai pas besoin de plus d’aide que celle que tu m’apportes, Rae. Je n’ai pas d’intérêt à dire à d’autres ce que je pourrais te dire à toi. Pourquoi je perdrais mon temps à ça ? C’est toi mon garde-fou. C’est pas ce qu’on a dit ? » - « C’est ce qu’on a dit. » Et je n’ai pas l’intention de revenir dessus, jamais. Parce que je le pensais et je le pense encore. Toutefois, la question que je lui pose me vient naturellement, sans que je n’ai besoin de réfléchir puisqu’elle incarne ce qui me fait peur. « Et je suis assez ? » S’il te plait Amos. Regarde moi dans les yeux et affirme le moi sans essayer de me mentir ou de te mentir à toi même. Dis le moi avec conviction, et je te croirais. Il ne s’agit pas de moi essayant de me rassurer sur la place que j’occupe dans sa vie. Il s’agit de moi, lui demandant une introspection nécessaire à son équilibre et à sa santé. Il s’agit de moi lui demandant d’être honnête avec lui-même, avant tout. La seule mauvaise réponse qu’il pourrait me donner, c’est un mensonge. Le reste, je m’en moque : ma fierté n’en prendra pas un coup s’il a besoin d’aide, d’une autre aide que celle que je suis capable de lui apporter. N’est-ce pas là l’une des plus belles preuves d’amour que puisse faire une femme aussi orgueilleuse que je le suis ? « Tu ne sais plus te situer et j’ai pas envie de sortir un panneau de couleur pour t’indiquer de quoi j’ai vraiment envie. » Je ne baisse pas mon regard. Je ne tente pas de le rassurer en affirmant qu’il a mal compris puisque ce ne serait pas nous rendre service : non, je ne sais pas toujours où me situer. La plupart du temps, je sais qu’il me désire moi. Mais à certaines occasions, j’ai peur que tout se mélange et que le manque soit le moteur de ses élans de passion. « Alors, je trouverai autre chose, le temps que ça s’équilibre. » - « Je ne suis pas en train de te dire que je ne veux plus que tu me touches. » J’en crèverais, pour être tout à fait honnête. J’en crèverais si nos rapports charnels deviennent synonyme de poison ou de sujet tabou. Pour l’illustrer, je laisse ma main glisser sur son bras, mes doigts courir sur sa peau. « Mais, je le répète, je ne perdrai pas mon temps à faire des trucs qui me servent à rien. Je sais que je peux m’en tirer tout seul ou presque. J’y suis presque d’ailleurs et ça me ferait plaisir que tu y crois avec moi… » Je fronce les sourcils, avant de me secouer les puces pour lui répondre rapidement : je n’ai pas envie qu’un silence entraîne un quiproquo entre nous. « Bien sûr que je crois en toi. » Tu voulais me forcer à entrer en cure de désintoxication, tu te souviens ? « Quand tu m’as retenue sur le catamaran, c’était parce que tu m’aimais, pas parce que tu me croyais incapable de m’en sortir seule, je me trompe ? » Parce qu’il ne pouvait pas laisser la moindre place au doute, même minuscule. Afin d’éviter toute méprise, je pose ma main à plat contre son torse et j’ajoute. « Je ne suis pas en train de comparer. Tu as fait bien plus de chemin que moi à l’époque. » Garde-le simplement à l’esprit. « Si tu me dis que tu peux t’en sortir seul - » Et si je lis dans tes yeux que tu y crois. « - alors je te crois. »

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Amelyn #79
@RAELYN BLACKWELL

Je sais que vider mon coeur de la douleur causée par une remarque est profitable. La confier, c’est offrir à l’autre une chance de confirmer, d’infirmer, de corriger le propos ou de l’expliquer afin qu’il approche davantage de sa vérité que de celle du récepteur. Celui-là, il peut alors mettre un terme à sa gamberge avant que son imagination transforme une éraflure en plaie ouverte qui gangrènera vite. J’ai appris tout ça et, quoique ma pudeur me retienne encore d’être transparent, parfois, cependant plus régulièrement que souvent, je me fie à notre passé, à ce que nous avons gagné lorsque j’ai accepté de communiquer mieux, de ne pas opposer des grognements ou des exemples de mauvaise foi à consigner dans des annales. Est-ce qu’il m’en coûte de confier que j’ai le sentiment d’être un désaxé ? Evidemment. Je n’ai pas envie de planter des graines d’ivraie dans la tête de mon épouse. Je ne supporterais pas qu’elle me considère comme un type sexuellement gourmand, anormalement, flirtant avec la limite du tolérable. Je recevrais le message que sa flamme s’éteint peu à peu quand la mienne éclaire notre avenir sur des kilomètres à la ronde. Cette simple idée a amplifié ma nervosité si bien que je n’ai réprimé le soulagement qui a masqué mes traits. Je suis fatigué, ils doivent être tirés. Je suis épuisé d’avoir mener trop de combat à la fois aujourd’hui : garder provisoirement des secrets, jouer les pères modèles, me défendre d’aller pour le mieux avec collé au corps de bonnes intentions - ne pas inquiéter Raelyn - mais provoquant tout de même une dispute, me remettre en question afin de ne pas ternir ce jour important pour tout parent digne de ce nom. Nous le sommes, dignes d’avoir mis au monde cette merveille. Néanmoins, quand je suis agressé par la vue d’une bouteille d’alcool, je doute de moi. Lorsque Raelyn souligne que mes cachotteries représentent la distance de dix pas à reculons, j’ai peur. Dès lors qu’elle insiste sur ses hypothèses - tu ne vas pas bien - et m’oblige à déserter le doux pays du déni, je m’inquiète. Je me tracasse à l’idée de réduire mes efforts à néant par la faute d’un détail, d’une entaille dans ma fragile confiance en moi en tant que père et en tant qu’époux. Je me soucie de l’impact du regard que pose sur moi ma compagne. Alors, oui, je suis rassuré d’avoir été trop prolifique à m’attarder sur ce que mes angoisses sous-entendraient volontiers puisqu’elle est la complice du démon qu’est mon addiction. Je le suis au point de ne pas me défendre de la déclaration de Raelyn. Oui, j’ai été tenté. Effectivement, j’ai ressenti une vive culpabilité. Non, je n’ai pas trouvé normral d’être faible à ce point. Oui, mes jambes sont devenues guimauves et mes mains ont tremblé. et, oui de nouveau, j’ai pris le pouls de ce que mes compensations sont éphémères et, par conséquent, provisoire. Au contraire je n’aurais pas perdu de longues secondes à contempler l’étiquette de la bouteille de whisky. Je ne me serais pas demandé non plus si j’ai pris la précaution, à l’époque où je les ai cachées, de planquer un verre dans la mousse, histoire de consommer autrement qu’au goulot, ce qui m’aurait renvoyé à l’image de l’alcoolique, de ceux que j’ai croisés aux AA. « Ce qui aurait été admirable, c’est que boire ne m’ait pas traversé l’esprit, pas aujourd’hui. La petite a fait ses premiers pas. On était bien tous les deux pendant sa sieste. Je n’aurais pas dû être tenté comme je l’ai été.» ai-je expliqué sur le ton de la confidence. Je bée pour ma complice la porte qui mène à cette pièce, de mon palais mental, où opère ce juge qui me ressemble trait pour trait. Lui, il me condamne et si les paroles de Raelyn me touchent, je ne parviens pas à envisager de ce que je suis trop exigeant envers moi-même. La faute revient au temps : je n’en ai pas ou plus assez. J’ai grillé la chandelle par les deux bouts après la mort de Sofia. J’ai certainement réduit mon espérance de vie et si je peux glaner quelques années supplémentaires, c’est maintenant qu’il me faut oeuvrer. Demain, ce sera trop, car ce n’est pas si loin. Micah me le rappelle tous les jours. Elle grandit. Elle pousse et elle change. Elle emprunte sûrement le sentier vers l’état de petite fille. Elle n’est déjà plus tout à fait un bébé. Je ne peux rien manquer à cause de l’alcool. Je veux qu’elle s’épanouisse sans craindre que son père ne crève prématurément parce qu’il ne l’aura pas aimer assez pour se défaire du schéma de destruction dont je n’ai plus besoin, mais qui est ancré profondément dans mes habitudes. «J’aimerais tellement que ça ne m’atteigne plus, que cette étape-là soit déjà derrière moi. Combien de temps ça va durer encore ? » Je me garde d’ajouter que l’isolement sur mon bateau aurait accéléré les choses : la méthode a fonctionné pour ma dulcinée. Sauf que la solution, durant cette ère, était envisageable. Pas aujourd’hui. Pas maintenant que nous croulons sous les responsabilités. «Je suis fatigué.» ai-je avoué avec la lassitude du combattant éreinté d’avoir guerroyé jour et nuit durant des mois. «Un geste. Tu l’avais compris de toute façon. Je ne sais pas te cacher grand chose très longtemps.» Quant au seul mot qui me vient à l’esprit, c’est SOS et j’en aurais honte, non sur l’instant, mais plus tard. C’est toujours la même histoire. Je nage entièrement dans la fange de l’opprobre à l’instant même. Les seules raisons qui m’incitent à révéler mes secrets, c’est parce que me retrancher derrière ma fierté face à Raelyn, c’est craché sur les voeux de notre mariage et parce qu’au fond, j’ai confiance en elle, en sa force, en sa volonté d’être et de rester mon phare dans la nuit. «Mais, on peut, même si je ne sais pas ce que je pourrai faire après ça. Prendre un somnifère et dormir jusqu’à ce que ça passe ? » Lucide sur ce qu’elle ne m’interdit pas de la désirer, de la toucher, de la posséder tout entière et d’être autant à elle que l’inverse, j’ai malheureusement. J’ai entendu qu’elle s’inquiétait des raisons invoquées par mon subconscient et des interrogations qui en découlent. A sa place, je serais vexé d’’avoir à hésiter sur le moteur d’une étreinte charnelle. J’aspire à rapporter de l’équilibre à notre sexualité, mais ça me fait flipper. Si je n’ai plus accès à ses courbes ou si j’en ai déjà abusé, de quel autre subterfuge pourrais-je user pour duper mon assuétude si ce n’est une autre drogue, prescrite par un médecin, mais qui n’en est pas moins source de dépendance ? Continuer à rencontrer un psychologue, c’est au-dessus de mes forces et j’essaie de l’expliquer avec toute ma maladresse. Je ne m’efforce pas de faire peser le poids de ma réussite sur les épaules de ma femme. Loin de moi l’envie ou l’idée. La réalité, c’est que : «oui, tu suffiras, parce qu’à chaque fois que je confie à quelqu’un d’autre ce que je ne te dis pas à toi, j’ai l’impression de te trahir, tu comprends ? Je ne veux pas d’un psy.» C’est dit haut et clair. «Je veux pas sortir de là en me disant que je les fais ces putains de dix pas en arrière.» Et, pour cause, je n’adresse pas le fruit de mes tergiversations à la personne à laquelle j’ai prêté une foi pleine et entière. «Et, je t’ai retenue sur le catamaran, parce que tu ne voulais pas t’en sortir. Tu avais tout ce qu’il fallait pour ça, mais tu ne voulais pas le voir. Alors, non, je ne peux pas m’en sortir seul, Rae. Mais, je pense vraiment que je peux m’en sortir avec toi. ça, j’y crois.» Ma main s’est posée avec délicatesse sur la sienne, appuyée sur mon torse. Je l’ai pressée tandis que mon regard s’est accroché aux jades de son regard inquisiteur. Elle cherche à lire en moi et je ne ferme pas le bouquin d’un geste rageur. Je tourne plutôt la page vers le prochain chapitre : au diable toute aide extérieure. Je ne suis pas un défenseur de la médecine parallèle. Je ne suis pas convaincu que la communication puisse fonctionner avec tous quand, comme moi, on souffre d’un handicap relationnel. Par contre, je n’ai jamais cessé de porter aux nues la noblesse et la force de l’amour que Rae et moi partageons. Il est plus fort que le sort lui-même. Il est capable de déjouer tous les pièges, si bien que je répète. «J’en suis sûr. Même si là, je ne sais pas quoi faire. Je dois changer de façon de faire ? Je dois te prévenir que je triche, même si globablement, j’ai jamais cessé d’avoir envie de toi avant toi.» Mon traînant trahit mon impuissance et j’en crève. Où est-il, ce type qui prévoit ? Qui anticipe ? Qui est capable d’organiser des plans de vengeance sans faille ? Où est-il ce drôle de gars ?

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Raelyn Blackwell & @Amos Taylor (Amelyn #79) ► Piece of my heart - Page 2 873483867

« Ce qui aurait été admirable, c’est que boire ne m’ait pas traversé l’esprit, pas aujourd’hui. La petite a fait ses premiers pas. On était bien tous les deux pendant sa sieste. Je n’aurais pas dû être tenté comme je l’ai été. » Peut-être que cela l’aurait été, mais il n’est pas un surhomme. Moi-même, il m’arrive d’être encore tentée. Bien sûr, je suis assez solide pour que le risque de rechute soit proche de zéro – il n’est jamais totalement nul, c’est ce que m’a appris l’hiver de l’année 2020 – mais pour autant, je les entends toujours, les sirènes de la cocaïne. Elles chantent pour moi à chaque fois que mon regard se pose sur un pochon de cocaïne, à chaque fois que j’observe les effets de mon ancien poison sur le visage d’une autre de ses victimes. Sauf qu’aujourd’hui, ces voix sont trop faibles pour que je sois incapable de les repousser et de les étouffer. Je les musèle et j’avance. Mais le "et si", "et si je me penchais sur ce rail pour l’aspirer, que se passerait-il ?", il est toujours là, dans un coin de mon esprit. « J’aimerais tellement que ça ne m’atteigne plus, que cette étape-là soit déjà derrière moi. Combien de temps ça va durer encore ? Je suis fatigué. » Je pousse un soupir navré, garde mon regard fiché dans le sien mais l’idée de lui mentir pour que la pilule soit plus facile à avaler ne me traverse pas l’esprit. Je ne suis pas de celles qui considère qu’il y a des situations où il vaut mieux passer de la pommade à l’autre, quitte à lui cacher une vérité difficile à entendre. Je suis d’une honnêteté brute, une honnêteté rugueuse parce que je considère qu’un mensonge ne rend jamais service. Jamais. « Combien de temps quoi va durer ? » La tentation, ou le fait de se sentir proche de vaciller et de franchir la limite ? « L’envie partira jamais totalement. Je suis désolée. » Si ce n’est pas ce que tu veux entendre. « Mais un jour tu l’entendre à peine, ça je te le promets. »

« Je t’aime pas parce que je considère que t’es un surhomme Amos. » Ou parce qu’à mes yeux il aurait pris l’apparence d’un demi dieu. Je l’aime avec ses failles et je les connais. N’est-ce pas parce qu’elles ressemblent aux miennes que j’ai été attirée par lui dans un premier lieu ? Parce que ses fêlures trouvent écho dans les miennes ? « Micah a marché. J’aurais été en colère contre toi si ça avait fait plus que te traverser l’esprit. » Si tu l’avais fait. « Mais c’est pas le cas. Tu n’es pas faible. Tu n’es pas égoïste et tu n’as rien gâché. » Au contraire, je ressens encore toute la pureté des sentiments qui m’ont étreinte lorsque mon bébé a fait ses premiers pas. « Un geste. Tu l’avais compris de toute façon. Je ne sais pas te cacher grand-chose très longtemps. » Doucement, je tends ma main vers la sienne, caresse la pulpe de ses doigts du bout des miens, avant de les entrelacer. « Mais, on peut, même si je ne sais pas ce que je pourrai faire après ça. Prendre un somnifère et dormir jusqu’à ce que ça passe ? » - « On trouvera une solution. » Nous en essaierons trente jusqu’à découvrir celle qui fonctionnera le mieux. « Tu peux jouer avec ton alliance. » Ce n’est pas l’un de ses tics nerveux, je ne pourrais pas le confondre avec autre chose. Je l’aime bien cette idée : elle me donne l’impression qu’il m’invoquera par le lien qui nous unit. « Ou autre chose. » Tant que c’est clair comme de l’eau de roche pour moi et que je peux l’aider, je me moque de ce qu’il choisira.

« Oui, tu suffiras, parce qu’à chaque fois que je confie à quelqu’un d’autre ce que je ne te dis pas à toi, j’ai l’impression de te trahir, tu comprends ? Je ne veux pas d’un psy. » Ses mots sont une preuve de son amour, de sa passion dévorante : il a l’impression de nous trahir, en tant qu’équipe, quand il va chercher de l’aide ailleurs. Moi aussi, ma certitude qu’il a besoin d’aller chercher de l’aide ailleurs me désole, je ne lui dis pas ces choses pour me débarrasser d’un fardeau – il ne l’a jamais été et ne le sera jamais à mes yeux – je les lui dis parce que je ne suis pas assez égoïste pour faire passer mon pincement au cœur avant ses chances de guérison. En un mot : je veux qu’il aille mieux, je me moque de par quoi ça passe. « Je veux pas sortir de là en me disant que je les fais ces putains de dix pas en arrière. » - « Chercher de l’aide ailleurs qu’auprès de moi - » Surtout si c’est auprès de professionnels qualifiés, ce que je ne suis pas. A lui offrir, j’ai mon cœur et mon expérience similaire à la sienne. « - c’est pas faire dix pas en arrière. C’est pas manquer de loyauté envers moi. » Je l’aurais peut-être perçu comme ça à une autre époque, dans une autre vie. Je l’ai fait à chaque fois que cette aide extérieure était Olivia Marshall, mais il y a une différence entre demander à une autre femme, une comme elle de l’épaule, et reconnaître qu’il a besoin d’une aide que seuls des professionnels peuvent apporter. « Et, je t’ai retenue sur le catamaran, parce que tu ne voulais pas t’en sortir. Tu avais tout ce qu’il fallait pour ça, mais tu ne voulais pas le voir. Alors, non, je ne peux pas m’en sortir seul, Rae. Mais, je pense vraiment que je peux m’en sortir avec toi. Ça, j’y crois. » Je ne baisse pas les yeux parce que j’ai honte de ce qu’il me confie. Je ne détourne pas le regard non plus et pour cause : il a raison. Je ne voulais pas m’en sortir, je n’avais pas l’impression d’avoir la moindre raison valable de le faire et pour cause : j’avais à mes yeux tout perdu. Mais puisque j’ai dit que je l’accepterai s’il m’affirmait être certain de pouvoir s’en sortir seul, je ne pipe mot. Il me l’affirme avec aplomb, et je ne me demande pas s’il ne se surestime pas. J’espère. Ne pas le faire serait insultant et pour cause : Amos n’en est plus au stade ou l’addiction le pousse à mentir, cacher et tricher. C’est lui que j’ai en face de moi, cet homme qui a toute ma confiance, pas l’addict. « J’en suis sûr. Même si là, je ne sais pas quoi faire. Je dois changer de façon de faire ? Je dois te prévenir que je triche, même si globalement, j’ai jamais cessé d’avoir envie de toi avant toi. » Je pose ma main sur son torse et il la recouvre de la sienne. Ma cigarette se consume dans l’autre sans que je ne la porte à mes lèvres : toute mon attention est dirigée vers mon amant. « Tu me fais monter à bord. Tu fais ce qu’on s’est dit, tu me le fais comprendre quand tu es tenté et quand tu sens que tu vas perdre pied. » S’il est honnête avec moi, alors je saurai à quoi m’en tenir. Je n’aurais plus à me demander s’il me désire ou s’il échappe à l’addiction. « Et tu me laisse t’aider. » Tu me fais confiance à partir de là pour prendre les rênes dans ces moment où tu n’es plus tout à fait capable de les tenir. Ma main quitte son torse pour se glisser à l’arrière de sa nuque. « Regarde où t’en es, pas là où t’es pas encore arrivé. Tu es sobre depuis des mois. » Et c’est une victoire, il doit le prendre comme tel.

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Amelyn #79
@RAELYN BLACKWELL

Je ne suis pas assez naïf pour réellement espérer que l’envie me passera, un jour, pour toujours et à jamais. En outre, je ne m’attendais pas non plus que Raelyn puisse l’affirmer, usant par conséquent d’un mensonge, avec l’intention “bienveillante” de me bercer d’illusions. Je crois qu’elle m’aurait déçue, qu’elle aurait entâché ma confiance de par ce boniment. Pourtant, une part de moi se désole de cette vérité évidente. Pourquoi est-il impossible de signer une armistice éternelle avec son addiction lorsque l’on a clairement gagné la guerre ? Pourquoi doit-elle toujours nous hanter, être une menace, se manifester par surprise en manipulant notre inconscient ? Pourquoi celui-ci n’est-il pas contrôlable, si bien qu’il glisse dans notre gosier le souvenir du goût du whisky ? D’un bon scotch ? D’une bière ? Pourquoi ? Je soupire et, à défaut de prier pour devenir une exception, une qui confirmerait la règle, j’implore Dieu sait qui d’atteindre ce moment béni où je pourrai rire au nez de mon assuétude parce qu’elle sera muette, ou presque… J’attends ce jour avec une folle impatience en considérant réellement les propositions de Raelyn. Un geste. Pourquoi pas. S’il est vrai qu’elle n’est pas tombée amoureuse de moi pour m’avoir idéalisé - et je n’en doute pas -, au vu qu’il est entendu que ses déclarations me réchauffent le coeur, ne puis-je pas tout envisager ? Puisque j’ai accepté qu’elle était la seule à pouvoir m’aider, autant me plier aux consignes. Quel mal y a-t-il à se laisser guider par son épouse ? Aucun. Si mon expérience du mariage tendait à me souffler le contraire - une femme à nos côtés n’est pas forcément une alliée -, j’ai été détrompé il y a bien longtemps à présent. Alors, d’instinct, je fais rouler mon alliance sur ma phalange. « Va pour ça. Et, on cherchera une solution ensemble et on la trouvera.» ai-je affirmé, confiant, de nouveau prêt à escalader toute montagne qui se dresserait sur mon chemin. Je le suis parce que ma complice me tiendra la main, comme j’ai tenu la sienne tout au long de sa propre bataille, au milieu de nulle part, le catamaran pour refuge. Elle la serrera plus fort quand ce sera nécessaire pour me tirer en arrière, pour m’éloigner du chant hypnotique de l’alcoolisme. J’en suis convaincu et je respire beaucoup désormais. Je suis moins soumis aux conséquences de la culpabilité d’avoir failli flancher. Certes, je ne jurerais pas que je suis plus fort que jamais, mais j’ai gagné en robustesse et je m’autorise à être fier d’avoir mené cette conversation en faisant fi de la pudeur. J’ai parlé à coeur ouvert. J’ai été entendu, compris. J’ai été soutenu et encouragé. Dès lors, ragaillardi, j’insiste : je ne veux pas oublier ce que je suis parce que de l’aide extérieure est habituellement recommandée. «Tu sais ce que ça me coûte de parler de moi ? Je vais pas te rappeler comme ça a été compliqué pour toi de me cerner. L’effort que ça me demande de parler devant un inconnu.» Quelqu’un dont j’ignore tout et que ne m’inspire que méfiance. «C’est une énergie que je ne peux pas me permettre de dépenser parce que j’en ai besoin ailleurs. » Pour lutter, pour être un père et un mari à mon sens parfait, même si ma famille ne l’exige pas de moi. « Alors, au-delà de la loyauté… je préfère garder mon énergie pour ce qui me semble plus juste.» Et, parmi mes causes précitées, maintenir le dialogue avec Raelyn est une priorité. J’ai trop vite fait de me refermer après une visite chez un psychologue : à chaque fois, le professionnel a épuisé mon compteur de mots. Je suis ressorti du cabinet à sec, vide de toutes substances à force de remuer avec un étranger mes traumas passés, ceux qui m’ont conduit vers la boisson. Je ne trouve aucun intérêt à m’y efforcer alors que je suis aimé par une femme disposée à me servir de béquille. Je l’ai refusé durant un temps de peur qu’elle y perde des plumes. J’ai cependant avaler le plus gros des kilomètres vers la rédemption. Elle est tout prêt. Je peux flairer son odeur et je le maintiens. «Je peux. Avec toi.» ai-je donc répété en serrant sa main dans la mienne. Je me suis également redressé et assis au bord du fauteuil. Droit comm un I, je ponctue d’un «C’est ok. On fera comme ça. De toute façon, c’est impossible de te laisser sur le quai. Tu arrives toujours à t’infiltrer. Un vrai passage clandestin… qui a été le bienvenu. » Je tente l’humour, mais il se cache derrière ce trait d’esprit des remerciements. Je crains que, sans elle et sans ce cadeau merveilleux qu’elle m’a offert, je me serais saoulé jusqu’à la cirrhose. J’ai ensuite appuyé ma gratitude par un baiser avant de formuler plusieurs promesses. « Tu es déjà à bord. Tu l’es depuis que je t’ai dit oui. J’ai été con d’essayer de te tenir à l’écart. Je n’avais pas compris, mais c’est vrai, j’ai fait du chemin et ça ouvre l’esprit.» J’ai conclu par un nouveau baiser et une accolade tandis que je récupère entre les doigts de Rae son mégot de cigarette. Je l’ai écrasé dans le cendrier pour l’enlacer, pour la garder au plus près de moi, sans intention d’user de son corps comme d’un médicament. J’ai juste besoin qu’elle soit auprès de moi et qu’elle me rassure encore une fois : «Je ne t’ennuierai pas quand je serai sobre ? Quand je pourrai même plus boire un verre de vin au resto ou un verre de champagne pour fêter un heureux événement ? » L’expansion du casino, par exemple. « Je le sais, au fond, mais j’ai besoin que tu le dises.» Ainsi j’admets, exprimant sans fioriture une inquiétude qui, parfois, me pousserait bien dans le trou creusé par mes démons.

--- and suddenly
i was there, caught up in a dream, running after a new reality.

PIECE OF MY HEART
Raelyn Blackwell & @Amos Taylor (Amelyn #79) ► Piece of my heart - Page 2 873483867

Un geste, un mot, ce n’est pas la première fois que nous faisons appel à ce genre de stratagème pour arriver à faire comprendre ce que nous n’arrivons pas à dire. La dernière fois, c’est lorsqu’il nous a fallu mettre en place un safe word lorsque je voulais lui faire comprendre qu’il prenait des décisions pour nous deux ou pour moi. Il était ridicule mais grâce à ça, il a désamorcé des situations qui aurait pu gangrener si je ne l’avais pas brandi. Aujourd’hui, est-ce que ce geste - Amos jouant avec son alliance comme il le fait par réflexe à l’instant - arriverons-nous à communiquer plus aisément autour de la thématique du manque et de l’addiction ? Parviendra-t-il à me faire comprendre qu’il se sent au bord du précipice sans craindre l’impact que cela aurait sur lui de le dire à voix haute. J’y crois. J’y crois parce que nous avons appris petit à petit à communiquer mieux et plus, j’y crois parce que nous sommes une équipe et qu’il me le rappelle : se confier à un autre que moi lui donne l’impression de me trahir. « Tu sais ce que ça me coûte de parler de moi ? Je vais pas te rappeler comme ça a été compliqué pour toi de me cerner. L’effort que ça me demande de parler devant un inconnu. » J’en suis consciente. Mais je suis aussi consciente qu’il s’agissait d’une solution tentée parce que les autres ont échoué. La genèse de ses errances en termes de prise en charge, c’est cette fois où il a quitté le loft après que je lui ai demandé de donner une chance à toutes les méthodes possibles pour aller mieux. Après sa crise de delirium tremens, j’ai sincèrement pensé que je n’étais pas de taille à lutter seule contre ses démons. Les réunions des AA n’étaient pas faites pour lui, parler à un psy n’est pas fait pour lui alors que nous reste-t-il ? Revenir à la case départ ? Est-ce ce que nous sommes en train de faire ? Est-ce idiot de croire que, malgré tout, grâce à tout ce qui a été mis en place ces derniers mois il va mieux ? Que toutes ces tentatives n’ont pas été parfaites et miraculeuses, mais qu’elles ont été fructueuses à leur façon ? Après tout, il n’a plus traversé de crise comme ça depuis des mois. Aujourd’hui, il n’a pas bu. Alors certes, sa réaction lorsque j’ai refusé de m’offrir à lui il y a quelques semaines était inquiétante. Mais n’avons-nous pas trouvé un début de solution ? Parler plus et mieux ? « C’est une énergie que je ne peux pas me permettre de dépenser parce que j’en ai besoin ailleurs. » - « Ton équilibre, c’est la seule chose qui mérite que tu dépenses de l’énergie pour l’instant. » Si pas avec un psychologue, avec moi. En tout cas, il ne peut plus continuer à se cacher derrière un déni de ce qu’il traverse. Être addict à la boisson ne le définit pas, au même titre que mes addictions n’ont jamais été tout ce que je suis. Mais il l’est, il le sera toute sa vie et, à mon sens, il n’y a pas la moindre honte à avoir. J’assume mes failles - ou en tout cas cette dernière - la tête haute. Il n’a aucune honte à tirer de la sienne. « Alors, au-delà de la loyauté… je préfère garder mon énergie pour ce qui me semble plus juste. »

Ma main sur son torse témoigne de mon amour, de ma loyauté et de ma foi en lui. Je continue à penser que cette discussion était nécessaire - parce qu’il m’a menti ce matin et qu’il avait besoin que je lui rappelle qu’il peut tout me dire, et parce que j’avais besoin de me laver de l’impression que mon corps et mes courbes sont devenus son subterfuge - mais à présent, je choisis de lui faire confiance. Il a raison : il a parcouru une bonne partie du chemin. J’ai réellement envie de croire qu’il peut terminer la course avec moi, uniquement moi et ma main dans la sienne. « Je peux. Avec toi. » - « Je te crois. » Je hoche la tête pour appuyer mes paroles. « C’est ok. On fera comme ça. De toute façon, c’est impossible de te laisser sur le quai. Tu arrives toujours à t’infiltrer. Un vrai passage clandestin… Qui a été le bienvenu. » Un rire bien plus léger soulève ma poitrine et je secoue la tête, en l’observant d’un regard teinté de malice. Un passager clandestin. La comparaison ne me dérange pas, parce qu’elle est teintée d’humour et qu’elle témoigne au fond de combien je me bats pour lui. Lui, il s’est toujours battu pour nous, nous ne sommes pas si différents que ça. « Je suis possessive, ça doit être pour ça. » Dans les faits, je ne l’épie pas pour vérifier qu’il me reste fidèle. Mais l’idée est amusante, assez pour être évoquée. « Tu es déjà à bord. Tu l’es depuis que je t’ai dit oui. J’ai été con d’essayer de te tenir à l’écart. Je n’avais pas compris, mais c’est vrai, j’ai fait du chemin et ça ouvre l’esprit. » De sa main libre, il récupère ma cigarette pour l’écraser, en débarrasser ma main et pouvoir l’attraper dans la sienne. Il m’attire contre lui, et j’enroule mes bras autour de sa nuque. « Je suis soulagée de l’entendre. » J’ai été meurtrie d’être loin de lui, pendant ces quelques jours, cette grosse semaine où il a quitté l’appartement, et toutes celles d’après où il a essayé de me tenir éloignée de sa guérison. « Je n’ai rien détesté davantage que la période où tu étais absent. » Il le sait déjà, mais je ne rougis pas lorsqu’il s’agit de lui avouer que j’ai besoin de lui au point qu’il soit ma drogue à moi : j’ai ressenti le manque lorsqu’il a élu domicile sur le catamaran. « J’aime être à bord. » Est-ce excessif d’admettre que s’il souffre, je veux et aime souffrir avec lui ? Il est hors de question pour moi de l’observer depuis la berge.

« Je ne t’ennuierai pas quand je serai sobre ? Quand je pourrai même plus boire un verre de vin au resto ou un verre de champagne pour fêter un heureux événement ? » Je m’installe délicatement sur ses genoux avec d’éclater de rire. « Je le sais, au fond, mais j’ai besoin que tu le dises. » Avec de répondre, je caresse ses cheveux, sa mâchoire, et je dépose un baiser appuyé contre ses lèvres. « Pas le moins du monde. Je boirai pour deux. » Je hausse les épaules, dans une parfaite imitation de la petite ingénue. Pour l’instant, je ne bois plus en sa présence, je sais qu’il est trop fragile et si ce n’est pas l’empathie qui m’étouffe, avec lui je sais être délicate. « Tu seras en bonne santé. Tu seras en vie. C’est tout ce qui m’importe. » Cette déclaration, je la lui fait avec tout le sérieux du monde, et en plongeant mon regard dans le sien.

rp terminé

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