≈ ≈ ≈
{I am your family tree}
crédit/(gifsbysymphony/tumblr) ✰ w/@Mavis Barnes

Décembre 2022/ Les applaudissements retentissent dans le Perth Concert Hall et si à ta gauche Esmée ne se lève pas, impossible à faire quand on se déplace en fauteuil roulant, la personne à ta droite le fait et se joint à la salve d'applaudissements. En temps normal, tu te serais joint à tout cela, pour féliciter les musiciens, les danseurs du ballet qui a été très bien exécuté et même le chef d’orchestre. Mais pas aujourd’hui, tu restes fermement vissé sur ton siège, tes mains un peu moites à plat sur tes genoux et tu mentirais si tu disais que tu avais prêté la moindre attention aux danseurs. On t’excusera vraiment, et que personne ne remette en doute ton amour de Tchaïkovski, mais tes yeux bleus étaient trop préoccupés, à observer le chef d’orchestre. Pas pour te plaindre de la technique, pas pour retenir ta respiration en le voyant bouger ses mains ou quand tu as remarqué, et lui aussi d’ailleurs, que certains avaient un temps de retard... mais bien parce qu’il ne s’agit pas d’un parfait inconnu. Mais de ton père.
Et oui, c’est vraiment la pire idée du siècle. Que ce soit se déplacer jusqu’à Perth ou même assister à cette performance, ce n’était pas une bonne idée, le nœud que tu avais déjà dans la poitrine n’a fait que se serrer pendant trois heures et maintenant, tu ne sais pas si tu vas rendre le contenu de ton estomac sur le sol, prendre la fuite ou tomber dans les pommes. Des options plus que tentante et tu sursautes un peu quand tout le monde se met à bouger, pour regagner la sortie, très probablement.“Tu veux aller le féliciter tout de suite ou non ?” La voix d’Esmée est mesurée au possible, tu ne sais pas comment elle fait ça et tu te tournes vers ta grand-mère, clignant des yeux pendant quelques secondes. Parce que vous n'êtes plus là pour elle qu’autre chose, enfin, à cause d’elle, si ce n’était pas pour son accident qui a remis beaucoup de chose en perspective dans ta vie, être ici n’aurait pas été quelque chose que tu aurais fais volontairement.
On devrait y aller, qu’Esmée a argumenté, on ne sait jamais, tu pourrais le regretter. Elle a raison sur ce point-là et même maintenant, tu fais de ton mieux pour hocher la tête. Tu te lèves très lentement, très surpris que tes genoux ne flanchent pas dans la présente. “Pourquoi pas, allons dire bonsoir et mettre fin à tout ceci, et puis, on évitera la queue à la sortie du parking dans tous les cas.” Encore une fois, une chose logique à faire, aller féliciter le chef d’orchestre, le fameux James Barnes. D’apparence, tu n’es qu’un fan de musique classique et un musicien qui va offrir des compliments à un autre. C’est ce qu’il voulait, pas vrai ? Oui, alors tu peux au moins lui donner ça, tu pousses le fauteuil d’Esmée la seconde suivante, très content qu’on s’écarte sur votre passage pour vous donner la priorité. Comme quoi, ce genre de petits avantages peut être très utile, surtout dans un cas comme celui-ci. Même l’employée qui t’indique où se trouve tous les artistes offre un sourire bienveillant à Esmée, comme si elle vous connaissait déjà. C’est par là, aucun retour en arrière possible, c’est le moment de vérité. Tu as un moment d’hésitation et par réflexe, tu te tournes vers ta grand-mère. “Avant que tu ne me poses la question, je peux attendre ici, et n’oublie pas de respirer, d’accord ?” Esmée a déjà tout anticipé et tu te retrouves à hocher la tête et tu la prends cette profonde inspiration, suivant la direction indiquée.
Soudainement, tu aurais voulu porter un pull, quelque chose de plus épais que cette veste de costume bleue marine, pour te protéger et pour être mieux armé, tu as suivi le code vestimentaire pour te fondre dans la masse et tu le regrettes. Tu n’es pas prêt et ton regard croise celui de ton géniteur avant celui des autres personnes dans la pièce. Il n’est pas seul, clairement entouré, d’une autre vie, de ses collaborateurs et fans et même autre famille. Il perd même son sourire quand il t’aperçoit. Physiquement, à part la taille, vous n’avez pas grand chose en commun, tu ressembles au mari d’Esmée, tu le sais, on te l’a toujours dit et tu n’en as jamais été aussi fier qu’à ce moment, en fait. “Je peux revenir à un autre moment si c’est mieux.” Comme bonsoir, oui, on repassera.

≈ ≈ ≈
{I am your family tree}
crédit/(ssoveia/tumblr) ✰ w/@Nicholas HUrley

Ce fût un coup de coude qui réveilla Mavis. Attention, pas un petit coup de coude tranquille exécuté pour vous réveiller en douceur, ou pour vous ré-ancrer dans la réalité du moment avec subtilité et bienveillance, mais bien une bourrasque pointue qui vint lui vriller les côtes et la faire sursauter pendant que Baz, un sourire carnassier aux lèvres, lui disait dans un murmure narquois "Et alors, on fait des heures supplémentaires, sis ?" Le sous-entendu de son frère aîné était perceptible, et c’était bien parce qu’elle ne pouvait pas lui répondre ouais, des heures supplémentaires dans le caleçon de mon titulaire, connard, qu’elle lui fit en retour "Mets-le toi où je pense ton sis, bro." Le jeune homme se mit à ricaner, et elle, elle se leva en léger décalé avec le reste de la cantonade, un filet de bave à peine imperceptible aux coins de ses lèvres qu’elle essuya avec sa paume de la main avant d’applaudir à tout rompre, elle aussi. Elle était là pour faire illusion et perpétuer les traditions familiales, pas pour son propre plaisir. Elle n’aimait pas l’opéra, elle n’aimait pas les ballets, elle aimait en revanche l’attention qu’on lui portait lorsque les gens se rendaient compte qu’elle était la petite nièce de James Barnes. Comme avec son père, ça avait tendance à la gorger d’une fierté relative, asseyant son statut d’élite qu’elle n’avait jamais boudé, portant fièrement le nom dont elle avait hérité dès qu'il a avait été question qu’elle vienne au monde. On avait des talents dans la famille, et ceux dans tous les disciplines, et bien que son ennui mortel l’avait fait sombrer dans le sommeil, n’en pouvant plus de se taper Casse-Noisette tous les ans depuis toujours, elle félicitait de bon coeur la compagnie d’avoir réussi son coup d’obtenir une standing ovation digne de ce nom. Enfin de bon coeur, c’était une façon de parler puisque son sourire disparut sitôt qu’elle entendit Leon presser son épouse et ses enfants pour rejoindre les coulisses dans l’idée d’aller accueillir le retour de leur oncle et le couvrir de louanges.

Ça se fit dans une ambiance assez chaleureuse, mais un peu gênante aussi. James avait toujours été bon avec ses neveux et ses nièces, mais le fait était que Mavis n’était pas très famille et que Baz non plus par ailleurs. C’était étrange, cette façon qu’ils avaient de se plier à ce genre de choses alors que ça leur sortait par tous les orifices, se satisfaisant juste de l’idée d’avoir fait ce qu’il fallait pour donner la sensation à leurs parents qu’eux, ils avaient fait ce qu’il fallait, et qu’ils leur en étaient reconnaissants. Dans une certaine mesure seulement, parce qu’au-delà du confort matériel dont ils avaient jouit quasiment toute leur vie, on ne pouvait pas dire que sur le plan affectif, ils avaient été les plus généreux, maman et papa Barnes. Mais soit, ça faisait du bien de paraître un peu normal, même à Mavis qui ne pensait qu’au voyage retour et à la perspective de retrouver son duplex et l’espace propre et frais de son grand lit ; et pas les bras maigrelets de son oncle qui la serra fort dans ses bras au point de s’en sentir oppressée. Mais sans doute moins que lui qui sembla expulser un bloc d’air quand celui que Mavis savait être son fils — son bâtard, autant appeler un chat, un chat — fit irruption dans sa loge.
Tout le monde s’accorda à dire que ce n’était pas la peine qu’il prenne la tangente, et tandis que Mavis se décollait de son oncle pour lui laisser le loisir de réagir face à son fils, elle l’entendit dire "Je dois répondre à une ou deux questions maintenant, on se retrouve juste après. Profitez des rafraîchissements." Merde, c’était dur comme réponse à accorder à sa progéniture, quand bien même elle n’avait pas été désirée. Il passa à côté de Nicholas presque sans le regarder, et Mavis échangea un regard en coin avec Baz qui frappa soudainement dans ses mains pour dissiper le malaise, toupillant sur ses chaussures hors de prix pour mieux se diriger vers Leon et Anka qui étaient occupés depuis tout à l’heure à palabrer avec un membre de l’équipe de James. Le lâche, il laissa Mavis en plan — le temps qu’elle décide si oui ou non ce serait une bonne idée de venir en aide à celui qui, techniquement, était son cousin, et elle se ranima. Comme tout à l’heure, une sorte de sursaut la transit lorsqu’elle décida de s’approcher de lui, et de lui dire avec un sourire adorable, sortit tout droit du manuel de la gentille fille qu’elle n’était qu’un surface "On n’a pas vraiment été présentés, je crois." Je crois, elle en était sûre, parce qu’à moins d’avoir été frappé d’Alzheimer, elle ne l’avait même jamais vu en photos au cours des vingt-quatre dernières années, ce grand dadet — il ressemblait à Baz, c’était assez étrange pour qu’elle ne veuille pas le prendre dans ses bras ni même lui tendre la main pour qu’il la serre, ne sachant pas quoi faire en vérité "Mavis." fit-elle enfin, opinant du chef pour sécuriser l’information qu’elle venait de lui donner, et qu’elle compléta dans un léger rire gêné "Je suis la fille de Leon, le frère de James — de ton père." Malaise bis "Je suis ta cousine quoi." termina-t-elle dans un nouveau rire enroué, ses épaules se haussant sans trop savoir quoi ajouter.

≈ ≈ ≈
{I am your family tree}
crédit/(gifsbysymphony/tumblr) ✰ w/@Mavis Barnes

Cela est très clair à tes yeux et cela l’a toujours été : Esmée est ta seule famille. C’est un fait que tu as accepté depuis longtemps, cela n’a jamais été tragique à tes yeux en fait et tu portes avec fierté le nom de famille de cette dernière. Vraiment, et si on te pose la question, tu passeras des heures à parler de ta grand-mère et de sa jeunesse à elle. Et à t’écouter, on a presque l’impression que tu es né quand tu as enfin passé le cap des sept ans d’existence et que tu as commencé à vivre à Brisbane. Le reste ? Le reste, tu n’en parles tout simplement pas, c’est un fouillis de mensonges, de larmes, de voix trop fortes et tout un tas d’autres choses que tu rêverais d’oublier, mais qui t’ont bien forgé. Même Esmée avec toute sa bienveillance et en te laissant tout l’espace du monde pour évoluer et découvrir le monde, elle ne pourra jamais effacer cela. Jamais, malheureusement. Car on ne peut pas dire que tu as été élevé par des modèles, entre ta mère qui a dispensé son amour avec trop de brutalité, assez pour laisser quelques bleus sur ta peau et te pousser à mentir devant d’autres adultes, et l’énigme qu’est ton père et qui a toujours renié ton existence... vraiment, c’est à se demander qui remporte la médaille du pire parent de la décennie quand tu es concerné.
Tu devrais partir, tu le sais, tu les déranges, et pourtant, James, c’est la personne qu’il est pour toi, certainement pas papa, il enfonce encore le clou, en t’ignorant royalement. Il doit répondre à des questions, c’est son boulot le plus important, il passe à côté de toi comme si tu n’étais pas là et tu adorerais dire que tu n’étais pas préparé à une telle réaction... ce serait mentir cependant. Tu l’as dit et répété à Esmée que cela ne servirait à rien, oui, tu pourrais le regretter, cependant, tu pourrais aussi t’éviter tout ça. Le malaise est là, tu laisses échapper un léger soupir, tu ne retiens personne et quand on s’adresse à toi la seconde suivante, tu clignes des yeux plusieurs fois avant que ton regard ne tombe sur une jeune fille blonde, avec un sourire aussi lumineux que sa chevelure. Tu n’as même pas la force de conjurer ton sourire poli et facile, celui que tu réserves d’habitude à ceux qui adorent te marcher dessus, ça demanderait trop d’énergie. “Je crois aussi.” Non, vous n’avez pas été présentés, ça impliquerait de se parler ou même de lancer un regard dans ta direction, c’est beaucoup trop difficile à faire pour James visiblement. Que personne ne te traite de lâche après tout ça, tu sais que même toi, tu n’en arriverais pas jusque-là.
“Nicholas, tout le monde m’appelle Nicky, c’est plus pratique.” Mavis, ta cousine, oui, ta cousine qui a le droit à une expression un peu peinée avant que tu ne hoches la tête. Mavis essaye, ce n’est pas son rôle, du tout, elle pourrait aller retrouver le reste de sa famille et t’ignorer, elle aussi, ce serait tellement justifié en réalité. “On aurait sûrement dû se rencontrer dans d’autres circonstances, mais quelque chose me dit que James n’a pas envie de faire les présentations et qu’il ne compte pas le faire.” Tu hausses les épaules, plus fatigué qu'autre chose. “C’est dommage, j’allais le féliciter pour sa performance, j’ai beau ne pas le porter dans mon cœur, je suis musicien aussi, j’aurais pu être objectif. Ou juste lui demander s’il veut parler à Esmée...” Un léger rire passe la barrière de tes lèvres et tu as une pensée pour celle qui t’attend. Un seul regard posé sur toi et elle comprendra que les choses se sont mal passés, Esmée serait capable de faire une bonne scène, légendaire même, au point d’aller rouler sur le pied de ton père avec ton fauteuil, mais... à quoi bon ? Là tout de suite, tu voudrais pouvoir maquiller un peu plus tes expressions et ne rien laisser transparaitre, tu y arrives un minimum d’ordinaire, cela t’atteint beaucoup plus que tu ne le pensais, aucun doute là-dessus. “Ma grand-mère à moi, elle est là aussi, du coup ça fait d’elle quoi ? Ta grand-mère par extension ?” Froncement de tes sourcils, tu n’en sais du tout, tu n’avais pas prévu d’avoir une conversation avec Mavis, et encore moins à propos de votre famille commune. Surtout que pour elle, son oncle James doit être un minimum présent et pas du tout distant. Est-ce que c’est juste, putain de non, que te répond une petite voix dans ta tête ; la voix ressemble étrangement à celle d’une certaine Carter, mais tu ne t’y attardes pas pour le moment. “Quelque chose comme ça... Ouais.” Un autre soupir t’échappe. “Je ne vais pas déranger plus longtemps, tu as mieux à faire et moi, je n’ai qu’une seule envie : celle de retrouver Brisbane alors... ” 

≈ ≈ ≈
{I am your family tree}
crédit/(ssoveia/tumblr) ✰ w/@Nicholas HUrley

Pourquoi il fallait toujours qu’elle se retrouve face à des gens qui avaient trop d’émotions à gérer ? Il y avait une rumeur qui disait que l’Enfer était sur Terre, comme Mavis n’avait rien d’une grenouille de bénitier, et qu’à défaut de faire toujours des bonnes actions, elle avait des péchés à se faire pardonner, elle était un peu tentée d’y croire parce que ça expliquerait en partie pourquoi elle se retrouvait toujours à devoir démêler les états d’âme de ceux à qui elle se présentait. Nicholas — Nicky, se corrigea-t-il pendant qu’elle prenait l’information avec un léger haussement de sourcils — ne faisait pas exception à la règle, et c’était d’autant plus gênant que ce qu’il lui dit là, ça ne la regardait pas vraiment dans le fond. D’accord, ils partageaient un peu de leur sang, mais jusqu’à aujourd’hui, ils ne s’étaient jamais vus, et quand bien même son oncle se comportait en véritable enfoiré à ce moment-là, elle ne se pensait pas apte à prendre le parti de qui que ce soit.
Néanmoins, une toute petite partie d’elle comprenait un tantinet ce que devait ressentir son cousin. Si elle avait été élevée par ses deux parents, elle ne pouvait pas prétendre avoir toujours eu leur attention pleine et entière. Mais on s’en remettait finalement, et la roue finissait toujours par tourner. Du moins, Mavis faisait toujours en sorte qu’elle tourne à son avantage, plaçant le curseur sur la meilleure case pouvant lui apporter gloire et prospérité, quitte à flirter avec les extrêmes parce qu’elle n’avait pas tellement le choix en réalité. Quitte ou double, c’était sa politique personnelle pour mener une vie à la hauteur de ses nombreuses ambitions, et pour ça, il fallait se donner les moyens, alors même si l’Enfer n’était pas sur Terre finalement, elle finirait de toute façon dans les limbes sans qu’elle ne puisse s’offusquer de la température qu’il y faisait.

"Hm, c’est quelqu’un d’occupé. Prends-le pas personnellement, il finira sans doute à réussir par s’échapper avant qu’on termine cette conversation." fit-elle seulement, opinant doucement en glissant une mèche de cheveux derrière son oreille, ses yeux s’accrochant brièvement à ceux de Nicholas qu’elle sentait fragile "Mais on a pas forcément besoin de lui pour faire connaissance." Ils avaient dépassé le stade où toutes leurs actions étaient supervisées par leurs parents, et compte tenu des circonstances, ils étaient assez grands pour savoir ce qui était bon de faire ou non. En d’autres termes, James pouvait aller se faire voir "Donc t’as quand même des points communs avec lui, c’est marrant." Aïe, c’était un peu rude comme façon de poursuivre la conversation, mais c’était lui qui avait souligné ce point, et Mavis avait l’impression qu’il avait envie qu’elle le soulève. C’était quand même bien foutu la génétique, même en ayant pas connu ses parents, même en ayant pas été élevé par eux, on pouvait hériter de choses insoupçonnables qui n’étaient pas seulement induites par des qualités — ou défaut d’ailleurs — physiques.
Quel genre de musique faisait Nicholas, est-ce qu’il en avait fait son métier ? C’était une suite de questions qui lui traversa l’esprit sans qu’elle ne se sente pressée de les poser cependant, ses petites mains se joignant sur le devant de son buste pour s’astreindre à une position correcte de jeune femme bien élevée, son attention dirigée vers Nicholas qui lui paraissait tout de même blessé par la conjoncture actuelle "T’as envie que je te présente mes parents et mon frère ?" lui demanda-t-elle, quand de son côté, il mentionna sa grand-mère. Mavis eut un sourire un coin, puis un haussement d’épaules qui l’aida à statuer, doucement "Non, je crois juste que c’est ta grand-mère." Elle ne croyait pas, elle en était sûre. Est-ce qu’elle serait ravie de la rencontrer ? Tout était relatif, et sa jauge d’interaction sociale avait déjà pas mal baissée en l’espace de quelques mots échangés avec le jeune homme qui lui faisait tout de même un peu de peine — ça aussi c’était relatif ceci dit —, surtout lorsqu’il partagea avec elle son envie immédiate de rentrer sur Brisbane "T’es de Brisbane aussi ?" lui demanda-t-elle alors, et elle regretta très vite d’avoir souligné ce point commun parce qu’elle savait jusqu’à quoi ça mènerait ; il proposerait sans doute de se revoir, de lier connaissance en tant que membres de la même famille, et ce serait un calvaire.

≈ ≈ ≈
{I am your family tree}
crédit/(gifsbysymphony/tumblr) ✰ w/@Mavis Barnes

Mavis te soutient que ton père est un homme occupé, et quand elle te suggère de ne pas considérer son départ comme une atteinte personnelle, tu te retiens de lui demander si elle est aveugle. Ou si c’est le genre de pep-talk qu’elle donne en temps normal, si la réponse est positive, alors elle a intérêt à ne pas faire le genre de métier où elle doit aider les gens... Tout cela, tu ne le dis pas, déjà, le cynisme ne te ressemble pas, et ça ne serait pas très juste, Mavis se retrouve au milieu d’une situation un peu ridicule que ni toi ni elle vous avez créée. C’est débile en fait, tu détestes encore plus ton paternel de faire cela et tu aimerais vraiment avoir le courage de lui faire face et de lui demander quel est son problème. Tu as compris que tu n’étais pas un enfant désiré, qu’il avait refait sa vie et qu’il était plus heureux maintenant, mais tu ne lui as jamais rien demandé par le passé et tu ne comptes pas le faire alors que tu as des années au compteur. Tout ce que tu veux, c'est une simple conversation, même pas des explications, même pas lui lancer des torts à la figure, un simple bonjour serait un pas dans la bonne direction. Mais, visiblement, tu vois les choses un peu trop en grand et tu n’auras pas gain de cause aujourd’hui, pas ici et maintenant. Tu veux retrouver Brisbane et la familiarité : ton chat, ton piano, tes guitares, un endroit où les gens qui veulent te juger ont au moins la décence de ne pas t’ignorer.
Mavis le relève et tu hoches la tête, n’ayant rien à cacher à ta cousine.  “Oui, j’y suis depuis... depuis très longtemps. On vit dans Toowong avec Esmée.” Mavis a le droit à une version simple et épurée de ton passé, comme beaucoup, les liens du sang sont là, cependant, tu n’es pas d’humeur à rentrer dans les détails, et elle ne te l’a pas demandé, alors autant aller à l'essentiel. “Esmée aime bien dire que la musique est de famille chez les Hurley, James... fait ce qu’il fait, ma mère était productrice de musique à un moment et même moi, c’est en jouant que je paye mes factures. Il y a de l’ironie à voir dans tout ça, mais...” Encore un haussement d’épaules de ta part, l’ironie n’est même pas drôle quand on sait comment tu t’es fait snober. James serait sûrement déçu d’apprendre que vous avez beaucoup de choses en commun en fait, toi aussi dans un sens et c’est un deuil que tu as fait depuis longtemps. Tu n’es pas un Barnes, tu es un Hurley, tu l’as toujours été, Esmée s’en est assuré et même toi aussi et pour ce que ça vaut, tu n’es même pas là pour chercher une place ou une réponse.
Pourquoi est-ce que tu es là au fait ? Tu n’as pas de réponse à cette question, tu es véritablement perdu dans les méandres de ton cœur et toutes les choses qu’on demande quand on est plus jeune et qu’on pense encore que les parents sont des super-héros, ou qu’ils ont toutes les réponses. Autant dire qu’avec toi, cette période a été très courte. Tu n’es pas venu chercher une place, non, mais si on t’en donne une, pourquoi dire non ? Vous avez techniquement le même sang dans les veines et tu prends ta décision très rapidement, décidant dans le même cas que tu te moques de l’avis de James sur la question. Si ça lui fait les pieds que tu te rapproches de cette partie-là de ta famille, alors tant mieux, qu’il vienne te le dire lui-même. “Je veux bien rencontrer d’autres Barnes oui, au moins je n'aurais pas fait le voyage pour rien et on est bien de la même famille.” Tu te surprends un peu en disant cela, avec une certaine assurance, éphémère il ne faut pas s’y tromper, et parce que ce n’est pas ton genre d’aller à l’encontre des désirs de quelqu’un ou d’empiéter sur les limites des autres. Non, du tout, tu es poli par défaut, tu t’excuses avant même qu’on te dise pourquoi tu as tort ou que les blâmes arrivent, tu fais toujours tout pour ne pas prendre de place et passer inaperçu... pas ce soir de toute évidence, pas ce soir. “Merci au fait...” De ne pas être partie comme les autres, merci de ne pas t’avoir ignoré, Mavis a peut-être l’impression de faire le minimum, cependant, c’est beaucoup à tes yeux et tu ne risques pas de l’oublier de sitôt. “Tu n’es pas obligée de faire ce que tu fais mais... merci, Mavis. Je ne sais pas comment je te revaudrais ça, mais je ferais de mon mieux.” Et, chose que ta cousine ne sait pas encore, tu t’efforces toujours de tenir les promesses que tu fais, toujours. 

≈ ≈ ≈
{I am your family tree}
crédit/(ssoveia/tumblr) ✰ w/@Nicholas HUrley

"Je connais plutôt bien le quartier, je travaille à l’hôpital." fit-elle. On ne pouvait pas lui reprocher de ne pas savoir tenir une conversation même si elle n’en avait pas envie. C’était inné, et si à l’intérieur d’elle, Mavis n’était pas en train de hurler tant elle ne voulait pas avoir à faire ça, palabrer avec un cousin qu’elle ne connaissait pas, elle donnait pourtant l’impression d’être assez intéressée pour ne pas fuir en courant quand c’était en réalité ce qu’elle rêvait de faire. La dualité, une forme d’expression à la limite du don artistique que la petite Barnes maîtrisait à la perfection, c’était un fait "Enfin la moitié du temps, l’autre je suis à la fac. Mais je sais, tu m’as rien demandé." ajouta-t-elle dans un léger gloussement, détournant la tête juste pour poser ses yeux sur le groupe formé par ses parents et son frère qui ne prêtaient guère attention à ce qui se passait un peu plus loin, devant sans doute décider de la suite de la soirée sans prendre en compte son avis, la laissant faire du social en pensant que c’était dans sa nature, à la si bienveillante et altruiste Mavis. Tu parles.

Retournant la tête vers Nicholas, elle opina doucement en fronçant les sourcils en réponse à ce qu’il lui disait à propos de ce don pour la musique qu’il semblait partager avec son père "Je crois que j’ai jamais entendu parler de ta mère jusqu’à aujourd’hui." Et ce n’était pas pour le blesser qu’elle le lui disait, c’était juste une réalité qu’elle n’avait pas besoin d’aller piocher dans ses souvenirs pour savoir qu’elle était incontestable. L’indifférence des Barnes à propos de tout ça était assez flagrante pour que personne ne se soit jamais posés de questions à ce sujet-là "Je comprends qu’elle ne soit pas là, ça doit être délicat comme situation." De venir accompagnée de son bâtard à une représentation d’un homme qui n’en finissait plus de soulever les foules, ça devait l’être en effet. Surtout quand l’homme en question n’était même pas foutu d’en avoir quelque chose à faire de passer pour quelqu’un de bien ou pas aux yeux de sa progéniture "Tu joues du classique aussi, ou t’es moins ennuyeux qu’oncle James ? Sans vouloir t’offenser, j’ai jamais aimé Casse-Noisette et j’en fais pas un secret d’état pour ce que ça vaut." avoua-t-elle enfin sans juger nécessaire d’en sourire, ayant trop l’habitude de devoir passer pour quelqu’un de charmant pour vouloir s’y plier là, regrettant amèrement son duplex, son lit, et ses longues soirées de repos passées à chercher à énerver Ruben via textos.
Plus que quelques heures à tenir, et elle serait de retour chez elle, c’était une pensée assez engageante pour qu’elle se perde un instant dans sa propre tête, ratant de peu le départ de sa famille directe, et rendant donc compliquée de faire rencontrer Nicholas au reste de la troupe. Affichant un air authentiquement désolé sur son visage, Mavis dit au jeune homme en compensation, ses lèvres s’étant serrées au préalable comme un désolée silencieux "Je crois que c’est le moment où tu me présentes ta grand-mère finalement. Je te les présenterais plus tard, t’en fais pas." Tu rates pas grand-chose, aurait-elle aimé ajouter, mais elle ne le fit pas, croisant mentalement les doigts pour que celle qu’il appelait Esmée ne soit pas du genre ennuyeuse, elle aussi.

L’invitant à bouger de la loge de son père, Mavis le suivit et eut un léger sourire lorsqu’il lui présenta des remerciements qu’elle repoussa d’un geste nonchalant de la main "Pas la peine de me remercier. On est des gens civilisés, et puis si je l’avais pas fait, Baz aurait sûrement trouvé le moyen de venir te pomper l’air pour obtenir des infos à ton sujet." Il comprendrait que c’était de son frère dont elle parlait — ou pas, elle n’avait pas vraiment le moyen de savoir ce que Nicholas connaissait de la famille de son père en vérité "Tu verras quand tu vas le rencontrer, tu te rendras compte que le truc qu’il aime le plus après lui-même, c’est s’approprier la vie des autres." Elle se plaça alors à côté de Nicholas, longeant le couloir pour se laisser guider là où sa grand-mère devait être. Elle ajouta en même temps "Lui aussi il a un don artistique, mais pas pour la musique." Mais pour l’écriture, son torchon recelant de ses écrits qu’il résdigeait sous couvert d’un anonymat bancal parce que malgré tout, elle le connaissait son frère, et qu’elle le savait assez prétentieux pour user de tournures de phrases pompeuses et immodestes "T’as des frères et soeurs au fait ?" Peut-être que sa mère s’était remariée, peut-être qu’elle avait manqué une occasion de s’intéresser vraiment à cette famille parallèle qu’elle était supposée avoir, c’était le moment d’en avoir le coeur net sans s’attendre à ce que ça change quoi que ce soit dans son rapport à tout ça. Mais elle était curieuse, Mav.

≈ ≈ ≈
{I am your family tree}
crédit/(gifsbysymphony/tumblr) ✰ w/@Mavis Barnes

"Au St Vincent ?" Une pure question de rhétorique, vous savez tous les deux, Mavis comme toi, que tu fais référence au St Vincent, mais tout de même, un fin sourire se dessine sur ton visage à cause de l'ironie. Du fait qu'un membre de ta famille, de ta cousine, soit si proche et si loin de toi et de ton quotidien si simple. Est-ce que Mavis a eu le dossier d'Esmée entre ses mains quand cette dernière a été admise à l'hôpital il y a des mois de cela ? Est-ce qu'elle aurait pu faire le lien ? Reconnaitre le lien de parenté et débarquer dans la chambre de cette dernière, pour te trouver encore plus dépité qu'aujourd'hui ? Tu n'en sais rien, ce train de pensées n'aide personne et quand Mavis te résume son emploi du temps, tu ne peux que hocher la tête. "Wow, c'est impressionnant... plus impressionnant que d'être chef d'orchestre ou musicien, c'est sûr." Et oui, il s'agit d'un véritable compliment, Mavis au moins fait quelque chose de plus qu'utile de ses journées et ses contributions sont importantes. Tu n'as certes pas posé la question, tu es tout de même plus que content d'avoir obtenu une réponse à cette question silencieuse.
Une autre question, pas du tout silencieuse pour le coup, est le sujet de ta mère, un sujet plus que houleux et fâcheux, et ce, autant pour toi que ton père. Cela vous fait un autre point commun, mais il s'agit de ceux qui te font froncer les sourcils et auquel tu ne veux pas vraiment penser. "Et tu n'entendras très certainement jamais parler d'elle." Et puis... délicat est un joli euphémisme, tu ne peux pas vraiment blâmer ta cousine, personne n'est au courant de la réalité des choses en dehors des parties concernées, à savoir toi, tes deux parents et Esmée. La tragédie et ses conséquences s'arrêtent là et franchement, pourquoi plomber l'ambiance ? Tu ne veux pas le faire et tu finis par sourire aux prochains mots de Mavis, une expression de faux outrage sur ton visage la seconde suivante. "Alors déjà, je vais prétendre que je ne viens pas de t'entendre casser du sucre sur le dos de Tchaïkovski, et ensuite, techniquement, je joue de tout." Et tu l'entends, toi aussi, la fierté qu'il y a dans ta voix, tu en froncerais presque les sourcils, mais tu n'as aucune raison de te cacher. Tu ne sais pas faire beaucoup de choses. "Je peux te faire écouter quelque chose à l'occasion." Tu pourrais lui parler de 15 possible girlfriends, du départ de Dahlia, du nouveau groupe, de Vance, mais cela ne semble pas encore être le bon moment. Non, pour l'heure tes bras se croisent d'eux-mêmes dans ton dos, dans une posture que tu adoptes toujours et souvent par défaut quand tu ne sais pas quoi faire de tes bras et même de ta propre personne, marchant aux côtés de Mavis.
Pour lui présenter Esmée, pour donner un semblant de normalité à toute cette soirée. Et que ce ne soit pas une véritable perte, voilà ce que tu te dis. Baz est son frère, pas vrai ? Oui, c'est ce que tu comprends et Mavis a le droit à un autre sourire. "Je vais te croire sur paroles." Parce que tu n'as aucune raison d'en douter, parce que tu n'as pas de frères ou de sœurs et que tu ne peux pas imaginer leur relation maintenant que tu y penses. "Non, c'est juste moi. Esmée et moi du côté de Toowong, avec beaucoup d'instruments de musique et de pâtisseries... si tu passes à la maison, elle risque de vouloir t'engraisser un peu plus et ce sans te demander ton avis." Un léger rire t'échappe, peut-être que tu résumes très mal les compétences de ta grand-mère, cependant, et à tes yeux, cela reste la vérité. "En parlant d'Esmée..." Ton regard bleuté vient de l'apercevoir et elle a le droit à un sourire un peu plus sincère de ta part alors que vous vous rapprochez d'elle.
"Mavis, je te présente ma grand-mère, Esmée Hurley. Esmée, ma cousine Mavis." Et si Esmée est surprise pendant quelques secondes, elle ne laisse pas transparaitre, du tout, facilement et rapidement, un sourire trouve son visage. "Oh, je vois qu'on est tous très beaux dans la famille, ravie de te rencontrer Mavis... j'ai vu passer James, il a fait exprès de ne pas me voir, je suppose que la mission n'a pas été un succès ?" Si les compliments d'Esmée sont sincères et adressés à Mavis, elle se tourne vers toi, de l'inquiétude clairement sur son visage. Tu hoches rapidement la tête, parce que tu n'as vraiment pas envie de t'appesantir sur tout ça en fait. "Hmm... pas un échec complet non plus... est-ce que tu savais que Mavis aussi habite sur Brisbane ?”

≈ ≈ ≈
{I am your family tree}
crédit/(ssoveia/tumblr) ✰ w/@Nicholas HUrley

"Mon père est neuro-chirurgien. J’ai pas tellement de mérite, c’est inscrit dans mon ADN." Elle en avait du mérite, à vouloir rentrer dans les chaussures de cet homme qui, jusqu’à il y avait treize ans de ça, ne se souciait pas tellement de qui elle était ni de ce qu’elle pouvait devenir. Aussi Mavis savait bien jouer sur les apparences, et voir Nicholas s’émerveiller de l’idée qu’elle traîne plus souvent qu’à son tour à l’hôpital, ça l’aidait à faire redorer son ego qui n’était pas en reste tout comme ceux du reste des membres de sa famille qui en avaient tous un assez gros pour ne pas vouloir être des spectateurs de leur propre vie.
Elle lui sourit, prenant le coche à propos de la mère du jeune homme qu’elle ne connaissait pas, qu’elle n’imaginait pas connaître un jour par ailleurs, mais qui savait vraiment ? Jusqu’à ce soir, elle ne se doutait pas qu’elle rencontrerait ce cousin dont elle n’avait jamais entendu parler, et pourtant elle était là, à tenter de le faire se sentir à son aise tout en ne l’étant pas tellement de son côté. Ne sachant que dire lorsqu’il lui confirma qu’elle n’entendrait probablement jamais parler de sa mère, elle lui accorda un regard fixe, décidant par elle-même de ne pas creuser parce que ça ne la regardait pas, et que très franchement, elle s’en fichait un peu au demeurant.
Elle était polie, c’était ce qui la perdrait "Je lui ai pas cassé du sucre sur le dos, j’ai simplement dit que c’était pas mon truc." Il exagérait un peu, non ? "La pensée critique, c’est un talent qui sert dans votre milieu j’imagine, et il faut de tout pour faire un monde. Je fais partie du camp de ceux qui s’endorment à l’opéra, mais on peut s’organiser un karaoké Taylor Swift quand tu veux, je suis certaine que je te ferais vite oublier Tchaikovsky. Look What You Made Me Do, c’est ma chanson référence." Pitié qu’il ne prenne pas ça pour une invitation, c’est ce que se répéta la jeune femme, opinant seulement à la positive quand il lui proposa de lui faire écouter quelque chose de sa composition à l’occasion. Ça n’engageait à pas grand-chose, et puis avec un peu de chance, il aurait tellement honte de cette soirée les prochains jours pour se souvenir de son nom alors il ne risquait pas de lui rappeler qu’elle lui devait une soirée karaoké, n’est-ce pas ?

Rendus dans le couloir, elle l’incita à lui présenter sa grand-mère sans vraiment croire qu’il la prendrait au sérieux. Mais Nicholas paraissait un peu à côté de ses pompes, de fait sans doute que ce genre de subtilités devait lui passer au-dessus. Tant pis pour elle, ça lui appendrait à vouloir sauver la veuve et l’orphelin sans vraiment y croire, le karma s’occupant de lui rappeler que ce n’était pas elle en charge de l’ordre établi des choses en la mettant aux devants de situations comme celle-ci. Quelle plaie "Je sais pour Toowong, ça fait déjà deux fois que tu me le dis." A moins d’être demeurée, elle avait compris, merci. Avec un sourire charmant, qui n’en était pas moins gorgé d’une dose d’impatience quant à la stérilité de la conversation qui se déroulait entre eux, elle marcha à ses côtés. Faites que ça termine vite, s’entendit-elle penser, apprenant au passage que Nicholas vivait seul avec sa grand-mère "Pourquoi tu vis avec ta grand-mère ?" lui demanda-t-elle, ayant l’impression au plus ils discutaient qu’au plus Nicholas n’avait qu’un seul repère dans la vie, et c’était sa grand-mère.
Un très léger rire lui échappa en imaginant la vie qu’il devait mener, celle qui lui dépeignait sur l’instant lui paraissant tout droit sorti d’un cliché qu’elle ne pouvait s’empêcher de trouver suranné tant elle n’avait pas été bercée par la bienveillance d’une grand-mère comme en était sûrement dotée Esmée. Ce n’était pas mal de vivre dans le cliché, mais ça l’ennuyait un peu de se référer à ce tableau qui lui semblait si pittoresque, elle qui était tant ancrée dans la modernité. Suivant le regard de Nicholas au moment où ils arrivèrent à proximité de sa grand-mère, installée dans son fauteuil roulant, Mavis lui demanda avant qu’ils n’arrivent à portée de ses oreilles "Elle est malade ?" Ou juste vieille ? Elle ne compléta pas sa phrase, se retrouvant à sourire comme la gentille fille qu’elle était la plupart du temps, se pliant au jeu des présentations faites par Nicholas avec la distinction qui s’imposait ; un léger mouvement de tête en direction de la vieille dame, un contact visuel maintenu à peine quelques secondes, et elle lui dit avec déférence "Je disais justement à Nicholas qu’il ne faut pas en vouloir à oncle James de ne pas avoir pris le temps de venir vous saluer, c’est un homme occupé." Pourquoi se sentait-elle obligée de justifier les actions de son oncle, Dieu seul savait "Depuis ma naissance. J’ai passé toute mon enfance à Bayside, mais je travaille à Toowong et je vis sur le campus de l’université. Ça nous fait un point commun, peut-être qu’on finira par se croiser." affirma-t-elle à la suite de Nicholas qui se chargeait de faire son historique pour alimenter la discussion avec sa grand-mère.

≈ ≈ ≈
{I am your family tree}
crédit/(gifsbysymphony/tumblr) ✰ w/@Mavis Barnes

“Oh, si tu aimes Taylor ça va, on devrait bien se trouver quelque chose à faire pendant ce fameux karaoké.” Ta réponse te vient facilement, alors que tu te dis que Mavis ne connait pas la règle tacite de ne jamais proposer à un musicien de faire un karaoké. De ton expérience, quand on fait ça professionnellement soit on en fait beaucoup trop, soit on passe la soirée à critiquer les arrangements, le matériel ou même à détecter les fausses notes chez les autres parce que cela vient un peu comme une seconde nature. Tu fais bien partie de la première catégorie, toujours partant pour user de tes cordes vocales et trouver ce qui ravira les gens autour de toi ou pas. Si Mavis le propose alors, il est clair que tu ne diras pas non, ce sera très certainement l’interaction la plus normale que tu as avec un membre de ta famille. Autre qu’Esmée bien entendu. Esmée qui est au centre de votre discussion et la question de Mavis est plus que valide, tu n'as plus l’âge qu’on passe derrière toi. Tu approches de la quarantaine, la logique voudrait que tu sois casé, dans ta propre demeure et peut-être avec un enfant ou deux à ta charge. C’est loin d’être le cas, sûrement parce que tu fais tout à ton rythme, un rythme plus que lent, c'est certain, mais parce que tu ne te vois pas vivre ailleurs que dans Toowong. Pas ailleurs qu’entre les murs qui ont toujours été accueillants et rassurants. “Je vis avec elle depuis toujours, c’est autant chez elle que chez moi, et ça ne m’a jamais traversé l’esprit de partir en réalité.”
Mavis a le droit à la réponse courte et pas un résumé de ta vie, de tes traumas et de toute l’anxiété qui trouve sa place dans le creux de ta poitrine parfois. Cela ruinerait définitivement l’ambiance alors qu’il semble facile de lui parler et que converser avec Mavis, ça ne te donne pas envie de tout remettre en question. Ou de te demander ce que tu as mal fait dans ta vie. Tu n’es certes pas venu demander une médaille, mais il y a une différence entre cela et un minimum de considération. Mavis te demande si Esmée est malade et ça ne te fait même pas froncer les sourcils, la question est valide et la blonde a le droit à une autre réponse tout aussi rapide. “C’est plus la vieillesse, mais oui... ce n’est que ça.” Mais Esmée a eu un accident récemment, elle est aidée par quelqu’un au quotidien depuis peu.
Tu ne prononces pas tout ça, même si l’incident remonte à des mois, ce n’est pas un sujet de conversation que tu affectionnes particulièrement. Et tu connais assez Esmée pour savoir qu’elle n’aimerait pas que ce soit l’une des premières choses que Mavis apprenne à son sujet, ton ainée a sa fierté et autant dire que ce n’est pas quelque chose dont tu as hérité. Du tout même.  “On s’en doutait bien, c’était juste une occasion pour le voir, je suis certaine qu’il y aurait d’autres moments.” Esmée ne s’arrête pas sur l’absence notable de James, tu lui feras un résumé détaillé de la réaction, ou plutôt l’absence de réaction de ton paternel plus tard. Pour le moment, tu te contentes d’un : “Hmm...” pour ne pas être malpoli, ou dire à ta grand-mère que tu ne comptes plus perdre ton temps de cette façon. Pas devant Mavis cependant, ça semble un peu trop privé et tu observes l’échange entre les deux, ton regard bleuté passant de l’une à l’autre. “Très certainement, tu devrais lui donner ton numéro de téléphone.” Esmée se tourne vers toi avec un haussement de sourcils et c’est le moment de décroiser tes bras, tu fouilles dans tes poches, pas pour en sortir ton téléphone, mais une carte de visite, que tu finis par trouver après quelques secondes. “Je crois que... oui, pour toi.” Tu la tends à Mavis, avec un léger hochement de tête.  “C’est pour les cours de piano normalement, mais c’est mon numéro, au cas où, si tu veux passer voir où on habite, ou juste discuter, ou que t'as besoin qu’on t’accompagne pendant que tu chantes.” Tu en fais la proposition avec un léger sourire et parce que c’était l’idée de Mavis. “Comme tu l’auras compris, la musique, c'est de famille, mais il peut tout à fait parler d’autre chose, n’est-ce pas ?”
Esmée te regarde avec une insistance certaine et tu hoches la tête, tu pourrais dire que tu es un disque rayé, mais la métaphore ne ferait que prouver que ta grand-mère a raison et que tu es un peu une cause perdue.  “Il parait, même si ce n’est pas mon fort.” Tu hoches la tête, ne sachant pas qui tu cherches à convaincre en fait. “Mais c’est comme tu le sens, je ne veux pas que tu penses que tu aies obligée de m’appeler.” La dernière partie de ta phrase est un peu plus décousue, ton regard bleuté tombant sur Mavis alors que tu dis cela. Tu ne cherches pas à la dissuader, bien au contraire, ce n’est vraiment pas son rôle de faire rétrécir le fossé qu’il y a entre toi et le reste de ta famille, et il est hors de question de l’accabler avec cela. 

≈ ≈ ≈
{I am your family tree}
crédit/(ssoveia/tumblr) ✰ w/@Nicholas HUrley

"Je suis quand même super occupée tu sais." Un moyen comme un autre de lui faire savoir qu’il pouvait y penser, à cette soirée karaoké, mais qu’à moins d’avoir de la chance, elle n’aurait pas lieu au moins avant la fin de son internat, ce qui plaçait le curseur à plus d’une décennie. Mais elle ne le lui dirait pas, continuant de jouer à la cousine parfaite, son air emprunté signifiant qu’elle était désolée d’avoir lancé l’idée alors qu’elle avait un emploi du temps bien chargé "Ah." Voilà ce qu’elle lui répondit seulement lorsque, curieuse, elle lui demanda pourquoi il vivait toujours avec sa grand-mère. Loin d’elle l’idée d’être critique, seulement il devait faire partie de la catégorie de gens qui n’avaient pas assez d’ambition pour prendre leur envol. Elle ne le connaissait pas, elle n’avait pas le moyen de savoir si ses à priori étaient justes, mais disons qu’à le regarder d’un peu plus près, il avait quand même la tête du type qui se laisse vivre, subissant son quotidien sans broncher parce qu’il devait souffrir d’une tendance au masochisme plutôt exacerbée. Chacun ses tares finalement, elle en avait d’autres de son côté, et peut-être que si elle s’épanchait, il aurait autant d’à priori sur elle qu’elle en avait sur lui. Elle ne le saurait pas étant donné qu’elle ne parlait pas d’elle sur l’instant, suivant le mouvement sans se figurer de l’idée qu’il finirait par lui poser des questions en retour.

Ça n’était pas le cas, ce qui l’informa sur la certitude qu’elle eut soudain qu’à défaut d’avoir un jour fait partie de leur famille pour de vrai, il était au moins aussi auto-centré que la majorité des Barnes. Les petites choses, ça ferait peut-être plaisir de le savoir si d’aventure, elle le lui disait un jour où l’autre "Tant mieux." répondit-elle lorsqu’il lui confirma qu’Esmée n’était en fauteuil roulant que parce qu’elle était âgée. Pas que la maladie faisait peur à Mavis, loin de là en vérité. Cependant elle n’avait pas envie de passer les prochaines minutes à décortiquer la pathologie d’une femme qu’elle rencontrait à peine, et puis ce n’était pas son fort, de se désoler du sort des autres. Elle continuait à apprendre de ce côté-là, pas très au fait des conventions quand il fallait sympathiser pour la mauvaise santé d’autrui. Sur ce point, elle était formatée pour voir la maladie du côté médecin des choses, pas du côté patient, et la compassion ne lui venant pas tellement naturellement, elle devait admettre que c’était une lacune qu’on lui reprochait parfois. Encore une fois, elle tachait de rectifier le tir, ne supportant pas qu’on puisse la sous-estimer à cause d’une faille qu’elle aurait tôt fait de résoudre. Elle l’espérait en tout cas, se mettant au devant de la misère pour alimenter sa jauge à moitié vide d’apitoiement.

Au moins, Esmée, malgré sa mobilité réduite, paraissait de meilleure nature que son petit-fils "Bien sûr, il y aura sans doute d’autres occasions. Je crois qu’il sera en ville le mois prochain, alors peut-être que…" les informa-t-elle sans vraiment y songer, opinant du chef en jetant un regard en coin à Nicholas qui se contentant d’un hmm qui aurait eu le don de lui faire rouler des yeux d’ordinaire, qu’elle trouva un peu triste sur le moment. Pas le temps de s’y arrêter néanmoins que déjà la bonne femme reprenait la parole, rebondissant sur celle de Mavis qui tendit la main vers Nicholas à l’instant où il lui donna une carte avec son numéro de téléphone "Je savais pas qu’on faisait encore ce genre de choses dans un cadre plus personnel, c’est marrant." Une réaction un peu enfantine de la part de la blonde qui jeta un oeil à la carte qu’elle avait entre les doigts maintenant, observant la typographie qu’elle avait sous les yeux pendant que Nicholas continuait de parler. Un léger rire lui échappa aux mots lancés par Esmée "Il sera bien obligé, j’ai pas vraiment la fibre artistique de mon côté. Mais au pire, nous on trouvera bien un sujet à aborder hm ?" Glissant enfin la carte dans le petit sac qu’elle portait à l’épaule, Mavis releva la tête en même temps qu’elle le replaça convenablement pour d’abord regarder Esmée histoire d’appuyer ses propres mots, puis Nicholas en réalisant qu’il y avait de la complicité entre eux, c’était évident. Ça ne la rendait pas jalouse ou nostalgique de quoi que ce soit, elle n’avait jamais trop été famille de toute façon et certainement que ça devait se sentir puisque son cousin se sentit obligé de bien insister sur l’idée qu’elle n’était pas forcée de l’appeler. Mavis lui dit, sa tête se penchant sur le côté "Tu dois toujours rencontrer mes parents et mon frère, peut-être que si oncle James vient dîner à la maison pendant sa visite du mois prochain, je leur soufflerais de t’inviter — de vous inviter, on est jamais de trop." précisa-t-elle en s’adressant à Esmée.

≈ ≈ ≈
{I am your family tree}
crédit/(gifsbysymphony/tumblr) ✰ w/@Mavis Barnes

Comme Mavis l'a dit un peu plus tôt, elle est occupée. Avec les études qu'elle fait et les ambitions qu'il semble avoir dans son regard, tu peux le comprendre. Et oui, si c'est quelque chose que tu ne possèdes pas toi-même, tu le détectes et l'identifies rapidement chez les autres. Pas jaloux pour autant, tu te demandes, de temps en temps, comment ta vie aurait été différente si tu n'avais pas peur de grimper des montagnes ou de faire des choses simples comme commencer une conversation ou dire ce que tu veux. Sans y penser des heures au préalable et sans te dire que cela va gêner ou juste que tu devrais te taire. Oui, tu peux déjà dire que ce n'est pas le problème de Mavis et sans la présence d'Esmée, cette conversation aurait été un peu bizarre et plus que courte. Parce que tu n'as plus l'âge de te faire des faux espoirs, ou de croire aux promesses qui sont faites avec un joli sourire sur le visage, ou encore les et si qui sont prononcés avec les meilleures intentions du monde. Tu n'as rien de spécial, ça, tu le sais depuis longtemps, tu ne peux pas forcer les gens à graviter dans ton orbite.
Mais les deux femmes en face de toi semblent tout décider pour toi, ce qui ne te dérange pas vraiment et... cela est un peu l'histoire de ta vie quand tu y penses bien."Oui, il sera bien obligé." Que tu te retrouves à marmonner, ignorant bien pourquoi tu parles de toi à la troisième personne, comme si ce cher Nicholas était une entité à part entière ou quelqu'un que tu ne côtoyais pas depuis des années... comme si. Et quand Mavis fait remarquer qu'elle, elle a plus de famille à te présenter, tu hoches la tête, et tu te dis que quelqu'un ferait bien de prévenir ton père en avance si tout cela se fait. Histoire que James puisse se trouver une excuse pour ne pas venir, ou quoi que ce soit qui puisse le mettre à l'aise lui. C'est sur le bord de tes lèvres, vraiment, à croire qu'être loin de Brisbane et proche de cette nouvelle famille réveille ton cynisme latent, Esmée peut sûrement le sentir, c'est sans doute pour cela que c'est bien elle qui répond à Mavis. Ou alors parce que la jeune fille s'adressait à elle et pas à toi.
"Une très bonne idée, on pourra rencontrer tout le monde et ce sera une très bonne excuse pour passer encore plus de temps derrière les fourneaux. Pour ne pas venir les mains vides bien entendu." Et parce que c'est quelque chose qu'Esmée fait bien et c'est ainsi qu'elle montre son affection, en remplissant les estomacs. Un truc de mère et de grand-mère il parait, même si, personnellement, tu ne peux que confirmer la deuxième partie de cette phrase. Le regard de ton ainé retombe sur toi la seconde suivante, signe clair et précis que c'est le moment de donner ton aval ou juste d'articuler quelques mots. "Si Esmée est invitée et peut venir, je suis partant." Une condition qui mérite d'être dite à voix haute et tant pis si c'est une excuse toute trouvée et qu'encore une fois... tu te caches derrière Esmée. Quand ton père est concerné ? C'est plus qu'un réflexe, c'est une nécessité, et on t'excusera de ne pas vouloir te retrouver seul en terrain inconnu. Après tout, Mavis essaye, la preuve, elle est là à vous parler, tu ne sais pas comment va réagir son frère ou même ses parents. Ils pourraient avoir déjà décidé de t'ignorer et cela n'arrangerait rien à ton problème, pas vrai ? Là encore, tu ne sais pas si c'est un problème, quand on ferme une porte devant toi, ton premier réflexe n'est pas de l'ouvrir à tout prix. Loin de là.
Mais, que tu te dis la seconde suivante, Mavis est là, ça mérite bien que tu fasses un effort toi aussi, tu commences à t'y faire au refus, ou alors, tu devrais. "Je n'ai personne d'autre à te présenter en dehors d'Esmée et mes instruments de musique mais..." Mais ça ne veut pas dire que tu n'es pas partant, pour apprendre à la connaitre, elle ou même interagir avec cette dernière. Une cousine, tu ne sais même pas ce que ça fait d'en avoir une. "On trouvera bien quelque chose et puis si jamais tu as besoin d'un taxi à l'occasion, je traîne toujours dans Toowong et les environs." C'est bête à dire, cela reste la vérité et c'est la seule chose qui te vienne à l'esprit pour remplir le silence.
"Là, il est plus que sérieux pour le coup." Ajoute Esmée avec un rire, qui est de courte durée, une alarme se fait entendre la seconde suivante, elle vient du téléphone d'Esmée et vous savez tous les deux ce que ça veut dire. "Oh c'est l'heure de mes médicaments je crois bien, c'est le moment où on doit s'éclipser vers la voiture..." Et retrouver votre hôtel pour ensuite rentrer à Brisbane, tu hoches la tête, déjà en mouvement et te plaçant derrière le fauteuil d'Esmée, pour la guider jusqu'à ladite voiture. Elle ne fait même pas attention à toi concentrée sur Mavis. "Mavis, c'était un plaisir de te rencontrer et je suis sérieuse, n'hésite pas à passer à la maison un de ses jours, pas besoin d'une excuse particulière." Cela lui vient naturellement et tu aimerais savoir faire ça, à la place, tu as un léger sourire pour Mavis, suivi d'un simple : "Elle a tout dit je pense..." 

≈ ≈ ≈
{I am your family tree}
crédit/(ssoveia/tumblr) ✰ w/@Nicholas HUrley

"Bien entendu." répéta Mavis en écoutant la grand-mère de Nicholas parler comme elle imaginait qu’était le cliché parfait de la mère-grand selon les codes des contes de fées. Peut-être qu’elle débarquerait avec des petits pots de beurre et une tarte à la myrtille lorsqu’ils viendraient dîner dans la grande bâtisse des Barnes à Bayside.
Passant son regard d’une silhouette à l’autre, la jeune femme constata encore une fois que Nicholas ne semblait pas maître de ses décisions, les faisant dépendre de la présence d’Esmée sans qu’elle ne sache vraiment si c’était parce qu’il était trouillard, ou si ça cachait quelque chose de plus critique. Il avait peut-être besoin d’accompagnement à cause d’un état qu’il ne portait pas sur son visage, qu’en savait-elle ? Restait que c’était désarmant pour elle de constater qu’un grand gaillard comme lui se comportait comme un adolescent hésitant face à l’immensité du monde qu’il avait à sa portée, elle qui avait toujours été indépendante, ou du moins qui l’était devenue à la mort de sa soeur. Elle serait certainement devenue comme Nicholas si Marion avait été encore là, à quémander sa présence à chaque événement de sa vie pour se rassurer. Pathétique.

"Bien sûr qu’elle pourra venir." Nicholas était dur de la feuille, c’est comme ça qu’elle prenait le fait qu’il lui faisait toujours répéter plusieurs fois ce qu’elle avait déjà dit. Il faudrait qu’elle s’en souvienne s’ils se revoyaient "C’est rien. J’ai pas besoin de rencontrer plus de personnes, j’ai déjà un bon cercle." A part Dan, on ne pouvait pas vraiment dire que Mavis avait un cercle, non. Mais Dan était la somme d’un tout dont elle ne pouvait se passer, alors sans doute que c’était suffisant pour elle, et elle disait vrai : elle n’avait pas besoin de rencontrer d’autres personnes, elle aimait la solitude. Des gens, elle en rencontrait déjà assez chaque jour de sa vie sur le campus, à l’hôpital. Ils venaient, ils partaient, ça ne lui faisait ni chaud ni froid, c’était ainsi que la vie était faite, et puisqu’elle n’avait aucune intention de s’attacher à qui que ce soit, ça l’arrangeait, ce flux ininterrompu qui fonctionnait comme une mécanique sur laquelle elle ne pouvait pas grand-chose.
"J’ai le permis de conduire puis quelques années maintenant. Je me débrouille comme une grande depuis aussi longtemps. Je suis jeune, mais je suis indépendante." Moi, faillit-elle ajouter, seulement elle se reprit à la dernière seconde pour ne pas froisser celui qui était assez sympa dans le fond pour lui proposer de faire le taxi. Dans quel genre de monde vivait-il pour s’imaginer qu’une fille comme elle avait besoin de se faire conduire d’un bout à l’autre de la ville ? En quelle année on était exactement ? "J’imagine. Il a même l’air très sérieux si je peux me permettre." ponctua Mavis à l’adresse d’Esmée qui, de son côté, ponctuait la proposition de son petit-fils d’un commentaire. Cette dynamique aurait clairement eu sa place dans une sitcom se dit Mavis, continuant un instant de faire alterner son regard entre les deux silhouettes qu’elle avait en face d’elle, et qui commençaient à remuer pour s’en aller. Passons sur l’idée qu’elle prenait l’excuse des médicaments d’Esmée comme une excuse justement, et elle accepta qu’ils lui faussent compagnie sans rechigner, plutôt rassurée qu’ils veuillent prendre la poudre d’escampette avant qu’elle ne commence à les trouver chiants à crever — ce qui était déjà un peu le cas, mais elle était bien élevée, sans doute aussi bien qu’Esmée qui se ravit d’avoir fait sa rencontre "Vous êtes tous très sérieux dans votre famille." remarqua-t-elle dans un petit rire enroué, non moins moqueur sur le fond, mais qu’elle chassa rapidement avec sa bienséance pour répondre à la vieille femme "J’ai été ravie aussi." Ou plus ou moins, elle ne prétendrait pas que cette rencontre lui laisserait un souvenir impérissable. Surtout que Nicholas faisait assez peu d’effort de son côté, de fait ça lui ôtait l’impression qu’elle n’en faisait pas assez non plus, et ne la faisait pas regretter le moins du monde l’idée de le juger sans même le connaître. Tenant la bretelle de son sac contre son épaule, elle opina du chef à ses mots vides de tout, et lui dit seulement avec le sourire radieux qui était le sien quand elle se rendait compte qu’elle pouvait enfin être libérée d’une situation dans laquelle elle s’était embourbée sans mesurer les conséquences "Je pense. On se dit à plus tard." fit-elle seulement, se détournant sans plus de cérémonie.

rp terminé.