(dimension spatiale)
Rations suffisantes pour 24 heures 00 minutes
Oxygène suffisant pour 35 heures 30 minutes

Les informations affichées sur l'écran de Soyouz 1 n'ont rien d'optimistes, mais leur mise à jour au moment du départ de Soyouz 2 et son retour pour la Terre sont bien pires encore.

Rations suffisantes pour 12 heures 00 minutes
Oxygène suffisant pour 10 heures 00 minutes

Elles avaient été paramétrées pour qu'une seule personne reste à bord du vaisseau condamné ; mais les techniciens sur Terre n'avaient pas pu prévoir le caractère indomptable de Rhett et son obstination à rester dans le vaisseau en dérive auprès de son frère. Il en a déjà perdu un de trop: il ne réitérera jamais cette expérience, il se l'est promis. S'ils doivent tomber, alors ils tomberont ensemble. Le regard qu’il partage avec son petit-frère n’a rien de fier lorsqu’il observe leurs chances de survie s’amenuire à sa seule présence mais il continue d’espérer que sa présence, justement, pourra les aider tous les deux à trouver une solution au système défaillant de leur navette. Le syndrome de Kessler n’était pas supposé être un danger pour l’ISS avant des décennies, mais la nature semble en avoir décidément autrement et a ainsi largement endommagé un vaisseau n’ayant jamais été pensé pour faire face à de telles problématiques.

« Pas le temps pour les remontrances. » Il balaie déjà toutes les insultes que Ruben a sûrement envie de partager plus ou moins tendrement avec lui. Ils n’ont pas le temps pour ça et ils ne l’auront plus jamais, alors ils doivent se concentrer sur ce qui a réellement de l’importance. « On a encore dix minutes avant de passer de l’autre côté. » Là où le soleil ne les atteindra plus et là où l’ISS ne pourra plus leur apporter d’oxygène tant que ses panneaux solaires seront inutilisables. Ce seront quarante-cinq minutes de perdues dans la capsule ; et là, très certainement, Ruben pourra en profiter pour le détester et l’insulter. Mais avant ça, ils ont dix minutes pour trouver les plans pour accéder aux batteries de secours supposées aider Soyouz à les ramener chez eux. « Tu sais où ils sont rangés ? C’est toi qui a retenu tout le plan du vaisseau. » Parce que petit génie, parce que major de sa promotion. Parce que Ben, tout simplement.

Rations suffisantes pour 12 heures 00 minutes
Oxygène suffisant pour 10 heures 00 minutes

Une main appuyée contre le mur alors que l’autre s’appuyait sur sa hanche, il laissait son regard s’apposer sur l’écran face à eux sans dire le moindre mot. Dix heures - c’était donc tout ce qui leur était accordé désormais ? Il savait que leurs chances de survie étaient maigres dès le départ, ce n’était pas là dessus que sa surprise se basait: il pensait juste qu’il aurait un peu plus que dix heures.

Et il aurait du, si seulement Rhett n’avait pas décidé de se la jouer égoïste comme ce n’était pas permis. « Pas le temps pour les remontrances. » Le regard effaré du plus jeune se tourna vers son ainé, yeux écarquillé, alors qu’il tentait d’intégrer la situation dans son entièreté. « Pas le temps pour… » Fermant les yeux, il soupira longuement sans même chercher à cacher son mécontentement et sa frustration concernant la situation. « On a encore dix minutes avant de passer de l’autre côté. » Ils n’avaient effectivement pas le temps pour les remontrances, mais étrangement ce n’était pourtant que sur cela que les pensées de Ben étaient aptes à se concentrer. « Il m’en faudrait moins pour t’étrangler, tu sais. » Et cela lui permettrait de sauver bien du temps en oxygène, si l’un des deux ne respirait plus.

« Tu sais où ils sont rangés ? C’est toi qui a retenu tout le plan du vaisseau. » - « Où quoi sont rangés, Garrett ? »

Serrant les mâchoires, il reporta de nouveau son regard sur son frère, avec toujours ce même énervement ancré dans les traits de son visage. Il devait vraiment beaucoup d’efforts pour ne pas perdre son sang froid, lui qui était pourtant habitué à ce type de situation - ou plutôt formé pour ces dernières. « Je veux bien faire de mon mieux mais va falloir que tu fasses du tien aussi, à commencer par arrêter de jouer avec ma patience parce-que t’as décidé en te levant ce matin que c’était ton nouveau passe-temps favori et que tu comptais bien l’exercer au péril de nos deux vies. » Parce-que c’était cette partie là qui l’énervait passablement: sans lui, il aurait eu des chances de survie bien plus élevées et surtout bien plus proches de tout ce qu’il avait pu apprendre ces dernières années. Les vaisseaux de secours étaient faits pour un certain nombre de personnes dans certaines conditions - toutes celles n’étaient pas réunies aujourd’hui.

« Il m’en faudrait moins pour t’étrangler, tu sais. »
« Pas le temps pour les remontrances. »

Il le répète, au cas où ce n’était pas encore assez clair. Ils n’ont pas le temps pour l’amusement non plus, pourtant, mais il se dit que Ruben a peut-être besoin de quelqu’un pour l’aider à garder les pieds sur terre - et il n’en sait rien, en réalité. Il se contente d’imaginer, d’inventer, de tenter quelque chose alors que son cerveau fonctionne à mille à l’heure pour tenter de trouver une solution à une existence qui semble déjà écrite dans le marbre. A une mort, surtout, qui semble déjà écrite dans le marbre. « Où quoi sont rangés, Garrett ? » Il réfléchit bien plus qu’il ne parle, ce qui rend évidemment la communication difficile entre eux. « Les batteries. Les batteries de secours de Soyouz 1. » Celles dont ils ont besoin plus que jamais pour avoir la moindre chance de survie, sans que cela puisse justement assurer leur survie.

Il n’est pas le meilleure astronaute. Ou disons simplement qu’il est doué au point où il pense ne pas avoir besoin de suivre les protocoles ou même d’apprendre par coeur tout un tas d’informations qui ne serviront de toute façon jamais: l’emplacement exact des batterie de secours en fait partie. « On ne pourra rien faire quand on sera dans la phase sombre. » Tout fonctionne à l’énergie solaire, ce qui n’est pas un problème en temps normal, quand elle peut être stockée et utilisée en tous temps sans jamais altérer la vie dans le vaisseau. Désormais, tout est différent. Bien trop différent pour leur propre sécurité, par ailleurs. « On prend ces foutus batteries, on les mets dans la branche qui a à peu près été conçue pour revenir sur Terre seule, et on se casse d’ici. » Dix heures. Ils ont dix heures pour y arriver. « Souviens toi, parce qu’on a perdu le contact avec le sol. » Evidemment, sinon tout aurait été trop simple, pas vrai ?

« Pas le temps pour les remontrances. » Ce n’était pas parce qu’il répétait la même phrase en accentuant différemment cette dernière que cela ferait passer l’envie à Ruben de l’étrangler. Ce serait une fin plus rapide pour son frère, ce dernier ne se rendait pas compte de la super opportunité qui lui était la proposée sur plateau d’argent. Ruben se rendait bien compte qu’ils n’avaient pas véritablement pour ce genre de choses, de dispute et d’intervention, puisque leurs vies étaient en danger; mais vraiment si Garrett le désirait, il pouvait pousser le bouchon un instant purée se débarrasser de sa vie maintenant avant de se concentrer sur comment sauver le vaisseau.

L’autre comptait bien continuer un bout de chemin dans cette navette, bien que leurs deux vitres soient désormais en jeu. Promis Ruben faisait des efforts malgré son air effaré - il avait l’aire hiboux qu’on venait de sortir d’un long sommeil, manquant seulement d’avoir les cheveux dans tous les sens, mais promis il faisait des efforts et il réfléchissait en même temps à comment se sortir de la ; il fallait juste que Rhett lui donne davantage d’informations. « Les batteries. Les batteries de secours de Soyouz 1. » Pinçant les lèvres, il se frotta les yeux de l’une de ses mains libres. « On ne pourra rien faire quand on sera dans la phase sombre. On prend ces foutus batteries, on les mets dans la branche qui a à peu près été conçue pour revenir sur Terre seule, et on se casse d’ici. »

« Souviens toi, parce qu’on a perdu le contact avec le sol. » - « Je sais Garrett, je sais. Je connais les procédures. » parce que contrairement à son frère, il les avait appris par cœur et connaissait leurs mécanismes sur le bout des doigts. Il savait que lorsqu’un des vaisseaux de secours était aussi détaché de sa flotte, le contact était rompu avec le reste si les code d’urgence n’étaient pas entrés à temps. Il connaissait tout ça - il connaissait également l’endroit des batteries de secours comme demandé en premier temps par Rhett. Soupirant, il contourna le brun pour aller fouiller dans un de rangements qui se trouvaient à l’arrière de la capsule; il en sortit deux gros accumulateurs. « Je suis pas sûr qu’on aura le temps de les charger. » Parce que le regard de Ben, tourné vers le seul hublot à portée de vue, pouvait parfaitement souligner que la dite période sombre arrivait bien assez vite pour précipiter leur fin plus rapidement.

« Je sais Garrett, je sais. Je connais les procédures. » Pour autant, le temps file et personne n’avance dans les tâches qu’ils sont supposés exécuter, non pas pour une question de confort mais bien pour se sauver la vie à l’un et à l’autre. La gorge serrée, Rhett préfère ne pas réagir, bien conscient que réussir à alarmer son frère quant à la situation ne serait pas une quelconque réussite d’aucune sorte, en réalité. « Je suis pas sûr qu’on aura le temps de les charger. » Il ne l’est pas non plus le moins du monde, mais il avait au moins espéré que son petit frère soit un brin moins vif d’esprit pour ne pas s’en rendre compte aussi tôt et rapidement. « Non, on aura jamais le temps de les recharger totalement. » S’étant emparé de l’une d’entre elles, il l’explique en s’avançant rapidement vers la station de chargement, la voix aussi pressée que le sont chacun de ses gestes. « Mais on peut espérer avoir assez de charge pour rentrer dans l’atmosphère. » Les phases les plus importantes sont le détachement du vaisseau principal devenu épave et le moment où ils passeront à travers l’atmosphère et toutes les turbulences que cela implique. Du reste, la machine est normalement conçue pour pouvoir s’en occuper sans trop de casses, et toute la nuance réside dans ce « sans trop de casse » dont il a uniquement été questions dans leurs cœurs théoriques, personne n’ayant jamais supposé un seul instant que leur voyage dans l’espace se transformerait autant en mission suicide mêlée à un cauchemar. Le son des fils se branchant finit de ponctuer les paroles du brun.

« En d’autres mots, ça va secouer. » Et comme l’aura deviné Ruben, ce ne sera pas qu’un peu. Mais une fois qu’ils seront dans l’atmosphère, ils ne seront plus qu’un objet en train de tomber ; ce qui n’est pas si pire en comparaison avec la possibilité qu’ils meurent en dérivant à tout jamais dans l’espace et que rien ni personne ne puisse même être capable de retrouver leurs corps. Jackson ne s’en remettrait jamais. « Commence à faire les réglages pour tenter d’atterrir quelque part au Kirghizistan. » Là-bas, ils pourront être pris en charge rapidement. Là-bas, surtout, ils n’auront pas échappé aux dangers de l’espace pour risquer de se noyer en plein océan. Quel bordel.

Le léger silence qui suivit les quelques paroles de Ruben de la part de son frère répondait à sa non-question bien mieux que le ferait jamais la moindre parole. « Non, on aura jamais le temps de les recharger totalement. » Mais de l’entendre être confirmé à haute voix par Rhett était toujours plus difficile à avaler que lorsque cela était encore à l’état d’hypothèse dans sa tête. Il pinça les lèvres, opina du chef; ils n’avaient de toutes manières pas trop de solution à portée de main. « Mais on peut espérer avoir assez de charge pour rentrer dans l’atmosphère. » Il soupira. « On a plus qu’à faire ça ouais. » Ils réussiraient à limiter les dégâts de cette façon là, au moins. « En d’autres mots, ça va secouer. » Il se releva, se dirigeant vers la station pour brancher le second accumulateur et se donner toutes les chances qu’ils pouvaient attraper.

« Commence à faire les réglages pour tenter d’atterrir quelque part au Kirghizistan. » Se glissant derrière le fauteuil qui permettait de piloter la petite navette, le regard de Ruben s’arrêtait sur toutes les lumières qui clignotaient encore pour le moment et sur les écrans qui leur donnaient des informations toutes relatives: ils n’étaient plus raccordés au réseau central, alors ils n’avaient plus d’actualisation de ces dernières. « J’espère qu’ils auront pas eu la mauvaise idée de mettre des obstacles sur le chemin qu’on peut pas anticiper. » Peut-être s’étaient-ils échappé et que cela consistait en un crime que de l’avoir fait, surtout qu’ils avaient volé une navette dans ce geste là, mais les autorités auraient-elles été jusqu’à saboter un potentiel plan d’évasion, quitte à compromettre certains de leurs hommes et de leurs machines pour deux fugitifs ? Ils avaient toutes les chances du monde d’y passer dans le processus, à quoi bon - c’était là la seule chose qui réussit à rassurer Ruben alors qu’il entrait les coordonnées demandées par Rhett dans la machine. « J’ai entendu parler de la base qui existe là bas. Apparemment elle représente une mine de données sans fin pour les chercheurs. » Et peut-être qu’à cette idée là, pour la première fois, un fin sourire se fit voir sur ses lèvres. Il aurait été ravi d’y aller un jour en mission, mais il fallait croire qu’il n’était pas toujours possible de tout obtenir dans les conditions désirées.

« On a plus qu’à faire ça ouais. » Ce n’est pas comme s’ils avaient beaucoup de solutions s’offrant à eux, de toute façon. Soit ils font ça, soit ils se laissent mourir dans l’espace sans jamais laisser à leurs proches la possibilité d’enterrer leurs corps - parce que jamais la priorité d’une nouvelle mission spatiale pourrait se résumer à aller chercher des corps perdus. « J’espère qu’ils auront pas eu la mauvaise idée de mettre des obstacles sur le chemin qu’on peut pas anticiper. » - « On est des citoyens. » Et ils ne tireraient pas sur leurs propres citoyens, pas vrai ? Pas vrai ? A moins que la conquête spatiale soit plus importante que tout le reste ? Est-ce qu’ils ont franchi la limite entre les deux, déjà ? Rhett ne s’est jamais posé la question, justement parce qu’il n’avait jusque-là jamais ressenti le besoin de se la poser. Maintenant, la donne est complètement différente.

« J’ai entendu parler de la base qui existe là-bas. Apparemment elle représente une mine de données sans fin pour les chercheurs. » Il voit les étoiles dans les yeux de son petit frère et, dans un autre ocntexte, il en aurait été heureux. Il aurait su créer son propre bonheur à partir du sien. Aujourd’hui, maintenant ? Il ne sait pas, plus. « On va aller leur faire un coucou. » Il fait de son mieux pour étirer un sourire et être convaincant. Il voudrai qu’ils voient l’endroit de leurs propres yeux, oui, mais plus le temps avance et plus il doute que cela puisse totalement être possible. « Ils sauront comment reprendre le contrôle une fois qu’ils auront compris qu’on approche d’eux. » Il est très convaincant, mais il n’en sait trop rien. Il l’espère seulement. Il se dit que c’est une évidence, il se dit que bien sûr qu’ils leur viendront en aide dès qu’ils le pourront, non ? « Tout ce dont on a besoin, c’est se rapprocher, ok ? » Il hoche la tête et tente une fois de plus de se montrer rassurant. Ce qu’ils doivent faire, surtout, c’est avancer pas à pas.

« On est des citoyens. » A cette affirmation là, Ruben ne put s’empêcher de poncer ses lèvres, de prendre un instant de trop surement pour opiner du chef aux mots de son frère. Ils étaient des citoyens, mais ils étaient des citoyens en fuite - leur gouvernement aurait-il autant d’indulgence à leur égard qu’il pourrait en avoir pour d’autres ? Il en doutait fortement, mais il n’avait pas le temps de se concentrer sur ce type de détails, tant les autres importaient bien plus présentement.

L’endroit qui leur servirait de destination il espérait, indiqué par les coordonnées que lui avait demandé d’entrer Rhett dans l’appareil, pourrait être une belle terre d’accueil pour eux. Ben avait entendu parler des légendes et des histoires liées à la Terre, à ce qu’elle pouvait abriter, à toutes ces choses auxquelles ils n’avaient plus accès dans l’espace. Il espérait pouvoir prendre part à certaines découvertes, sur place - des découvertes rien qu’à son échelle seraient extraordinaires. « On va aller leur faire un coucou. » Il souffla un petit rire par le nez. Il espérait qu’ils leur feraient un coucou, comme il disait. « Ils sauront comment reprendre le contrôle une fois qu’ils auront compris qu’on approche d’eux. » Ul releva son regard vers son aîné, et ce dernier était empli d’un espoir qu’il aurait préféré ne pas ressentir tant les statistiques n’étaient pas de leur côté. « Tout ce dont on a besoin, c’est se rapprocher, ok ? » Faisant une petite moue, Ruben finit par hocher quelque peu sa tête, relâchant un soupire qui ne fut en rien soulageant. « Il suffit juste qu’on se rapproche oui. » Et bien d’autres choses mais il n’y avait pas nécessité de toutes les citer tant la moitié de ces dites-choses pourraient leur donner la chair de poule. Pour le moment, se concentrer sur les paysages pendant que la période sombre n’était pas encore arriver était la meilleure des options qui leur étaient offertes.