Il ne pensait pas le toucher autant en faisant une simple mention de son frère, et surtout sans en demander davantage, mais le sujet semble plus difficile à aborder que jamais du côté de Ruben. « Je vais surement déjà devoir mentionner ou au moins sous-entendre mon frère une bonne partie de la journée, honnêtement si j’ai pas besoin de le faire avec toi ça m’arrangerait. » Docile, Ambrose se contente d’hocher la tête en silence pour ne pas remuer le couteau dans la plaie. Il sait ce que c’est que d’avoir des conflits fraternels, mais il ne sait pas ce que c’est que de vivre dans l’ombre d’une figure connue - il le pourrait avec James, mais leurs noms de famille différents suffisent à brouiller les pistes. « Mais tu vises juste, pour de vrai. » Et maintenant, il s’en moque bien. Il sait qu’il a blessé Ruben et il sait surtout que ce n’était pas son intention, alors la victoire n’en a aucunement le goût.

« Même pas un minimum pour gagner alors ? »
« Juste un peu. »

Il rétorque dans un sourire, incapable de totalement perdre cet éternel besoin de victoire et de reconnaissance. Il s’agit sûrement du syndrome du petit dernier, ou quoi que ce soit du genre. Ne se passe pas un jour sans qu’il ressente le besoin de prouver sa valeur et, avec elle, son droit d’exister. « Tu penses tenir ? » Et bien qu’il soit évident que Ruben lui pose la question uniquement pour le titiller, Ambrose lui répond avec ferveur. « Tu me prends pour qui ? » Un sourire en coin anime son visage. « J’ai pas encore mis la course sur ma liste, mais avec une bonne excuse pour le faire, ça pourrait arriver. Tu veux être ma bonne excuse pour ce sport là ? Je pourrais même te laisser gagner. » Et alors qu’il se contente simplement de se pencher dans sa direction pour lui parler, et même pas pour l’embrasser ou le toucher, un long frisson parcourt l’échine d’Ambrose. Il pourrait lui rétorquer qu’il est déjà sa bonne excuse sur bien des sujets et qu’un de plus à la liste n’y changerait pas grand-chose mais il n’a pas le cœur à se battre aujourd’hui, raison pour laquelle il préfère jouer l’ingénu. « Décide toi vite parce que la course commence dans vingt minutes. » Il relève son regard en sa direction plutôt que de continuer à le porter sur l’horizon, en profitant ainsi pour papillonner un instant des cils. Evidemment qu’il a profondément envie d’y participer avec Ruben, non pour le sport en lui-même mais bien uniquement pour passer un peu de temps à ses côtés. « Mais je trouve que je suis une plutôt bonne excuse, oui. » Pour ça, il le fait avec plaisir. Pour tout le reste, évidemment, beaucoup moins. « Mais t’as intérêt à te donner à 100% Ruben, il est hors de question que tu me sortes l’excuse quand j’aurai gagné haut la main. » Un sourire en coin parfaitement hautain, il relève finalement la pseudo-proposition de son ami et surtout la balaye par la même occasion. Il ne veut pas être dorloté, pas dans ce contexte: ils se battront à armes égales dans cette course, et surtout avec tout leur coeur. « A moins que monsieur le médecin ait perdu un peu de son cardio ? » Et s’ils avaient été dans un environnement parfaitement insonorisé, Ambrose n’aurait pas raté de commenter qu’à baiser à tout va, pourtant, il ne risque pas de perdre quoi que ce soit de son cardio et qu’il ne devrait donc pas s’en faire sur ce point.

A la demande - presque supplication en réalité - qu’il lui fit concernant l’idée de ne pas aborder son frère en guise de sujet de conversation, Ambrose opina du chef. Ruben en fit de même par la suite, heureux qu’ils n’aient pas à se battre sur cette idée là. Un jour, il pourrait lui reposer cette question là s’il le désirait et il lui répondrait sans broncher. Un jour, ils pourraient débattre sur ce que c’était d’être le dernier né d’une grande fratrie qui n’était rose que sur papier. Un jour, ils aurait toutes ces discussions là s’il le souhaitait sans que Ben ne détourne un instant le regard ou lui demande de changer de sujet - aujourd’hui, s’il pouvait s’en passer, cela éviterait de saper sa bonne humeur malgré les quelques instants qu’il avait passé à bouder face à Rose une poignée de minute plus tôt.

Il préférait se concentrer sur les épreuves à venir, et sur celle à laquelle le brun venait de plus ou moins l’inviter - ou à laquelle il prenait la décision de s’inviter surtout. « Tu me prends pour qui ? » Il eut un petit sourire en coin. « J’ai plusieurs exemples pour moi qui me prouvent que j’ai toujours été meilleur que toi à cet exercice là. » Pourrait-il donc tenir la cadence ? Si c’était le cas il signait directement en bas de l page sans lire les conditions en fin caractères en page de page. Ruben avait oublié d’être assez idiot pour savoir que sa présence aux côtés d’Ambrose ravirait ce dernier à un moment donné dans le processus, et il n’y avait qu’à voir au regard qu’il lui adressa, papillonnant des cils, pour savoir qu’il visait juste. « Décide toi vite parce que la course commence dans vingt minutes. » Le sourire qui s’étira sur les lèvres du chirurgien était on ne pouvait plus amusé, taquin aussi tout autant. « Mais je trouve que je suis une plutôt bonne excuse, oui. » - « Tu m’as eu alors: je suis convaincu, fais moi une place à tes côtés. » Comme s’il ne le faisait pas déjà de trop le reste du temps.

« Mais t’as intérêt à te donner à 100% Ruben, il est hors de question que tu me sortes l’excuse quand j’aurai gagné haut la main. » Il répondit à son sourire par un similaire. « Tu te rappelleras que tu as refusé mon offre de t’épargner alors. » - « A moins que monsieur le médecin ait perdu un peu de son cardio ? » A ces mots là, il ne répondit de suite; son regard se permit de rester un instant de plus accroché à celui de Rose, davantage insistant, avant de glisser jusque ses lèvres et de remonter l’instant d’après. Il le faisait exprès, il savait parfaitement que cela serait quelque-chose sur quoi Ruben rebondirait - dans un contexte sans sous-entendus il l’aurait déjà fait, mais ici il était d’autant plus irritant de devoir se retenir et faire attention à ce qui pouvait être entendu ou non et ne pouvoir réagir spontanément. « On sait parfaitement tous les deux que j’ai rien perdu de mon cardio. Ou tu veux que je te montre ? » Il avait pris un ton un brin plus grave pour prononcer les derniers mots de sa phrase, laissant son regard pénétrer celui du brun plus profondément, avant de relever son visage qui s’était encore davantage penché vers lui pour se remettre à marcher en direction de la piste de course. « Parce-que tu l’as dit toi-même: la course commence dans vingt minutes, je vais pouvoir te montrer rapidement que t’as pas à t’en faire pour mon cardio. » Il s’était mis à marcher à reculons, haussant un sourcil amusé et taquin en direction d’Ambrose. Il n’avait aucun droit de se comporter de cette sorte avec lui, et il y avait fort à parier pour que ce dernier ne le prenne que moyennement bien. Mais tant pis: il se retrouvait déjà à marcher sur des oeufs avec le reste du monde, il n’avait pas envie que ce soit le cas aussi avec Ambrose.

« Tu m’as eu alors: je suis convaincu, fais moi une place à tes côtés. » Ambrose a beau être particulièrement aveugle dès qu’il est question de Ruben, il ne l’est pas totalement dans le cas présent, pas alors qu’il comprend sans le moindre mal qu’il était déjà vendu à la cause et n’a fait que mimer une forme de réflexion. Il voulait qu’Ambrose le supplie, il voulait être désiré ; comme toujours. « Tu te rappelleras que tu as refusé mon offre de t’épargner alors. » La tête haute, il hoche la tête. Ce n’est que le cadet de ses soucis, de toute évidence. S’il peut passer cette course aux côtés de Ruben, c’est ce qui lui importe le plus. « Rassure quoi comme tu veux. » Il aime déjà se peindre en grand gagnant et cette idée a tout pour amuser un Ambrose qui, bien qu’il ne doute pas des capacités physiques du chirurgien, doute cependant qu’il puisse autant se qualifier d’immense champion.

« On sait parfaitement tous les deux que j’ai rien perdu de mon cardio. Ou tu veux que je te montre ? » Et s’il avait évidemment anticipé que Ruben répondrait à sa provocation par une autre, Ambrose n’est toujours pas capable de se rendre compte que la moindre minuscule remarque adolescente suffit à lui fendre le coeur et à lui rappeler à quel point il ne sait pas rester raisonnable face à Ruben. Il a dit qu’il le détestait, il a dit qu’il aurait préféré ne jamais le rencontrer, et pourtant pendant un instant il se dit que se faire sauter à l’arrière d’une voiture n’est pas un scénario si pire qu’il n’y paraît. « Parce-que tu l’as dit toi-même: la course commence dans vingt minutes, je vais pouvoir te montrer rapidement que t’as pas à t’en faire pour mon cardio. » Il joue de lui, marchant à reculons pour ne jamais perdre de vue un Ambrose qui a sûrement blêmi au cours des maigres secondes écoulées. « Tu vas me dire que c’est un échauffement comme un autre, hm ? » Ils ne disent pas les mots, ils ne se trahissent pas de trop et ils comptent surtout pour le va et vient des personnes autour d’eux pour que personne ne capte leur discussion dans son entièreté. Ruben est un homme marié et Ambrose a déjà bien trop d’erreurs à faire oublier pour pouvoir se permettre d’en rajouter une couche. Malgré tout, ses pas s’activent rapidement les uns à la suite des autres pour rattraper Ruben et arriver à sa hauteur. « C’est ton nouveau average time, ça, vingt minutes ? Tu t’empattes. » Et plus il perd de temps avec des enfantillages, moins ils en ont à accorder à la véritable possibilité que la course puisse être troquée contre autre chose. Ruben est bénévole, Ruben veut se faire bien voir ; ils n’ont pas le temps pour ça et Ambrose n’en a pas l’envie. Officiellement, il ne cautionne plus les agissements du mari adultère. Officiellement. « Arrête de rouler des mécaniques, concentre-toi. » Il finit par demander, son sourire envolé. Il avait beau savoir que jouer au jeu des sous-entendus avec Ruben rimerait avec défaite assurée de son côté, il n’a pas su s’en empêcher. De ses dents plus que jamais serrées entre elles et surtout par dessus sa lèvre qu’il moleste en toutes connaissances de cause, il se retient de lui dire qu’après la course ils auront plus de temps ; tout le temps qu’ils désirent, même. « Qu’est-ce que tu voudrais parier, pour celui qui gagnera ? » Il finit par demander l’air de rien ; parce que si ce n’est pas lui qui propose frontalement, alors ce n’est pas si pire. S’il se contente de perdre, ce ne serait en rien de sa faute mais simplement une victoire méritée pour Ruben.

« Rassure quoi comme tu veux. » Bien sur que cette réflexion tira un petit rire amusé à Ben; il n’avait pas besoin de se rassurer comme il voulait, comme dit par le jeune homme, car il savait d’avance qu’il avait une condition physique qui lui permettrait d’être bien plus performant que lui sur la durée de la course. Contrairement à Rose, il s’entrainait réellement à la course et travaillait pour ne pas se retrouver à bout de souffle au bout de quelques foulées. Il n’avait pas besoin de se rassurer, serait le premier à passer la ligne d’arrivée - sauf s’il le laissait effectivement gagner, ce qui restait malgré son refus une possibilité. Le but était de profiter de la présence d’Ambrose dans cette journée qui n’était pas autant amusante par avance avant que leurs chemins ne se croisent; il serait capable de le laisser gagner juste pour laisser cette petite lumière là briller un instant encore.

Ambrose aurait du se douter que s’il lui donnait l’occasion d’agripper une perche tendue, Ruben le ferait - il ne s’en était jamais privé avant, ce n’était pas aujourd’hui qu’il le ferait. Et si tout dans l’attitude du docteur indiquait qu’il se jouait simplement de la situation et du brun face à lui, bien sur marchant à reculons, il semblerait que Rose lui-même ne prenne pas avec autant de légèreté les remarques amusées qu’il faisait. « Tu vas me dire que c’est un échauffement comme un autre, hm ? » Bien sur que cette première réplique arracha un sourire amusé au brun; la seconde beaucoup moins. « C’est ton nouveau average time, ça, vingt minutes ? Tu t’empâtes. » Il leva les yeux au ciel de façon bien trop dramatique pour que cela soit convainquant. « Tu te plains peut être ? Je note. » En sachant qu’il se contentait là de tirer sur le côté humoristique et amusé de la situation, parce-qu’en réalité ce n’était pas une remarque qu’il appréciait recevoir - et Ambrose le savait assez bien pour se permettre de lui lancer celle là et non une autre. « Arrête de rouler des mécaniques, concentre-toi. » - « Calme toi, je me contente de parler sans agir. C’est pas le bon endroit pour ça. » Pour réellement répondre aux sous-entendus, pour se laisser aller vers ces tentations là alors que trop de regards étaient tournés dans la direction du stade et des olympiades aujourd’hui. « Je passe devant les caméras peu de temps après la course, je profite simplement du battement entre maintenant et ce moment là pour passer du temps avec toi tout en faisant en sorte que ça ressorte bien pour nous deux. » Il haussa un sourcil dans sa direction avant de se tourner pour marcher de nouveau dans la bonne direction. « M’en veux pas de répondre au jeu que t’as initié, s’il te plait. » Il se pliait simplement à l’ambiance qui lui était imposée, et ce sans rechigner - ce qui était plutôt rare pour Ruben, alors qu’il adorait d’ordinaire être celui ayant en main n’importe quelle situation, quelque soit cette dernière.

« Qu’est-ce que tu voudrais parier, pour celui qui gagnera ? » Il préférait ce type de remarque. « Qu’est-ce que j’ai le droit de parier ? » Il gardait parfaitement en tête que désormais, en tout temps, il n’était pas celui qui pouvait se permettre d’imposer la montre chose - ni ici, ni ailleurs, et ce n’était pas un environnement avec lequel il appréciait être confronté. Il faisait simplement en sorte de s’en sortir au mieux à travers tout ça. « Je pourrais tenter de défendre mon honneur pour cette histoire de vingt-minutes, mais c’était vraiment pas le but alors je le proposerai pas. » Il parlait, il parlait, mais réellement il n’avait pas envie d’agir aujourd’hui; il lui avait dit: il désirait réellement profiter du peu de temps qu’Ambrose et lui pouvait voler alors que ce n’était pas prévu initialement.

« Tu te plains peut être ? Je note. » Il savait que Ruben répondrait à cette attaque ; bien sûr qu’il le ferait sans hésiter une seule seconde tant son ego semble être en jeu. Bien sûr qu’en retour Ambrose ne surenchérit pas davantage, sans doute parce qu’il n’a pas envie que la conséquence de tout ça se résume à un Ruben le repoussant pour lui faire payer son manque de retenue. « Calme toi, je me contente de parler sans agir. C’est pas le bon endroit pour ça. » - « Merci Captain Obvious. » Pour l’endroit autant que pour sa propension à parler avant d’agir, il était déjà plutôt au courant des faits. Ce n’est pas comme s’il découvrait Ruben, ni même sa façon d’agir. Sur ce point-là, il dirait même qu’il le connaît parfaitement. Du reste, il se connaît aussi plutôt bien pour savoir que tous les reproches qu’il pourrait nourrir à l’égard de Ruben ne dureront en réalité pas dans le temps, raison pour laquelle il ne prend pas la peine de le rassurer au sujet des craintes qu’il émet: non, il ne lui en veut pas et oui, il est malgré tout heureux de passer ce temps là avec lui.

Il préfère encore jouer le jeu de la surenchère au sujet de la course à venir, pour laquelle il se prépare lui aussi. « Qu’est-ce que j’ai le droit de parier ? » Sa retenue surprend le plus jeune qui démontre un tic de signe de tête pour le signifier. Il en sourit la seconde suivante. « Tout, tu le sais. » Les règles du jeu n’ont jamais réellement été modifiées, Ambrose l’avoue les jours où il n’est pas en colère contre lui. Les autres, il lui rappelle à quel point il est une personne suffisante et égocentrée, ce qui ne lui fait sans doute pas de mal. « Je pourrais tenter de défendre mon honneur pour cette histoire de vingt-minutes, mais c’était vraiment pas le but alors je le proposerai pas. » - « On discutera des termes un autre jour. » Il ne promet rien, mais il lui laisse simplement comprendre que la porte n’est pas fermée de façon aussi définitive que Ruben semble le souligner. De son côté, il est fatigué de se préserver des mauvaises idées et souhaite simplement vivre sa vie comme il l’entend, quitte à ce que les instants de bonheur soient particulièrement éphémères par rapport au reste. Ils en valent la peine, et Ruben en vaut lui aussi la peine - ne lui dites pas trop fort.

Dans leur malheur, ils ont au moins la chance de ne pas avoir le temps de creuser davantage le sujet, les coureurs étant sommés de se rapprocher de la ligne de départ, d’où Ambrose commence enfin à s’étirer un minimum. Il ne voit pas le temps passer avant que le sifflet annonce le début des festivités et, avec lui, quelques kilomètres à parcourir sans que son corps n’ait été préparé à cela d’une quelconque manière efficace. Rapidement, ses muscles le tiraillent et sa respiration siffle à travers même sa gorge mais il tient le coup, pour son propre honneur bien plus que pour l’amour véritable du sport.