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« Posy devrait arriver en fin de journée. » Et moi, je suis déjà un père surexcité à l’idée de faire découvrir à sa fille les merveilles de l’île de Taveuni, perle de l’archipel des Fidji. Les premiers jours que nous y avons passé, ma compagne et moi, ont été merveilleux et nous ont permis – je le crois – de nous ressourcer à l’abri des regards. Dans cette villa privée et sécurisée, nous jouissons d’une intimité sans borne et renouons avec le goût d’une vie simple et douce. Si elle ne l’avait pas proposé elle-même, jamais je n’aurais déposé sur la table l’éventualité de faire venir Posy pour finir ces vacances improvisées à nos côtés, mais je n’en suis que plus heureux. A peine quatre jours, c’est le temps que ma fille aura sur l’île, mais ils sont précieux, au regard de combien ils sont témoins du chemin que Jo a parcouru, que nousavons parcouru, ma brune et moi. Il y a quelques mois de ça, l’éventualité de passer ne serait-ce qu’une nuit en présence de l’enfant avait rendu Jo moins bavarde qu’à l’ordinaire, plus angoissée, même si elle avait terrassé ses craintes pour nous proposer un refuge, le temps de la tempête. Aujourd’hui, elle me prouve par cette proposition qu’elle a compris que Posy n’était pas qu’un détail de mon existence qu’elle pouvait ignorer. Elle a compris que ma fille faisait partie intégrante de mon histoire et qu’être avec moi voulait aussi dire apprendre à composer avec elle.

« Par contre, il y a un petit problème. » Dans mon esprit, il est insignifiant. Elle n’est même pas vouée à poser un pied sur l’île, elle ne quittera pas le tarmac et fera demi-tour aussi vite qu’elle est venue. « Elle avait peur de monter dans l’avion toute seule. Elle a fait une crise de larme à sa mère au moment de partir, en disant qu’elle voulait venir mais qu’elle avait peur de mourir. » A son âge, elle commence à comprendre – et à être terrorisée – par ce que ce mot implique. La mort, comme chaque enfant avant elle, a pris des allure de concept terrorisant et d’obsession pour ma petite fille. « Harleen a pris l’avion avec elle. » C’était le seul moyen de la calmer, que m’a dit la mère de ma fille par message avant de m’assurer qu’elle ferait l’aller-retour. Elle a bien intégré – sans surprise – que l’argent n’est pas un problème pour moi et qu’elle peut se permettre ce genre de chose, si cela rassure sa progéniture. Moi, un peu trop bon et con lorsqu’il est question de la mère de ma princesse, je ne doute pas une seule seconde de sa bonne foi. En revanche, je sais ce que cette annonce risque de provoquer en colère chez ma tornade de petite amie. « Elle quittera pas le tarmac. Elle embrassera Posy et lui dira au revoir pendant qu’ils ravitaillent l’avion - » Le jet privé, comme j’adore le chanter sur tous les toits d’habitude. Bizarrement, aujourd’hui je ne dis rien, trop penaud pour fanfaronner. « - et elle fera demi-tour pour rentrer en Australie. Le vol est court, c’est ce qui lui a semblé le mieux pour que Posy puisse quand même venir avec nous. » Je répète les mots de Harleen, persuadés qu’ils ne referment aucune fourberie de la part de mon ex, mais qu’ils seront mal accueillis par Jo malgré ce fait. « T’es même pas obligée de la voir, si tu préfères, j’irai chercher Posy à l’aéroport tout seul. » Je tends une main dans sa direction, en espérant qu’elle ne me tiendra pas rigueur de cette contrariété puisque, je ne suis pas idiot, cela en sera une. Au retour, ma fille prendra l’avion avec nous et nous et Harleen n’aura donc pas à revenir dans notre havre de paix improvisé. A mes yeux, tout est bien qui finit bien mais mon instinct me souffle que cela ne sera pas aussi simple aux yeux de Jo. « Demain, je me disais qu’on pourrait faire du snorkeling avec elle. Je suis sûr qu’elle adorerait. » Changer de sujet. Recentrer sur les magnifiques trésors dont regorge l’île pour que l’orage n’éclate pas.

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Posy devrait arriver en fin de journée. Jo le savait déjà, et elle ne risquait pas de l’oublier. Pas uniquement parce qu’il s’agissait de son idée, et qu’à défaut de la regretter, elle devait en prendre la responsabilité en faisant de son mieux pour que les choses se passent bien, mais surtout parce que Midas était adorablement surexcité que la petite les rejoigne, ne boudant pas son enthousiasme en faisant savoir à Jo combien il avait hâte qu’elle arrive. Elle était donc passablement étonnée de ce rappel à l’évidence, et occupée dans la salle de bain, sans véritable vue sur autre chose que son reflet dans le miroir, elle sentait que cette annonce venait avec un loup qu’elle comptait bien débusquer une fois qu’elle aurait terminé de s’enduire le corps d’une huile embaumant le monoï, vacancière de base qui prend soin de son bronzage autant que son capital soleil, pas du genre à trouver le vieillissement prématuré de la peau sexy. Les sourcils froncés, elle s’autorisa un regard fixe à elle-même en entendant le silence s’allonger de l’autre côté, la suspicion la faisant creuser une dent au fond de sa bouche avec le bout de sa langue en s’attendant presque à ce qu’un truc pas net lui tombe sur le coin du nez. Et évidemment que ce fût le cas, putain, c’était presque trop beau pour être vrai.

Au mot problème, elle quitta son poste devant le miroir pour passer une tête par-delà le mur en granit de la salle de bain, son minois apparaissant bien avant son corps à peine dissimulé dans une robe transparente, son maillot visible par-dessous, et demanda à Midas, une octave en-dessous "Du genre ?" Du genre qui l’énerverait, c’était à parier. Elle le savait pour une chose aussi simple que le ton de Midas était précautionneux lorsqu’il déroula la nouvelle pendant qu’elle se débarrassait des dernières traces d’huile qu’elle avait sur les mains en les passant tour à tour sur ses bras bronzés, le regard rivé sur lui. Elle garderait son calme, c’était une promesse qu’elle se faisait à elle-même. De toute façon, elle n’avait franchement pas la tête à faire un esclandre, sauf que ça elle était encore la seule à le savoir, pas tout à fait elle-même depuis quelques temps maintenant, malmenée par la dure réalité de l’industrie du disque qui la rendait tributaire de l’impression désagréable de n’être rien d'autre qu’une passerelle à fric ; entre toutes autres choses, on ne pouvait pas dire que ces derniers temps avaient été simples pour Jo dans tous les cas, mais ce n’était qu’un détail, comme le serait surement le problème soulevé par Midas qu’elle ne quitta pas des yeux quand elle prit vraiment sens de ce qu'il était en train de lui dire exactement.

Quelle pute. Non. Non, elle ne s’énerverait pas. Elle l’avait seulement prononcé dans sa tête, et elle se força même à sourire, bouche fermée, fossette du côté gauche inexistante, preuve que le sourire était aussi authentique que les nouvelles facettes de cette radasse de Selena Gomez, histoire de donner l’impression que bien sûr que non, ce n’était pas si grave, enfin ; un détail comme elle le pensait quelques secondes plus tôt. Elle hocha même la tête avec conviction en se détournant pour disparaître à nouveau dans la salle de bain, sentant quand même son coeur manquer quelque chose comme une quinzaine de marches alors qu’elle lui disait dans le même temps "D’accord, c’est normal." Normal, mon cul. Il ne venait pas avec un personnel de bord son jet-privé ? Evidemment que si, elle l’avait assez pris pour le savoir. Elle savait aussi que Posy n’en était pas à son premier vol et qu’elle devait avoir l’habitude de ce même personnel de bord, alors quoi ? Soudainement, elle s’était réveillée avec la peur au ventre de prendre l’avion certes, avec celle aussi de se retrouver en tête-à-tête avec des gens qu’elle connaissait surement depuis sa naissance ? "Tu sais ça depuis quand ?" laissa-t-elle filer au travers de ce qu'il ajoutait, balayant sa rangée de dents du haut avec sa langue en revissant le bouchon de son flacon d’huile sublimatrice avant de la ranger avec soin. Avant de bouger de là, comme un rituel lent pour ne pas perdre son calme, elle prit bien le temps de replacer la robe qu’elle portait sur ses épaules, en arrangeant le tombé du dos-nu qui faisait son originalité en pivotant sur elle-même, juchée sur la pointe des pieds, pour mieux se voir dans le miroir, et frictionna la masse de cheveux bouclés qui lui tombait entre les omoplates. Quand, se sentant enfin relativement indifférente à la situation, elle décida de sortir à nouveau de la salle de bain pour le rejoindre et lui faire en même temps qu’elle répandait l’odeur de son huile dans toute la pièce rien qu’en la traversant, faisant mine de ne pas avoir vu la main qu’il lui tendait quand elle passa devant "Non, je vais venir." Pas moyen de craindre la rencontre avec l’autre, elle avait plus de fierté que ça. Et encore une fois, faire venir Posy, c’était son idée ; elle n’allait pas battre en retraite, plutôt crever. Pressant ses lèvres l’une contre l’autre en se posant un peu plus loin dans la pièce, elle regarda de nouveau Midas pour acquiescer à sa proposition — et ce fut plus fort qu’elle, elle lui demanda sur l’air de ne pas y toucher "Hm, c’est une bonne idée." A peine une seconde passa tandis que, les sourcils subitement froncés, elle poursuivit, la tête penchée sur le côté "Mais elle va pas avoir peur de mourir en respirant dans un tuba ?" Sous-entendu qu'il faudrait peut-être s’attendre à ce qu’elle demande à ce que sa maman l’accompagne, encore une fois.

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Jo sent bon les vacances, la plage, le sable et les îles paradisiaques. L’odeur entêtante de la lotion qu’elle a versée sur sa peau couplée à sa peau luisante pourrait me donner des idées non catholiques, si je n’étais pas aussi préoccupé par les messages de mon ex et, surtout, par la réaction que ma petite amie aura face à tout ça. Je ne suis pas idiot : sans jamais l’avoir rencontrée, elle nourrit une aversion peu dissimulée à l’encontre d’Harleen. J’ignore si elle est simplement territoriale par nature ou, plus vraisemblablement, si elle jalouse la mère de ma fille pour ce qu’elle représente. Certes, Harleen est indéboulonnable de mon existence. Toutefois, ce n’est pas à cause de ce que je ressens pour elle ou du fantôme de nôtre relation, mais bien parce qu’elle est la maman de Posy si bien que, moi qui ne réfléchis pas plus loin que le bout de mon nez, j’ai parfois du mal à comprendre le mépris de la brune. Toutefois, plus attaché à ma tranquillité d’esprit et à l’équilibre au sein de mon couple qu’à satisfaire une quelconque curiosité, en temps normal, je me tais et évoque Harls le moins possible.

Le jour de leur rencontre aurait fini par arriver pourtant, il devait arriver étant donnée l’importance que Jo a à mes yeux et la place qu’elle tient dans ma vie. Si Harleen avait exigé tout de go à la rencontrer avant de laisser sa fille la côtoyer, je n’aurais pas su m’opposer sa requête sans me sentir égoïste : moi-même, je ne suis pas à l’aise à l’idée que ma petite fille soit mise au contact d’autres hommes sans qu’ils n’aient au préalable passé mon inspection. « D’accord, c’est normal. » Elle dit une chose, mais tout sonne faux et je la connais assez pour ne pas tomber dans le panneau. Bien-sûr que cela lui pose un problème, sans quoi elle ne se serait pas soustraite à ma vue en disparaissant à l’intérieur de la salle de bain. « Tu sais ça depuis quand ? » Sans bouger de là où je suis – je suis bien trop conscient de l’instabilité de Jo dans ce cas de figure pour la débusquer alors qu’elle s’est isolée – je réponds sans hésiter. « Là, à l’instant, elle vient de m’envoyer des messages avant que l’avion décolle. » Et je n’ai pas envie que ma petite amie pense que j’ai orchestré ça d’une quelconque façon. Je ne suis pas assez fourbe pour avoir mis sur pied ce genre de piège. « Je t’en aurais parlé, si j’avais pensé que ça pouvait arriver. » Toutefois, je n’ai pas anticipé les craintes de ma petite fille : ses angoisses du moment sont changeantes et imprévisibles.

« Non, je vais venir. » Elle quitte la salle de bain et passe devant ma main tendue sans lui adresser un regard. Mal à l’aise – tout son langage corporel affirme l’inverse de la façade détendue qu’elle affiche – je noue mes deux mains derrière mon dos. J’aurais préféré que leur rencontre ait lieu dans d’autres circonstances, dans un climat plus apaisé et propice à aplanir les choses. Tant de choses peuvent dégénérer qu’y penser me file le tournis. « D’accord. » Je ne m’y oppose pas et pour cause : je n’ai pas envie de lui donner l’impression que je la cache, ou que j’ai honte d’elle d’une quelconque façon. Jo est légitime à mes côtés, et je n’ai pas de problème à l’idée de m’afficher avec elle, même auprès de Harleen. C’est l’explosivité des deux femmes que je crains.

« Hm, c’est une bonne idée. » Tout semble trop beau pour être vrai. Pas de remarque piquante. Pas d’éclat de voix. L’espace d’une seconde, je me surprends même à penser que je me suis fait du souci pour rien et que, finalement, Jo prend très bien la chose. Je suis cependant vite détrompé. « Mais elle va pas avoir peur de mourir en respirant dans un tuba ? » J’expire longuement par le nez, avant de décroiser mes bras et de m’approcher d’elle, sans pour autant la toucher. Je m’arrête à un mètre d’elle, et je pose la main sur le dossier du sofa à quelques centimètres de l’endroit où elle s’appuie. « Je sais que ça t’agace. Et t’as le droit de le dire. » Je n'y suis pour rien et, pourtant, je suis prêt à ramper à ses pieds si cela peut m’acheter ma tranquillité d’esprit. « Je suis désolé. C’est nos vacances, j’aurais préféré qu’il n’y ait pas d’imprévu. Mais dès que l’avion sera reparti, ce sera comme si elle était jamais venue, non ? » Harleen ne reste pas, après tout, qu’est-ce qui est si problématique dans ces conditions ? « Posy est à l’âge où elle commence à comprendre le concept de mortalité. Elle vient de perdre le chien qu’elle avait chez sa mère, ça l’a beaucoup marquée. » Et depuis, elle pose tout un tas de questions sur cette "condition". J’y réponds comme je peux, Harleen aussi, mais elle passe pas une phase de sa vie – normale, d’après les médecins – ou elle n’est pas encore en mesure de tout comprendre et où naissent donc des interrogations. « C’est une petite fille, je pouvais pas prévoir. »

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Jo voyait le mal partout. Certainement que c’était sa mesquinerie qui la rendait coupable de croire que tout le monde avait le même talent qu’elle quand, pour obtenir ce qu’elle désirait et reprendre la main, elle versait dans le plan foireux sans songer aux conséquences de ses actions. Il y avait pourtant quelque chose qui la dérangeait profondément dans l’intrusion de Harleen dans la configuration de base appliquée à l’arrivée de Posy sur l’île, elle le sentait dans tout son corps sans même l’expliquer tandis qu’il s’y installait une tension diffuse alors que, depuis plusieurs maintenant, elle jouissait d’une détente parfaite, qui la rendait bien plus malléable qu’à l’accoutumée. Ce sentiment, elle le savait, il n’était pas seulement alimenté par sa jalousie évidente, encore moins par son refus certain de se retrouver un jour en face-à-face avec la femme qui avait eu un enfant avec Midas. Ça aurait dû arriver un jour où l’autre, elle n’était pas idiote au point de l’ignorer, mais plus tard lui aurait permis de se roder davantage, d’apprendre à canaliser la peine que ça lui faisait, et qui sait, peut-être de mûrir un peu compte tenu qu’ici, elle tombait tout bêtement dans l’immaturité, plus que frustrée d’être forcée de composer avec tout ça alors qu’elle n’en avait pas la moindre envie. C’était ça, le sentiment qui la taraudait : la frustration. Elle était frustrée, prise au piège de quelque chose qu’elle ne contrôlait pas, ne supportant pas d’être contrainte et forcée de faire quelque chose dont elle n’avait pas envie. Elle serait celle qui devrait faire des efforts, elle serait celle qui devrait prendre sur elle, et elle le faisait depuis suffisamment de temps maintenant pour qu’elle ne sente pas que ça commençait à devenir très difficile de sentir qu’à chaque fois, ce n’était jamais assez.

Elle n’en voulait pas à Midas ; il était lui aussi obligé de composer avec l’imprévu. Elle ne l’accusait même de rien, mais une partie d’elle le trouvait bien naïf de considérer que c’était la faute à pas de chance, trouvant opportun de reporter la faute sur les peurs de sa fille qu’elle non plus, Jo ne rendait coupable de rien au demeurant. Pour elle, il n’y avait qu’une seule coupable, et ce n’était pas difficile de savoir qui elle était "Je sais. J’ai pas dit le contraire." soutint-elle en revenant dans la pièce quand il lui assura qu’il lui en aurait parlé avant s’il avait eu la moindre idée que ça pouvait arriver "A moins que tu préfère que je reste là." Elle haussa les épaules, posant son regard sur lui en limitant l’observation de son expression au loin, jugeant qu’au fond, elle avait tous les droits d’être un peu déçue par la tournure des évènements, et ne voulant pas se laisser attendrir par quoi que ce soit qu’il laisserait échapper — une respiration, un sourire, ou quoi que ce soit qui faisait que tout le monde tombait amoureux de ses grands yeux bleus "Je veux pas m’imposer. Si elle a été secouée par le vol, autant qu’elle se retrouve un peu seule avec toi, ça lui fera du bien." termina-t-elle, s’éloignant de lui pour aller s’appuyer contre le dossier du sofa installé plus loin.

Ça aurait pu s’arrêter là. Elle aurait tout juste pu confirmer que son idée de faire du snorkeling était bonne et aller boire un verre d’eau pour faire redescendre le magna qui sommeillait en elle avec un grand coup de frais histoire de maximiser ses chances de rester calme. Mais évidemment, les efforts ratés de Josephine faisaient légions quand ils étaient régis par sa putain de mauvaise foi "OK, alors ça m’agace." L’aveu ne surprendrait pas Midas qui l’invitait à s’exprimer et qu’elle regarda s’approcher, le laissant décider de là où il voulait se poser sans qu’elle, elle ne daigne bouger, remuant uniquement pour débarrasser son épaule d’une longue mèche de cheveux parfumée et bouclée qu’elle coinça derrière son oreille en l’écoutant prendre les choses avec une philosophie certaine qui lui fit frénétiquement hocher la tête de bas en haut. Prenant l’air d’une élève faussement intéressée par le discours du charmant professeur d’une matière dont elle se foutait éperdument, elle intervint au bout de quelques secondes seulement "J’ai juste une petite question, tu permets ?" Rhétorique, bien sûr. Alors qu’elle avait brièvement croisés les bras sur sa poitrine, elle les décroisa pour se tourner vers lui, la hanche légèrement désaxée, posée tout contre le dossier du sofa, et la tête penchée sur le côté pour bien capter le regard de Midas "Si Posy fait une crise de larmes sur le tarmac parce qu’elle a peur que sa maman meure en prenant l’avion-retour sans elle, il va se passer quoi exactement ?" Elle lui lança un regard qui voulait clairement dire ça m’intéresse, ses sourcils assez haussés pour qu’il comprenne qu’au fond du fond, elle s’en cognait les ovaires de la réponse puisqu’elle était certaine de déjà la connaître : il ne la laisserait pas repartir pour soulager le coeur de sa gamine. Sa langue claque contre son palais, et elle secoua la tête avec impatience "Je sais que c’est une petite-fille, je lui en veux pas." Elle avait dépassé ce stade dans son immaturité notoire. Très vite, elle ajouta même "Je t’en veux même pas à toi." Prenant une très profonde inspiration, elle admit en même temps qu’elle se redressait de sa menue hauteur, laissant sa tête légèrement basculer en arrière pour mieux se remettre les idées en place et faire le point sur ce qui grouillait dans tout son corps "J’avais juste pas envie de faire ça aujourd’hui." Ça, se trouvant être rencontrer la mère de la fille de mon petit-ami, mais elle passa sur la mise au clair, espérant que le petit-ami en question comprendrait très bien ce qu’elle voulait dire.

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« Je sais. J’ai pas dit le contraire. » Elle n’a pas dit le contraire, mais elle m’a interrogé à ce sujet. Pourquoi, si elle nourrissait déjà la certitude que je n’aurais pas pu lui cacher ce genre d’information ? Je nous pensais guéris de mes mensonges, me suis fourvoyé ? Est-ce simplement le résultat de sa frustration et d’une nervosité grandissante à l’idée de devoir rencontrer Harleen ? Rien ne l’y oblige. Mon ex a prévu de faire l’aller-retour et ne montera même pas dans la berline qui nous reconduira immédiatement dans la villa de bord d’océan loué pour nos dix jours de vacances. Est-ce sa fierté qui la pousse à s’infliger cette rencontre ? De la possessivité, entrainant le besoin de se tenir à mes côtés pour montrer que je suis chasse gardée à la mère de ma fille ? C’est inutile : Harleen et moi ne nous envisageons plus comme ça. Si nous avions voulu nous redonner une chance après notre première séparation, nous aurions eu pléthore d’occasions de nous remettre ensemble. Je suis resté célibataire depuis la naissance de Posy jusqu’à Jo, et la délicate brune l’a été bon nombre de fois également. Même pour rendre jaloux son pitoyable copain qu’elle fréquente en un jour sur deux, elle ne s’est jamais tournée vers moi mais a préféré les amants de passage, trop consciente qu’en tant que père de sa fille, elle devait protéger notre relation, je suppose. Je mentirais si je prétendais que je ne ressens pas une profonde affection à son égard, même quand elle m’exaspère, mais je ressens ces choses parce qu’elle est un membre de ma famille, pas une partenaire potentielle. « A moins que tu préfères que je reste là. » Je secoue la tête doucement, désireux de lever ce malentendu là avant qu’il ne prenne racine. « Je veux pas m’imposer. Si elle a été secouée par le vol, autant qu’elle se retrouve un peu seule avec toi, ça lui fera du bien. » - « Non, viens si tu en as envie, t’es à ta place. » A mes côtés, avec moi. « Je te préfèrerais jamais loin de moi qu’avec moi. » Mais elle, elle aurait pu privilégier le fait de rester loin de Harleen, et je l’aurais compris.

Quand j’imaginais leur rencontre, comme un sot, je pensais à quelque chose de cordial, dans un restaurant peut-être, ou dans un bar, un endroit neutre, en tout cas. J’aurais préféré que les choses soient différentes, mais l’avion mettra au maximum une demi-heure à être ravitaillé, alors il ne s’agit à mes yeux que d’un mauvais moment à passer. Seulement, je n’ai pas envie d’entretenir la frustration de Jo au travers de non-dits. Alors je crève l’abcès, difficilement parce que je déteste ce genre d’exercice, mais pour le bien de mon couple. Elle ne bouge pas. Elle ne fait pas un pas vers moi et je me demande si elle m’en veut plus que je ne le soupçonnais. « OK, alors ça m’agace. » Oui, à ce niveau, elle est plutôt transparente. « J’ai juste une petite question, tu permets ? » Je prends une profonde inspiration, mué par l’instinct que je ne vais pas aimer ce qui va suivre et que mon quart d’heure est loin d’être terminé. « Si Posy fait une crise de larmes sur le tarmac parce qu’elle a peur que sa maman meure en prenant l’avion-retour sans elle, il va se passer quoi exactement ? » Je cligne des yeux, désarmé par sa pique – c’en est une, je la connais assez pour ça. « Alors on aura le temps de lui expliquer et de la rassurer. Là, elle a dû prendre la décision en deux minutes parce que l’avion était prêt à décoller. » Ma fille ne craint pas de se séparer de sa mère en temps normal. « Tu aurais préféré qu’elle abandonne et qu’on annule les vacances de Posy avec nous ? » Ma question à moi n’est pas rhétorique. Je me sens acculée alors que j’ignore ce que j’ai fait de mal ou, plutôt, ce que j’aurais pu faire de mieux. Harls est une maman, elle a cédé aux pleurs de sa fille en voulant bien faire, j’en suis persuadé. Mon ex est beaucoup de choses, mais pas machiavélique à ce point. « Je sais que c’est une petite-fille, je lui en veux pas. Je t’en veux même pas à toi. » Alors à qui ? A mon ex ? Pour avoir pris cette décision ou, comme je commence à le soupçonner, simplement pour le simple fait d’exister ? Je ne peux pas effacer mon passé. Même si l’on m’offrait le choix de revenir en arrière, je ne le ferais pas. Je ne "sacrifierais" pas ma fille au profit d’une relation plus facile avec Jo. Pour autant, je l’aime comme un fou et me sens démuni face à ce genre de situation. « J’avais juste pas envie de faire ça aujourd’hui. » Est-ce que tu aurais eu envie de le faire un jour ? – me retins-je de demander, conscient que malgré ce qu’elle avance, je ne suis pas en odeur de sainteté. Du reste, pourquoi se l’impose-t-elle, dans ce cas, plutôt que de rester tranquillement au soleil à nous attendre ma fille et moi ?

Puisqu’elle ne bouge pas, c’est moi qui parcours la distance qui nous sépare, espérant ne pas être repoussé. Doucement, je pose mes doigts sur l’avant-bras de ma petite-amie. « T’as pas à te sentir menacée d’une quelconque façon par elle. On est amis, y’aura jamais rien de plus et y’a plus jamais rien eu de plus depuis six ans. » Et de mon côté, je suis même persuadé que malgré ses défauts, Harleen est quelqu’un de bien. « Tu peux venir sans devoir briser la glace avec elle pour autant. On pourra organiser ça plus tard, quand tu seras prête. »

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Elle hocha la tête, pas convaincue pour autant d’avoir vraiment sa place auprès de Midas pour aujourd’hui, pas quand on lui rappelait sans cesse de façon détournée, par des intrusions de ce type, qu’elle devrait toujours s’adapter en fonction d’elles et faire avec. C’était sa propension à croire que le monde tournait autour de son nombril qui parlait, et c’était certainement gênant pour quiconque savait quel âge elle avait exactement, mais c’était comme ça. Elle alimentait toutes les prétentions possibles et imaginables Jo, mais pas celle d’être sage et mature quand la frustration s’emparait d’elle et qu’elle se sentait, pas rejetée, parce que ce n’était pas le cas, Midas ne lui ayant jamais fait croire une seule seconde qu’il ne désirait pas qu’elle soit présente près de lui, mais bel et bien de trop dans une dynamique qu’elle essayait pourtant d’appréhender en tachant de la comprendre, en tachant de proposer des choses, de faire des projets, pour moins la redouter et prouver quelque part qu’elle pouvait s’y plier sans que ça ne prenne des allures de torture pour elle qui ne savait pas comment faire avec les enfants, mal avisée, mal à l’aise aussi, et ce pour tout un tas de raisons plus ou moins justifiées. Là, c’était trop compliqué. Elle était prise au dépourvu, elle ne pouvait pas essayer de gommer ses réactions primaires et donner le change en faisant des efforts. Parce que Harleen n’était pas Posy qui plus est, et que si elle avait déjà beaucoup d’affection pour l’une, elle haïssait l’autre par principe.

Avec un battement de cils, elle délogea son regard de celui de Midas. Elle avait l’impression d’être une gosse à qui on fait la leçon. C’était bien fait pour elle, puisqu’à agir comme une gamine, elle récoltait la punition qui allait avec. C’était suffisamment humiliant pour qu’elle ne veuille rien ajouter d’autre à ce qu’il lui répondait à propos de l’éventualité qu’elle soulevait, que Posy panique de laisser sa maman repartir seule, et de comment il le gérerait. En résumé, il tiendrait son rôle de père, comme Harleen avait tenu son rôle de mère, et ça l’excluait davantage de ce petit club de gens qui agissaient instinctivement de la bonne façon quand il s’agissait de leurs enfants. Jo ne pouvait pas rivaliser avec ça, c’était un fait qu’elle ne regrettait pas, qui ne lui faisait pas moins du mal pour autant. Elle se mordit l’intérieur de la joue, et après un instant, elle releva les yeux quand il lui posa une question délicate dont la réponse fusa dans son esprit, à défaut qu’elle se sente à l’aise de la lui cracher au visage : j’aurais préféré que t’aies pas d’enfant. Même elle qui n’avait pas de filtre savait qu’on ne disait pas ce genre de choses, alors elle ne le dit pas. Ça ne l’empêcha pas de le penser, gardant un temps infini ses yeux dans ceux de Midas avant de se sentir minable d’en être réduite à ce genre de pensées juste parce que ça blessait son ego de se dire qu’il avait eu une vie sans elle. De nouveau, elle cligna des yeux pour se soustraire aux siens, baissa le menton pour enfin lui offrir une réponse plus politiquement correcte, qu’elle prononça d’abord du bout des lèvres "Non." Et puis elle prit une profonde inspiration, allongeant sa phrase pour ne pas se faire reprocher de se refermer comme une huître, et lui dit un peu plus distinctement "Bien sûr que non. C’était mon idée, j’aurais été déçue qu’elle annule." Pas plus que maintenant, ceci dit. Mais ça non plus, ce n’était pas bon à dire.

Elle le sentit bouger à nouveau. Elle releva la tête pour poser les yeux sur ses doigts qui frôlaient la peau de son bras quand il grignota la distance qu’il y avait entre eux jusque-là. Elle ne le repoussa pas, elle le laissa faire ce qu’il avait envie de faire, et eut un très léger rire, un peu amer, quand elle intercepta sa théorie à propos de tout ça "C’est pas ça. Je me sens pas menacée." Et puis quoi encore ? Elle avait assez de fierté pour ne pas redouter qu’on la quitte pour quelqu’un d’autre, même si elle n’était qu’une emmerdeuse de première. Elle avait des défauts, elle n’avait pas que ça, et peu importait ce que ça disait d’elle d’en être autant persuadée, restait qu’elle l’était intimement que Midas l’aimait du plus profond de son être. Alors quoi ? Elle inspira fort, expira selon la même intensité "Je veux pas vous voir ensemble." Stupide, probablement. Elle n’alléguait pas que toutes ses craintes résultaient de quelque chose de pertinent, aussi ajouta-t-elle en faisant pivoter sa tête sans la lever cependant, gardant son regard rivé sur le mouvement des doigts de Midas contre sa peau, réactive à son toucher "Je veux pas avoir l’image de votre petite famille imprimée dans mon cerveau et être forcée d’admettre que c’est ce qu’il te faut pour être totalement heureux, que c’est ce dont t’as besoin pour te sentir bien, surtout." Elle prenait la mesure de ce qu’elle disait et de ce que ça lui faisait alors que ça semblait si puéril, exprimé à voix haute. Elle finit par secouer la tête en faisant dans la foulée, les sourcils froncés "C’est pas grave. C’est qu’un caprice, je vais passer à autre chose." A peine, trop obstinée pour abandonner l’idée de l’accompagner, ne tenant pas à ce qu’on son immaturité soit relevée, même si elle existait. Pour de bon cette fois, elle releva la tête, et daignant enfin bouger, elle l’enlaça par la taille en lui demandant, sa bouche caressant le tissu de ce qu’il portait sur lui quand elle lui demanda en même temps "Elles atterrissent ici à quelle heure ?"

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Face à la réaction de Jo et la façon dont elle s’enfonce dans tous les sentiments négatifs qu’entraine chez elle un malheureux évènement inattendu. Je suis peut-être naïf, peut-être que je ne vois que de l’innocence et une volonté de bien faire dans la décision prise au pied levé par mon ex, mais je continue à penser que son intrusion sera aussi vite oubliée qu’elle est venue à notre connaissance. Si je n’avais pas dit toute la vérité à Jo et que j’étais allé cherche ma fille seul, elle ne l’aurait jamais su. Alors, de ma fenêtre, la conclusion est plutôt simple : il n’y a aucune raison pour qu’elle soit impactée par tout ça. Elle pourrait choisir de laisser couler cette information plutôt que d’en faire toute une histoire et bien que je possède toute la patience du monde, je suis désemparé. « Non. Bien sûr que non. C’était mon idée, j’aurais été déçue qu’elle annule. » Et du coup ? Qu’aurait dû faire la mère de Posy pour la faire monter dans l’avion, mais sans venir troubler notre tranquillité de sa présence déplaisante aux yeux de Jo ? Attendait-elle d’elle une solution miracle qui n’existe pas ? Lorsqu’on est parent, il est régulier de devoir faire des choix qui ne nous conviennent pas tout à fait, de devoir prendre des décisions que l’on aurait pas pris sans la présence de notre enfant. Je doute que Harleen avait envie de passer plus de six ans à faire l’aller-retour entre l’Australie et une ville paradisiaque sur laquelle elle ne peut même pas séjourner. Je ne le précise bien sûr pas à voix haute, mais si une personne a le droit d’être agacée par la tournure des choses, je pense en mon for intérieur qu’il s’agit bien d’elle, et non de Jo ou de moi.

Bien sûr, jalousie et possessivité sont de bonnes pistes pour expliquer sa réaction. Ce sont des pistes tangibles que mon esprit comprend. Malheureusement, je suis rapidement débouté. « C’est pas ça. Je me sens pas menacée. » Elle ne l’est pas, menacée, mais ne peut-elle pour autant pas ressentir un pincement de jalousie ? « Je veux pas vous voir ensemble. » Cela y ressemble, en tout cas. Quelle autre raison pourrait-elle invoquer pour justifier qu’elle ne veuille pas me voir en compagnie d’une femme qui ne compte plus pour moi – pas comme ça en tout cas – depuis des années ? « Je veux pas avoir l’image de votre petite famille imprimée dans mon cerveau et être forcée d’admettre que c’est ce qu’il te faut pour être totalement heureux, que c’est ce dont t’as besoin pour te sentir bien, surtout. » Je fronce les sourcils, peinant à assimiler ce qu’elle affirme. J’ai du mal à comprendre de quoi il s’agit réellement. Le problème, est-ce Harleen et uniquement elle ou bien l’idée qu’une famille, quelle qu’elle soit, est ce dont j’ai besoin pour être heureux ? Il serait facile de désamorcer la situation si nous nous trouvions dans le premier cas de figure. En revanche, dans le second… Et bien elle n’aurait pas tout à fait tort, c’est bien de ça que j’ai besoin, mais pas avec Harls. « C’est pas grave. C’est qu’un caprice, je vais passer à autre chose. Elles atterrissent ici à quelle heure ? » Elle se referme et je me demande si j’ai raté le coche. Si j’aurais dû sauter sur l’occasion de lui parler de nous, de lui demander de préciser, de m’expliquer ce qui lui fait réellement si mal au cœur. « A 17h15.  » Dans trois heures donc, nous avons l’après-midi devant nous. « Ce dont j’ai besoin pour être bien, c’est Posy et toi. » Est-ce déjà trop pour elle ? La présence de ma fille est-elle de trop ? En sommes-nous encore là ? Je refuse de l’envisager. Pour être pleinement heureux, j’ai besoin d’avoir ma famille dans ma vie également, mais au quotidien, elles sont mes deux essentielles. Du reste, je n’arrive pas à ajouter quoi que ce soit de plus. Les doigts noués devant moi, dans une position qui trahit ma nervosité, je l’observe un instant, avant de l’approcher et de, si elle m’y autorise, déposer un baiser dans sa nuque, d’embrasser sa peau au goût sucré avant de déposer un tendre baiser sur ses lèvres.

***

« L’avion est à l’heure. » Je coule vers ma petite amie un regard aussi amoureux qu’empli de nervosité. Dans le hall du petit aéroport réservés aux avions privés, les bras croisés sous ma poitrine, j’observe l’écran qui affiche des informations sur un vol et un seul, aujourd’hui. Un avertissement météo défile également, mais je n’y prête pas attention. Doucement, je passe un bras autour des épaules de Jo, et je l’attire contre moi pour déposer un baiser sur son front. Ici, le personnel est habitué à respecter l’intimité de riches et illustres clients. Je ne me sens pas obligé d’être quelqu’un d’autre qu’un homme amoureux et un père comblé de retrouver son enfant. « Je suis sûre que Posy va te demander comment tu fais pour être aussi bronzée. » Ma gamine a hérité de notre teint pâle, à sa mère et à moi, et elle est à l’âge auquel elle commence tristement à se comparer aux autres. Concernant Jo, c’est innocent : elle la regarde surtout comme une petite fille avec des étoiles des yeux devant son idole. « Et elle voudra surement mettre la même huile pour le corps que toi. » J’aspire à être un bon père, mais je suis aussi un père dépassé par un certain nombre de code. La preuve en est, il n’y a pas d’écran total dans la valise que j’ai emportée et l’idée que cela risque d’être problématique ne m’effleure même pas l’esprit.

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Puisqu’elle l’enlaçait déjà par la taille, Jo laissa Midas l’embrasser sans protester. Croyant à ce qu’il lui disait, mal à l’aise d’être surement jugée pour son immaturité et sa propension à faire de l’imprévu une attaque personnelle, elle garda le silence. Il lui restait trois heures pour passer l’éponge. Pour les autres, c’était largement suffisant : pas pour elle. Elle resta tout de même accessible et enthousiaste à l’égard de Midas, mais elle se sentait mal. Profondément, elle aurait aimé qu’il puisse comprendre ce qu’elle ressentait sans traiter tout ça comme un caprice, comme elle-même l’avait défini pour mieux arrondir les angles et ne pas gâcher ces vacances qui étaient idylliques jusqu’ici. Elle aurait pu s’appuyer sur ce que lui avait ressenti à propos de Micah, lui dire qu’en comparaison, son caprice à elle paraissait plus justifié que le sien à l’époque, la naissance de Posy se trouvant être moins anecdotiques que les fameux commentaires échangés sur les réseaux sociaux avec l’acteur. Mais elle s’était jurée de ne plus jamais parler de cette histoire — une partie d’elle avait envie d’en faire son meilleur comparatif pourtant, de lui montrer à quel point le tout paraissait écrit selon la loi du deux poids, deux mesures. Les heures s’écoulant toutefois, elle ne revint sur rien de tout ça, et elle prit sur elle au moment du départ pour l’aéroport, comme l’adulte parfaitement constituée qu’elle était censée être.

C’était peut-être l’instinct, c’était peut-être autre chose, elle trouvait l’atmosphère particulièrement électrique dans le hall de l’aéroport. Ça la fit frissonner — passons sur le fait qu’à peine arrivés, elle avait fait mine de ne pas voir l’alerte météo annoncée sur l’écran, se disant naïvement que si elle l’ignorait, ça resterait tel quel, et que rien de fâcheux n’en découlerait. Se frottant les bras avec ses paumes, elle leva le menton vers Midas lorsqu’elle sentit son bras sur ses épaules et sourit tendrement au baiser qu’il lui donna sur le front après l’avoir attirée contre lui "C’est peut-être le bon moment pour lui apprendre quelques mots d’espagnol." Pas qu'elle le pratiquait beaucoup en dehors du cercle de ses parents et de ses frères dont elle s'était extirpée, mais juste pour qu’elle prenne conscience que, sous la facilité à bronzer de Jo se cachait autre chose qu’un choix minutieux d’huile pour le corps. Elle passa ses bras sur les épaules du jeune homme, évalua la nervosité qu’elle sentait émaner de lui en choisissant de ne pas la pointer du doigt tout de suite. A la place, elle réfléchit un instant à ce qu’il lui disait "Elle est surement pas adaptée pour elle tu sais. J’ai prévu des bricoles sans danger pour qu’elle puisse s’amuser si elle a envie de briller un peu, de se maquiller." Inapte avec les gamins, elle avait fait ses recherches — comme quoi. Elle expliqua "Du maquillage à base d’eau. C’est ma maquilleuse qui m’en a parlé, j’ai trouvé que ça pouvait être intéressant pour elle, vu qu’elle adore se déguiser." Elle entendit de l’agitation derrière eux, ne jugea pas ça opportun de rompre le contact avec Midas pour autant "Mais je sais que c’est pas conseillé d’inciter les petits à se maquiller. Au pire, elle pourra toujours s’étaler des paillettes partout et les regarder se refléter avec le soleil." Elle comprendrait les réticences de qui que ce soit à ne pas vouloir que son enfant joue à l’adulte. Elle-même avait tendance à se dire que les enfants devaient le rester le plus longtemps possible, bien placée pour savoir ce que ça provoquait comme névrose d’être contraint à grandir trop vite. Remarquant que son huile solaire avait justement laissée des paillettes sur le visage de Midas, elle lui frotta la joue avec son pouce avant d’oser lui dire après un baiser furtif, mais doux "T’es nerveux, je le sens." Elle n’était pas assez idiote pour ignorer pourquoi. Son je suis désolée lui resta sur le bout de la langue, mais pas le reste "Ça va aller. Je compte pas faire de scène." Ça l’emmerdait au plus haut point de devoir traiter avec l’éventualité de se taper la présence, même éphémère, d’une femme qu’elle ne connaissait pas et qu’elle n’avait surtout pas envie de connaître, aussi sur l’instant, elle était prête à ronger son frein pour que le reste du séjour se passe comme le reste avant l’arrivée de Posy : à merveille. Pour démontrer sa bonne foi, elle ajouta même après un baiser plus appuyé "Je te le promets."

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L’ambiance électrique de l’aéroport ? Je ne la vois pas. Pour moi, elle n’est pas palpable, pas plus qu’elle n’est tangible. Je pense au bonheur de retrouver ma petite fille et de lui offrir digne des vacances dignes de ce nom. Je pense à la chance que j’ai de pouvoir être ici avec elle et la femme que j’aime, sur une île paradisiaque, dans une villa magnifique avec une plage privée où nous n’aurons pas besoin de nous cacher. Ici, pas de paparazzi ou de journaliste susceptible de troubler notre quiétude et de menacer l’anonymat de ma petite fille. Les vacances vont bien se dérouler, il n’y a pas de raison pour que ce ne soit pas le cas. Jo boudera peut-être encore quelques minutes, mais une fois que Harleen sera dans l’avion de retour et qu’elle aura quitté l’île, je suis certain que toute cette histoire se tassera. Elle rencontrera de façon plus approfondie la mère de ma petite fille plus tard, lorsqu’elle sera prête, lorsqu’elle aura eu le temps de se faire à l’idée, lorsque les choses auront été organisées de façon plus officielles et qu’Harls ne nous prendra plus de court. Un jour, Jo se fera à l’idée, un jour, elle cessera de ronger son frein arce que j’ai partagé le quotidien d’une autre femme il y a six ans pendant trente secondes, elle agira en adulte et comprendra que je ne peux pas sortir la mère de ma petite fille de ma vie, qu’il ne s’agit pas simplement d’une ex à la présence indésirable dont je peux me débarrasser parce que Jo ne l’aime pas. Si elle me l’avait demandé pour n’importe qu’elle autre femme, je me serais exécuté - je tiens trop à mon couple - mais dans le cas présent, la brune fait partie de ma vie et il en sera ainsi pour toujours ; nous sommes liés, pas comme je le suis à Jo, mais par ma petite princesse blonde.

« C’est peut-être le bon moment pour lui apprendre quelques mots d’espagnol. » J’esquisse un sourire, amusé à l’idée que ma petite-amie se transforme en professeur pour ma fille. « Je suis sûre que si tu lui proposes d’apprendre, même juste quelques mots pour commencer, elle sera super excitée. » Elle le serait à l’idée de passer du temps en compagne de la jeune femme quelle que soit l’activité, elle le sera encore plus à l’idée que cette dernière jour le rôle de mentor pour elle, quel que soit le domaine. « Je serai peut-être pas le meilleur des élèves - » Je n’ai jamais brillé par mon excellence académique. « - mais j’assisterais à vos cours avec plaisir, moi aussi. » Jo ne m’a jamais parlé qu’en anglais. Ma curiosité est piquée à l’idée de l’entendre parler la langue de ses aïeux. « Je suis sûr que je marquerais encore plus de points auprès d’Ava si j’étais capable de lui dire une ou deux phrases en espagnol. » Non pas que j’en ai réellement besoin, mais je sais que cela ferait aussi plaisir à la petite fille.

« Elle est sûrement pas adaptée pour elle tu sais. J’ai prévu des bricoles sans danger pour qu’elle puisse s’amuser si elle a envie de briller un peu, de se maquiller. » Mes lèvres esquisses un ”ah” que je ne prononce pas à voix haute. Je n’y connais rien à tout cela, de toute évidence. En revanche, son attention ravit autant mon cœur de père que d’homme amoureux. « Du maquillage à base d’eau. C’est ma maquilleuse qui m’en a parlé, j’ai trouvé que ça pouvait être intéressant pour elle, vu qu’elle adore se déguiser. » Mon sourire, déjà béat et un peu idiot, s’agrandit encore un peu. Jo m’attendrit,  il n’y a pas le moindre doute à ce sujet. « Mais je sais que c’est pas conseillé d’inciter les petits à se maquiller. Au pire, elle pourra toujours s’étaler des paillettes partout et les regarder se refléter avec le soleil. » Ah, ça ne l’est pas ? Je hausse les épaules, comme si ce genre de considération n’avait pas de prise sur moi. « Si ta maquilleuse t’a dit que c’était à base d’eau et sans danger pour elle, je suis sûr que ce sera très bien. » Si ma princesse veut jouer à s'apprêter en vacances et entre les quatres murs de la maison de vacances, je n’y vois pas le moindre inconvénient. « C’est adorable comme attention. Je suis sûre qu’elle sera contente de pouvoir faire ça avec toi. » Et moi, je serai ravi de les observer toutes les deux en silence, et je me contenterai sans que cela ne me frustre de mon rôle d’observateur. « Par contre, je suis sûr qu’elle voudra aussi que tu maquilles ses poupées quand on sera à la maison et que tu prennes le thé avec elles. » Moi, je me suis plié aux exigences de ma fille sans chercher à négocier plus de fois que je ne peux les compter.  

« T’es nerveux, je le sens. » C’est vrai. Une part de moi l’est, parce que cette même part ne comprend pas la réaction de Jo. Au-delà de ne pas la comprendre, je suis face à un problème puisque par extension, je ne sais pas comment faire pour régler le problème. Je me contente de croiser les doigts - façon de parler - et d’attendre que l’orage passe. « Ça va aller. Je compte pas faire de scène. Je te le promets. » - « Je sais. » J’embrasse à nouveau le sommet de son crâne. Elle ne fera pas de scène devant Posy, ça j’en ai la certitude. Mais après ? Lorsque nous serons tous les deux ? Me fera-t-elle la tête ? Me fera-t-elle payer d’une façon ou d’une autre, et encore et toujours d’avoir eu un enfant avec une autre ? Je suis démuni face à ça, ce n’est pas comme si je pouvais y faire quoi que ce soit. Si elle m’aime et m’accepte, ne devrait-elle pas tout accepter de moi ? « Je suis sûr que ça va bien se passer. » Les yeux de Jo lanceront des éclairs à Harls, je n’ai pas le moindre doute à ce sujet. Elle verra aussi la jeune femme pour la première fois, et je me demande si cela risque d’aggraver les choses, d’une façon ou d’une autre. Me reprochera-t-elle d’avoir une ex qui soit aussi belle ? La mère de Posy l’est, je le pense très objectivement. « C’est leur avion je pense. » En effet, un petit jet se pose au loin sur le tarmac. Depuis les vitres du hall d’attente, je vois deux silhouettes quitter l’appareil au bout de quelques minutes. Une grande brune et une plus petite, la main dans celle de sa maman. « Elle l’accompagne sûrement jusqu’à nous. » Et se dégourdit les jambes après un long vol. Cela fait sens.

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"Tu me laisses une marge pour les gros mots, ou je vais devoir prétendre que ça m’a échappé ?" Tout de suite après, elle poursuivit en prenant le visage de Midas entre ses deux mains "Hé, il paraît que c’est pas là que commence l’apprentissage d’une nouvelle langue. Au cas-où, ce sera ça, ma défense, monsieur le juge." Elle fit battre ses cils dépourvu de tout maquillage avec une innocence qui ne pouvait être que feinte, lâchant doucement le visage du jeune homme en même temps. La manière dont elle tentait de noyer le poisson était réelle, la sensation étrange qu’elle ressentait au fond d’elle l’incitant plus que jamais à prendre sur elle. Elle en avait peur, de cet effort supplémentaire avec lequel elle était forcée de composer à cause de l’imprévu qui s’imposait à eux, tout simplement parce qu’elle n’excellait pas dans la discipline et que, malgré ses promesses, malgré sa bonne volonté aussi (elle existait, quoi qu’on en dise, sinon elle ne serait même pas venue accueillir Posy), elle était suffisamment imprévisible pour tout gâcher d’un moment à un autre. Elle n’en avait pas envie, de s’emporter, de laisser une occasion supplémentaire à Midas de se dire qu’elle était une putain de plaie, qu’il n’en pouvait plus de devoir la gérer… mais qui savait vraiment comment ça se passerait ? Même elle redoutait ses propres réactions, elle n’essaya néanmoins pas de les anticiper pour ne pas alourdir davantage l’atmosphère qui pesait sur elle comme un orage imminent "Tu marquerais surtout beaucoup de points auprès de ma mère." Dont l’accent était une friandise qui avait fait craquer son père, à l’époque, et ce bien plus encore que son minois qu’elle avait légué à sa fille qui ne pensait pas un seul instant qu’une rencontre imminente aurait lieu entre elle et son amoureux — seulement, c’était presque plus supportable d’imaginer cette rencontre-ci que la sienne avec Harleen. Se parant d’un sourire malicieux, elle lui dit tout bas, son nez appuyé doucement tout contre le sien, s’autorisant un peu de promiscuité avec lui sans redouter une seconde qu’on vienne les importuner, avec ou sans appareil-photo "Si t’y tiens autant, je t'apprendrais quelques phrases en dehors des moments réservés à Posy." Ce qui revenait à dire qu’il n’apprendrait pas grand-chose étant donné le sous-entendu si peu subtil qu’elle laissait filer sous le regard mutin qu’elle lui accorda en rompant le contact cette fois, le bout de sa langue coincée dans l’interstice visible entre ses deux dents de devant.

Est-ce qu’elle essayait de prouver quelque chose en parlant à Midas de maquillage plus adapté à la peau si fragile de sa gamine ? Peut-être un peu "T’en as absolument rien à faire hein, du maquillage à base d’eau ?" lui demanda-t-elle dans un petit rire authentique, pas vexée qu’il puisse en effet s’en moquer royalement ; soit parce qu'il avait conscience que ce que disait Jo là n’était qu’une méthode pour elle de ne pas faire une fixette sur l’arrivée prochaine de la petite et de sa mère, soit parce que sa stature d’homme de sa trempe en avait déjà assez de subir le diktats de sa profession en se faisant enduire le visage de maquillage bien plus souvent qu’à son tour. Elle hocha la tête "J’ai envie que ça se passe bien." Un aveu sincère qui paraissait galvaudé à cause de sa réaction de tout à l’heure. Pourtant, au plus profond de son coeur un peu malade, Jo tenait à ce que ses bonnes intentions transparaissent et triomphent. Elle ajouta "Ça s’était bien passé pendant la tempête, non ?" Elle le croyait en tout cas. Serait-ce différent ? Dans l’absolu, seul le cadre serait différent, et compte tenu de ce dernier qui offrait un panel infini d’activités intéressantes à faire, elle ne se faisait pas de souci sur des menus détails du genre est-ce que Posy s’ennuierait, est-ce qu’elle regretterait d’avoir accepté l’invitation de son papa à le rejoindre pour passer du temps ici ? "Et moi je suis sûre qu’elle voudra qu’on tente une mise en beauté complète sur toi. J’ai des idées de manucure à te proposer, faut que tu te tiennes prêt." Lui saisissant la main pour feindre d’observer ses ongles d’un oeil expert, elle finit par glisser ses doigts entre les siens, rabattant leurs deux mains dans son dos en s’approchant plus près de lui pour l’embrasser brièvement en souriant contre sa bouche.

Qu’il sache qu’elle ne comptait pas faire de scène, elle en doutait à la vue de la nervosité qui semblait l’animer, mais elle ne jugea pas ça utile de dire quoi que ce soit de plus. Pouvait-elle vraiment lui en vouloir de toute façon ? Elle évita de répondre à cette question, même dans l’intimité de ses pensées, acquiesçant seulement à la façon dont il tentait de se convaincre que tout se passerait bien. Elle regretta presque l’instant où il commenta l’atterrissage du petit jet non loin d’eux, confortable dans cette bulle de refoulement pur et simple de tout ce qui avait trait à la possibilité que ça tourne mal. Elle dut tout de même se contraindre à en sortir, jetant un regard par-dessus son épaule pour voir le branle-bas de combat induit par le débarquement des deux passagères attendues de l’appareil. Elle ne lâcha pour autant pas la main de Midas. Pas dans une volonté de prouver quoi que ce soit à qui que ce soit, même si une partie d’elle était évidemment beaucoup trop orgueilleuse pour ne pas vouloir revendiquer quelque chose en gardant ses doigts emprisonnés entre les siens, son pouce caressant le dos de sa main, ses autres doigts se resserrant juste assez pour sentir son propre pouls pulser dans leur pulpe "Hm, et puis elle a de grandes jambes, ça doit avoir besoin d’être dégourdi." Pour ce qu’elle en savait, merde, c’était loin d’être son genre de dire ce genre de conneries. Elle, elle rentrait sans effort dans une valise, alors rester six heures dans un avion sans pouvoir se dérouiller les jambes, c’était le cadet de ses soucis franchement. Pourtant, elle le dit sans sarcasme, peut-être bien en cherchant à se convaincre qu’en effet, Harleen ne faisait qu’accompagner Posy auprès de son père ; conviction réduite à néant en l’espace d’une intrusion momentanée, celle d’un employé de l’aéroport qui s’approcha du couple pour leur faire savoir avec le genre de sourire emprunté de ceux qui annoncent une nouvelle délicate affiché sur son visage crispé par la déconvenue "J’imagine que vous avez dû prendre note de l’alerté météo qui est tombée il y a quelques minutes déjà ? Nous sommes désolés pour la gêne occasionnée." "Quelle putain de gêne occasionnée ?" s’entendit demander Jo. Et alors qu’elle avait la tête inclinée vers l’avant pour mieux entendre ce qu’on était en train de leur dire, Posy choisit le moment précis où elle comprit plus clairement ce que l’employé leur annonçait pour sauter dans les bras de son papa dont Jo lâcha la main plus par réflexe qu’autre chose, ne tenant pas à entraver ses mouvements quand il prit sa fille dans ses bras et qu’elle, elle tourna brusquement la tête vers Harleen sur qui elle posa ses deux grands yeux légèrement ébahis par la réalisation. Surprise, Josephine.

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« Tu me laisses une marge pour les gros mots, ou je vais devoir prétendre que ça m’a échappé ? » J’éclate de rire, secouant la tête pour signifier que cela n’a pas la moindre importance, ce qu’elle décidera d’apprendre à ma fille. Si cela m’offre le plaisir de les observer passer du temps ensemble et se rapprocher toutes les deux, elle pourrait tout aussi bien lui apprendre à twerker que je manquerais d’objectivité et ne trouverais rien à redire. « Hé, il paraît que c’est pas là que commence l’apprentissage d’une nouvelle langue. Au cas-où, ce sera ça, ma défense, monsieur le juge. » - « On validera ensemble ceux qu’elle a le droit de connaître, deal ? » Après tout, elle finira par les apprendre dans la cour de récréation ou auprès de sa mère. Je suis presque sûre que, comme toute bonne petite fille de son époque, elle en connaît déjà quelques-uns dans sa langue natale. « Tu marquerais surtout beaucoup de points auprès de ma mère. » - « Ca veut dire que t’as envie de me présenter ? » Un sourire en coin, je la taquine sans évoquer une présentation en bonne et due forme auprès de ses parents, juste sa mère. Le paternel est un sujet tabou que je n’ose pas évoquer. « Si t’y tiens autant, je t'apprendrais quelques phrases en dehors des moments réservés à Posy. » Des phrases qui n’auront rien de catholique et qui feront rougir le gentil garçon bien élevé que je suis, à en croire ce qui brille dans les yeux de la brune. Elle s’écarte avec, sur les lèvres, un rictus d’adolescente insolente, et j’éclate d’un rire simple et authentique face à cette provocation qui est loin de me déplaire.

« T’en as absolument rien à faire hein, du maquillage à base d’eau ? » - « C’est faux. Tout ce qui t’intéresse me passionne. D’ailleurs, ça fait un moment que ça me taraude : les faux ongles, résine ou gel ? Qu’est-ce que tu recommandes ? » Le sujet ne m’intéresse pas le moins du monde, et à mon tour je rentre dans son jeu de provocations. Toutefois, avec bien plus de sincérité, j’ajoute. « J’en ai pas rien à faire que tu t’intéresses à elle et à ce qu’elle aime. » Bien que les préoccupations purement féminines comme celles citées au-dessus me passent elle au-dessus de la tête. « J’aime beaucoup ça. » Cela me touche plus que je ne veux l’admettre, trop pudique pour ça. « J’ai envie que ça se passe bien. Ça s’était bien passé pendant la tempête, non ? » - « Je sais que ça se passera bien. » Avec Posy, je n’en ai pas le moindre doute. Ce n’est pas à cause de ma petite fille que je suis nerveux, mais bien à cause de l’identité de celle qui l’accompagne. « Ca c’était passé à merveille oui, elle était vraiment contente. » Et rassurée, en plus de ça. La présence de la vieille dame qu’est la grand-mère de Jo a aidé, mais la brune y a contribué bien plus qu’elle ne se donne de crédit. Posy était à l’aise avec elle, et si ma fille est une gamine facile, elle est en revanche réservée : à l’aise, elle ne l’est pas avec tout le monde. « Et moi je suis sûre qu’elle voudra qu’on tente une mise en beauté complète sur toi. J’ai des idées de manucure à te proposer, faut que tu te tiennes prêt. » D’accord, mais résine ou gel ?

L’idée de partager ce genre de moment avec ma fille et ma petite amie m’amuse, mais notre discussion est interrompue par deux silhouettes sur le tarmac que je reconnais sans grand mal. Jo devinera l’identité de celle qui ne lui est pas familière sans aucun mal. Lorsqu’elle l’aura en face d’elle et qu’elle pourra la détailler, sans-doute lui trouvera-t-elle des points communs avec Posy, qui est un vrai mélange de ses deux parents. « Hm, et puis elle a de grandes jambes, ça doit avoir besoin d’être dégourdi. » - « Hm ? » L’air absent, je ne confirme ni n’infirme. Je ne dénigrerai pas la mère de mon enfant, mais je n’ai pas envie non plus de tomber dans un piège grossier. Conscient qu’il n’y a pas de bonne réponse à cette question, je choisis de botter en touche et de prétendre que je n’ai pas entendu ou pas compris. Oui, Harls a de grandes jambes. Oui, elle a tout un tas d’atout physiques dans sa poche et c’est une femme charmante. Sauf que je ne suis plus sensible au sien, de charme, et que toute mon attention est dirigée vers ma chanteuse. « J’imagine que vous avez dû prendre note de l’alerté météo qui est tombée il y a quelques minutes déjà ? Nous sommes désolés pour la gêne occasionnée. » L’employé s’approche, mal à l’aise, et Jo réagit plus vite que moi. « Quelle putain de gêne occasionnée ? » Je fronce les sourcils, m’apprête à dire quelque chose, mais Posy apparaît au bout du couloir et court vers moi. Un sourire éclaire mes lèvres alors que j’ouvre mes bras à ma petite fille, qui se jette dedans et s’agrippe à moi comme un koala. Je la soulève de terre, et mes bras serrés autour de son petit corps, je me redresse. « J’ai eu pleins de chocolat dans l’avion ! » - « Tu me racontes tout ça à la maison princesse ? » J’accorde à nouveau mon attention à l’employé. « L’alerte météo ? » Je ne l’ai sincèrement pas noté, et il me semble encore plus désemparé. « Quel genre de gêne. » - « Je pensais qu’on vous avait déjà informé. Aucun avion ne peut quitter l’île ce soir, le vôtre a même failli rater la fenêtre de tir pour atterrir. Peut-être demain, mais avec les tempêtes, vous savez… » Mes yeux s’agrandissent quand je comprends ce dont il est question, au même moment ou, Harleen, qui n’a pas couru comme sa fille, arrive à notre niveau. « Ils viennent de me dire. Si j’avais su… » Elle hausse les épaules, l’air de dire qu’elle aurait géré la chose autrement. « Merde, vous êtes certain ? » L’employé hoche la tête et je dépose doucement Posy au sol, avant d’attraper sa petite main pour la garder dans la mienne. De l’autre, je me frotter l’arrière de la tête. « Je peux prendre un hôtel. J’ai aucun bagage mais je vais me débrouiller. » Elle a l’air vraiment gênée. Et moi, bien sûr, je n’envisage pas une seule seconde qu’elle ne puisse pas être sincère. « A cette période ? Vous aurez de la chance si vous trouvez quelque chose. » Bien sûr, il y a une solution évidente, mais je n’ose pas ouvert la bouche, conscient que Jo crèverait alors d’envie de me foudroyer du regard. Je me contente de poser un regard incertain sur ma petite amie.

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@Midas Sterling ☆ crédit/lilachsgifs

"Deal." Il fallait au moins une affaire rondement menée pour empêcher Jo d’influencer Posy en lui apprenant à insulter la terre entière en espagnol, aussi se plia-t-elle sans bougonner à la condition de Midas — promis, elle ne sauterait pas sur l’occasion pour lui apprendre à mépriser ses parents en même temps. Lui, il sauta sur celle qu’elle lui offrit sans y penser véritablement, ayant mentionné sa propre mère sans s’attendre à autre chose qu’un peu d’indifférence. C’était mal connaître le jeune homme qu’elle regarda en prenant un léger recul sur l’étreinte qu’ils partageaient à ce moment-là. Un peu interdite, mais souriante, elle l’observa plus fixement, ses yeux passant des siens à ses lèvres dans une bascule frénétique qu’elle termina en affrontant son regard pour de bon "Ça veut dire que j’y vois aucun inconvénient si l’occasion se présente dans les semaines, les mois qui viennent." Elle ne la provoquerait pas, cependant, l’occasion. Elle n’était pas proche de ses parents au point de vouloir passer du temps avec eux et leur présenter l’homme qui partageait sa vie, mais puisqu’ils gravitaient dans les environs de Brisbane désormais, et que malgré ses réticences justifiées, elle les autorisait de temps en temps à rendre visite à Ava, le destin finirait bien par s’en mêler un jour et à mettre en place une stratégie pour que, tous, se retrouvent au même endroit, au même moment. Elle espérait juste que son père ne serait pas là. Sa mère n’était pas si pire, elle manquait juste cruellement d’amour propre, et ce n’était pas une excuse, sa fille ne lui en chercherait jamais, ça expliquait néanmoins certains de ses comportements, surtout les plus insensés. Elle ne s’y appesantit pas, mais elle lui demanda avec un petit sourire en biais "T’as envie de rencontrer ma mère ?" Elle connaissait déjà la réponse. Elle semblait toutefois toujours s’étonner, presque avec candeur, qu’on puisse s’intéresser à son environnement familial tumultueux, pour ne pas dire autre chose.

Ils donnaient le change. La situation n’était pas évidente, la tension que Jo ressentait dans tout son corps la persuadant de faire quelque chose pour détendre le climat. Sur le moment, elle remerciait intérieurement Midas de ne pas lui tenir rigueur de sa réaction quand elle avait appris que Posy n’arriverait pas seule comme convenu, saisissant les perches malicieuses qu’elle lui tendait et rentrant dans son jeu sans se faire prier. Elle nota son ton un tantinet moqueur, réduisit son champ de vision en plissant les paupières quand il parla de faux-ongles "Ce qui est le plus susceptible de laisser des marques sur la peau, c’est ça que je demande à chaque fois, et je suis plutôt satisfaite jusqu’à présent. Pas toi ?" Elle fit jouer du piano à ses ongles contre la pulpe de ses pouces en prenant l’air de ceux qui se croient plus malin que les autres, allant juste qu’à souffler brièvement sur ses doigts comme d'autres soufflent sur le canon fumant d’un revolver, n’ayant rien d’autres que des pensées à ne pas diffuser sur grand écran devant un public de moins de 18 ans qui lui tournaient dans la tête. C’était sûr qu’elle se croyait indéniablement plus maline que Midas à ce moment-là, au point qu’elle fût à deux doigts de lui promettre d’y aller un peu moins fort la prochaine fois. Mais elle fut interpellée de la bonne façon par ce qu’il ajoutait et abandonna son espièglerie pour un soupçon de réserve "J’essaye. Mais ça fait longtemps que je suis plus une gamine, j’ai sous-estimé ce que c’était de les garder intéressées, ces petites choses." avoua-t-elle sans dramaturgie, juste reconnaissante quelque part qu’il soit capable de se rendre compte qu’elle tachait de s’adapter, malgré ses erreurs et ses (grosses) carences. Ça la faisait se sentir un peu mieux de susciter un assentiment chez le père qu’il était et qui lui assurait à nouveau que, comme en décembre, il ne doutait pas que les choses se passeraient bien.

Elle voulait y croire, elle aussi. Mais la suite des évènements lui prouva à nouveau que son karma était suffisamment pourri pour qu’il lui revienne à la tronche alors qu’elle tachait de faire les choses comme il fallait. Elle se mura dans le silence à l’arrivée de Posy et Harleen, restant près de Midas, mais pas trop non plus, pour ne pas empiéter sur ses retrouvailles avec sa fille, et préféra lancer des éclairs avec ses yeux en direction du pauvre employé de l’aéroport qui jouait les oiseaux de mauvais augure plutôt qu’en direction de la mère de la fille de son petit ami qu’elle sentait mitigé sur la marche à suivre. Et elle détesta ça, putain. Elle détesta qu’il lui confie par défaut le rôle de celle en charge d'un truc dont elle n’avait pas voulu, dont elle ne voulait pas, elle détesta sentir que l’attention générale était dirigée sur elle, et que d’une certaine manière, elle était brusquement devenue maîtresse de la décision à prendre pour ne pas laisser cette pauvre conne de Harleen à la rue pour cette nuit (ou pour les quatre prochaines, pour ce qu’elle savait, merde), et ça lui donna une raison supplémentaire de ne pas l’apprécier. Si j’avais su, qu’elle disait, et à l’intérieur d’elle, Jo roula des yeux. Pas seulement parce qu’elle se sentait piégée, mise au pied du mur par l’incertitude de Midas vers qui elle coula un très bref regard, mais parce que le côté d’elle-même qui voyait toujours le mal partout ne pouvait s’empêcher de trouver qu’elle était une putain de mauvaise actrice "La villa est assez grande pour quatre." Jo, qu’est-ce que tu fous, merde ? Elle n’en savait rien. Elle s’entendit reprendre la parole avant même de penser à quoi que ce soit de concret, et ça l’emmerdait, clairement. Seulement, elle baissa la tête, et elle échangea un regard avec l’adorable petite Posy vers qui elle tendit la main pour lui caresser brièvement les cheveux en guise de bonjour, ajoutant en même temps que son petit coeur fondait pour le sourire qu’elle lui adressa dans la foulée "Si t’es d’accord pour partager ton lit avec ta maman, ce sera un peu comme une pyjama-party improvisée. Ça te dit ?" Elle méprisait le ton qu’elle empruntait pour s’adresser à la gamine.

Et soudain, elle réalisa : sa ressemblance significative non seulement avec Midas — ça, elle s’y était faite —, mais aussi avec Harleen. Ça, en revanche, ça lui brisa le coeur ; d’avoir sous les yeux toutes les preuves de cette soi-disant passade entre eux, c’était à peu près tout ce qu’elle voulait éviter, c’était exactement ça dont elle parlait quand elle avait dit à Midas qu’elle ne voulait pas avoir l’image de leur petite famille imprimée dans le cerveau. Elle pourrait difficilement l’effacer désormais, la main libre de Posy se tendant vers sa maman, l’autre déjà tenue par son papa, et elle, comme une conne, à ronger son frein, ses ongles desquels elle s’était amusés tout à l’heure s’enfonçant résolument dans les paumes de ses mains, tandis que, là encore comme une conne, elle cherchait une solution adéquate pour tout le monde. Sauf pour elle, à l’évidence. Que ça lui faisait mal au coeur d’être exclue d'un truc au milieu de quoi elle n’avait absolument pas sa place, et qu’elle aurait préféré ne pas se sentir aussi mal à l’aise au sujet de son immaturité notoire au sujet de tout ça. Mais c’était comme ça. S’y efforçant, elle évita de se concentrer de trop sur le tableau de cette famille de trois qu'elle avait sous les yeux, elle finit par les poser ailleurs pour mieux regarder le ciel couvert au travers des vitres du petit hall d’aéroport, et fit, tout en coinçant ses longs cheveux à deux mains derrière ses oreilles en tachant de garder la face en plus de son calme "On devrait prendre la route si la tempête menace, non ? On sera certainement plus en sécurité à la villa." Des belles paroles d’adulte, ça, qu’elle pensa en les précédant pour bouger de là sans plus tarder.