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crédit/(ssoveiagifs) ✰ w/@Jo Carter

Dans la voiture en direction de ton hôtel, tu fermes les yeux et tu presses ton front contre la vitre. En te disant que peut-être, tout ceci n'est qu'un rêve, que tu vas te réveiller à Brisbane, dans ton lit, dans ton appartement et avec ton téléphone à côté de toi. Mais non, quand tu ouvres les yeux quelques secondes plus tard, tu es toujours à l'arrière de cette voiture luxueuse, le cuir est plus confortable que tous les Ubers du monde, toujours bien accompagnée et toujours en Italie. À Milan, plus précisément, et ce n'est même pas une blague. Tu te tournes vers Aria, ton assistante personnelle depuis que tu as atterri en Italie il y a deux jours de cela. Cette dernière est en train de jongler entre deux téléphones avec une aisance folle, tu la vois rouler des yeux, puis répondre à un message, avant qu'elle ne verrouille les deux écrans pour jeter un regard elle aussi par la vitre. Elle connaît les rues, toi ? Tu es juste là en visite et les quelques heures que tu viens de passer à l'atelier Prada ? Elle relève un peu du rêve là encore. "On est bientôt arrivés à ton hôtel... Est-ce que cela te va si je reviens te chercher vers 19 heures ? ... Toute l'équipe a déjà été briefée et ta tenue devrait déjà être dans ton hôtel."
"Cela me va parfaitement." Tu ne peux qu'acquiescer, car tu ne connais personne ici, touriste complète et nouvelle mannequin signée chez Prada. La journée a été remplie, si on t'a laissé quelques jours après ton atterrissage pour te remettre du décalage horaire, aujourd'hui ça a commencé tôt.
Tu as salué ton choix de tenue, une maxi dress noire qui s'arrête à mi-cuisse, le tout surplombé de tes bottes Prada préférée (preuve que tu as toujours été d'une fan et ce même avant cette opportunité) ainsi qu'un maquillage léger. C'est ainsi que tu as visité l'atelier, que tu as serré des mains de couturiers et de styliste, avant de rencontrer des directeurs artistiques. Tout de suite, on s'est emparé de ton visage, pour vérifier que oui, tes yeux sont bien aussi bleus, ce ne sont pas des lentilles ou un filtre d'Instagram et pour t'observer sous tous les angles. Un compliment d'après Aria, de même que les heures qui sont suivi où tu as posé pour des photos plus que sobres et où on a pris toutes mesures, et ce, jusqu'à la taille de tes chevilles. Visiblement, tu colles parfaitement à l'image de la marque et la prochaine direction. Jeune, élancée, présente sur les réseaux sociaux et déjà avec une expérience de mannequin. Comment dire non face à tant d'éloges ? Tu n'es pas immunisée contre ce genre d'attention et si on te demande juste de te tenir droite et d'être jolie... tu ne vas pas dire non, surtout pas qu'avec ce contrat, tu assieds encore plus ta place dans la cours des grands. Après ton visage dans des Sephoras dans plusieurs pays à travers le monde, c'est l'étape supérieure qu'on te présente.
"Je te conseille une petite power nap, la nuit va être longue." Aria te tire de tes pensées et c'est assez pour te faire rire. Juste au même moment, la voiture s'arrête, tu reconnais le Four Seasons facilement et tu donnes un léger coup d'épaule à l'autre femme."Et je croyais que j'étais là seulement pour le boulot ! Je serais prête en temps et en heure, ne t'inquiète pas..." Tu sais être professionnelle, hors de question de donner à qui que ce soit des raisons d'en douter ou même de commencer ce nouveau partenariat sur des mauvaises bases. Tu te sens plus légère que jamais alors que tu descends de cette voiture, comme si tu avais fait quelque chose de bien et c'est presque assez pour te faire manquer la légère commotion... devant la porte de l'hôtel. Mais tu reviens rapidement à toi. Le crépitement des flashs est familier, la façon dont certains se pressent et regardent à l'intérieur de l'hôtel avec envie aussi, mais maintenant que tu y penses, tu as vraiment envie de la faire cette petite sieste. Tu remontes ton sac sur ton épaule et tu fais de ton mieux pour jouer des coudes, et t'adresser à la personne en uniforme devant la porte. "Excusez moi... je suis une cliente de l'hôtel..." Pour prouver ta bonne foi, tu sors la carte magnétique de ta suite. Beaucoup trop grande pour le coup, mais la facture n'est pas à tes frais alors tu as déjà décidé de ne pas culpabiliser pour ça. L'employé hoche la tête et il te fait rentrer, là où l'atmosphère est plus calme et moins chaotique."Désolée pour le désagrément, on a quelqu'un de célèbre qui est ici pour quelques nuits." Qu'il explique et vu l'établissement et le nombre d'étoiles de ce dernier, tu n'es pas surprise. Dans une autre vie, tu aurais demandé qui, parce que ça t'aurait plu de savoir que tu dors à quelques pas d'une grande célébrité. Pas aujourd'hui, tu as pour le portier une petite tape sur l'épaule ainsi qu'un :
"Hmm... Bonne chance pour gérer cela." Qui est totalement sincère pour le coup. Avant de te diriger vers l'un des ascenseurs. Tu n'es pas la seule à regagner ta chambre et déjà, des portes s'ouvrent et ton regard bleuté tombe sur ce visage. Pas du tout inconnu.
"... Jo ?" La célébrité qui dort à quelques pas de toi ce soir ? C'est forcément elle, tout s'emboîte d'une façon que tu n'attendais pas et c'est bien de la surprise sur ton visage.

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Jo avait rêvé de pouvoir se produire sur les plus grandes scènes du monde et de toucher le coeur des gens avec ses chansons, dansant sur  un rythme qui lui collait à la peau parce qu’elles étaient les siennes, qu’elle sortait d’elle et de ce qu’elle ressentait au moment où elles les écrivaient. Si en même temps, elle pouvait démontrer qu’elle en avait dans le ciboulot en épatant la galerie avec ses idées de scénographies révolutionnaires, plutôt du genre à ne pas faire les choses à moitié, c’était un plus sur lequel elle ne pouvait décemment pas cracher, toujours autant échauffée à l’idée de prouver à la terre entière de quoi elle était faite, ne supportant pas qu’on puisse la sous-estimer sous aucun prétexte, pas même celui invoqué ces derniers temps par la presse qui la jugeait trop fraîche, trop nouvelle, pour perdurer dans l’industrie qui l’avait déjà bouffée toute crue une première fois. Elle rêvait de voyager, bien sûr, et ce pour faire la seule chose qu’elle se savait capable de faire sans y penser la moindre seconde ; elle rêvait de marquer l’histoire avec ce qui sortait de ses tripes et de rentrer dans une légende écrite par les autres en son nom, quitte à grossir le trait pour faire dans le sensationnel et mystifier davantage la personne qu’elle était, convaincue qu’elle était faite pour laisser sa trace et susciter des vocations. Elle n’était pas sans savoir que pour se faire, il fallait passer par certaines étapes qu’elle acceptait de franchir parce que c’était le prix à payer, qu’elle n’avait pas tellement le choix en définitive. Mais au plus le temps passait, plus elle avait la sensation de perdre son indépendance et de ne plus être qu’un pion qu’on déplaçait sans prendre son avis en compte. Elle entendait déjà certains membres de son entourage lui dire qu’elle n’était jamais satisfaite de rien, qu’elle était trop exigeante, avec elle-même et avec les autres, mais jusqu’à présent, c’était ce qui lui avait permis de s’en sortir, alors ce n’était peut-être pas la bonne solution de traiter ce trait de caractère qu’elle avait comme un défaut, non ? Encore aujourd’hui, sa tournée promotionnelle, elle la survolait en ayant le sentiment qu’on traitait ses exigences comme des caprices qu’elle ne devrait pas avoir étant donné qu’elle n’en était qu’au tout début de son parcours — c’était ce que tout le monde disait, mais savait-il qu’elle chantait depuis qu’elle avait cinq ans, qu’elle se produisait sur scène depuis le même âge ? Elle n’était pas une débutante, loin de là. Elle était encore moins une poupée qui disait oui ou non en prétendant ne pas être capable de faire autre chose que ça, aussi les conseils et les critiques, elle n’avait pas envie de les entendre quand ça concernait ce qu’elle avait appris à faire bien avant de savoir articuler deux mots correctement. Cependant, en ce moment, tout le monde jugeait bon lui dicter la marche à suivre, et ça commençait à la gonfler ; elle prenait sur elle parce qu’elle faisait des efforts à ce niveau-là, mais la pression commençait à monter en elle, et ce n’était certainement pas sa présence dans l’une des plus belles villes au monde qui changerait quoi que ce soit au sentiment qu’elle couvait qu’on se servait à nouveau d’elle, et rien d’autre que ça.

"Tu dois —" "Non. Je veux rentrer me reposer. J’ai mal à la gorge." Point final. La discussion n’avait pas lieu d’être, qu’importe qu’on la supplie de faire un effort supplémentaire alors qu’elle avait passé la sainte journée avec une oreillette pour comprendre la langue du pays et répondre à des questions qui étaient toutes les mêmes. Elle y répondait uniquement parce que la carotte qu’on lui agitait sous le nez, c’était de chanter en télé ou en radio, autrement elle aurait exigé de rentrer depuis bien longtemps déjà, histoire de profiter de la suite qu’on avait mise à sa disposition dès son arrivée à l’aéroport de Milan Malpesa. Elle essuya les regards courroucés de son équipe autour d’elle, les considéra en retour par une oeillade aussi intransigeante que la manière dont elle releva le menton avant de se plonger dans son téléphone portable, tapotant frénétiquement des textos à destination de Charlie de laquelle elle n’attendait aucune réponse, et ce jusqu’à ce que sa voiture l’emmène à bon port. Elle passa au travers des flashs qui l’accueillirent quand elle sortit, ignora les questions supplémentaires posées dans un anglais approximatif par les photographes italiens qui la caressèrent dans le sens du poil en la compliment sur sa tenue et sa beauté tout en essayant de glaner une information sur l’arrivée potentielle de Midas, puis elle s’engouffra dans le lobby sans prendre le temps de s’arrêter ailleurs que devant l’ascenseur dont les portes s’ouvrirent comme si elles n’attendaient qu’elle "Et merde." lâcha-t-elle en se retrouvant face à Laurie. A. Chaque. Putain. De. Fois. songea-t-elle en roulant de yeux jusqu’à l’infini. Le temps d’une seconde, elle fut tenter de demander à Thomas, son attaché de presse, s’ils laissaient les putes entrer au Four Seasons, mais n’eut même pas la force d’ouvrir la bouche pour se montrer incisive, et ne fit que lâcher un soupir en se remettant les siens à l’endroit. Enfin, elle entra, et lâcha face à la tête de merlan frit de la blondasse qui était déjà là, son ton pince-sans-rire contrastant avec ses propos "Surprise ?"

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Jo le dit à voix haute, parce que c'est Jo. Et merde. Le hasard fait mal les choses et si pendant quelques secondes, tu te dis que tu devrais juste faire demi-tour et prendre les escaliers... tu te reprends bien vite. C'est une réaction tout aussi stupide, tu es fatiguée, ça, c'est la réalite des choses. Tu ne vas pas grimper jusqu'à l'étage de ta suite comme si tu étais une mal propre parce que vos regards se sont croisés. Jo vit sa vie, et tu vis la tienne, tu as pu t'excuser il y a des mois de cela, et la brune te l'a dit, vous n'allez plus jamais être amies. Ce n'est pas la fin du monde, ce sont les conséquences de tes actions, de l'avoir traitée comme une étrangère plutôt que de soigner votre amitié. Tu as merdé, tu apprends encore à l'accepter et après avoir pris une profonde inspiration, tu réponds au simple mot de Jo. Honnête, parce que tu n'as rien à cacher, que ta venue à Milan a été planifiée à la dernière minute, et tu veux juste aller t'effondrer sur le lit très confortable qu'on a payé pour toi. "Honnêtement ? Oui. Mais ça explique les dires du portier et la horde de photographes et de fans devant l'hôtel. T'es pas n'importe qui." Des fans ? Des paparazzi ? La star est là, c'est Jo la star et tu bouges enfin quand les portes de la cage de métal tentent de se refermer. Sur toi. Tu bloques le passage, littéralement, et tu prends une décision, tu rentres, un hochement de tête pour l'autre personne présente.
Tu te penches vers les boutons annotés, avant de réaliser que ton étage a déjà été sélectionné. Sérieusement ? C'est à croire que quelqu'un se fout de votre gueule. "Hmm... On est au même étage." Tu le dis à voix haute, pour que tout le monde t'entende et pour que Jo ne pense pas que tu la traques maintenant. Elle n'est même pas sur ton feed, tu l'as activement bloquée, pour te rendre les choses plus faciles, pour ne pas sentir ton cœur se serrer à chacun de ses accomplissements et chaque victoire de plus."Je pense qu'on devrait s'en sortir pour un trajet d'ascenseur, non ?" Tu le marmonnes alors que les portes se referment enfin et qu'elles te renvoient ta propre réflexion un peu brouillonne. Tu n'essayes même pas de paraître intelligente ou de rassurer Jo, c'est toi que tu tentes de rassurer, alors que tes mains se resserrent sur l'anse de ton sac. "Sauf si tu attendais quelqu'un d'autre...?" Tu le dis en te tournant vers Jo, peut-être qu'elle fait le voyage avec sa moitié, mais pas le temps d'attendre, l'ascenseur est déjà parti.
Il vous conduit déjà vers votre étage commun et ça te paraît tellement étrange de te dire que oui, vous êtes au même étage, dans la même ville. Plus proches que jamais, ironie alors que vous ne vous parlez même pas. Si les choses avaient été différentes, si tu avais accepté ta place, si tu n'avais pas été aussi jalouse, désespérée, stupide, peut-être que tu saurais pourquoi Jo est là. Peut-être que tu partagerais même sa chambre, histoire de faire d'une pierre deux coups, tu lui aurais dit pour Prada, tu lui aurais dit à quel point tu es excitée et nerveuse et peut-être... que vous auriez tout partagé. Tu ne sais même pas si elle est à Milan seule, avec son équipe, ou si elle va être rejoint par son partenaire et celui qui t'a congédié de Sydney il y a des mois de cela.
Tu n'y penses même pas contrairement à ce qu'on pourrait croire, c'était nécessaire, tu le sais maintenant. Mais qu'est-ce que tu peux faire d'autre ? C'est trop tard, dans tous les sens du terme et tandis que l'ascenseur grimpe les étages, tu fais de ton mieux pour regarder devant toi et ne pas te laisser atteindre par tout ça. Jo est passée à autre chose, toi aussi, tu es sur la bonne voie, c'est juste que vous avez deux chemins séparés et maintenant, Jo est une star internationale et toi une véritable influenceuse, qu'on écoute de plus en plus, et qui gagne en influence, justement... Le ding de l'ascenseur te tire de tes pensées, vous êtes arrivées au dernier étage, là où les suites les plus coûteuses se trouvent et où on met les clients les plus privilégiés, d'après ce que tu as pu comprendre. "Après vous." Que tu marmonnes à Jo et à la personne qui l'accompagne. Par politesse, pour ne pas gêner et parce que tu ne penses pas que tes jambes sont en état de te faire bouger pour le moment, alors autant ne pas tenter le diable, n'est-ce pas ?

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Quand elle la définit comme n’étant pas n’importe qui, Jo laissa un très léger rire — davantage un souffle par le nez, d’ailleurs — lui échapper pendant qu’elle s’engouffrait dans l’ascenseur. Elle s’y installa bien au fond pour pouvoir s’adosser à la paroi, laissant la place à Thomas de l’accompagner pour que, lui aussi, puisse aller se reposer dans sa chambre et débriefer de ce qui s’était passé tout au long de la journée pour recommencer le lendemain, à la seconde près. Replaçant la longueur de son manteau devant elle, ses chevilles se croisant avec une grâce aussi innée que le reste des gestes qu’elle faisait sans s’en rendre compte, le menton pointant tandis qu’elle redressait la tête bien haut, elle fit à la jeune femme "J’ai eu ma dose de complaisance pour aujourd’hui, te donne pas cette peine." Elle avait beau aimer être le centre d’attention, elle aspirait tout de même à ce que les compliments qu’elle recevait soient rien d’autres qu’authentiques. Pour l’heure, elle aussi, elle était honnête, et elle n’avait pas envie de traiter avec la fâcheuse tendance qu’avait Laurie de la caresser dans le sens du poil. Elle ne savait faire que ça, pas assez bien armée pour penser par elle-même, obligée de chercher la validation partout et s’adaptant à la critique pour s’attirer les éloges selon un cahier des chartes bien précis, obsédée par l’idée de plaire à tout prix. A une époque, c’était auprès de Jo qu’elle cherchait tout ça ; elle lui avait appris à sortir de ce schéma, à se foutre qu’on l’aime ou pas, et visiblement, elle avait échoué étant donné qu’elle passait son temps à chialer sur les réseaux sociaux. Du moins, c’était le cas il y avait quelques mois, qui savait ce qu’elle faisait maintenant.

Ce n’était plus son problème de toute façon. Elle n’avait plus envie d’être son point d’ancrage, ayant été lâchement abandonnée par celle qui disait être sa meilleure amie alors qu’elles avaient encore du lait qui leur dégoulinait du nez. Elle s’en voulait d’avoir manqué autant de jugeote dans le passé et de s’être attachée à elle. Elle aurait dû rester sur sa première idée quand, encore toute jeune, elle se faisait martyriser par ceux qui la traitaient comme un monstre dans la cour de récré, et la laisser gérer sa merde toute seule sans se sentir touchée par l’idée que rien n’était sa faute, que c’était les autres qui ne la comprenaient pas. Si elle n’avait pas été un tantinet humaine, elle n’en serait pas là aujourd’hui, à sans cesse devoir se défendre de ne plus être son amie, quand en échange, tout ce qu’elle avait fait pour elle, Laurie, c’était la décevoir et la trahir. Comme quoi, on gagnait parfois plus à s’occuper de ses fesses qu’à celles des autres "Qui sait, on verra bien." lui dit-elle sur le même ton plat quand elle lui annonça qu’elles se rendaient au même étage et qu’elle ajouta qu’elles devraient s’en sortir le temps d’un trajet en ascenseur, non ? Déjà d’habitude, elle n’était pas Soeur Sourire, Jo, mais encore plus aujourd’hui, elle n’avait pas envie de faire l’effort de faire semblant d’être amusée par une situation qui l’emmerdait au plus profond d’elle-même. Là encore, elle avait eu sa dose en matière de déconvenues ces derniers temps, elle avait juste envie d’une chose : rentrer dans sa suite, se détendre en profitant de l’immense baignoire à sa disposition et appeler Midas en même temps, skipper l’étape du dîner, s’endormir sans prendre le temps de s’habiller, e basta comme on disait dans le coin.

Bien sûr, Laurie ne voyait pas les choses de la même façon qu’elle. Là où elle aurait juste pu fermer sa gueule et la laisser à son textotage intempestif d’une Charlie hors-ligne, elle ajouta une question qui la fit relever les yeux vers elle et lui faire avec le menton rentrant brusquement, sa répartie fusant sans qu’elle ne prenne le temps de la mûrir avant toute chose. A croire que c’était obsessionnel chez son entourage, de s’attendre à ce qu’elle balade Midas dans sa poche "Pourquoi ça t’intéresse ? Tu t’attends à un selfie, à un autographe ?" So 2000, qu’elle pensa sans s’arrêter pourtant, terminant avec un sourire si léger qu’il était presque inexistant, faisant juste se fendre sa bouche de côté en même temps qu’elle parlait "À un autre putain de chèque avec plusieurs zéros, peut être ?" Elle n’attendit pas sa réponse, bien que ses yeux restèrent un moment dans les siens, sûre qu’elle voyait exactement où elle voulait en venir sans le dire, passant à autre chose aussi vite, grimaçant presque quand elle lui demanda, la fin de sa question tombant juste au moment où l’ascenseur s’arrêta "Tu fais quoi ici, d’ailleurs ?"

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Les gens normaux font la conversation. Ils sont capables d'aligner deux phrases sans avoir envie de tourner les talons et sans que les larmes ne menacent d'arriver. Enfin, c'est ce que le Docteur Flynn te soutient depuis des semaines, et si tu fais de ton mieux pour la croire, de ton expérience, tout ne se passe pas toujours comme cela. Tu ne sais pas pourquoi, tu ne sais pas comment, mais ça a toujours été ainsi. Tu as toujours eu l'impression d'être trop, que les gens n'attendaient qu'une seule chance pour refermer la porte sur toi et te laisser sur la touche. Alors tu fais les choses horribles avant eux, ce qui a été le cas avec Jo, qui a toutes les raisons du monde de douter de tout quand tu es concernée. De tes intentions, de ta présence à Milan, de ta présence dans cet ascenseur, ou même ta présence tout court. Tu prends une autre profonde inspiration, pour faire la part des choses et pour lui donner une réponse sans te vautrer."Non, rien de tout ça." Tu essayes, le jeu de la normalité, des choses légères, qui ne définissent pas la fin du monde et sans grande conséquence. Tu ne devrais pas essayer avec Jo, pas dans cet ascenseur, il y a trop d'eau sous ce pont-là, il a sûrement dû s'effondrer depuis le temps. Jo est d'un côté de la rive, tu es de l'autre et il n'y aucun moyen de l'atteindre et de récupérer ce que l'eau a abîmé, usé et blessé. C'est beaucoup trop tard.
Et la pique de Jo est tout à fait justifiée. Ça fait mal dans tous les sens du terme, reflète des aveux de la part de son partenaire à elle, un comportement passé que tu ne peux pas nier. Vu que tu es partie de Sydney, vu que le chèque a été accepté et que tu as fui la production du Revival pour aller faire autre chose. Après tout, même toi, tu le savais, ce n'était pas une place que tu avais méritée, pas gagné de manière juste. Non, tu as eu cette opportunité en écrasant Jo, en la blessant. "T'as le pouvoir de signer des chèques avec autant de z..." L'irritation est là, un brin de colère remonte et l'envie de lui montrer que tu peux faire ça aussi. Jouer au jeu de qui est la plus corrosive d'entre vous deux, tu peux le faire, tu sais le faire, après tout, c'est Jo qui t'a tout appris dans le domaine. Tellement bien que la dernière fois, vous en êtes venues aux mains. Tu ne vas pas répéter l'exercice, tu ne le souhaites pas, tu n'es plus cette fille-là. "Non, on ne va pas faire ça." Tu le dis à voix haute, alors que tes mains serrent et serrent l'anse de ton sac, tellement fort que tes doigts changent de couleur, tellement fort que le sac devrait s'abîmer. Mais ce n'est pas le cas. "Tu peux être en colère et m'en vouloir, c'est normal, c'est ta réaction, tout ce que je peux contrôler, c'est la mienne." Tu puises de l'air, bruyamment encore une fois, répétant les mots de ta thérapeute, comme un mantra, comme pour te sauver de repartir dans tes mauvaises habitudes. Elle t'insulte, tu réponds, et alors quoi ? Cela ne change rien entre vous deux, cela ne fera rien avancer, il n'y aura pas de page tournée, et jouer les gamines insupportables ce n'est pas une réaction d'adulte.
"Donc." Tu bats plusieurs fois des cils, lâchant le mot plus fort que cela, pour te calmer, pour ne pas être la pire version de toi-même. Parce que Jo mérite mieux que cela et putain, parce que tu mérites mieux aussi, c'est tout. "Je ne suis pas là pour un autre chèque." C'est vrai, tu peux le dire sans être cynique ou mentir. C'est une action que tu regrettes, sincèrement, mais tu n'as toujours pas appris à dire non quand on te donne quelque chose, une part de ton cerveau est toujours persuadé que ce sera la dernière fois. Un travail que tu fais toute seule depuis ton accident, pour discerner le vrai du faux, ce que tu peux faire ou non. "J'ai passé la journée à l'atelier Prada, je vais sûrement signer pour une campagne dans les prochains jours." Tu ne cherches même pas à impressionner Jo, tu réponds à sa deuxième interrogation, parce que c'est une conversation, parce que tu as passé une bonne journée, tu ne peux pas l'oublier. Et tu n'es pas à Milan pour elle, ou quelque chose de négatif. Visiblement, tu as quelque chose à offrir et à montrer, autant le célébrer. "Et toi ?"

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"Chiale pas, je suis trop crevée pour t’en coller une." Disons plutôt que le regard en coin que Thomas lui lançait à ce moment-là était un indicateur plutôt fiable de la merde dans laquelle elle se fourrerait si elle faisait comme à son habitude : surréagir en pétant des chicots. Il se racla même la gorge en se replaçant contre la paroi de l’ascenseur. Il ne donnait l’air de ne pas y toucher, concentré à observer le profil parfait de sa cliente, mais ces derniers temps, il lui avait dit plusieurs fois — et ce sur un ton beaucoup trop paternaliste pour qu’elle ne trouve pas ça un peu déplacé, mais passons — qu’il le ferait, si elle craquait ; l’arrêter, lui rappeler que la colère pouvait se gérer bien plus facilement que ça, et que même si ça lui faisait du bien sur le coup de péter les plombs et de frapper quelqu’un, la descente ne valait pas le coup parce qu’elle était rude, et qu’elle méritait bien mieux que ça. Elle était d’accord avec lui sur ce point, pas sûre que ceux qu’elle avait dans le viseur méritent sa clémence en revanche, mais c’était un autre sujet qu’elle préférait laisser de côté pour ne pas craquer, justement. Elle ajouta "Je fais plus ça d’ailleurs, tu peux te détendre. Toi aussi, j’ai compris le message." qu’elle fit à son attaché de presse après s’être adressée à Laurie. Elle aussi, elle se recala contre la paroi de l’ascenseur, refermant son manteau cette fois, le tenant fermement tout contre elle pour s’octroyer un peu de chaleur réconfortante dans un pays où elle avait l’impression que les nuits étaient glaciales. Ils se trouvaient en Lombardie, dans la région des lacs, l’air était aussi humide et frais que s’ils s’étaient trouvés juste sur la berge des plus beaux lacs d’ici — elle avait retenu le discours du guide qui l’avait accueillie à l’aéroport. Se mordillant alternativement l’intérieur des joues, elle délaissa son téléphone portable pour le glisser dans sa poche, lâchant un instant les pans de son manteau qu’elle finit par resserrer à nouveau sur son corps pas très couvert dessous, écoutant le discours de Laurie qui lui paraissait bien trop maîtresse d’elle-même pour que ça lui soit venu par l’opération du Saint-Esprit. Quand on dégoulinait de vices comme elle, c’était difficile à croire en effet, aussi réagit-elle à la hauteur de ce que lui inspirait sa doctrine "Putain, t’as enfin pris le temps de consulter, ou je divague ?" lui demanda-t-elle en ne s’attendant pas tellement à ce qu’elle lui réponde, interrompue par la halte de l’ascenseur qui termina sa course à leur étage commun.

Elle s’en foutait de ce qu’elle faisait ici au fond. Elle rebondit quand même sur ce qu’elle lui répondit, trouvant amusant de lui faire, têtue "Du coup, si, t’es quand même un peu ici pour un autre chèque." Grosse maline Jo, même quand elle ne rêvait que d’une chose, et c’était de se coucher pour éviter de penser que demain, elle devrait vivre exactement la même journée et répondre exactement aux mêmes questions pour pouvoir chanter. Soudain, ses traits prirent une nouvelle apparence, et ses lèvres se murent en un sourire inversé, presque appréciateur, tandis que ses yeux soulignés de liner foncé dévalaient la silhouette longiligne de la blonde qui partageait son ascenseur "Pas mal, n’empêche. T’as réussi à ce que ton petit cul de maigrichonne finisse par intéresser une grande maison, y a du progrès." Et plus fort qu’elle, elle lui demanda "Tu vas défiler, ou c’est que pour de la campagne photo ?" Tu t’en fous putain, lui rappela son cerveau qu’elle mit sur pause alors que ses sourcils se froncèrent et qu’elle se décolla de son coin d’ascenseur pour en sortir enfin, ne comptant pas camper dans la cabine sous le prétexte qu’elle daignait accorder un semblant d’attention à cette pute opportuniste "T’as besoin que je te raccompagne ?" lui demanda Thomas "Va te reposer." se contenta-t-elle de lui répondre en se tournant vers lui alors qu'il lui donnait son dû, soit quelques cadeaux qu’elle avait reçu ici où là tout au long de la journée et qu’elle prendrait le temps de déballer avant d’aller se coucher. Elle remarqua un pochon de Tartufo à la framboise à l’intérieur du sac qu’elle fit glisser à son poignet, et décida que ce serait surement ça, son dîner. À demain, lui murmura Thomas en lui faisant une bise sur la joue en passant à ses côtés, l’attention de Jo se reportant sur Laurie qui lui demandait en retour ce qu’elle faisait ici "Ça t’intéresse vraiment, ou t’essayes juste de suivre les conseils de ton psy ?" Elle ne comptait pas gâcher plus de salive pour elle si elle s’en cognait de sa vie "Quel numéro de chambre ?" lui fit-elle en avançant de son côté pour rejoindre la sienne, glissant sa main dans sa poche pour y sentir la carte magnétique que Thomas lui avait subtilement glissé dans sa poche vide en passant à ses côtés.

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"Pas mon idée, mais celle d'un juge." Que tu marmonnes alors que Jo est étonnée. Et puis, ce n'est pas ta première fois en thérapie. Il t'a fallu en faire pendant des années avant d'être autorisée à commencer ton traitement hormonal. Mais cette fois-ci, c'est bien différent. Il ne s'agit pas de prouver que Laurie existe bien et que le reste du monde devrait oublier Lawrence, du tout... Là, tu essayes d'apprendre à vivre, à être une adulte fonctionnelle et pas une égoïste pourrie jusqu'à la moelle qui jongle avec son addiction et du dégoût pour sa propre personne. Encore une fois, personne ne te force à dire la vérité à Jo, elle pourra même utiliser cela contre toi, tu n'as rien à cacher. Ce n'est pas un secret, et cela le serait encore moins si la brune faisait toujours partie de la petite bulle que tu as su te créer depuis ton accident. Un endroit confortable où il fait bon d'essayer. Mais tu te tiens droite, alors que Jo tient tout de même à avoir le dernier mot, alors qu'elle critique la raison de ta venue même à Milan. "Hmm, sauf que ça serait de l'argent gagné honnêtement cette fois-ci. Pas en faisant des coups de bas." Et puis... ce n'est pas toi qui es partie chercher Prada, tu es contente dans tous les cas, elle ne va pas faire disparaitre cela d'un claquement de doigts. Ce qui est ironique, car il y a quelques années de cela, son avis était tellement important à tes yeux. Tellement que de la voir ainsi ? Tu en aurais pleuré pendant des heures et des heures.
Tu ne le fais pas, tu te concentres sur le plus important et tu ne sais pas trop que faire des compliments qui arrivent quand même. "Campagne photo pour le moment." Ça, c'est quelque chose que personne ne sait pour le moment, pas même les gens de ta plateforme, pas même Saddie que tu as informée de ta venue ici, pas même ta mère qui ne sait même pas que sa petite Laurie est en Europe. Preuve que Jo n'est pas n'importe qui et que tu ne peux pas t'empêcher de retomber dans les mêmes vieux schémas. Mais enfin, c'est le moment où vous vous dites au revoir, elle congédie la personne qui l'accompagne et tu sors toi aussi de l'ascenseur. Ton sac a ton attention pendant quelques secondes, il faut bien que tu sortes ta carte magnétique, tu la trouves sous un tube de gloss, alors que Jo reporte son attention sur toi. "Euh 405, pourquoi ? Tu veux m'étrangler dans le privé ? Tu veux venir voir si t'as un plus grand jacuzzi que le mien ?" Des blagues foireuses qui sont là alors que tu reposes le regard sur Jo, à quelques pas de toi. Parce que tu ne sais pas quoi faire, vous êtes dans une espèce d'entre-deux que tu n'avais jamais imaginé. Si tu fais partie de son monde ? Tu sais comment faire, tu as été à ses côtés dans le passé, à l'encourager, à jouer les meilleures amies cyniques, à lui piquer de sa force parce que l'ombre que produit la brune est presque aussi lumineuse que les feux des projecteurs qui l'accompagnent... presque. Si elle te déteste ? Tu sais que c'est mérité, parce que Jo est, a été, importante pour toi, alors tu l'as traitée de la façon la plus ignoble du monde, parce qu'elle compte justement.
Mais cette porte à moitié ouverte ? Tu en fais quoi ? Tu fais comme avant ? Tu l'ignores complètement ? Tu n'en sais rien. "J'essaye vraiment." Tu sembles à bout de souffle alors que tu dis cela, tu remontes l'anse de ton sac, plus pour t'ancrer dans le moment. Il n'y a plus que vous dans ce couloir, pas de témoin, personne pour relater les faits et ce qui pourrait éventuellement se passer. Rien du tout, que tu te dis l'instant suivant, il ne va rien se passer du tout. "Tu m'as déjà dit qu'on ne serait plus jamais amies, ça ne m'empêche pas d'être polie et de faire la conversation sans rien attendre en retour." Tu ne peux pas soutenir que tu as changé ou que tu veux changer sans faire les efforts en retour. Qu'est-ce qu'on t'a dit déjà ? Tu es responsable de tout : ton propre bonheur, ta propre réussite... et également du genre de personne que tu veux être. Ce qui nécessite du travail et pas juste des paroles en l'air. "Tu sais aussi bien que moi que c'est bien une première dans mon cas."