“ Pas de soucis  Rose, on regarde ça après…” il quitte le bureau où la vieille vient de passer deux heures à lui faire un retour sur les comptes du cinéma et être satisfaite du travail qu’il avait pu fournir depuis son arrivée. Il aime se faire mousser et même auprès d’une vieille femme qui a l’air totalement de perdre la boule. Enfin, seulement en apparence, parce que la réalité, c’est que Rosemary, elle en a encore pas mal dans la caboche, et que sous ses airs de grand mère flétrie, elle percute surement bien plus que la totalité des bras-cassés qui taffent dans ce cinéma. Clairement, aucun la mérite, même pas lui. Il en a même été déçu, de faire ce constat, parce que son plan, à la base, c’était bien de reprendre le cinéma et d’en faire un gros business, d’en faire perdre son âme à l’ancienne parce que ça fonctionnait plus et de faire des têtes d’affiches qui attirent du monde. Mais elle a rien lâché Rose, elle était bien convaincu de son business mais il lui manquait juste les outils, les contacts et elle a bien eu raison de rien lâcher. Le twelve commence à se redresser et Dan se prend presque tous les lauriers - du moins, il aime se persuader qu’il y est pour quelque chose !

Il fait la grimace en poussant la porte des toilettes du personnel, ce qu’il entendu lui donne un goût amer dans la bouche, il referme la porte derrière lui et s’y adosse en attendant sagement qu’on lui cède la place. N’importe qui aurait fait demi-tour en entendant vomir derrière la deuxième porte, n’importe qui se serait fait discret et aurait attendu plus loin avant de revenir, mais lui il sait qui se trouve derrière cette porte et il sait que c’est pas la première fois que ça arrive. Ça pourrait être un accident, mais ça l’est pas. Ça pourrait être une intoxication, une gueule de bois, n’importe quoi, mais ça l’est pas.
Il trouve même le temps long, ca fait juste trois secondes que la chasse d’eau vient d’être tirée et elle est toujours la dedans. “Depêche, t’es pas toute seule!” qu’il dit en frappant à sa porte. Puis, de nouveau, il s’adosse contre la porte derrière lui, s’assurant que personne d’autre n’entrera la dedans.

“ Il t’en reste là.” qu’il dit, alors qu’elle sort enfin, les yeux un peu rouges. Lui, il montre le coin de ses lèvres, le regard sévère, se demandant ce qui peut bien lui passer par la tête pour avoir à faire ça. C’est que Dan, il comprend jamais trop ce qu’il peut se passer dans la tête des autres et il cherche pas à savoir. Il comprend rien à l’humain en général. “ J’peux savoir c’que tu faisais?” nettoyage en profondeur de l’émail des chiottes sans doute. “ J’suis pas sûre que ce soit très productif.”

@Maisie Moriarty

tw : trouble du comportement alimentaire

J’ai lutté. J’ai vraiment lutté, toute la semaine, toute la journée, mais cette nausée au bord des lèvres ne m’a pas quittée. Je me suis réveillée sans avoir la force de quitter mon lit, consciente que la journée à venir n’allait sans doute pas être des plus faciles, alors que je ne peux même pas justifier d’une gueule de bois ou d’un excès de gras lors de la soirée de la veille. Ce n’est pas non plus l’œuvre d’une privation de ma part ; et c’est sans doute le pire, finalement, de réaliser à quel point mes efforts semblent voués à l’échec, alors que mon propre corps refuse d’obéir au peu de raison que je parviens encore à maintenir. Je n’ai rien prémédité, au contraire, j’ai tout fait pour éviter d’en arriver-là, et ce n’est même pas ma faute, à vrai dire, alors que la nausée a seulement été plus forte que ce que je ne pouvais gérer ; et c’est ainsi que je me suis retrouvée à genoux devant la cuvette des toilettes du personnel, priant pour que ça se termine vite – preuve, encore une fois, de ma bonne foi : dans d’autres circonstances, j’aurai supplié pour que ça dure. Cette fois, je veux juste que ça s’arrête, vite, que je puisse retourner vaquer à mes occupations, que je puisse oublier ce monstre dont je sens le souffle contre ma nuque, et face auquel je refuse de perdre la bataille, peu importe s’il se rapproche de plus en plus.

“Dépêche, t’es pas toute seule!” Il y en a un autre de monstre, dans le coin, plus humain, plus fourbe encore, plus difficile à abattre ; et la voix de Dan qui résonne me provoque des frissons alors que je me maudis de ne pas avoir fui le cinéma par l’arrière-cour, pour me retrouver dans la rue adjacente certes plus fréquentée, mais désertée par mes collègues. Je tente de garder contenance, m’empare de papier toilette pour m’essuyer la bouche, songeant déjà aux excuses que je pourrai lui donner, tant la vérité ne sera sans doute jamais comprise. Elle ne l’a jamais été par mes proches, pourquoi ce type dont je connais à peine le prénom serait intéressé par ma version des faits ? Comment pourrait-il comprendre que c’est plus fort que moi, que c’est quelque chose que je ne peux maîtriser, alors même que ça me concerne directement et que les conséquences sont insupportables ? Je m’autorise quelques secondes pour tenter de calmer ma respiration et essuyer l’eau au coin de mes yeux, avant de déverrouiller la cabine et d’en sortir, adressant mon regard noir habituellement réservé à Molly et qui, de plus en plus, semble convenir aussi à Dan. “Il t’en reste là.” - « Ah, ah, hilarant. » Je dis, lui passant à côté pour rejoindre le lavabo, guettant pourtant mon reflet dans le miroir durant un instant avant de baisser les yeux et de me laver les mains. Je ne rincerai pas ma bouche, je ne lui donnerai pas satisfaction. Surtout, j’interdis mon esprit d’associer ce qui vient de se passer à un rituel qu’il faudrait recommencer, encore et encore. “J’peux savoir c’que tu faisais?” - « C’est pas parce que Molly t’appelle Daddy que tu dois le prendre au mot. » Je dis, sans être déstabilisée, alors qu’il ajoute : “J’suis pas sûre que ce soit très productif.” No shit, Sherlock. « C’est pas productif, mais c’est pro ; je viens bosser alors même que je suis malade comme un chien, c’est pas la preuve d’une bonne conscience professionnelle ? » Je demande, me retournant pour lui faire face et planter mon regard dans le sien. « Sérieux, calme tes délires et fous-moi la paix. » Je pourrais lui dire qu’il ne sait pas de quoi il parle, mais mon regard qui le détaille le souligne de façon muette ; t’as aucune foutue idée d’où tu mets les pieds, Murphy.

@Dan Murphy