surrounded by clowns and liars

@VIVIAN IRISH & MAISIE MORIARTY ☆☆☆ and i'm walking on a wire, trying to go higher, feels like i'm surrounded by clowns and liars, even when I get it all the way. ☆ lonelywolfgifs & lomapacks.

(TOOWONG, CEMETERY).

Je me déteste.
Je me déteste à mesure que la journée se déroule et que j’aperçois tous les détails qui ne vont pas ; je m’en veux de ne pas lui avoir offert une journée à la hauteur de l’hommage qui aurait dû lui être rendu. Je me déteste d’avoir pris autant de temps pour encaisser la nouvelle, sans quoi j’aurais sûrement pu mieux faire – le cercueil paraissait trop bon marché, l’assemblée n’était pas assez nombreuse, mes mots pas assez beaux. Je me déteste de ne pas réussir à supporter le regard de Lee plus de quelques minutes avant de détourner les yeux ; et de forcer Angus à le réconforter là où j’arrive à peine à lui adresser la parole. Je me déteste de repousser Angus de la sorte, ne gardant jamais ma main plus de quelques minutes dans la sienne, refusant les étreintes qu’il veut m’offrir dans une vaine tentative de m’apporter un peu du soutien dont j’ai besoin et que je n’arrive pas à formuler explicitement. Je me déteste de leur infliger un tel traitement alors que, plus que jamais, j’ai besoin d’eux. Je me déteste alors que l’ampleur de mes mots à l’égard de mon frère aîné me revient en plein visage. T’es mort à mes yeux. Sans souhaiter sa mort, j’ai reconnu que celle-ci me faciliterait l’existence ; et le destin s’est vengé à l’aide d’une cruauté équivalente à celle dont j’ai pu faire preuve. Je me déteste d’avoir gâché les derniers mois de ma mère en la privant d’une famille unie, sous prétexte que mon égoïsme se devait de surpasser ma raison. Je me déteste d’avoir gâché toutes ces années, en réalité ; sa vie entière, même, alors qu’elle n’a jamais pu connaître la fierté d’avoir une fille qui l’aimait à la hauteur des sacrifices dont elle était capable.

Je la déteste.
Je la déteste d’être partie. Je la déteste d’avoir abandonné Llewyn. Je la déteste de m’avoir abandonnée, moi. Je la déteste de tout mon être de m’obliger à ravaler mes larmes pour garder un minimum de contenance. Elle est trop jeune. Elle était trop jeune. Mon discours était haché, désorganisé, mal préparé ; je n’ai pas arrêté de me buter au présent, incapable d’accepter que sa vie appartienne désormais au passé. Certains disent que c’est dans l’ordre des choses ; mais j’ai toujours cru que je partirais avant elle. Je crois qu’elle aussi, alors que rien n’était préparé pour me faciliter la tâche, là où le sujet de mes souhaits posthumes a parfois été une conversation entre nous. Je la déteste de m’obliger à trouver les mots pour Lee ; je la déteste de me faire réaliser qu’elle a dû les formuler avant moi à son égard, quand j’étais trop égoïste pour cesser de jouer avec ma propre vie. Ma mère n’a même pas joué avec la sienne, et elle nous a été arrachée. Le destin a un drôle de sens de l’humour, et j’essaie de refuser le message qu’il essaie de me faire passer, quand bien même il est aussi clair. Je n’ai pas assez payé le prix de mes erreurs passées, du mal que j’ai pu causer – il est temps que j’y goûte un peu, moi aussi. Je la déteste de m’avoir toujours ouvert les bras malgré tout ce dont j’ai pu me rendre coupable ; les manigances, les mensonges, les insultes, les coups bas, le déni, le rejet, et tout ce qui a façonné notre relation au cours des vingt dernières années. Je la déteste de m’avoir toujours soutenue, de n’avoir jamais cessé de me tendre la main, de croire en moi et ma force. Je la déteste de m’avoir fait l’aimer comme je l’ai aimée, et je la déteste encore plus d’avoir créé ce manque qui est déjà insoutenable et qui, jamais, ne pourra être comblé suite à sa perte.

Je les déteste.
Je les déteste de trouver du réconfort dans les bras l’un de l’autre, sous mon nez, durant cette journée. Je les déteste de se réunir, de me narguer de la sorte, de la narguer elle-aussi, d’où qu’elle soit. Je les déteste d’être aussi accrochés l’un à l’autre, de faire perdurer cette étreinte qui est bien plus qu’un simple geste amical. Je les déteste de m’avoir vraisemblablement menti durant tout ce temps, d’avoir joué avec moi de la sorte. Je les déteste de trouver un peu de joie au milieu de toute cette tragédie. Ils n’ont pas le droit. Il n’a pas le droit. Seth n’y a pas le droit, il n’a pas le droit de ne pas se sentir aussi coupable que moi, il ne peut pas accepter tout ce qu’il s’est passé au cours des derniers jours. Il n’a pas le droit d’utiliser les événements comme excuse pour enfouir son nez dans la nuque de Vivian comme il vient de le faire, quelques instants auparavant. Il n’a pas le droit d’être heureux si je ne le suis pas ; il n’a pas le droit alors que ça aurait pu être lui, au volant de cette voiture, incapable de séparer la raison et l’addiction. Je le déteste d’être encore en vie ; surtout, je le déteste d’être aussi loin de moi.

« Te voilà enfin, ça fait au moins dix minutes que je te cherche. » Mon regard rougi et inerte se pose sur la jeune femme, qui n’a plus le droit d’être qualifiée comme une amie. « Où sont Angus et Lee? » Je ne prends pas la peine de balayer les alentours à la recherche d’une réponse, pas alors que celle-ci ne m’intéresse pas. Lee retournera dans son putain de foyer d’accueil et Angus se fatiguera bien assez vite d’avoir une petite amie aussi perturbée. Je ne peux pas leur en vouloir à eux, contrairement à Vivian. « Maisie? Qu'est-ce qu'il y a? » Mon silence s’éternise alors que je la sonde, me questionnant quant à savoir ce qu’elle a gagné dans tout ça, si le jeu en valait vraiment la chandelle. Et je ne veux même pas apercevoir un semblant de regrets à l’intérieur de ses prunelles, pas alors que je veux qu’elle me donne toutes les raisons du monde de la détester et, surtout, de pouvoir l’exprimer. Et je me déteste tout autant pour ne pas savoir me tenir lors de cette journée, mais Seth et ma mère seront du même avis sur la question ; je n’ai jamais su. Je le regretterai plus tard, au même titre que je me flagellerai pour n’avoir su passer outre ma colère, tandis que les seuls mots qui s’échappent d’entre mes lèvres sont froids, expulsés d’un ton morne : « depuis quand tu te tapes mon frère ? »

Je ne suis pas de ceux qui peuvent se permettre de se fier à leur intuition. Elle n’a jamais cessé de me tromper, n’a jamais été un élément d’appréciation fiable ; et une partie de moi a envie de croire qu’encore une fois, elle se joue de ma raison. Il y a mille explications pour justifier le rapprochement de Seth et Vivian, à commencer par celle qui nous réunit aujourd’hui, et qui implique une certaine clémence les uns à l’égard des autres. Mais Seth n’a jamais mérité l’absolution, encore moins aujourd’hui, alors qu’il a largement contribué a épuisé notre mère. Oh, je sais bien qu’il pourrait tenir le même discours me concernant – mais j’ai essayé de racheter mes fautes ces dernières années, contrairement à lui, qui a semblé prendre plaisir à les accentuer, encore et encore. Et quand bien même la tragédie qui nous touche serait la raison derrière leur étreinte, celle-ci ne me paraît toujours injustifiée. Seth et Vivian ne se sont jamais rencontrés – pas par mon biais, du moins, et je n’arrive pas à imaginer un contexte où ils auraient été amenés à se côtoyer, pire encore, à sympathiser. Ce n’est pas de l’égocentrisme de ma part, mais un simple constat ; peu importe qu’elle soit plus de sa tranche d’âge que de la mienne, mon amie n’a aucune raison d’avoir connaissance de l’existence de Seth, pas alors que je me suis toujours assurée de ne pas rentrer dans les détails (plus parce que cela m’est toujours apparu comme aucunement nécessaire que par crainte que Vivian puisse les utiliser à un autre escient et certainement pas ce genre d’escient). Je ne devrais pas me fier à mon intuition parce qu’elle me trompe et que je finis toujours par le regretter ; mais aujourd’hui, je n’ai pas envie de me poser la question, je n’ai pas envie de chercher à rationaliser leur geste. Ils n’ont pas à se toucher, ils n’ont pas à être aussi proches, et encore moins sous mes yeux, encore moins alors qu’on tente péniblement de saluer sa mémoire. Le pressentiment qui m’accompagne est de ceux que je n’aurais souhaité prononcer à voix haute, mais le doute est bien trop lourd à porter pour que je puisse raisonnablement le garder pour moi. Ce n’était pas juste une étreinte polie, c’était un véritable besoin. « Quoi? » Je ne lui offrirai pas le plaisir de répéter ma question, pas alors que celle-ci est suffisamment claire et que je n’ai aucune envie qu’elle puisse se chercher une échappatoire, se trouver des excuses, alors que l’évidence est sous mes yeux, sous nos yeux. « Maisie, j'ai pas...  » Elle a l’air surprise, Vivian, mais pas choquée. Elle ne se donne même pas le soin de terminer sa phrase ; preuve en est qu’elle en anticipe l’inutilité. Mon cœur tambourine dans ma poitrine comme si j’étais dans l’attente d’un verdict insoutenable – et c’est sans doute la vérité, en réalité. Je n’ai pas envie de croire que j’ai raison, j’ai besoin qu’elle me prouve que je me trompe, qu’elle n’a pas pu me faire ça, que Seth n’a pas pu la séduire, qu’ils ne se sont pas joués consciemment de moi durant tout ce temps. Un tel comportement de la part de mon frère ne m’étonne plus, mais je ne pensais pas Vivian aussi égoïste. « Tu nous as vus tout à l'heure, n'est-ce pas? » Je me contente de secouer la tête par l’affirmative en guise de réponse, alors que mon silence n’est pas un moyen de faire pression sur elle ; seulement, je ne trouve pas mes mots, je n’arrive pas à comprendre, ni à justifier, ce qui a pu les amener à se rapprocher et à me trahir de la sorte. « C'était rien, je t'assure. Y a rien entre nous, juste... » - « Juste ? » Cette fois-ci, je reprends la parole, je m’aide de ses mots à défaut de trouver les miens. C’était juste quoi, Vivian ? Juste une nuit ? Juste une erreur ? Ce n’est jamais des erreurs quand cela concerne Seth ; c’est sa manière de vivre, c’est son existence, c’est lui tout entier. « Et si tu me le disais en me regardant dans les yeux et en réussissant à terminer tes phrases ? » Derrière ma question, une exigence que je ne lui laisse pas le droit de négocier. Fais-le, Vivian, et peut-être que je te croirai. « C'était sa mère à lui aussi. » Et alors que je m’attendais à toutes les excuses, je n’ai pas anticipé l’attaque. La vraie, celle qui est violente, celle qui m’accuse, me met au bagne sans que je ne puisse me justifier, m’expliquer, donner ma version des faits qui est évidemment la vraie, la seule qui mérite d’être entendue. « Non. Non, ça l’était pas. » Je grogne entre mes dents serrées, mes ongles enfoncés dans ma paume pour tenter de maîtriser la colère qui m’envahit. Pas aujourd’hui, pas maintenant. On a gâché son existence, on n’entravera pas sa mort. Je me l’interdis – mais mon intuition me trompe, là-aussi. « S’il la considérait vraiment comme telle, il aurait jamais fait un dixième de tout ce qu’il lui a fait subir, il n’aurait jamais dit toutes les choses qu’il a osé lui balancer dès que l’occasion se présentait. Si c’était vraiment sa mère, il l’aurait jamais traitée comme une moins que rien. » Il n’a pas le droit de s’apitoyer sur son sort, pas alors qu’il a largement contribué à celui de notre mère. Oui, il ne conduisait peut-être pas cette voiture qui l’a fauchée, mais il n’a certainement pas rendu ses dernières années plus belles par son soutien et sa présence. Il ne se souvenait d’elle – ou du moins – que lorsqu’il avait besoin d’un toit ou d’argent, et n’a jamais contribué à quoi que ce soit pour soulager notre mère. « Alors il a pas le droit de venir la pleurer aujourd’hui, et t’as certainement pas le droit de l’y encourager. » J’achève, mon regard planté dans le sien, tandis qu’elle se rend coupable d’une seconde erreur – et sans doute la pire de toutes.

@Vivian Irish