“ Ca m’arrange pas trop de venir vendredi…” mais sa mère en a pas grand chose à faire de ce qui l’arrange ou pas, parce qu’ils ont un deal et que si elle lui dit de venir à n’importe quelle soirée, peu importe s’il a déjà quelques chose de prévu ou non, il doit s’y pointer. Et lui, il sait très bien que s’il répond pas amen à tout, même s’il son compte en banque fond comme la banquise, c’est tout ses autres privilèges qui s’envolent aussi. “ Okay, envoie moi l’adresse…” le carton d’invitation était déjà bien sûre déjà presque arrivé dans sa boite aux lettres. Bien que sa mère aurait pu lui envoyer par mail ou par sms, elle se voulait être très protocolaire, les invitations, c’est sur du carton et avec un peu de dorure, à l’ancienne. “J’te laisse, j’vois l’affreuse qui arrive. Bisous M’man.” il sourit, alors que Greta est déjà à son niveau et il s’était bien sûre assuré qu’elle entende bien ce surnom qui lui va à ravir. Il raccroche son téléphone et le range rapidement dans sa poche.

“ J’parlais pas d’toi hein.” il pose sa main sur l’épaule de la blonde. “ Même si y a personne d’autre dans l’coin.” oops.
“Alors, t’as fais quoi hier soir ? T’as des cernes plus foncées que ma barbe.” maquillage impeccable surtout, bien camouflé. “ Une histoire croustillante à raconter pour ton prochain roman ? “ une suite à sa biographie ? D’ailleurs, Dan s’était promis d’y lire quelques pages pour faire comme s’il avait lu tout le livre, peut être qu’il devrait se contenter d’aller parcourir les quelques commentaires Amazon. On le trouve bien sur Amazon, hein? “ Il vient d’avoir un arrivage tout frais de l’océan, le poisson est frais, on m’a vendu la meilleure marée.” il dit alors en poussant la porte du restaurant en bord de plage. “ Dis, tu fais quoi vendredi soir? “ suffise qu’elle lui dise qu’elle est dispo pour qu’elle le soit plus dans quelques temps.

Le maître de réception les guide jusqu’à leur table, loin des toilettes, proche de la grande baie vitrée qui donne sur une falaise. Dan déteste le défilé à longueur de repas, de ces dames qui ont la vessie fragile.

@Greta Moore

emerald hotel

Le rendez-vous était fixé à midi et demi et Greta avait fait de son mieux pour retarder ses préparatifs, effaçant son trait d’eye-liner pour le refaire à l’infini sans jamais se lasser. Elle devait déjeuner avec Dan et elle savait combien de fois il l’avait laissée à attendre à la table d’un restaurant parce qu’il avait oublié ou parce qu’il avait mal combiné ses différentes activités de la journée. Greta n’était pas pressée, et elle devait admettre avoir peut-être accepté l’invitation un peu trop tôt. La veille, Arthur et elle avait discuté par messages durant des heures et elle s’était encore couchée bien trop tard pour assumer un déjeuner le lendemain. En arrivant sur place, il était déjà là, faisant les cent pas devant la porte alors qu’il tenait son téléphone contre son oreille. “J’te laisse, j’vois l’affreuse qui arrive. Bisous M’man.” Elle était presque persuadée qu’il avait attendu qu’elle soit dans son champ de vision pour prononcer ces derniers mots. Il n’aurait pas choisi de les utiliser si Greta ne pouvait pas les entendre et c’est naturellement, et comme d’habitude, que ses yeux s’étaient levés au ciel à peine l’avait-elle aperçu. Foulant le dernier mètre qui les séparait, elle avait salué son cousin qui se tenait devant le restaurant qu’il avait lui-même choisi. “ J’parlais pas d’toi hein. Même si y a personne d’autre dans l’coin.” Parfois, il se comportait encore comme lorsqu’ils étaient enfants et Greta était bien obligée de se mettre à son niveau. « Contente de te voir aussi, Daniel. » avait-elle lancé avec un sourire triomphant, parce que l’appeler Daniel haut et fort signifiait indiquer au monde entier qu’il n’était pas aussi cool qu’il le prétendait. “Alors, t’as fais quoi hier soir ? T’as des cernes plus foncées que ma barbe.” Difficile de savoir pourquoi elle acceptait l’ensemble de ses invitations, probablement parce que, quelque part, cette joute verbale qui ne finissait jamais l’amusait. « Et ton coiffeur est en prison ? » Une réponse facile mais elle devait admettre que Dan excellait. “ Une histoire croustillante à raconter pour ton prochain roman ? “ Greta avait arqué un sourcil parce qu’elle le connaissait trop bien pour savoir que s’il feignait le moindre intérêt pour son travail, c’était parce qu’il avait un service à lui demander. “ Il vient d’avoir un arrivage tout frais de l’océan, le poisson est frais, on m’a vendu la meilleure marée.” Greta l’avait suivi jusqu’à la table qui leur avait été indiquée et qu’elle savait avoir été choisie soigneusement par Dan. Il prétendait parfois détester le milieu qui était le leur et pourtant, il en connaissait les règles à la perfection et se pavanait sans aucun mal dans le luxe qui leur était autorisé. « Je mange pas de poisson mais tu m’en diras des nouvelles. » Il ne s'intéressait qu’à une seule personne, lui-même, mais quelque chose dans son attitude l’empêchait de réellement le détester. Dan était amusant, même si bien trop franche et désinvolte pour que leur lien soit fort. “ Dis, tu fais quoi vendredi soir? “ Refermant le menu qu’elle était en train de feuilleter et se penchant sur la table, Greta lui avait adressé un sourire en coin. « Nous y voilà… » avait-elle commencé en roulant une nouvelle fois les yeux. « Viens en aux faits, je sais que c’est pas une vraie question. Faut faire quoi vendredi soir ? » Il était sa famille, et elle avait été élevée avec bien trop de principes pour ne pas accéder à ses demandes parfois si farfelues qu’elle la sortait de sa zone de confort. Et c’était peut-être là que résidait tout le charme de cet énergumène qu’était son cousin.

Dan est toujours en retard, et si pour une fois, il était arrivé pile à l’heure pour son déjeuner avec Greta, il n’avait pas fait attention qu’elle avait mis quelques dizaines de minutes supplémentaires à arriver, puisque sa mère lui avait tenu la jambe au téléphone durant tout ce temps. Et si Dan peut largement laisser sa mère parler des heures sans écouter ce qu’elle lui disait, il se contentait de quelques « hmhm » à intervalles réguliers, environ 35 secondes et, même s’il n’écoutait pas tout, il entendait toujours quand elle demander « Dan, tu m’ecoutes ? » et il répondait « Oui oui mman, j’t’écoute. » comme si son cerveau avait créé une alerte danger automatique et qu’il avait développer un reflex de Pavlov. Alors Greta avait été sa sauveuse en arrivant, bien que sa ponctualité aurait été apprécié, ça suffisait pour ne se permettre aucune remarque déplacée. Si ce n’est un commentaire sur sa tête et ses poches sous les yeux, bien sûre.
« Contente de te voir aussi, Daniel. »  Bien que touché par l’utilisation de son prénom en son entièreté – mais ne relèvera pas pour ne pas lui montrer qu’elle avait atteint son but - il hocha la tête, comme si c’était normal et qu’elle n’avait pas besoin de le préciser. Bien qu’il avait bien saisi le sarcasme dans sa voix, il adorait faire celui qui comprenait tout au premier degré, quand c’était à son avantage. « Et ton coiffeur est en prison ? » un revers de manche qu’il avait bien mérité, même si elle aurait sans doute pu mieux faire. « Figure toi que, t’es pas loin du compte. Une histoire d’évasion fiscale… il a quelques soucis avec la justice. Je préfère m’éloigner des gens malhonnêtes, tu vois. » et chez les Murphy, on en est où en termes d’évasion fiscale tiens ? Ce serait pas étonnant que le père de Dan lui-même ait pu donner quelques conseils à ce fameux coiffeur en fuite.
Assis à table, alors que Dan se léchait les babines d’une bonne grillade de la mer, Greta ne pu s’empêcher de faire à nouveau son aigrie « Je mange pas de poisson mais tu m’en diras des nouvelles. » « c’est bon, un poisson, c’est pas d’la viande. » faisait-il comme s’il n’avait jamais rien compris à ses convictions. A vrai dire, il s’en moquait, ne s’y intéressait pas et faisait l’idiot provocateur, enfin provocateur voudrait dire qu’il sache vraiment de quoi il parle.
. « Viens en aux faits, je sais que c’est pas une vraie question. Faut faire quoi vendredi soir ? » il s’offusquerait presque qu’elle ait osé lever les yeux au ciel et remettre sa sincérité en doute. « C’est une vraie question. » alors qu’elle venait de refermer sa carte, lui ouvrait la sienne. « Ca fait longtemps qu’on a pas passé une soirée ensemble, alors, j’me disais que ce serait peut être l’occasion. » il tournait les pages – un peu collante – du menu et levait les yeux vers sa cousine de temps en temps. « Y a le gala pour la Care Internationale Fondation. » il se frotta le nez et remonta ses lunettes avant de regarder une bonne fois pour toute sa cousine. « Ca peut être pas mal pour booster tes ventes, ça, non ? »

Eux seuls savaient comment gérer une discussion avec leurs deux caractères opposés et c’était ce qui rendait les remarques perpétuelles amusantes plutôt que dérangeantes. « Figure toi que, t’es pas loin du compte. Une histoire d’évasion fiscale… il a quelques soucis avec la justice. Je préfère m’éloigner des gens malhonnêtes, tu vois. » Greta avait acquiescé avec un air sérieux : évidemment. « c’est bon, un poisson, c’est pas d’la viande. » A quoi bon rentrer dans un débat lorsqu’il s’avérerait forcément stérile ? Chaque discussion avec son cousin ne possédait aucune réelle profondeur, mais elle aimait finalement ce sentiment de légèreté qui régnait entre eux. Cette impression de pouvoir tout lui confier sans que jamais le secret ne s’échappe de ses lèvres pour la simple et bonne raison que soit il n’écouterait jamais réellement, soit il oublierait la minute d’après ce qui avait été dit car cela ne le concernait pas directement. Greta n’avait donc pas répondu, s’épargnant cet effort en perdant ses lèvres dans son verre de vin rouge - et sa vilaine addiction à l’alcool d’il y’a quelques mois aurait eu vite fait de revenir en sa présence. Si elle était influençable, Greta était loin d’être naïve et elle pouvait voir quelque chose se tramer à des kilomètres. « C’est une vraie question. » Ses lèvres s’étaient pincées et elle avait levé le menton, comme pour lui sommer de cesser de la mener en bâteau.  « Ca fait longtemps qu’on a pas passé une soirée ensemble, alors, j’me disais que ce serait peut être l’occasion. » Son air absent, son apparent détachement, rien de tout cela ne prenait pour sa cousine qui ne connaissait que trop bien ses subterfuges. « C’est donc ça, je te manque, hin Daniel ? » Sous la table, sa jambe battait la cadence alors qu’elle le regardait avec un sourire faux. Prenant le temps de choisir son plat et d’indiquer sa préférence - végétarienne - au serveur, elle avait reporté son attention sur Dan. « Y a le gala pour la Care Internationale Fondation. » Déjà, elle grimaçait. Depuis que son nom de famille n’était plus un secret et qu’elle pouvait reprendre sa vie d’avant sur un nouveau continent, Greta avait retenté l’expérience, notamment pour accompagner Arthur ou régler ses comptes avec Emery. Mais un gala ? Avec Dan ? L’idée lui déplaisait énormément. « Ca peut être pas mal pour booster tes ventes, ça, non ? » Greta avait reposé son verre de vin doucement sur la table avant de replacer une mèche de cheveux derrière son oreille, se penchant sur la table pour venir murmurer.  « Si tu t’intéréssais un peu à quelqu’un d’autre qu’à ta petite personne tu pourrais savoir que mes ventes ont atteint des sommets. Mais merci quand même. » Elle adorait voir la détresse dans son regard lorsque ses plans ne se déroulaient pas comme il l’avait désiré, aussi, elle avait repris délicatement son verre pour le porter à ses lèvres le plus lentement possible avant de reprendre.  « T’es pas obligé de donner l’impression d’aider les autres quand c’est toi qui a besoin qu’on t’aide, tu sais. Pas avec moi, je sais que t’es égoïste. » Il allait détester son petit air hautain, mais il resterait calme jusqu’à ce qu’il obtienne ce qu’il voulait. « Donc un gala, disons que j’accepte … On y ferait quoi ? » Elle mourrait d’envie de savoir quelle pirouette il allait trouver pour ne pas venir au but immédiatement.

Greta pouvait tout dire à Dan, il ne s’en offusquerait jamais. Les mêmes mots prononcés dans la bouche de n’importe qui d’autre pourraient le faire vriller et le rendre imbuvable, mais Greta avait ce pouvoir magique. Sans doute parce qu’elle était comme une sœur et qu’il savait pertinemment que quoi qu’il arrive, la famille passait toujours avant tout et qu’elle n’avait pas cette envie profonde de le toucher et de le blesser. C’était une joute verbale amusante, pas piquante. C’est comme dire à sa sœur que ses parents l’avaient trouvé dans une poubelle étant bébé ou qu’elle avait été adopté. « C’est donc ça, je te manque, hin Daniel ? » elle avait trouvé les mots justes. « Exactement. » ces mots accompagnés d’une moue faussement jouée. D’ailleurs, il n’était vraiment pas un bon acteur, mais son improvisation n’était pas si mauvaise.
Voyant que Greta posait son verre de vin délicatement sur la table, il s’approchait d’elle en l’imitant, prêt à entendre ce qu’elle avait à lui retorquer, il la connaissait par cœur et savait que là, elle allait chuchoter quelques choses, il tendait l’oreille. « Si tu t’intéréssais un peu à quelqu’un d’autre qu’à ta petite personne tu pourrais savoir que mes ventes ont atteint des sommets. Mais merci quand même. » il lui semblait bien être tombé sur un article qui disait ce genre de chose, que son livre marchait bien. « Maintenant que tu me le dis, ça me parle oui. » il se redressa pour se remettre bien assis au fond de sa chaise. « T’es pas obligé de donner l’impression d’aider les autres quand c’est toi qui a besoin qu’on t’aide, tu sais. Pas avec moi, je sais que t’es égoïste. »  il grimaça, sa stratégie percée au grand jour « T’es forte Greta, très forte. J’ai pas d’argument alors. » il s’avoua vaincu.  « Donc un gala, disons que j’accepte … On y ferait quoi ? »  ah, il avait peut être une chance et là, il avait finalement encore un argument. « C’est pas question d’y faire quelques chose… enfin, on sait tous qu’on va s’emmerder à mourir. » il s’emmerde toujours. « Mais, c’est ma mère, qui m’a vivement conseillé d’y aller avec toi. » la carte de sa mère, un joker dans la famille. « tu sais à quel point, quand elle a quelques chose en tête… » elle l’a pas ailleurs. « Elle serait capable de te harceler jusqu’à ce que tu acceptes vraiment et si t’accepte pas, elle te rappellera toute ta vie que tu seras pas venu avec moi. »
Les plats servis devant eux, Dan fronce les sourcils en voyant à quel point le plat choisi par sa cousine avait l’air ennuyant. « L’idée, on y va, on se montre, comme ça on a l’air d’une famille unie qui se soutient dans toutes les épreuves, une fois qu’on a suffisamment affiché qu’on était là, on disparait. Soit tu fais ta vie, tu repars t’ennuyer devant ton ordinateur, soit, tu m’suis et là, c’est la soirée que t’auras jamais vécu auparavant. J’te promet des cracheurs de feu, des montagnes russes et des étoiles dans les yeux et dans le cœur. » En temps normal, Dan aurait simplement proposé à sa cousine de venir pour les photos et de repartir chacun de leur côté, la réalité, était que s’il lui proposait un autre plan B, faisant comme s’il allait lui mettre du baume au cœur, c’est qu’il se sentait particulièrement seul, ces derniers temps.