JACK & AMOS #2 ► AND YOU'LL HEAR VOICES ON THE WIND

AND YOU'LL HEAR VOICES ON THE WIND

Désencombré de mon plâtre je me sens un autre homme. J’ai l’impression d’être libéré et, si c’est aussi lié à cet appendice gênant, ma relation avec Raelyn n’est pas en reste. N’aurais-je pas peur de nous attirer les foudres du destin que j’oserais penser et affirmer que nous sommes encore plus beaux qu’avant. En réalité, c’est le manque de l’autre qui nourrit mon sentiment. Cette peur commune de se perdre nous aura fait l’effet d’un coup de pied aux fesses et je ne m’en plains pas. Je regrette toujours autant de lui avoir fait du mal, mais j’apprends doucement à me pardonner, comme elle l’a fait pour moi. Je renoue avec mon bateau également. Après notre dernière sortie en mer – il y a de cela trois bonnes semaines – et durant ma convalescence, je ne l’ai pas bichonné comme à mon habitude. Je n’en avais pas la force et si ma côte est encore douloureuse, je ne préoccupe pas de l’or du jour qui s’endort et de l’heure tardive. Je m’active à en récurer le pont sans ménager mon effort. C’est agréable comme tâche. Nombreux sont ceux qui la jugeraient ingrates, mais elle me détend et j’en suis plus souriant qu’à l’accoutumée. Pour peu, je siffloterais si la musique ne me posait pas un problème de conscience. A défaut, je me laisse emporter par le bruit de l’eau qui rythme mes mouvements. La mer est calme. Le temps est bon. Il est idéal pour sortir du chenal et je ne l’exclus pas. Plus tard peut-être. Cela dépendra de l’emploi du temps de Raelyn, ai-je songé avant que le sort ne pose sur mon chemin une surprise, une opportunité.

Je n’ai plus revu Jack depuis notre balade dépoluante sur la plage, mais j’ai souvent pensé à lui. Je me souviens d’ailleurs que nous avons échangé quelques messages brefs, concis, à notre image. Il a lui-même réitéré l’expérience, mais j’avoue que je ne m’étais pas préparé à l’éventualité qu’il puisse se présenter au pied du ponton à me héler de sa voix à peine audible, discrète, comme il sait l’être sur sa vie, comme il m’a inspiré en point commun. En ai-je été ravi ? Assurément et mon sourire s’est élargi. « Viens. Monte. » lui ai-je intimé en réprimant un “mon ami“ qui n’aurait rien eu d’effarant. Il en a appris plus sur moi que certains de mes proches et je sais l’inverse réelle. « Et sois le bienvenu chez moi. Je te sers quelque chose ? » Avant d’armer le bateau ? N’est-ce pas pour cette raison qu’il est venu ? Pour tuer la solitude sans être obligé de parler ? Pour noyer ses problèmes en regardant droit dans les yeux les va et vient de la houle en plein milieu de l’océan ?

Invité Invité

AND YOU'LL HEAR VOICES ON THE WIND

@Jack Epstein #2

Chez moi : un catamaran modeste sans l’être vraiment. Je me suis endetté pour me l’offrir et, si je regrette parfois mes ruses pour atteindre ce rêve, je me souviens que signer les papiers et en récupérer les clés chez le notaire a imprimé sur mes lèvres un sourire rare. Un sourire superbe. Un sourire comme j’eus tendance à me l’interdire durant des années. Alors, Jack, je l’invite à grimper sur le pont heureux qu’il ait pris mon invitation au pied de la lettre. Non pas que j’ai à cœur de faire l’étalage de mon acquisition – cela ne me ressemble pas – mais la simple idée qu’elle prendra l’eau ce soir me ravit. J’aime naviguer et cela fait trop longtemps que je n’ai pas eu l’occasion de partager ce genre de moment simple avec l’un de mes congénères. Ces derniers temps, c’est avec Raelyn que je pars en mer et le plaisir qui en découle, quoiqu’il soit intense et bâtisseur de beaux souvenirs, n’en restera pas moins différent que ce qui se prépare aujourd’hui. « Donuts. Comme annoncé. » ai-je lancé en le débarrassant de son paquet. « Café dans ce cas ? » Cette boisson chaude chargée en caféine qui nous tiendra éveillé la nuit durant me sembla une idée parfaite. Je ne l’allongerai pas d’une larme de whisky d’ailleurs. Je ne suis toujours pas décidé à arrêter définitivement la gnole. Mais je nourris déjà assez de respect pour Jack pour lui éviter l’affront de verser dans mon addiction quand il lutte vaillamment contre la sienne. Ce soir, nous serons à égalité. Comme je l’invitai plus tôt à me suivre dans la cabine – salon, cuisine, tout y est et joliment décoré – j’ai récupéré deux tasses et fait couler les breuvages. Les donuts, ils sont posés sur le plan de travail et, poli, je les ai étalés sur un plateau. Il y en avait de toutes sortes : chocolat, fraise, nature, sucre. De quoi ravir mes papilles sucrées…mais plus tard. Le veuf semble aussi impatient de prendre l’eau que je ne le suis. « Tu t’y connais un peu en bateau ? » Je sais jeter seul la haussière en mer seul. Le reste est à décider depuis le poste de commande.

Invité Invité

AND YOU'LL HEAR VOICES ON THE WIND

@Jack Epstein #2

« Choix judicieux, donc. » La chaleur d’un café, la rondeur de la caféine dans la bouche, c’est réconfortant et ne sommes-nous pas de ces hommes qui en ont besoin ? Ne sommes-nous pas des écorchés vifs ? Les malheureux perdants à la loterie du sort ? Je n’ai pas tardé à nous en faire couler deux et, si je n’ai pas encore pioché dans le plat de beignet, je l’emporte avec moi sur le pont, heureux d’être débarrassé de mon plâtre, d’avoir retrouvé en mobilité et, par conséquent, assez d’énergie que pour préparer à la hâte mon bateau à mouiller la coque. « Viens, on va monter. On aura une vue incroyable. » Même s’il y fait plus frais à cause du vent et du large. L’océan est un facilitateur de confidence. Il a tendance à apaiser les âmes également et, Jack, aussi conscient que je ne le suis qu’il n’y a plus de secrets qui en soient réellement un aujourd’hui. Alors, il me parle de son père, de ses souvenirs de son pays natal et j’y perçois cette nostalgie qui maquille souvent mes cernes. « C’est un truc que j’aurais aimé partager avec mon père ou mon frère. Voire ma mère si ça avait pu nous éviter de nous crier dessus. » J’ai souri à l’évocation de cette dernière. Je l’adore. Je n’en ai qu’un, mais Dieu qu’elle me tend. « Je suis le seul à avoir attrapé le virus de l’eau. » Quoique Liam aime nager lui aussi et il nous arrive encore, de temps à autre, de nous retrouver à la piscine. Que fait-il à l’heure actuelle d’ailleurs ? Et mes parents ? Dans leur ferme reculée ? Sont-ils en train de ressasser mes acoquinements avec Raelyn ? « La mienne, elle ne comprend pas que je veuille divorcer d’une femme à qui je n’ai plus rien à offrir pour une qu’elle qualifie de ptérodactyle. Tu vois le genre ? » Mon rire résonne en même temps que le sien et, si le bruit des moteurs l’a gommé, nos yeux pétillent encore. Serait-ce les premières étincelles de la complicité ? « Alors ? Je fais cap où je veux ? »

Invité Invité

AND YOU'LL HEAR VOICES ON THE WIND

@Jack Epstein #2

Il n’y a pas que les échos que l’océan rend beaux. La mer chante aux marins des chansons qui les apaisent et les réconfortent et pour qu’on ne souffre pas d’un mal de mer, les vagues nous bercent la nuit. Le tempo est tantôt presto tantôt adagio, mais Dieu que ça m’apaise. J’ai le pied marin et, parmi les miens, je suis une rareté sans nom, mais qu’à cela ne tienne. Il n’est pas rare que je trouve parmi mon entourage quelques curieux ou quelques passionnés qui sont prêts à m’accompagner, à partager avec moi ma passion et, dès lors que cette meilleure amie qui s’étend de mes pieds jusqu’à l’horizon en est le témoin, je suis plus prompt aux confidences. J’aborde la question de ma famille en réponse à l’histoire de Jack et de son père. Je lui parle de ma mère et de nos désaccords. Je fais allusion à Raelyn puisqu’il est le plus récent évoqué par la matriarche de la famille Taylor et tandis que je fais cap au hasard – le but est de naviguer, pas de trouver où poser le pied à terre – je suis presque étonné par la question de mon interlocuteur. « Divorce, oui. » ai-je donc répété en lui tendant le plateau de donuts. Inutile de lui proposer par les mots de se servir. Le message est clair et quand bien même, je réfléchis. Je rembobine notre dernière conversation et je me souviens à présent. Je me souviens que je n’ai pas exprimé clairement la situation qui me lie à ma future ex-femme. « Oui ! Elle y a pensé plus vite que moi d’ailleurs. Ça fait trois ans qu’elle me le réclame. » Pas mon ptérodactyle, évidemment, mais c’est inutile de préciser. « Tantôt c’était oui, tantôt c’était non. » ai-je admis en haussant les épaules. « Divorcer était un échec. Mais… » Les choses ont changé et, si Raelyn m’a permis d’accepter que si mon cœur n’est plus fidèle aux lois sacrées du mariage, alors l’heure était venue de me libérer d’un fardeau lourd à porter, source de culpabilité. « Elle m’a ouvert les yeux, mais je ne le fais pas pour elle. » Elle est une impulsion, pas une raison. « Je ne le lui avais pas dit. » ai-je avoué comme si la précision permettait d’appuyer. « Elle l’a appris après mon accident de voiture. » Celui m’a valu ce plâtre qui m’a encombré lors de notre dernière rencontre. « Ma femme est venue, à l’hôpital. Elle m’a ignoré pendant des mois et elle est venue. » Et, le sous-entendu, c’est qu’elle ne veut pas divorcer.

Invité Invité

AND YOU'LL HEAR VOICES ON THE WIND

@Jack Epstein #2

Sur le pont, l’iode me chatouille les narines, mais si je souris, c’est d’être à nouveau confronté à la clairvoyance de Jack. L’aurais-je souhaité que je n’aurais pu mieux résumer les circonstances de ce divorce non désiré, puis l’inverse en fonction du protagoniste du couple que l’on interroge. “Tu ne crois pas si bien dire.” Le temps m’a joué de sacrés tours. Mille fois j’ai songé à lui dire la vérité à Raelyn, mais l’univers semblait avoir conspiré à ma perte. Raelyn. Parfois, je me demande où j’en serais si elle n’avait pas semé sur mon chemin des pétales de bonne humeur. La question de Jack en devient plus pertinente encore, sauf que je détrompe. Je ne me sépare pas d’une femme pour une autre. J’ai simplement réalisé que mûrir, c’est accepter que certaines choses, même les plus sacrées, aient un début et une fin. J’ai cru voir venir celle de la liaison qui me comble aujourd’hui et j’en fais l’étalage sans détail et sans pudeur. “ Mal évidemment. Elle est partie, elle m’a d’abord demandé de ne plus la contacter, mais je suis un têtu.” Et ce n’est rien de le dire. Mon entêtement n’est pas seulement une plaie pour moi et pour mon entourage. Il paie quelquefois cependant. “J’ai géré avec excessivité, comme d’habitude.” ai-je avancé en haussant les épaules. “J’ai campé devant sa porte pour qu’elle écoute ce que j’ai à lui dire. Puis, je l’ai laissé venir et je l’ai plus ou moins kidnappée pour une virée sur Fraser Island.” De cet aveu, c’est le “plus ou moins” qui prend toute son importance. J’ai proposé, elle a accepté, mais dans les faits, je sais que j’aurais insisté tout au long de la soirée, doucement, sans avoir l’air d’y toucher. “ Pour le moment, ça va mieux. Je me méfie de la suite par contre. Je me méfie de ce que Sarah pourrait faire à cause de l’ego.” Je maintiens qu’elle n’est plus amoureuse de moi. Je crois par ailleurs que cela fait des années que j’ai moi-même cessé de nourrir pour elle d’autres sentiments qu’une affection profonde. En était-il de même pour Jack et Jude ? J’en doute ! Je crois percevoir de l’amertume dans son timbre alors qu’il avoue que s’il n’a jamais été question d’une séparation entérinée devant la loi, elle lui a rendu son alliance. “J’ai tendance à croire qu’elles savent plus vite que nous ce dont elles ont besoin. Si elle n’a jamais voulu, c’est parce qu’elle voulait être là, avec toi, pour t’aider à traverser cette épreuve.” Arrêtais-je de boire un jour ? Aurais-je à mes côtés Rae pour me soutenir dans cette tâche ardue ? Aurais-je, moi aussi, envie de nous séparer pour la libérer de moi ? “Mais, je vois ce que tu veux dire. Je crois même que je comprends tout à fait. J’aurais voulu libérer ma fille de moi aussi. Toute petite, elle s’est mis en tête de me sauver.” De panser les blessures béantes infligées par l’armée. “Elle a réussi. Et moi, j’étais pas là quand elle a eu besoin de moi. Si c’est pas de l’ironie, ça?” Et je me suis réconfortée en croquant dans un donut et en avalant un café. Nous avons quitté le chenal : c’est le moment de noyer de nos emmerdes au fond de l’océan.

Invité Invité

AND YOU'LL HEAR VOICES ON THE WIND

@Jack Epstein #2

Existe-t-il d’autres méthodes que celles liée à l’excès ? Tout être plus rationnel admettrait que oui puisque le temps arrange les choses. Il ajouterait que, si sa solution ne converge pas vers nos désirs, le soulagement prévaudra sur la déception. Peut-être ont-ils raisons, ces gens bien pensants. Mais que font-ils de la spontanéité ? Quel place laisse-t-il à l’intégrité qui découle souvent de la spontanéité ? Moi, j’ai choisi de m’y fier et j’ai bien fait. En ouvrant la porte sur mon cœur afin que Raelyn puisse y dénicher de quoi se rassurer, j’ai gagné son pardon. J’irais jusqu’à nourrir l’impression que nous sommes plus beaux encore qu’avant l’incursion de Sarah dans notre couple. Sans doute est-ce que ça tient à ce que nous formons une réelle équipe à présent, une qui n’a pas finit d’en voir, mais que je fais mine d’oublier, appuyé par le conseil de Jack. Il m’aide, sans le savoir, à chasser ma culpabilité puisqu’en effet, je profite de chaque moment de plénitude en compagne de ma dulcinée. L’ai-je assez fait du vivant de Sofia ? Ai-je assez joui du plaisir d’être père ? Trop souvent je considère avoir loupé le coche, d’avoir été absent beaucoup trop souvent. Ça me torture régulièrement et mon épouse – bientôt mon ex, du moins je l’espère – eut tendance à me le répéter si souvent que j’ai fini par m’en persuader. Je me suis convaincu, par la même occasion, que j’ai échoué dès son enfance, dès lors qu’elle s’est fait un sacerdoce de prendre soin de moi quand l’inverse était pourtant de rigueur. Je ne buvais pas – ou très peu, à l’époque – et je ne sais que songer des espoirs de Jack. Grignotant mon donut, ma tasse de café à la main, j’analyse et soupire. « Je présume que… qu’elle aussi, elles ont la force ou la capacité de voir en nous dont on ne soupçonne même pas l’existence. » Notre force, par exemple. Sauf qu’Ellie est trop jeune pour réaliser que le chant des sirènes de la drogue est une mélodique qui nous entête, un air qui nous prend aux tripes. Je le sais : ce sont les mêmes harmonies qui flattent l’oreille des alcooliques et n’en suis-je pas un ? « Et je ne pense pas que ça le soit. » Egoïste… « On trouve de quoi se sauver là où on a confiance en nous. Je suppose qu’elle était ton moteur. » Pas vrai ? N’est-ce pas ta fille la meilleure raison de te battre, Jack ? Le problème, je considère que ce sont les remords a priori et il en témoigne. « Elle est restée, Jude. Elle savait, elle a eu raison de croire en toi. Tu ne l’as pas abandonnée. » ai-je déduit de son premier aveu. Le suivant, il m’a sidéré, il m’a scié les côtes car je n’ai aucune leçon à donner. Je suis un addict, moi aussi. Et je n’ai pas envie d’arrêter la boisson contrairement à mon acolyte. Que dire ? « Tu sais pourquoi ? » Est-ce la conséquence d’une déception ? D’une situation culpabilisante ? Une scène vécue qui lui aurait rappelé un vieux traumatisme ?

Invité Invité

AND YOU'LL HEAR VOICES ON THE WIND

@Jack Epstein #2

La rumeur prétend qu’être père change un homme et, l’océan pour témoin, nous constatons ensemble et avec amertume que nous n’avons pas confirmé la règle d’avoir été différent. Je ne suis plus le même adulte qu’à l’époque de mon mariage. Je ne suis probablement pas non plus celui que je me destinais à devenir étant adolescent. Il n’empêche que si nous avons été égoïstes par définition, nos enfants nous aurons rendu meilleurs… sauf peut-être moi parce que la mienne, de fille, elle n’est plus. Elle a péri et, depuis, je vogue sur les eaux de la vengeance. Je n’ai de nobles que mes sentiments pour Raelyn. Je n’ai de réussi au moment où je lui parle que ce couple inattendu dans lequel nous nous épanouissons tout de même. Mais, survivra-t-il à ma folie ? Je m’en convaincs au jour le jour. Je ne réalise pas que je suis impardonnable. Je ne saisis pas non plus que dès que la bombe aura explosé, j’en aurai à prononcer. Je me mens. Je porte mes oeillères hautement sur le nez et j’écoute. J’écoute et je me confie. J’écoute et je découvre dans les traits de Jack des similitudes qui m’attendrissent et me glacent le sang. L’aurait-il voulue pour lui, Raelyn ? Lui aurait-elle fait autant de bien qu’à moi ? Est-ce le pouvoir de cette femme ? Ai-je par conséquent pris sa place à lui ? L’aurais-je volé d’un peu de son répit ? Me souvenant alors qu’il l’a fuit à cause de ses travers, je statue sur un non et je me détend. Mon coeur se calme aussitôt, mais je n’en reste pas moins perclus par l’impuissance. Que dire à cet homme qui se sent chavirer ? Que lui dire quand moi-même je vacille devant les courbes d’une bouteille d’alcool ? Lui, il s’en est tiré : il a peur de replonger. Moi, je n’ai pas vraiment l’intention d’arrêter malgré je prétendrais à qui voudrait bien l’entendre. Quel conseil aurais-je donc à lui donner ? Rien de ce qui ne sortirait de ma bouche ne pourrait être aviser. Alors, je me contente de l’interroger, de mieux comprendre, d’apprivoiser les mécanismes qui se jouent dans son cerveau et les comparer aux miens. Ce que j’apprends, c’est qu’il n’y a pas de bonnes raisons : elles le deviennent toutes, c’est aussi simple que ça. Autant dire que le constat est éloquent : je suis alcoolique, je l’ai avoué à Raelyn et, a priori, aurait-il subsisté le moindre doute au profit de mon orgueil, ma honte grandit. « Jette pas l’éponge, Jack. Prends le large. » Au sens second du terme évidemment. « Prends ta gamine, éloigne-toi de Brisbane et de tous tes démons. passe du temps avec elle et tout les soirs, rappelle-toi que c’est pour elle que tu dois faire plus que retarder l’échéance.»ai-je proposé avec autant de conviction possible. Peu de chance que l’invitation à fuir soit l’idéal et je le précise : « Tu vas me dire, qui suis-je pour te dire tout ça.» Certes, il n’y a pas de jugement dans ma voix, juste un constat, au même titre que ma réplique suivante : « Label. Inspiration. Tu es un artiste et moi, je n’ai plus écouté un seul morceau de musique depuis près de trois ans. Presque quatre.» J’ai bien trop peur qu’un morceau me rappelle mon bébé disparu. Pour pallier cette crainte, même la radio dans la voiture je ne l’allume plus.

Invité Invité

AND YOU'LL HEAR VOICES ON THE WIND

@Jack Epstein #2

Il y a tant de similitudes entre Jack et moi que c’est sans honte que j’ose le conseiller. Je ne suis pas légitime pour ce faire. Nous ne sommes pas assez proche et, pour nombre de nos congénères, cette association serait jugée bizarres tant je suis jaloux. Alors, c’est vrai. C’est vrai que je ne suis pas convaincu que je parviendrais à supporter de les voir, Rae et lui, dans la même pièce. Je ne suis pas persuadé que mon coeur ne fondrait pas d’être léché par les flammes de la jalousie. Pourtant, tandis que je lui propose de partir, que je m’en excuse aussitôt d’être lucide sur l’audace qui teinte cette proposition, que je m’emploie à alléger l’atmosphère tant le sujet abordé est délicat, je réfléchis sérieusement à son invitation. Je détaille son profil quand son regard se perd vers l’horizon de peur de me précipiter. Et, finalement, j’avance un « Peut-être.» Derrière l’adverse se dissimule des conditions que j’entends bien soulever les unes après les autres. « Mais ta gosse me déteste.» Notre dernière rencontre était univoque. Elle n’était pas ravie de me voir et encore moins dans sa position : les yeux rouges et explosés. « Je ne viendrais pas seul.» Je n’envisage pas un instant m’enfuir en mer sans avoir à mes côtés ma dulcinée. Ma jalousie n’y survivrait pas. «Mais, elle n’est pas toujours une mauvaise influence par contre.» A moins que ça se soit le contraire. J’ai dû mal à définir les limites tant je l’idéalise. « En conclusion, tu auras compris que ça dépend plus de toi que de moi. Moi, je n’ai rien qui me retiens ici… ou en tout cas, rien que je ne peux pas emmener avec moi. » Mais lui, il a un boulot, un job prenant qui est aussi sa passion. Il a des responsabilités quand les miennes peuvent attendre. « Et je ne pars que si on va chez toi… Je n’ai jamais vu le Canada.» J’ai davantage navigué vers l’Europe que le long des frontières américaines.

Contenu sponsorisé