Cela faisait plusieurs mois maintenant que Maze avait sombré dans l’apathie la plus totale depuis son enlèvement. Elle ne parvenait pas à se donner les coups de pieds au fesse nécessaires pour tenter de se ressaisir et retrouver un semblant de normalité. Et depuis son retour à Brisbane, le planétarium était étrangement le seul endroit où elle avait l’impression de pouvoir mettre ses idées noires et ses problèmes de côté. Elle se souvenait qu’étant petite, à la nuit tombée, il lui arrivait de s’allonger discrètement et secrètement dans le jardin de ses parents pour observer les étoiles durant de longues minutes. Elle avait l’impression de tout oublier et de ne plonger que dans l’immensité du ciel lors de ces expéditions nocturnes. Mille et une questions lui taraudaient l’esprit, mais toutes étaient en rapport avec l’espace et les étoiles. C’était à la fois inquiétant mais aussi étrangement réconfortant de penser qu’il existait quelque chose de bien plus grand que l’être humain et tous ses petits tracas terrestres. Aujourd’hui encore, le planétarium lui procurait cette sensation et ce réconfort dont elle avait bien besoin. Si vous croisiez une jeune femme assise nonchalamment par terre, le visage tourné vers le plafond et le regard dans le vague, nul doute qu’il devait s’agir de Maze en train d’observer la voute céleste. Et aujourd’hui ne dérogeait pas à la règle. Ou presque. La britannique était bien assise par terre, mais son regard était fixement tourné vers son téléphone et, au vu de son agitation, elle commençait doucement à perdre patience. Elle poussa finalement un profond soupir tout en dirigeant une dernière fois son téléphone vers le plafond, essayant de regarder dieu savait quoi sur ce maudit écran. Elle était pourtant bien loin d’être la dernière des buses quand il s’agissait de nouvelles technologies…en revanche elle avait tendance à s’énerver très rapidement lorsqu’elle ne comprenait pas quelque chose dans l’instant. Désespérée, elle laissa retomber ses mains et son téléphone sur ses genoux avant de jeter un coup d’œil autour d’elle et de scanner les personnes présentes au planétarium ce jour-là, à la recherche d’elle ne savait trop quoi.
Son regard finit par se poser sur une jeune femme qu’elle avait déjà croisé à plusieurs reprises au planétarium. Qu’y faisait-elle exactement ? S’agissait-il d’une passionnée ? Elle profita de ce que la jeune femme discutait avec quelqu’un d’autre pour l’observer à distance. Ses traits étaient doux et, sans vraiment savoir pour quelle raison, son visage lui inspirait confiance. Prenant son courage à deux mains, ainsi que son téléphone, Maze se leva après avoir décidé qu’il était l’heure de socialiser. Elle s’approcha doucement de la jeune femme et attendit qu’elle ait terminé sa discussion pour lui adresser la parole. « Bonjour ! Excusez-moi, mais mon téléphone est en train de me rendre dingue. J’ai cette application qui est censée me permettre de repérer les différentes constellations quand on la place face à un ciel étoilé…en théorie. En pratique, je n’ai encore aperçu aucune constellation et…heu…je ne sais pas exactement pourquoi mais je me suis dit que vous pourriez peut-être m’aider avant que mon téléphone ne fasse les frais de mon impatience ? » Difficile de faire plus original que cela en termes d’entrée en matière. Si la jeune femme avait pris ses jambes à son cou à l’instant présent, Maze ne le lui en aurait pas tenu rigueur. « Maze. Je m’appelle Maze soit dit en passant. Je suis désolée d’arriver comme ça mais…il me semble que nous nous sommes déjà croisées à plusieurs reprises au planétarium ? » Parfait. A présent, il ne manquerait plus qu’elle croit qu’elle était une psychopathe qui stalkait ses victimes avant de s’attaquer à elles pour que le tableau soit total.

Etait-ce étrange d’aborder une inconnue de cette façon pour lui poser une question de but en blanc, sans même penser à se présenter en amont ? La réponse était « oui, évidemment » pour le commun des mortels. Mais Maze était une personne sans filtre, qui avait la très légère tendance à parler avant de réfléchir, quitte à dire tout ce qui lui passait par la tête et à perdre son auditoire en cours de route. Une Phoebe Buffay en puissance en somme. Enfin en temps normal tout du moins. Ces derniers temps, elle avait davantage développé un côté défaitiste et renfermé : difficile de reconnaître la Maze d’avant, extatique et intenable, pour ses proches. Mais, une fois de temps en temps, son côté Phoebe semblait reprendre le dessus et refaire surface dans certaines situations. Apparemment, s’acharner sur une application incompréhensible faisait partie de ces situations en question. Son cerveau carburait pour essayer de comprendre comment la faire fonctionner, et elle n’avait heureusement plus beaucoup de places à accorder à de sombres pensées. Sa frustration prenait tout l’espace. Et il était grand temps qu’elle demande de l’aide. « Je vous demande pardon ?  » Maze finit enfin par se dire qu’il se pouvait qu’elle dérange cette jeune femme qui n’avait pas nécessairement envie de se faire présentement assaillir par une gentille furie au discours incompréhensible. Et s’était-elle trompée de personne ? Etait-elle seulement sûre à 100% de l’avoir déjà croisée ? Elle était peut-être en train de se tromper magistralement et de se ridiculiser mais fort heureusement l’inconnue n’avait pas pris ses jambes à son cou pour autant et avait même eu le courage de se présenter à son tour. « Diana, enchantée ! Et excusez-moi pour cette entrée en matière un peu…brusque. » Mieux valait le réaliser tard que jamais, non ? Toutefois, Diana ne semblait pas gênée pour autant et son sourire encouragea la britannique à réexpliquer son problème, peut-être plus clairement cette fois-ci.
« Je vous montre si vous le permettez, ça sera peut-être plus compréhensible. » Elle se dirigea vers le milieu de la grande pièce dans laquelle elles se trouvaient pour se placer sous le ciel étoilé reproduit sur la voute centrale. Sur le chemin, elle n’osa pas jeter un coup d’œil derrière elle pour vérifier que la jeune femme la suivait bien. Au pire, cela lui laisserait même une échappatoire pour s’éclipser discrètement si son discours d’entrée en matière l’avait effrayée. Mais cela ne semblait pas être le cas et Maze plaça donc son téléphone à plusieurs centimètres au-dessus de sa tête, l’appareil photo de ce dernier faisant face au plafond pour le filmer en temps réel. « Vous voyez, j’ai une carte du ciel étoilé sur cette application…et si je place mon écran de cette façon… Je suis censée apercevoir aheum…la grande ourse ici par exemple. Les différentes étoiles de la constellation devraient être reliées entre elles et me permettre ensuite de mieux repérer ladite constellation dans le vrai ciel étoilé…Je devrais voir une sorte de casserole et pourtant…il n’en est rien ! Et honnêtement, plus je m’écoute et plus je me dis que je dois sonner comme la dernière des folles…Et je réalise aussi que télécharger cette application était une idée stupide. Pourquoi passer par un smartphone quand je peux lever les yeux vers le ciel et demander à quelqu’un ? » Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Pourquoi faire court quand on pouvait débiter un long laïus sur une stupide application ? « Je suis vraiment désolée, je dois vous avouer que je ne sais pas pourquoi je vous demande de l’aide avec tout ça. Comme il me semblait vous avoir aperçue à plusieurs reprises par ici, je me suis dit que vous auriez peut-être plus de chances que moi de comprendre quelque chose à tout ça ? C’est complètement stupide. » Et par ailleurs, la relation de cause à effet était plutôt étrange. Ça n’était pas parce qu’elle croisait le vendeur du kiosque à journaux tous les jours qu’elle allait lui demander soudainement ce qu’il pensait de la pression atmosphérique actuelle dans la rue…

Diana restant silencieuse, elle craignit un instant de l’avoir définitivement effrayée. Peut-être était-elle en train de réfléchir à la meilleure façon de se sortir de ce mauvais pas. Mais la jeune femme finit par réagir et Maze laissa docilement son téléphone passer de ses propres mains aux siennes. « J’ai peur que votre application soit une arnaque. » Oh well. Non pas qu’elle ait véritablement eu quelque chose de mieux à faire que de chercher, télécharger et s’escrimer vainement avec une application de toutes manières. Mais faire cette déduction d’elle-même un peu plus tôt lui aurait permis de ne pas s’acharner et, surtout, de ne pas déranger une inconnue qui, bien que charmante au demeurant, avait certainement d’autres tâches à accomplir que de l’aider avec ses problèmes de constellations. « La grande ours est là, regardez. Juste en haut à droite. » Fronçant légèrement les sourcils, la brune suivit du regard le doigt de Diana qui pointait vers un endroit bien précis de la voute étoilée de l’Observatoire. Quelques secondes de concentration et elle finit enfin par apercevoir cette fameuse constellation. Haussant les sourcils de surprise face à cette découverte qui tenait presque du miracle tant elle ne croyait plus réussir à la trouver un jour, un fin sourire vint étirer ses lèvres. Et Diana l’avait trouvé en un clin d’œil, sans même réfléchir et surtout, sans l’aide d’une stupide application. « Les applications comme ça fonctionnent en réalité n’importe où que vous regardiez. Elles ne se calquent pas réellement sur le ciel qui se trouve au dessus de vous. » La bouche de Maze vint s’ouvrir sans qu’aucun mot n’en sorte pour autant. Elle se sentait quelque peu stupides. A aucun moment n’avait-elle songé que son application pouvait s’utiliser autrement que face à un ciel étoilé. Peut-être cela était-il indiqué dans les petites lignes que personne ne lisait jamais lors du téléchargement de ces applications…ou peut-être était-ce tout simplement écrit au moment du didacticiel qu’elle avait bêtement choisi de passer tout en se disant très exactement "On doit quand même pas avoir besoin d’un doctorat pour utiliser ce genre de choses, faut arrêter." Peut-être pas un doctorat mais vraisemblablement ses propres diplômes de l’enseignement supérieur n’avaient pas suffi pour en venir à bout. Depuis le début, elle aurait donc pu discrètement tenter de repérer des constellations dehors, son téléphone tenu normalement en main, déambulant et se fondant entre n’importe quel zombie des smartphones qui courait les rues. Mais manquer une occasion de se faire remarquer en étant la seule personne assise au milieu d’une large pièce, le téléphone fermement pointé vers le plafond, cela aurait été dommage. Cela lui ressemblait davantage : le manque de filtre et l’art de se ridiculiser silencieusement. « Vous venez vraiment de m’apprendre quelque chose, je n’en avais aucune idée…Ça perd encore plus de son intérêt et surtout, de son charme je trouve. » Finalement, à quoi bon télécharger une application permettant de repérer des constellations si celle-ci ne nécessitait même pas de lever les yeux vers le ciel ? Elle récupéra son téléphone alors que Diana lui expliquait qu’il était possible qu’elle l’ait déjà aperçue par ici. Au moins une bonne chose ; elle n’avait pas encore complètement perdu l’esprit. « Le ciel, c’est mon domaine. » Maze haussa une nouvelle fois les sourcils de surprise. « Vraiment ? Vous travaillez à l’Observatoire ? » Ou peut-être était-elle en fait astronaute, ou une ingénieure ayant fait ses armes au sein de la NASA ? Cela avait peu d’importance au final. Savoir qu’elle se trouvait face à quelqu’un qui aimait les étoiles lui suffisait et elle avait eu ce pressentiment à partir du moment où elle avait vu Diana lui indiquer aisément et sans l’ombre d’un doute la grande ourse. « Ça n’est pas le mien en revanche…comme vous avez pu le constater. » Elle grimaça légèrement, songeant un instant que le ridicule de la situation était aussi quelque peu exacerbé du fait qu’elle se soit trouvée en face de quelqu’un qui s’y connaissait réellement. Elle avait l’air maligne à présent avec sa stupide application. « Mais pour une raison que j’ignore, le ciel et les étoiles m’ont toujours fascinée. Je trouve qu’il y a quelque chose de passionnant et aussi de reposant dans cet infiniment grand. », ajouta-t-elle en souriant doucement à son interlocutrice, sincèrement curieuse d’en apprendre plus sur elle. Après tout, ça n’était pas pour rien qu’elle s’était rendue à l’Observatoire. Quand elle n’avait pas la patience d’attendre que la nuit soit tombée et qu’elle avait besoin de se calmer et de chasser des pensées de son esprit, l’Observatoire s’était avéré être son refuge ces dernières semaines.  

En décidant de se rendre à l’Observatoire ce matin-là, Maze espérait bien parvenir à se changer les idées. Et elle ne pensait pas que cela serait un tel succès. Entre son application qui l’avait occupée (comprendre : "énervée suffisamment pour qu’elle n’ait pas le temps de penser à autre chose") durant de longues minutes, puis sa rencontre avec Diana, elle était servie du point de vue distraction. Mais c’était surtout ce que son interlocutrice venait tout juste de déclarer qui avait fini de la propulser dans une dimension où ses problèmes avaient superficiellement disparu. « Mais je suis astrophysicienne, ce qui explique que je connaisse si bien les étoiles et l’emplacement de la grande ours. » Elle n’avait pu retenir une sincère expression de surprise. Ses sourcils s’étaient haussés en même temps que ses yeux s’étaient écarquillés. Mille et une questions lui brûlaient à présent les lèvres. Elle était impressionnée et ne pouvait s’empêcher de ressentir une légère pointe de jalousie. Alors qu’elle-même ne pouvait qu’observer, rêveuse, les astres, Diana était en mesure de comprendre tout ce qui se passait devant ses yeux, de mettre des noms sur chaque point lumineux, d’expliquer au commun des mortels l’évolution de l’univers. C’était définitivement un métier que l’on choisissait par vocation, par passion. Et pour cela aussi elle enviait Diana. Elle-même avait cru exercer un métier qui la faisait rêver depuis de nombreuses années, et rien n’était moins sûr à présent. « Wow. Astrophysicienne ? Je peux vous demander ce qui vous a conduit vers ce métier ? Je dois vous avouer qu’il ne m’était encore jamais arrivé de croiser d’astrophysiciens et, jusqu’à présent, je vous imaginais tous plus vieux, un peu nerd sur les bords et perdus dans vos papiers…Je crois que j’ai pas mal abusé de sitcom et des clichés qu’ils ont tendance à véhiculer. » Elle lui adressa un sourire gêné en se rendant compte qu’elle en disait beaucoup trop. Cette précision était-elle nécessaire ? Probablement pas, mais les mots s’étaient échappés de la bouche de Maze avant qu’elle n’ait eu le temps de considérer ce qu’elle s’apprêtait à dire. Et Diana était en effet bien loin de ce stéréotype qu’elle s’était imaginé. Elle était si jeune. Et belle, très loin de ressembler à un quelconque nerd à lunettes perdu dans sa paperasse. « Les rôles seraient facilement inversés si j’étais arrivée avec des questions sur votre domaine. » Elle hocha la tête et ne put s’empêcher de sourire tristement à la mention de "son domaine". Maze en connaissait effectivement un rayon sur l’organisation d’événements. Mais considérait-elle encore cela comme son domaine ? Elle avait l’impression qu’elle ne savait pas faire autre chose et qu’elle avait passé ces 12 dernières années à se préparer à ce métier. Et c’était objectivement le cas. Alors pourquoi vouloir tout abandonner maintenant ? C’était stupide. Mais nécessaire également. Elle avait besoin de se couper de cet univers, peut-être pour mieux le retrouver, peut-être pour mieux en changer. Mais ces derniers jours elle ressentait surtout le besoin de se sentir utile et accomplie avant tout : des sentiments que son ancien travail ne lui apportait pas réellement. « Le fait d’être obligé de se laisser guider par cet infiniment grand nous donne souvent cette impression. D’être reposant. » Son sourire s’étira alors qu’elle hochait la tête pour appuyer ce que venait de dire Diana. « Et ça fait du bien dans un monde en perpétuel mouvement. » Sans même la connaître, elle se sentait instantanément plus proche d’elle suite à ces simples constatations qu’elles venaient toutes deux de faire. Elles n’avaient pas la même connaissance du ciel, mais il les fascinait malgré tout l’une comme l’autre et cela avait créé comme un lien invisible entre deux femmes qui étaient encore de parfaites inconnues quelques minutes auparavant. « Vous attendiez quelqu’un au fait ? Avant de vous trouvez embêtée par votre téléphone ? » Elle sourit, amusée, ayant la sensation que cette histoire de téléphone serait automatiquement associée à son visage dans l’esprit de Diana à présent. Les premières impressions, il n’y avait que ça de vrai. « Non personne. A vrai dire j’ai l’esprit assez…encombré ces derniers jours et l’Observatoire me semblait être le seul endroit qui me permette de respirer. » Cette formulation devait certainement paraître assez abstraite à quelqu’un d’extérieur qui n’avait pas la moindre idée des problèmes qui fourmillaient autour d’elle. Son regard s’était perdu dans le vide à l’évocation de tout cela et une minuscule faille était en train de s’ouvrir dans sa tête afin de laisser rentrer tous ses soucis qu’elle était difficilement parvenue à mettre dehors. Mais elle comptait bien refermer cette entrée aussi vite que possible tant qu’elle en avait l’opportunité. Comme pour éclairer un peu ses derniers propos quelque peu cryptiques, elle ajouta : « Ça me permet de me changer les idées. Après tout, l’expression "avoir la tête dans les étoiles" existe pour une bonne raison j’imagine ! » Et elle n’était clairement jamais aussi rêveuse et loin de ses problèmes que lorsqu’elle se tournait vers le ciel pour s’échapper le temps de quelques heures. Elle était revenue dans le moment présent et avait reporté toute son attention sur Diana. La britannique avait une furieuse envie de l’inviter à boire un verre ou à faire un tour des lieux pour faire plus ample connaissance, mais après son introduction remarquée et sa tendance à tenir de longs discours sans queue ni tête, elle craignait de la faire fuir. « Et je vous retourne la question…Peut-être attendiez-vous quelqu’un de votre côté, avant de vous trouver embêtée par…une parfaite inconnue un peu frustrée et très bavarde ? » Tout en gardant un air amusé, elle fit une légère grimace en guise d’excuse.

Maze ne put retenir un sourire amusé en voyant que Diana venait de couvrir furtivement sa bouche quelques secondes après avoir commencé à rire. Les bonnes manières ne semblaient pas avoir la vie dure avec elle, et c’était plutôt agréable. Elle-même, jusque-là, avait principalement travaillé au quotidien avec des collègues qui étaient plutôt chiches en formules de politesse. Un simple "Bonjour" ou un "Merci" semblaient être au-dessus de leurs forces, alors elle aussi avait cessé de se montrer polie avec eux. Retrouver un peu de savoir-vivre auprès d’une jeune femme qu’elle venait tout juste de rencontrer lui semblait presque relever du domaine de l’exceptionnel. « Une bonne partie de mes collègues plus âgés pourraient correspondre à cette description. Et ils m’en voudraient surement d’avouer ça à haute voix. » Et en plus d’être polie, elle avait de l’humour. What’s not to like ? « Après, si je dois être honnête, je suis du genre à être tout le temps perdue dans mes papiers. » Elle l’imagina sans mal circuler dans un couloir, à regarder attentivement une pile de papiers qu’elle tenait en main, et n’ayant de temps et de place dans sa tête que pour se concentrer au maximum sur le projet sur lequel elle était en train de travailler. Le sourire de la britannique s’élargit un peu plus en songeant à cette image. « J’imagine que c’est la rançon de la gloire quand on est passionnée par son travail ! » Et il fallait bien l’avouer, il y avait pire que cela comme rançon. « Quand à ce qui m’a conduit jusque là… Le hasard ? Le destin ? Je ne sais pas trop à vrai dire. Les chiffres ne m’ont jamais fait peur, la physique m’a toujours plu… Et comment ne pas tomber amoureuse des étoiles ? » Elle hocha doucement la tête. Le hasard et le destin. Cela lui plaisait bien comme éléments directeurs d’une vocation professionnelle. « Je vous avoue que les maths et moi, ça fait… » elle compta de manière théâtrale sur ses doigts « …deux. C’est ça ? » Elle sourit, presque fière de cette blague un peu stupide mais néanmoins véridique. Elle avait toujours été réfractaire aux mathématiques et à toutes les matières scientifiques qui étaient enseignées de manière générale. Elle ne savait pas à quel moment cela s’était déclaré exactement, peut-être avait-elle eu un horrible professeur qui était parvenu à l’en dégoûter très rapidement, mais cela ne l’avait plus jamais vraiment quittée depuis. Elle avait beau s’intéresser à des sujets parfaitement scientifiques et cartésiens comme les étoiles justement, elle ne les abordait jamais en profondeur et préférait continuer de les étudier de manière assez superficielle. Commencer à parler chiffres à Maze, c’était s’assurer de la perdre en cours de route, à son plus grand désarroi. Elle était une vraie littéraire, une personne créative et qui manquait quelque fois de plomb dans la tête pour garder suffisamment les pieds sur terre dans les projets qu’elle imaginait. Elle voyait d’abord les choses en grand et, après, éventuellement, elle songeait aux moyens quelque peu compliqués et parfois restrictifs pour mettre son plan grandiloquent à exécution. Mais c’était un challenge supplémentaire à relever, et elle avait beau se plaindre des deadlines qu’elle avait pu avoir professionnellement par le passé, c’était aussi ça qui la motivait au quotidien. « Est-ce qu’il n’y a pas un petit côté magique à travailler tous les jours au contact des étoiles ? » Elle ne savait pas si sa question sonnait comme quelque chose qu’une petite fille de 6 ans aurait pu demander mais elle le craignait quelque peu. Quand on lui parlait des astres, ça n’était effectivement pas les différents calculs mathématiques qu’ils impliquaient qu’elle visualisait, c’était plutôt cette magie, ce mystère qui planait sur ce domaine qui avait tant à offrir avant d’être pleinement maîtrisé. Si toutefois il pouvait seulement être maîtrisé un jour dans son infinie intégralité. Diana vint d’ailleurs lui confirmer indirectement toute cette histoire de magie ambiante. Silencieuse, perdue dans la contemplation des étoiles, la britannique l’observait avec un sourire en coin et n’avait nullement l’intention de la déranger dans le cheminement de ses pensées. Elle se reconnaissait elle-même à l’époque où elle travaillait studieusement à la scénographie des événements qu’elle organisait. A quel moment cette passion l’avait-elle quittée ? Et serait-elle capable un jour de la retrouver ? Elle lui faisait cruellement défaut ces temps-ci et avait laissé comme un vide dans sa vie. Après tout, c’était aussi cette passion qui lui permettait de s’accomplir au quotidien. « Je vois ce que vous voulez dire. » C’était peut-être bête à dire, mais cela lui faisait du bien de rencontrer quelqu’un qui voyait l’Observatoire et les étoiles de la même manière qu’elle, qui y trouvait également refuge et qui ne la prenait donc pas pour une illuminée quand elle expliquait que c’était le meilleur moyen pour elle de se changer les idées. La plupart de ses connaissances avaient tendance à la renvoyer vers un livre, un film ou une quelconque série pour penser à autre chose. Mais ça n’était pas très original, et cela cessait rapidement de faire effet quand les étoiles, elles, pouvaient être contemplées de longues heures durant sans jamais s’en lasser. « Et en aucun cas vous m’embêtez voyons ! J’avais terminé ici, de toutes façons, je venais de prendre congé de ce dit collègue quand vous êtes venue me voir. Au bon moment, quoi. » Au sourire qu’elle affichait, Maze pouvait lire qu’elle était sincère et cela la rassurait. Après son entrée fracassante, elle aurait été bien gênée de l’avoir en plus freinée dans une quelconque tâche. « Pour une fois que ma synchro n’est pas trop mal, c’est assez rare pour être noté ! J’ai une légère tendance à tomber aux pires moments et de manière assez peu discrète. » La discrétion n’avait jamais été son fort de toutes façons. Mais qu’est-ce qui la poussait exactement à se confier de cette manière à Diana ? Elle ne savait pas. Quelque part, elle lui inspirait confiance. La discussion était facile avec elle et le jugement était banni, et cela lui plaisait beaucoup. « Vous avez d’ailleurs bien fait de ne pas venir poser votre question à mon collègue, celui avec qui j’étais avant que vous veniez me voir, il n’aurait jamais su vous répondre pour votre téléphone. Les personnes travaillant ici n’ont pas trop cette fibre… pour la technologie ? Si je peux dire. » Un rire s’échappa des lèvres de Maze. Elle fit mine de réfléchir quelques instants avant de répondre. « Je crois que je visualise bien la tête de votre collègue et je note donc bien dans un coin de mon cerveau qu’il faudra que je m’abstienne d’aller le voir pour ce genre de sujets à l’avenir. Merci ! » Elle marqua une nouvelle pause de quelques secondes, comme réfléchissant intensément à ce qu’elle allait dire et pesant le pour et le contre. Puis elle finit par se jeter à l’eau : « Diana, j’ai deux propositions à vous faire. La première, est-ce qu’il serait possible qu’on se tutoie ? La seconde, est-ce que cela vous dirait de boire un verre ou de faire un tour de l’Observatoire pour discuter un peu plus ? C’est peut-être stupide, mais j’ai l’impression que le courant pourrait bien passer. » Les mots étaient sortis trop vite et elle réalisa soudain la double interprétation qui pouvait être faite de la dernière partie de sa phrase. « De manière totalement platonique, le courant qui passe…enfin…bref. » Du grand Maze Crawley tout craché, cela faisait longtemps qu’elle n’avait pas mis les pieds dans le plat. La subtilité n’avait jamais été son fort.

Cela faisait bien longtemps que Maze n’avait pas été prise d’une telle logorrhée. Ces derniers temps, elle s’était plutôt enfermée dans un silence pesant et elle ne répondait que très rarement aux sollicitations verbales de son entourage. En de rares occasions, elle essayait de se résoudre à faire le minimum syndical en matière de discussion. Aujourd’hui était bien la première fois depuis de longs mois qu’elle parvenait à faire abstraction de ses problèmes de manière efficace, qui plus est en faveur d’une discussion avec quelqu’un. Même si la discussion en question se résumait principalement à sa personne assaillant Diana de questions en tous genres. « Ca a quelque-chose de magique, oui. De magique et de particulier. » C’était certainement ce côté magique qui lui permettait justement de se créer comme une bulle de sécurité dans laquelle elle s’autorisait à retrouver la Maze qu’elle était avant. Diana s’intégrait par ailleurs parfaitement dans cette bulle en lui délivrant des faits concrets et des anecdotes qui l’intéressaient au plus haut point et lui permettaient un peu plus de partir dans des rêveries dignes d’un promeneur solitaire. Et elle n’avait peut-être pas encore complètement mis le doigt dessus mais Maze se rendait compte petit à petit qu’il était facile de discuter avec Diana. Elle était à l’écoute, prête à donner de son temps et à délivrer des informations ici et là et ce sans jamais la juger un seul instant. Le fait qu’elle ne soit pas au courant du passé de Maze combiné à ces différents aspects lui procurait une bouffée d’air dont elle avait bien besoin. C’était ce qui l’avait poussé à lui proposer de poursuivre leur discussion autour d’un verre. Le fait que ladite proposition ait été faite de manière plutôt maladroite n’était qu’une preuve supplémentaire, s’il en fallait une, que sa personnalité était en train de refaire surface. « Ca me va si on se tutoie. » Cela partait plutôt bien. Elle avait ensuite naïvement croisé les doigts intérieurement, espérant une réponse positive de la part de Diana concernant son invitation à boire un verre. Un refus ne l’aurait pas tuée, mais elle ne savait en général pas vraiment comment aborder ce genre de situations un peu gênantes. Ses lèvres se contenaient en général de murmurer un simple "Oh…ok."  Et puis elle s’éclipsait lentement, discrètement, essayant de se fondre dans le paysage et de faire croire au reste du monde qu’absolument rien ne s’était passé. Pendant longtemps, cela l’avait empêchée de prendre des initiatives et d’oser demander des choses aux gens qu’elle connaissait peu. Et puis elle avait fini par réaliser que ça ne servait à rien de se prendre la tête sur ce genre de petits tracas. Elle acceptait les refus à présent, mais elle ne les gérait pas au mieux pour autant. Un coin de son cerveau était déjà en train de carburer à plein régime pour trouver la manière la plus discrète de s’éclipser si jamais Diana venait à refuser sa proposition. La jeune femme n’avait pas mis bien longtemps à lui répondre, mais cela avait suffi à la britannique pour imaginer un scénario catastrophe. « Et je pense même qu’on peut faire une pierre, deux coups. Le café servi à la terrasse de l’Observatoire est vraiment pas mauvais, et pour y accéder il faut passer par la salle du télescope. Ca permettrait de discuter à la fois des étoiles et d’autre chose si tu préfères ne pas être inondée de vocabulaire farfelu et incompréhensible de ma part. » Les traits de son visage se détendirent immédiatement, venant lui faire réaliser par la même occasion qu’elle avait contracté les muscles de sa mâchoire dans l’attente de la réponse de Diana. Il allait vraiment falloir qu’elle travaille à prendre les choses un peu plus à la légère. S’en faire autant pour une histoire de verre à boire, c’était excessif. Elle n’était pas allée jusqu’à soupirer de soulagement, mais ça n’avait pas été très loin. A la place de ce soupir évité, un large sourire s’était affiché sur son visage. « C’est parfait, adjugé vendu pour la terrasse et le café pas mauvais ! » L’idée de passer par la salle du télescope l’enchantait tout particulièrement et ses yeux ne manqueraient pas de briller comme ceux d’une enfant quand elle serait face à celui-ci. « Sauf si tu me le demandes, dans ce cas promis je me ferais un plaisir de parler de choses qui n’ont aucun sens. » Elle hocha la tête d’un air très circonspect avant de se remettre à sourire, amusée. « Ce sera avec plaisir que je t’écouterai parler de choses qui n’ont aucun sens. Je trouve que c’est un passe-temps très sain ! » Et une petite part d’elle-même ne rigolait presque pas en disant cela. Après tout, elle n’était pas la dernière pour dire des choses qui ne faisaient pas sens, mais principalement parce qu’elle n’était pas toujours capable d’organiser ses pensées correctement pour que les mots qui s’échappaient de sa bouche veulent dire quelque chose. Là où cela devenait vraiment inquiétant, c’était les quelques fois où elle parvenait à se perdre elle-même dans le cheminement abstrait, brouillon et brumeux de ses pensées. Dans ces cas-là, le mieux était encore de lâcher l’affaire et de faire comme si rien ne s’était passé. Un peu comme quand elle devait faire face à un refus en somme. A croire que la stratégie de l’évitement et/ou de la fuite était sa solution à tout. Fort heureusement pour Maze, pour l’instant il n’était plus question de fuir mais plutôt de suivre Diana à travers l’Observatoire pour se rendre jusqu’à cette fameuse terrasse. Ironiquement, elle avait passé beaucoup de temps dans cet endroit mais ne s’était même jamais rendue compte qu’il disposait d’une terrasse et d’un café. Sa curiosité ne décroissait pas et en chemin elle tourna donc sa tête vers la jeune femme pour en apprendre un peu plus sur elle. « Et quand tu n’as pas l’esprit occupée par tout un tas d’étoiles, tu as d’autres passions qui occupent ton temps libre ? » Elle imaginait fort bien que le temps libre de Diana devait également être en partie rythmé par les astres, mais elle devait certainement avoir d’autres occupations. Peut-être partageraient-elles d’ailleurs certaines d’entre elles. Maze s’arrêta soudainement. Son regard venait d’être happé par l’imposant télescope dont elles avaient croisé le chemin. Levant la tête en l’air pour l’observer un instant, elle réalisa enfin qu’elle s’était arrêtée de manière brusque et sans prévenir. Elle reporta son attention vers Diana en lui adressant un sourire gêné. « Excuse-moi, ça me fait toujours cet effet-là quand je le redécouvre. C’est assez impressionnant. » Elle ne se rendait pas souvent dans la salle du télescope et elle restait d’autant plus stupéfaite à chaque fois qu’elle le revoyait. « Est-ce qu’on est censé voir quelque chose si on l’utilise en plein jour ? C’est peut-être une question bête…mais en tout cas je ne crois pas qu’elle appelle une réponse farfelue qui n’a aucun sens, c’est déjà ça ! » Son sourire s’étira un peu plus en faisant référence aux propos que Diana avait tenue quelques minutes auparavant. Avec toutes ces questions, Maze était partagée entre en apprendre plus sur la jeune femme et avoir enfin toutes les réponses à ses interrogations concernant les étoiles. Son choix n’était toujours pas fait entre ces deux possibilités. Présentement, elle avait opté pour jouer sur les deux tableaux qui l’intéressait d’ailleurs tout autant l’un que l’autre.

Elle avait beau passer de plus en plus de temps à l’Observatoire, à aucun moment elle ne s’était imaginée pouvoir faire une rencontre lors de l’une de ses sorties étoilées. Encore moins une rencontre à la fois intrigante et éducative qui lui divulguerait peut-être les secrets les mieux cachés des astres. A cette pensée, son esprit se mit instantanément à divaguer vers des sujets qui relevaient davantage de la fiction et du surnaturel que de la métaphysique. Les étoiles avaient-elles des choses à cacher ? Le gouvernement essayait-il de taire certaines vérités comme c’était le cas pour de nombreux autres sujets ? Les astrophysiciens avaient-ils déjà eu l’occasion d’observer une vie extraterrestre ? Avait-elle passé trop de temps à ressasser les détails de la Guerre des mondes et autres Men in black ? Très certainement. Et elle eut cette fois-ci la bonne idée de ne pas faire part de ses interrogations peu sérieuses à Diana. Elle ne comprenait pas à quel moment son cerveau se lançait dans ce genre de considérations, mais elle se demandait de plus en plus si elle ne ferait pas mieux de consulter un psy. Ou de passer moins de temps sur Netflix. « Ca me va, comme passe-temps sain. » Maze eut un léger hochement de tête accompagné d’un sourire comme pour sceller le destin de leurs futures conversations qui comporteraient à coup sûr des informations sans queue ni tête et d’autres qui la dépasseraient certainement. Mais, hormis les questions stupides concernant une possible vie extraterrestre caricaturale, Maze avait maintenant l’impression qu’elle pouvait poser ses questions en toute confiance à Diana, sans risquer d’être jugée ou dévisagée à cause de son manque de connaissances au sujet des étoiles. Son interlocutrice avait l’air avide de pouvoir répondre à ce genre de questions et de partager ce sujet qui la passionnait avec d’autres personnes. Et cela lui convenait comme programme. Mais elle souhaitait aussi en apprendre davantage sur Diana, qui devait avoir des passions annexes aux étoiles. Sa curiosité dû patienter quelques secondes supplémentaires lorsqu’un homme stoppa la jeune femme dans sa réponse. Un collègue certainement. Maze en profita pour se mettre quelque peu en retrait pour ne pas donner l’impression d’espionner leur conversation. De nombreuses années à s’éclipser subtilement de conversations professionnelles auxquelles elle n’avait pas envie de participer lui avaient permis d’être aujourd’hui plutôt douée dans l’art de se faire discrète avant de s’éclipser. Cette fois-ci, la discrétion était une nouvelle fois de mise pour la britannique, mais elle n’avait pas l’intention d’en profiter pour partir subrepticement en revanche. Heureusement pour elle, leur discussion ne dura pas suffisamment longtemps pour lui laisser l’occasion de se replonger dans de sombres questionnements sur des aliens. « Excuse moi pour ça. » Maze sourit, amusée par la politesse dont elle faisait preuve. Il était agréable de se retrouver en présence de quelqu’un qui portait autant de considération aux autres. «Y a pas de mal, c’est normal ! » Après tout, si quelqu’un se la jouait intrusion et incruste dans l’histoire, c’était bien elle. Et tout comme il était facilement envisageable que Diana croise des collègues de travail, il était tout aussi normal qu’elle discute avec eux. Les deux jeunes femmes reprirent leur chemin et la curiosité de Maze put enfin être satisfaite. « Mais oui, j’ai d’autres passions quand les étoiles me laissent un peu de répit. » Elle lui jeta un regard en biais en attendant la suite. Son sourire en coin et son œil attentif ne laissait planer aucun doute quant au fait qu’elle avait sincèrement envie d’en apprendre davantage à son sujet. « Je fais de la danse depuis toute petite en dehors, et je me suis mise au yoga depuis quelques mois. » Une légère moue impressionnée vint remplacer son sourire. Voilà bien deux activités qu’elle était elle-même incapable de pratiquer. Ou alors peut-être n’avait-elle tout simplement pas persévérer suffisamment par le passé mais elle était aujourd’hui persuadée qu’elle n’avait pas ce qu’il fallait pour cela. « J’ai un sens de l’équilibre qui laisse clairement à désirer et une souplesse inexistante alors laisse-moi te dire que je suis impressionnée. » Elle se souvenait de sa première et dernière séance de yoga. Elle avait tenu environ 10 minutes avant de finir sur les fesses à rigoler de manière gênée mais aussi incontrôlée. Inutile de préciser que l’instructrice lui avait plus ou moins poliment suggérer de quitter le cours pour s’essayer à une autre discipline. « Et quels genres de danses ? J’ai toujours rêvé de m’essayer à la danse de salon. » Notamment les danses latines. Mais elle avait aussi toujours eu envie de faire du tir à l’arc, de l’escalade, du violon et tout un tas d’autres activités sans aucun rapport les unes avec les autres. Pour l’instant, elle était parvenue à se fixer à la batterie et elle en était pleinement satisfaite. Et Anwar avait beau ne pas se gêner pour se moquer régulièrement d’elle durant leurs cours, elle voyait bien qu’elle progressait quand elle prenait la peine de s’entraîner sérieusement. Mais occasionnellement, en voyant des couples danser de manière acrobatique à la télévision, un petit bout de son cerveau lui soufflait qu’il n’était peut-être pas trop tard pour elle si elle s’y mettait maintenant. Et puis du temps pour s’entraîner et pratiquer des activités ça n’était pas vraiment ce dont elle manquait actuellement. La motivation en revanche avait tendance à lui faire cruellement défaut pour de nombreuses choses et elle craignait que des cours de danse n’en fassent les frais très rapidement. La nouvelle salle dans laquelle les deux jeunes femmes venaient d’entrer vint rapidement effacer tous ses questionnements pour laisser la place aux rêves mais aussi à de nouvelles interrogations. Cela faisait quoi…au moins 3 bonnes minutes qu’elle n’avait pas posé une question au sujet des étoiles à Diana, non ? Il était temps qu’elle se rattrape. « Je pourrais te répondre à cette question très facilement, c’est vrai… » Maze l’observa, sérieuse, attendant la suite de sa phrase. Prête à entendre la suite de cette phrase dans la foulée, elle ne s’attendait pas à ce que l’astrophysicienne fasse durer le suspense et quand elle se rendit compte que cela était bel et bien son intention, un sourire amusé vint remplacer sa mine concentrée. « Mais je peux surtout te montrer si tu veux. » Cela ne faisait plus aucun doute, la britannique se sentait à présent définitivement comme une enfant se réveillant le matin de son anniversaire ou le jour de Noël, prête et excitée à l’idée de tous les cadeaux à déballer qui l’attendaient. Elle suivit le regard de Diana et observa la porte qui menait au télescope. « Sérieusement ? » Elle n’était vraiment plus très loin de se mettre à sautiller sur place, emportée par l’enthousiasme qui l’envahissait de plus en plus. Ce qui lui plaisait le plus dans son ancien job était de pouvoir circuler dans les coulisses des concerts comme elle le voulait et sans avoir de comptes à rendre à qui que ce soit. Elle adorait voir le spectacle, mais elle aimait encore plus en découvrir le côté caché. Et c’était exactement ce que Diana lui proposait à présent. « C’est une occasion en or, peu de personnes ont accès à cette salle. » Elle retrouvait soudainement un sentiment oublié depuis de longs mois, celui qui ne manquait jamais de l’envahir à l’idée de découvrir quelque chose de nouveau et de caché au commun des mortels, un savant mélange entre de l’excitation et une joie enfantine. « Tu réalises que je suis à deux doigts de faire une syncope ? » Elle maîtrisait l’art de l’exagération comme personne. « J’ai vraiment l’impression que je m’apprête à découvrir un fabuleux trésor. » Et d’une certaine manière, ça n’était pas complètement faux. « Parce-que, oui, on peut voir quelque-chose même utilisé en plein jour. » Encore impressionnée par l’opportunité que Diana lui offrait, elle n’avait pas eu le réflexe de la suivre tout de suite, l’observant bêtement s’éloigner vers le graal. Au bout de quelques secondes, elle finit par marcher rapidement dans sa direction, soudain impatiente de voir ce qui l’attendait. « Je me sens un peu comme dans la peau de Benjamin Gates pour tout t’avouer. Ça te fait toujours ça dans ton travail ? Quand tu es sur le point de faire une nouvelle découverte ? » Prise dans le moment et emportée par l’excitation, elle ne s’était pas dit que la référence à Benjamin Gates n’était peut-être aussi internationale qu’elle l’imaginait et qu’il était probable qu’elle ne parle pas à tout le monde.

Maze ne se rendait pas compte qu’elle pouvait parfois passer pour quelque peu inquisitrice avec sa tendance à poser mille et une questions à la fois à ses interlocuteurs. Toutefois, son intérêt n’était jamais feint et elle cherchait à en apprendre plus sur Diana avec la plus grande sincérité du monde. « Presque toutes les danses de salon connues du grand public je pense, pour vrai. J’ai toujours fait des danses de couple en tous cas. » Maze hocha simplement la tête, songeuse. Elle était assez impressionnée qu’elle soit parvenue à conserver une un hobby comme la danse, qui devait être à la fois énergivore et chronophage en parallèle du métier qu’elle exerçait. Elle-même avait commencé puis arrêté de nombreuses activités à plusieurs reprises, ne trouvant jamais le temps ni l’assiduité nécessaires pour véritablement faire des progrès et se perfectionner dans un quelconque domaine. Mais depuis qu’elle prenait des cours de batterie, la roue semblait soudain tourner. Certains s’adonnaient à la boxe pour décompresser après une rude journée et la britannique avait découvert, à sa plus grande surprise, que taper sur des toms et autres grosses caisses était non seulement satisfaisant mais aussi parfaitement déstressant. A 30 ans passé, elle ne deviendrait certainement pas le nouveau prodige de la batterie mais elle avait néanmoins bon espoir de se tenir suffisamment longtemps à cette activité pour constater ses progrès, et cela suffit à étirer un peu plus son sourire déjà bien présent sur son visage depuis que Diana lui avait proposé une visite privée des coulisses de l’Observatoire. Elle tentait tant bien que mal de ne pas laisser son excitation transparaître à travers son comportement mais, comme à son habitude, elle n’était pas maître de tout ce qui passait la barrière de ses lèvres, aussi s’était-elle retrouvée à faire une référence à Benjamin Gates le plus naturellement du monde. « Je ne sais pas qui est Benjamin Gates, mais s’il découvre des trésors et qu’il est content du résultat, alors oui je suis un peu dans la peau de ce Benjamin tous les jours. » Maze avait tendance à oublier que tout le monde ne vouait pas comme elle un léger culte inexpliqué à Nicolas Cage. « Il vole la déclaration d’indépendance des Etats-Unis et kidnappe le Président la plupart du temps…mais au milieu de tout ça, oui, il trouve le temps de découvrir des trésors ! » Maintenant qu’elle disait ça à voix haute, elle songea qu’elle aurait certainement pu trouver une comparaison plus appropriée. Indiana Jones ? Lara Croft ? Est-ce que divaguer sur ce genre de sujets sans importance était la manière pour son cerveau de détourner son attention pour qu’elle évite de sautiller littéralement sur place à l’idée de ce que Diana s’apprêtait à lui faire découvrir ? Peut-être. Elles passèrent une première porte et Maze se sentit soudainement à la fois excitée mais aussi intimidée. « Fais juste en sorte de ne pas trop toucher à tout, il y a des paramètres mis en place indispensables au bon fonctionnement de la machine. » Les traits de son visage se firent un peu plus sérieux alors qu’elle hocha la tête pour répondre à cette demande. « Promis, je ne toucherai à rien, j’aurai trop peur de casser quelque chose. » Elle avait sa réputation de maladroite de service et casser ou dérégler quoique ce soit présentement l’aurait mortifiée. Et elle s’était si mal débrouillée avec une simple application pour téléphone que jamais elle n’oserait toucher à un quelconque bouton qui se présenterait à elle. Faisant preuve d’un silence presque religieux et qui ne lui ressemblait pas vraiment, elle passa la dernière porte que Diana venait d’ouvrir et s’arrêta presque instantanément en jetant un regard curieux autour d’elle. Cette fois-ci, elle était résolument impressionnée et les mots lui manquaient. Elle n’avait jamais eu l’occasion de voir ce télescope et, bien qu’elle s’attendait à ce qu’il soit grand, elle ne l’imaginait pas si imposant. Sans même qu’elle ne le réalise, elle s’était retrouvée bêtement immobile, la bouche ouverte sans qu’aucun mot ne s’en échappe. Il lui fallut de longues secondes avant de se remettre à parler, même si le mot qu’elle parvint à articuler n’était pas des plus éloquents : « Wow. » Elle avait presque murmuré cela, comme si parler trop fort pouvait dérégler un quelconque appareil et déranger la quiétude qui régnait autour d’elles. « Bienvenue dans l’autre monde. » L’autre monde, le terme lui paraissait parfaitement adéquat à cette pièce. Sans quitter le bout du télescope des yeux, elle sembla enfin retrouver la parole sans pour autant hausser le ton de sa voix pour autant : « C’est bête mais je me sens soudain…super apaisée. » Si on faisait abstraction du fait qu’un coin de son cerveau se concentrait toujours pour faire en sorte qu’elle ne casse rien autour d’elle. La brune parvint à reporter son attention sur Diana, un sourire à la fois candide et impressionné ne quittant plus ses lèvres. « Je crois qu’il ne m’en fallait pas plus pour être envieuse de ton travail. Tu viens souvent dans cette pièce ? » Pour le travail ou pour la tranquillité d’esprit qu’elle semblait apporter à quiconque passait sa porte. Si Maze avait pu travailler ici, elle aurait certainement passé un nombre incalculable d’heures dans cette salle, sans but particulier. Son regard fit quelques aller-retours curieux entre le télescope et Diana avant qu’elle n’ose enfin poser la question qui lui brûlait les lèvres depuis qu’elles étaient entrées : « Et donc…est-ce qu’on a le droit de…jeter un coup d’œil ? » Si elle ne touchait à rien et qu’elle se contentait de regarder dans le télescope…elle ne risquait pas de provoquer une catastrophe, n’est-ce pas ? Elle observa l’espace de la salle avec envie avant d’ajouter de manière distraite, sans même le réaliser : « Ça pourrait faire un endroit magique pour quelques répétitions de danse en comité restreint. » Pas de quoi faire de grandes acrobaties évidemment, mais l’idée lui plaisait bien. A croire que son côté Chargée de projet événementiel finissait toujours pas refaire surface malgré elle, à chercher des lieux atypiques pour des événements inoubliables.