(Amelyn #14) ► Cause I've been up all night looking at the big picture

CAUSE I'VE BEEN UP ALL NIGHT LOOKING AT THE BIG PICTURE

Amelyn #4
@RAELYN BLACKWELL & @Lola Wright

J’ai su dans la galerie qu’il y avait un problème à son air absent après le départ de Lola. Le pressentiment s’est confirmé alors qu’elle m’a paru préoccupée dans la voiture. Mais, quand elle a enfin ouvert la bouche, je n’ai pas de suite compris où elle voulait en venir, Raelyn. Certes, derrière son apparence anodine, la question avait l’air banale, mais je la connais, mon amante. Je peux lire dans son attitude lorsqu’elle est chiffonnée, contrariée et, plus utile encore, je repère avec aisance ses questions pièges. Ce qui m’est plus compliqué, en revanche, c’est de distinguer à quel niveau se situe l’attrape-souris. Est-il en lien avec la jalousie ? Avec l’un de mes comportements ? A priori, c’est l’attitude de Lola qui la travaille et, d’emblée, sans trop réfléchir, je me demande à quel moment j’en suis devenu le garant. J’apprécie la candeur de cette enfant. Je m’y attache parce qu’elle ressemble à ma princesse disparue tant dans ses passions que dans ses attitudes. J’ai souvent été surpris parce qu’elle partageait en points communs ou en tics de langage. Mais à aucun moment je n’ai été doté de la faculté d’entrer dans sa tête sous prétexte que nous avons l’après-midi à parcourir les rues de Kilcoy en quête de souvenir. Alors, je me défends comme je peux, espérant trouver les mots pour la rassurer. Un coup d’oeil dans sa direction m’a suffi pour comprendre que j’étais en train de rater le départ de la diligence. Elle n’est ni convaincue ni satisfaite et je me suis creusé les méninges pour appréhender toute l’étendue du problème.

J’ai soumis différentes hypothèses à mon jugement et au sien pour écoper de cette oeillade qui hurle : try again. Très bien ! Je ne veux plus participer ou provoquer la moindre querelle entre nous, pas encore, pas aujourd’hui alors que désamorcer les précédentes m’a fragilisé au point d’être obnubilé par l’envie de la retrouver le temps d’un baiser, d’une accolade et d’une étreinte dont seront témoins les murs de sa chambre. Je refuse de tout gâché alors j’ai sorti un lapin de mon chapeau et tout s’éclaire comme par magie. Elle redoute de ce que j’aurais pu confier à Lola durant nos têtes-à-têtes et ce qui, surtout, la concernait elle. Elle craint que le portrait que je brosse soit plus proche de la rumeur que la réalité, notre réalité. Elle peut apprivoiser l’idée que je cherche de l’aide auprès de ses pairs féminines, mais pas si j’avais à me plaindre d’elle et du spectre d’Aaron qui nous empêche parfois d’avoir avancer.« Elle a dit que j’avais été stupide et que tu méritais des excuses. » Ce qu’elle a déduit au sujet de ses peurs liés à la rapidité avec laquelle nous nous attachons l’un à l’autre avec la corde du noble sentiment n’avait pas vocation à camper Raelyn dans le rôle de la frileuse qui freine des quatre fers. Dès lors, je me suis tu. Je n’ai livré que l’essentiel, mais je m’interroge. Est-ce grave qu’une tierce personne, une qui ne serait apparentée au Club, apprennent notre liaison ? Aurait-elle préféré que mon entourage persiste à ignorer son existence de peur d’avoir à les rencontrer les un après les autre ? Le cas échéant, pourquoi serait-elle venue dans ce cas ?

Elle me perd et je quitte la route des yeux de plus en plus régulièrement, tant je suis intrigué par la future chute de cette conversation. Est-ce le moment où elle m’annonce que : exclusivité, c’est bien, mais liberté de couple, c’était sympa aussi ! Non, j’extrapole. A trop chercher d’explications, j’en noie mon bon sens « J’avais besoin de comprendre et je répète, j’ai parlé de moi surtout.» ai-je tout de même répété dans l’espoir d’être cru et de faire mouche cette fois. Sauf que le bât ne blesse l’âne au niveau de mes confidences. Je soupçonne même qu’elle utilise la négative par vanité, qu’elle n’ait à souffrir d’admettre qu’elle est flattée par la place qu’elle investit dans mon quotidien, place qui la positionne au coeur de mes conversations avec certains, à défaut de pouvoir le faire avec toi. Ce qui la dérange, c’est si je la peins avec le blanc de la glace ou à l’aide du rouge de la passion. « Je la connais aussi. Mais pas elle. Donc...» Elle perd son temps et son énergie si elle se tracasse de ce que Lola aura pensé d’elle. Et, par ailleurs, depuis quand c’est supposé l’ébranler. Raelyn, elle se moque de ce que les gens pensent. Elle choque avec plaisir le premier venu juste pour succomber au plaisir de les désarçonner de leur cheval d’assurance. « Je ne comprends pas bien où tu veux en venir. » Et c’est clair pourtant. C’est clair et, en tombant, la pièce a manqué de m’assomer par sa lourdeur. Ce sont mes a priori qui la chiffonne et alors que je stationne mon véhicule au pied de son immeuble, je coupe le moteur et j’entoure son visage de mes mains en coupe. « Je me fous de comment les autres t’appellent. Je me moque de ce que dise les rumeurs. Raelyn, je pense des tas de choses de toi, mais certainement pas que tu es une lâche qui a peur de t’engager. Si je l’avais pensé, je ne t’aurais pas demandé de m’accompagner ce soir. Et si tu l’avais été, tu aurais refusé. Mais, tu étais là alors que c’était important pour moi. Tu as été là. Tu es là ! » J’ai conclu par de légers baisers sur ses paupières, son nez et finalement sa bouche, quoique celui-là ait été habité.d’une émotion nouvelle et prolongé par ma volonté de la rassurer. Je l’ai serré dans mes bras, très forts et j’ai souligné : «Et je t’en remercie. Allez, viens. Restons pas là. »

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i was there, caught up in a dream, running after a new reality.

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J’utilise la phrase de la jeune artiste comme angle d’attaque, il n’y a rien de surprenant à ce qu’il suppose que le problème vienne d’elle, du fait qu’il se soit confié à elle ou de ce qu’elle pense. Il n’en est rien pourtant, puisque je me découvre à l’aise à l’idée qu’il parle de moi à ses proches, qu’il parle de nous et de notre relation, plus que je ne l’aurais imaginé. Non, le souci ne vient pas du fait qu’il ait pu le faire, ni de ce qu’il a dit, mais plutôt de ce que cela reflète, de ce que cela traduit de la vision qu’il a de moi et je me demande : est-ce qu’en projetant ce soir de m’engager un peu plus avec lui j’arrive plusieurs semaines trop tard ? Est-ce qu’il me regardera d’un air désolé ou avec pitié en me disant ”désolé Raelyn, mais t’as raté le train, je pensais que tu le savais” et me dira qu’avec moi il préfère s’amuser jusqu’à la trouver, cette femme qui s’engagera avec lui entièrement et sans craintes ? Je me répète que si c’était le cas il ne m’aurait pas demandé de l’accompagner ce soir, mais je ne parviendrais à m’en convaincre que lorsqu’il m’aura rassurée, j’en ai peur. « Elle a dit que j’avais été stupide et que tu méritais des excuses. » J’esquisse un demi sourire en secouant la tête. Il s’est excusé, dois-je comprendre qu’il l’a fait juste après ? Etait-ce sincère ? Je tranche en faveur du oui, ça l’était tant le moment m’avait chamboulée. « J’avais besoin de comprendre et je répète, j’ai parlé de moi surtout. » Je secoue la tête doucement. Il ne comprend pas, ce n’est pas ça la question et ce n’est pas là le problème. « Non je… Je t’en veux pas de t’être confié... » Je ne lui en veux pas du tout en fait. J’ai peur et j’appréhende plus ce que cela peut traduire nous concernant.
« Je la connais aussi. Mais pas elle. Donc… Je ne comprends pas bien où tu veux en venir. » Je me fiche de ce qu’elle pense de moi et il le sait : je ne suis pas de celles qui se préoccupent de l’avis d’autrui, je préfère être remarquée, critiquée et même haïe qu’ignorée, mais comme pour la plupart des règles qui me régissent, il est l’exception. Ce qu’il pense compte. La façon dont il me voit compte et si je déteste ce constat, l’idée même de n’être qu’une distraction à ses yeux, de le devenir par la force des choses parce qu’ils serait las d’attendre que je sois prête, elle m’a paralysée tout à l’heure.

Il comprends et, les yeux accrochés aux siens j’attends désespérément une réponse, j’attends qu’il balaye et doute et, alors qu’il s’approche doucement pour glisser ses doigts de part et d’autre de mon visage, j’en le sentiment que les battements de mon coeur s’arrêtent. « Je me fous de comment les autres t’appellent. Je me moque de ce que dise les rumeurs. Raelyn, je pense des tas de choses de toi, mais certainement pas que tu es une lâche qui a peur de t’engager. Si je l’avais pensé, je ne t’aurais pas demandé de m’accompagner ce soir. Et si tu l’avais été, tu aurais refusé. Mais, tu étais là alors que c’était important pour moi. Tu as été là. Tu es là ! » Ses lèvres se posent sur mon front, sur mon visage avant de rejoindre les miennes. Dans ses bras, j’ai maudis cette fragilité qui ne me ressemble pas en enfouissant mon visage dans sa nuque. Je n’ai rien dit puisque mon corps à lui seul hurlait ma reconnaissance, et j’ai simplement hoché la tête lorsqu’il nous a séparé en m’invitant à sortir de la voiture. « Et je t’en remercie. Allez, viens. Restons pas là. » A mon tour j’ouvre ma portière pour sortir de la voiture et, alors qu’il me rejointe sur le trottoir, je me blottis contre son torse.

Je ne me détache qu’une fois dans l’appartement, laissant ma main glissant sur son bras et son avant bras, mes doigts caresser les siens avant de m’éloigner. « J’ai besoin d’un verre. » Après cette soirée, après ce trop plein d’émotion dans la voiture, mais surtout parce que je suis stressée, fébrile, que mon estomac est retournée et que l’extrémité de mes doigts me picote face à ce que j’ai envie et besoin de lui dire. Je divorce de son torse pour me diriger vers le bar et sortir deux verres que je remplis d’une dose généreuse de scotch, avant de les déposer sur la table basse du salon et de m’installer à ses côté sur le sofa, la tête posée sur son épaule, et mes doigts qui cherchent son torse, qui caressent, qui l’enlacent et qui s’accrochent. Je ne décolle qu’une main pour attraper mon verre et boire quelques gorgée de courage liquide avant de planter mes yeux dans les siens. « Ok. Tu me laisse parler, d’accord ? Tu me coupe pas, tu me dis ce que t’en penses quand j’ai fini. » Parce qu’il a beau me penser dénuée de toute lâcheté, je ne sais pas si j’arriverais à aller jusqu’au bout s’il me coupe. « Je veux le tout. Je sais que j’ai dit que je me foutais des étiquettes et je sais que je donne l’impression d’avoir le mot couple en horreur mais c’est ce qu’on est, ce qu’on donne l’impression d’être à tout le monde, et ce que j’ai envie qu’on soit. » Je repose mon verre sur la table avant de glisser mes pieds hors de mes escarpins et de m’installer en tailleur en tournant mon corps dans sa direction. « Et je dis pas ça à cause de ce qu’elle a dit. » La jeune artiste. « Ou de ce que j’ai cru qu’elle avait sous entendu. » Autrement dit, je ne le fais pas parce que je me sens au pied du mur, parce que j’ai le sentiment que c’est ça ou le perdre. « Je voulais te le dire au restaurant, mais sur le coup ça m’a pas semblé être le bon moment. » Parce qu’il y a eu la discussion Lola, qu’il a été maladroit et que j’ai été excessive, possessive et jalouse. Parce que qu’il a suffit de ça pour que je prenne peur et que je recule.

J’ai envie de rajouter « Mais si t’en veux plus de cette étiquette alors c’est pas grave, on peut continuer comme ça » sauf que ça ne vient pas, parce que c’est faux, parce que je tremble à l’idée qu’il puisse me rejeter alors que je suis à nu.

« C’est bon, j’ai fini là, tu peux parler. »

Parce qu’il a exaucé mon voeux et qu’il m’a écoutée en silence, mais qu’à présent j’ai l’impression que mon coeur va s’arracher de ma poitrine.

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Amelyn #4
@RAELYN BLACKWELL & @"Lola Wright"

Je ne suis pas de ceux qui souffrent d’un besoin irrépressible de confier aux premiers amis qui frapperaient à sa porte l’ampleur de ses inquiétudes. De manière générale, à moins d’être complètement désœuvré devant une situation, je garde pour moi mes emmerdes et je sélectionne selon des critères précis lequel des donneurs de leçons j’engagerai pour gagner un conseil. En soi, requérir auprès de Lola quelques commentaires au sujet de ma dispute avec Raelyn était un inédit. Je l’ai choisie parce que, sous ses airs d’enfant, elle a parfois des sursauts de femme accomplie. Ils sont rares, mais j’en ai fait l’expérience lorsqu’il fut question de mes problèmes d’alcool et sa perspicacité m’ayant sauté aux yeux, je l’ai jugé à même de m’éclairer sur mes erreurs, pas sur ce qu’est ou sur ce que représente ma passagère. Ai-je mal fait ? Est-ce interdit ? Dois-je en déduire que jamais elle ne parle de moi ? Que je suis son sale petit secret ? Celui qu’on cache parce que ses proches me méprisent ? Je tique un peu quand elle cherche à me rassurer et, quittant la route des yeux, je la détaille, plus vindicatif. « Tu ne le fais jamais ? Ou en tout cas, tu n’as jamais eu envie de le faire ? D’avoir un avis extérieur parce que tu ne sais pas comment réagir face à mes réactions ? » Le cas échéant, je sais qu’elle n’est pas entourée ou, pour demeurer au plus proche de mon jugement, bien trop mal que pour trouver du soutien auprès des Strange. Sauf que ce n’est pas tant ce qui me chagrine. Je n’ai pas envie d’être celui dont elle a honte, celui qui ne serait pas assez bien pour elle, celui pour lequel elle accepte de mettre un pied dans son monde mais qui restera toujours à l’écart du sien ou vu par ce dernier comme un intrus. Je n’ai pas envie d’avoir à attendre son autorisation pour offrir du corps à ce qui se joue sous ses yeux, mais qu’elle refuse d’empoigner à pleines mains. Certes, elle refuse l’étiquette, mais nous sommes plus proches du couple que de l’aventure sexuelle. Regretterait-elle d’être venue ce soir ? A-t-elle pris la mesure de son geste ? A-t-elle réalisé que c’était digne d’un engagement, raison pour laquelle j’ai enfilé des gants jusqu’au coude pour, non pas l’inviter, mais lui proposer de m’accompagner ? Ai-je raison de la rassurer en répétant ce que j’ai au préalable préparé pour l’avoir pressenti ? Cette réputation, qui lui colle à la peau, est à des kilomètres de celle que je fréquente et je l’exprime. Je le lui déclame dans la voiture, avec douceur et avec l’espoir de ne pas gâcher notre soirée, d’éteindre, je l’avoue, mes propres appréhensions ou le tout à la fois.

De la rotonde de son immeuble à son appartement, j’ai pris soin de ne pas l’étouffer en la gardant près de moi. J’ai bien joué avec ses doigts, mais à bien y réfléchir, je pense qu’il m’est resté en travers de la gorge l’impression d’avoir été accusé à tort d’un délit que je n’aurais pas commis. Je suis mal à l’aise également. Je suis désappointé de me persuader que j’ai été trop vite pour elle et que nous préparons un remake de notre précédente querelle. Elle ne nous a pas abîmé cette fois-ci. Toutefois, je ne me vanterai pas d’être patient si, d’aventures, elle rejetait avec force et entêtement tout ce qui nous apparente aux autres couples. J’ai bien compris que l’idée d’en approcher l’effrayait. Son passé tient sans doute lieu de bonnes raisons et, dans l’absolu, je ne suis pas pressé de lui épingler un écusson sur le front. Je ne l’ai revendiqué qu’à la faveur de ma détresse quand, au milieu de la ruelle adjacente au Club, j’ai cru qu’elle m’évinçait peu à peu de son quotidien. La manœuvre relevait moins de la nécessité que du besoin d’être rassuré. La preuve étant, je n’ai pas empoché la mise, mais je suis là. Je l’intègre à mon monde et je n’hésite pas à l’appeler à l’aide lorsque je crains de me débaucher d’une promesse à autrui. Ceci étant, tandis qu’elle nous sert deux verres, alors que je la découvre plus fragile qu’à l’accoutumée, je me prépare doucement à la sombre hypothèse que sa nervosité découle de ce qu’elle n’en pas finit de protester. Dois-je dès lors préciser que l’entame, malgré sa tête posée sur mon épaule, m’a sensiblement déplu ? Dois-je ajouter qu’être muselé sans savoir de ce qu’il en retourne fut pour moi un exercice de force ? Est-il utile de préciser que je me suis vu, en songe, me lever, la saluer, lui souhaiter le meilleur et prendre mes jambes à mon cou de peur d’être assommé sans être en mesure de le dissimuler ? Sans mes précédents serments, je me serais exécuté.

Au lieu de ça, j’obtempère, j’écoute, serrant mon verre entre mes doigts jusqu’à ce qu’en blanchisse mes phalanges. J’écoute et, d’emblée, aux premiers mots – je veux tout - mes muscles se sont détendus. Quant à la suite, elle m’a conquis, elle a imposé à mon cœur le rythme irrégulier d’une musique contemporaine aux accents à contre-temps. Force est d’admettre qu’il y a du bon dans la communication : elle s’assure de taire toutes protestations pessimistes avant que je n’aie le temps d’y songer et moi, je fonds. Je fonds devant sa délicatesse, devant cette déclaration, devant cette détresse, concrète, qui n’a pourtant pas lieu d’être. Je suis à sa cause acquise depuis un moment déjà et n’aurais-je pas envisagé de ce que ce jour viendrait que j’en serais resté coi. Là, si je suis ébahi, je ne me sens pris au dépourvu que par le poids de ma bêtise et, machinalement, lorsqu’elle m’a tendu le bâton de paroles, j’ai déposé mon verre vide – je l’ai avalé d’une traite pour puiser dans le scoth assez de bravoure pour ne pas fuir la conversation – et je l’ai enlacée, embrassée, tendrement. Je l’ai serrée tout contre moi et, tout contre ses lèvres, afin de figer le geste dans le marbre, j’ai soufflé contre ses lèvres que : « C’est ce qu’on est, oui. Et, que tu en aies envie de changer par grand-chose à ce qu’on est, mais ça compte pour moi. » Parce que je ne veux pas me lancer dans une gageure. Je ne veux pas d’une relation à sens unique qui débouchera sur un cul de sac. « Je veux tout, moi aussi. » ai-je donc conclu en offrant à mon regard, d’un peu de distance, le loisir de lui dicter toute preuve de ma sincérité.

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Je le rassure mais sans verser dans l’hypocrisie et le mensonge : il me connait assez pour savoir que, même sous prétexte de couvrir quelqu’un de douceur ou de ne pas le vexer, ce n’est pa mon genre. Mon honnêteté est parfois tant exacerbée qu’elle en est blessant et si avec lui il m’arrive de réfléchir à un peu plus avant de parler, je ne joue ni ne mens. C’est vrai que cela ne me dérange pas qu’il ait cherché conseil auprès de la jeune Lola, même si j’aurais préféré qu’il vienne me trouver moi et me pose la question sans détour : ”pourquoi as-tu si mal pris que je parte ?” J’ai du mal à concevoir l’envie ou le besoin d’incruster une tierce personne dans une danse qui, à mes yeux yeux, ne se danse qu’à deux. Ce besoin d’exclusivité et de m’entourer que de lui, s’il est exagéré depuis que je le fréquente, il n’est pas inédit et j’ai toujours eu le besoin de garder pour moi ce que je chéris, comme si toute personne n’étant pas nous était forcément contre nous. J’ai du mal à le concevoir, mais je ne juge ni de m’offusque qu’il ait ressenti le besoin de le faire. « Tu ne le fais jamais ? Ou en tout cas, tu n’as jamais eu envie de le faire ? D’avoir un avis extérieur parce que tu ne sais pas comment réagir face à mes réactions ? » Je l’observe quelques secondes, me demandant si répondre par la négative nous abîmera, s’il verra ça comme une preuve de désintérêt - ça n’en est pas une - que je ne prends qu’à la légère nos problème, ou s’il comprendra simplement que je fonctionne d’une façon parfois différente à la sienne ? Je tranche pour un entre deux et me contente d’esquisser un sourire timide, qui ne pourra s’élargir tant qu’il ne m’aura pas rassurée. « Celui de qui ? » Je pointe du doigt l’évidence : même si j’en ressentais le besoin je n’aurais personne à qui me tourner pour me confier sur notre dynamique à deux. Mitchell est un allié plus qu’un ami, et si Alec s’ouvre à moi la réciproque est plus compliqué. Avant Amos et depuis des années mes rapports humains étaient d’une superficialité qu’il devine peut-être, mais réalise-t-il à quel point ?

Il me rassure, il me prend dans les bras et mes doutes s’envolent. Le poid qui m'étouffe se soulève et je respire à nouveau, mais il ne disparaît pas complètement tant j’appréhende la conversation que j’ai pourtant envie et besoin d’amorcer. Cette soirée, ces quelques minutes passées en public accrochée à son bras, c’était agréable et le mot est faible. C’est ce dont j’ai envie, souvent, régulièrement, qu’on soit en public ou qu’on soit à l’abri des regards. Il le voulait lui aussi, après notre altercation basée sur plus de malentendus que de faits, il ne s’est pas caché que c’était ce dont il avait besoin pour croire en nous. Alors est-ce que j’arrive trop tard ? Est-ce que j’ai manqué le train de quelques jours et qu’il n’y a pas de suivant. Je suis fébrile quand je sers nos verres, je suis fébrile quand je trempe mes lèvres dans le miens pour me donner du courage et, surtout, je suis fébrile alors que je me jette à l’eau. Pourquoi, rien de tout ça n’égale l’attente qui vient après, qui ne dure que quelques secondes mais qui me semble être une éternité, une pendant laquelle j’écris dans ma tête le script d’un film catastrophe, ou d’un drame des temps modernes. Mais il m’attire à lui il m’attrape par les hanches et, assise en taille je me laisse faire, il m’enlace, il m’embrasse et avant qu’il ne confirme que c’est toujours ce dont il a envie je me sens plus légère. Parce que si la communication a souvent été une faiblesse chez nous, si je suis heureuse qu’il l’ait compris et qu’il réfrène parfois ses pulsions, celles qui lui soufflent de se lever et de partir plutôt que de chercher à comprendre, cette fois ci je n’ai pas besoin qu’il parle pour comprendre. Pour comprendre que les choses sont en train de changer, même s’il ne s’agit que d’étiquette et qu’au final, nous nous la sommes collées sur le front sans l’avouer depuis plusieurs semaines. « C’est ce qu’on est, oui. Et, que tu en aies envie ne change pas grand-chose à ce qu’on est, mais ça compte pour moi. » Le front collé contre le sien je ferme les yeux et j’y puise une quiétude qui a manqué à cette soirée. « Je veux tout, moi aussi. » Il veut tout, et je l’embrasse à mon tour. Il veut tout et alors que je décroise mes jambes il attrape mes hanches m’attire à lui et moi, je les referme autour de sa taille.

Ça ne change pas grand chose, pourtant je jugerais que nos baisers ont un goût différent. Ça ne change pas grand chose pourtant ses caresses le sont, où me semblent différentes. Ça ne change pas grand chose pourtant quand vient l’heure pour nos corps de s’épouser, moi, je me sens différente.

RP terminé

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