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{mamy blue}
crédit/ (tumblr) ✰ w/ @Nicholas Hurley

La panique n'était pas un état que maîtrisait Josephine. Elle se considérait beaucoup trop bien pour se laisser dicter ses émotions par une situation précise, s'obstinant à se voir comme la seule et unique maîtresse de tout ce qui s'échappait de son corps aux courbes semblables à celles d'un sablier. Même les mauvaises d'ailleurs – surtout les mauvaises en vérité –, c'était dire à quel point elle était imbue d'elle-même pour couver la certitude que tout ce qui venait de sa petite personne valait la peine, et qu'importe qu'on puisse penser le contraire tant qu'elle, elle le savait. Pourtant à cet instant-là, quelque chose gonflait dans sa poitrine, et ça n'avait rien à voir avec le venin qu'elle crachait continuellement sur celui qui la tâtait de trop près. Non, la panique, la vraie s'emparait d'elle. Elle le sentait, elle détestait ça. Et pire encore que cette sensation inédite pour elle, c'était l'idée qu'elle ne la maîtrisait pas. Trop vite, ça partait et ça venait comme des coups assénés par un être invisible. Il prenait un certain plaisir à la martyriser, agissant toujours plus fort, prêt à la faire tomber.
A cette idée, en bonne adversaire qui préférait mourir que laisser l'avantage à quiconque, elle se cramponna fermement, et à deux mains, au bord de la table de la cuisine. Elle ferma les yeux, se sommant de pendre les choses avec calme. Mais sa respiration devenait douloureuse chaque fois qu'elle inspirait, et elle se sentit vaciller sous la multitude de fourmillements qui se répandaient dans chaque parcelle de son corps tendu avec une raideur telle, que le bas de ses reins devint atrocement douloureux. Lourdement, défaite, elle se laissa tomber sur la chaise située juste à sa droite, essayant de se faire à la réalisation qui s'était imposée à elle quelques secondes plus tôt alors qu'elle déambulait fougueusement dans chaque pièce de la maison. Jo s'était arrêtée, ses grands yeux bruns ouverts en grands tandis qu'elle comprenait que Nana avait disparue.
"Putain, putain, putain, putain,…" répéta-t-elle en s'accoudant au bord de la table en trépignant dessous et en inspirant, puis en expirant, comme un bœuf. Elle était rentrée des courses à l'heure de la sieste de Nana avec la ferme intention de profiter du reste de son après-midi avec elle. Sans rien faire de mirobolant au demeurant, juste à rester assise sur la pergola à admirer les premiers signes de l'arrivée de l'automne tout en fredonnant une mélodie au hasard pour accompagner les pensées encombrées de sa grand-mère, et qui sait, pour faire le point sur les siennes par la même occasion. Elle s'y était préparée, échauffant sa voix suave en hurlant comme une poissonnière sur des gamins qui s'étaient élancés sur son chemin, lui barrant la route en éclatant de rire lorsqu'elle l'avait rebroussé pour rentrer. Ses sacs en papier dans les bras débordant de provisions pour les prochains jours, elle avait eu hâte… pour, une fois au bercail, découvrir la maisonnée vide.
Ava était restée introuvable, et ce malgré la maison qui ne jouissait pas de dimensions vertigineuses, s'offrant tout juste le confort pour une femme qui avait bien vécue et gagnée sa vie. Josephine avait parcouru l'étage avec fébrilité, appelant au hasard en espérant la trouver en bonne santé dans sa chambre, allongée sur le lit qu'elle faisait tous les matins avec la régularité d'un métronome, dormant toujours à la même place depuis toujours, laissant l'autre côté du lit vide – la place que son époux avait négligé en s'en allant pour un monde meilleur, du moins, elle l'avait toujours espéré. Mais en poussant la porte de sa chambre, sa petite-fille ne l'avait pas trouvée.

Maintenant elle se demandait où elle avait pu s'enfuir en s'en voulant dans le fond d'avoir été assez stupide pour l'avoir laissée seule encore une fois "Putain !" grogna-t-elle en se levant et en retrouvant toute sa hargne coutumière. Elle fit racler les pieds de la chaise sur le sol en vieux marbre de la pièce, puis fit volte-face pour reprendre le contrôle de la situation. Jo laissa en désordre les courses qu'elle avait largué sur le plan de travail pour mieux aller dévaler les trois petites marches qui séparaient la cuisine du reste de la maison, et s'échappa par la porte de derrière. La moustiquaire claqua sous sa fureur, mais elle n'y fit pas attention.
Elle déboula dans le quartier avec la grâce d'un camionneur en talons plats, dépassant les angles de la rue en faisant balancer ses bras qu'elle sentit réagir à la fraîcheur environnante. Quand enfin, elle s'engagea dans le parterre de fleurs de la maison d'à côté. Celle d'Esmée Hurley. Elle alla tambouriner à toute zingue à la porte, et ce sans se soucier de déranger les habitudes de ses voisins. Boom, boom, boom… les coups qu'elle asséna contre le battant de la porte faisaient écho aux battements douloureux de son cœur dans sa poitrine. Ce dernier manqua un battement quand la porte s'ouvrit, et que le visage de Prick perça à peine dans le contre-jour.
"Ouais, Nana est là ?" fit-elle sans plus de cérémonie, oubliant de le saluer. Immédiatement, elle tendit le cou pour fureter à l'intérieur de la maison qu'elle connaissait... mais elle ne voyait rien. Ça l'agaça, aussi elle fit claquer sa langue contre son palais. Et puis n'y tenant plus, ce fût d'un geste de la main qu'elle poussa le jeune homme, et posa le pied dans le vestibule pour marcher jusqu'à l'endroit reculé du petit salon cossue dans lequel ils avaient l'habitude de jouer au bridge… et qui, constata-t-elle avec un nouveau sentiment de panique une fois qu'elle s'y engouffra, était inoccupé "Putain." ragea-t-elle à nouveau, et définitivement, elle la sentit prendre ses quartiers, la panique "OK, euh… elle a disparue." informa-t-elle Nicky en ne trouvant rien d'autre à dire, et à faire d'ailleurs, si ce n'était suivre la longueur de la queue de cheval mal fixée qui rassemblait tous ses cheveux pendant qu'elle essayait de faire bonne figure, et de ne pas laisser exploser la colère qu'elle ressentait vis-à-vis d'elle-même "Tu sais pas si elles avaient prévu quelque chose avec Esmée ? Elle est ici d'ailleurs, ta grand-mère ? Tu fais quoi là, t'es occupé ou quoi ?" l'interrogea-t-elle en s'approchant de lui, envahissant son espace personnel pour ne pas lui laisser d'autre choix que de répondre à ses questions.

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crédit/ (johnnysilverhand/tumblr) ✰ w/ @jo carter

La vie au 422 Carmody Road est fait de petits plaisirs simples, tu en es persuadé. Ni toi, ni Esmée n’êtes fan des complications et au fil des années, vous avez su établir des habitudes et une routine que vous suivez toujours. On te demande souvent si ce n’est pas éreintant ou au contraire très ennuyeux de vivre avec ta grand-mère. Les gens s’imaginent sans doute que tu cales ton rythme de vie sur les besoins d’Esmée et les difficultés liées à son grand âge mais c’est tout le contraire. Vous avez le même rythme et prendre du recul sur toute la folie qui se trouve au dehors et tout simplement respirer ne t’a jamais dérangé. Surtout lors d’une semaine comme celle-ci, aucun mariage prévu pour le week-end et pour les prochains jours, les répétitions de 15 possible girlfriends se font donc de moins en moins régulières et tu es libre de trainer chez toi.
Pull en laine autour du cou et sur les épaules, pantalon en coton sur les hanches, une chaussette rouge sur le pied droit et une chaussette jaune sur l’autre. Aucune raison de quitter votre demeure c’est certain et pendant la matinée, tu laisses Esmée te faire la lecture du journal du jour, presque délecté d’entendre des nouvelles d’une vie que tu ne côtoies pas vraiment, tandis que tu noircis les marges du livre que tu as sur les genoux. Une habitude que tu as depuis longtemps, tu fais semblant de lire mais ce n’est pas vraiment le cas, ce n'est plus le cas du moins. Tu piques les mots des autres pour mieux écrire les tiens. Et il faut littéralement lire entre les lignes pour te comprendre parfois. Peu peuvent vraiment te comprendre et tu ne laisses pas beaucoup de personnes essayer. A quoi bon pas vrai ? Les heures sont tout aussi paisibles et légères et après un très léger repas, Esmée se remet de nouveau derrière les fourneaux, tandis que tu t’installes, en tailleurs en plein milieu du salon, changeant les cordes d’un de tes violons.
L’opération est plutôt longue, un brin frustrant selon certains, mais tu te contentes de grimacer, redoublant d’effort tandis que de la cuisine les odeurs de sucre et de pâte brisée te parviennent. Tu ne sais pas ce qu’Esmée prépare, tu ne sais jamais, tu es un bien piètre cuisiner à côté d’elle, elle a bien essayé de t’apprendre mais tu fais souvent dans la simplicité quand il s’agit de te remplir l’estomac, n’ayant la patience pour rien. Sauf quand il s’agit de préparer un chocolat chaud, tu proclames même être un expert dans la matière et tu prends très au sérieux le ratio entre les marshmallows et le nombre de cuillère de chocolat. Pour l’heure, tu es occupé et c’est un autre sourire, encore plus lumineux que les précédents, qui trouve ton visage quand ta tâche du jour semble terminée. L’instrument trouve ton épaule et l’archet ta main droite et tu testes les cordes, les yeux fermés, concentré pour retrouver un son familier.
Bien entendu, cela ne sera pas pareil, pas maintenant que tu viens de changer les cordes. Mais le son ne ressemblera définitivement pas à ça, voilà ce que tu te dis quand on tape à la porte, porte que tu fixes pendant quelques secondes de trop, persuadé que vous n’attendez personne. Tu reposes tout de même ton instrument sur le sol, fais un effort pour te relever et ouvres la porte à ce nouveau visiteur. Ce visiteur qui pourrait tout aussi bien être une tornade que l’effet serait similaire. Tu recules, reconnais Joséphine, Le Bourreau et son regard accusateur et sa voix un peu trop forte. "Jo ?" Et le ton est fort, beaucoup plus que d’habitude, les mots cruels et froids et tu considères un retrait stratégique jusqu’à ta chambre, elle est bien la dernière personne que tu veux voir maintenant, tu te sens toujours coupable depuis votre dernière interaction, mais la brune ne te lâche pas du regard, continue de t’interroger. "Qui a disparu, de qui tu parles … ?" Ce qu’elle dit ne fait absolument pas de sens et il te faut plusieurs secondes avant de tout connecter, d’enregistrer sa panique, là, mêlée à la colère et l’agacement qui sont toujours présents sur son visage.
"Joséphine ! Tu parles d’Ava ?" Ta voix n’est plus timide ou cachée, non tu lui poses la question directement, remué par quelque chose d’autre, ta gêne naturelle rangée au placard. Elle n’a pas besoin de répondre, tu comprends automatiquement et ton propre cœur fait une propre embardée en réalisant ce qui se passe. "Esmée ! Vous aviez quelque chose de prévu avec Ava aujourd’hui … ?" Tu t’apprêtes à aller jusqu’à la cuisine pour poser la question directement à ton aîné mais Esmée t’a devancé, vous fixant dans l’embrasure de la porte de la cuisine. L’autre Hurley fronce les sourcils avant de t’indiquer non d’un simple hochement de tête. Non, Ava n’est pas là, vous n’avez pas vu les Carter aujourd’hui et tu l’aurais su si Ava et Joséphine devaient vous rendre visite. "C’est bien ce que je pensais." Tu prends la décision rapidement et t’empares aussitôt de ton téléphone portable que tu mets dans la poche de ton pantalon. Tu attrapes la main de Joséphine ensuite, sans vraiment le lui demander ou lui laisser le choix. Très franchement, vous n’avez pas le temps pour ça, Ava n’est pas là où elle devrait être et si quelqu’un peut comprendre toute la gravité de la situation, c’est toi. "Okay, okay… Esmée reste près du téléphone s’il te plaît et referme la porte derrière nous, okay ? Je suis sérieux." Ton ton est sans appel et tu t’empares ensuite des clefs de ton van, vous guidant rapidement hors de l’appartement.
Tu es rassuré d’entendre Esmée refermer la porte derrière vous et tu ouvres le véhicule à distance sans perdre plus de temps, certain que Joséphine comprendra le message. Tu t’installes du côté conducteur et boucles ta ceinture avec cette même urgence et c’est avant d’enclencher le moteur que tu te tournes de nouveau vers la brune. "Tu l’as laissée seule combien de temps ? Je veux dire… elle n’a pas pu aller bien loin. Où est-ce que vous allez quand vous sortez en général ? Elle aurait pu… je ne sais pas vouloir s’y rendre toute seule…" Ava, Esmée, elles ont toutes leurs petites habitudes, quoi de plus normal pour Ava Carter que de vouloir reproduire les mêmes gestes et effectuer les mêmes trajets… Seule cette fois-ci. Non, tu n’es pas rassuré à l’idée de savoir que ta voisine est potentiellement seule et perdue dans Brisbane, mais vous allez la trouver, songes-tu avec une détermination certaine, démarrant ton van. "On va commencer par faire le tour du pâté de maisons, déjà." Tu t’efforces d’être logique au possible car Ava n’a pas pu aller loin, et paniquer n’aidera pas Joséphine, c’est certain.

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crédit/ (tumblr) ✰ w/ @Nicholas Hurley

Josephine n'avait jamais vraiment songé à l'instant où Ava était devenue importante pour elle. Néanmoins, elle conservait de précieux souvenirs de son enfance où cette femme, petite mais charismatique, aux lèvres toujours peintes en rouge carmin, l'impressionnait beaucoup. Elle ne leur rendait visite que quelques fois dans l’année, à son fils et son épouse, laissant derrière elle l'amour de sa vie, son mari, que Jo avait moins connu qu'elle, mais qui représentait un idéal inconscient cultivé par les éloges incessants que lui faisait sa veuve encore aujourd'hui ; car malgré la mémoire qui flanchait, les sentiments, eux, résistaient, tellement forts qu'ils se dressaient en rempart solide contre cette maladie qui l'affaiblissait chaque jour un peu plus. Toujours est-il qu'à l'époque, Ava vivait loin, trop loin pour que sa petite-fille puisse ne serait-ce qu'imaginer qu'elle pense à elle dans ce coin reculé de la planète où les buildings chatouillaient les étoiles pour les faire briller plus fort, mais aussi où tout paraissait plus grand, surréel : New York.
Et pourtant, elle ne ratait pas un seul de ses anniversaires, si bien que sitôt qu'elle ouvrait les yeux les matins du troisième jour de novembre, elle n'avait qu'une hâte : aller réceptionner la lettre que Nana lui envoyait pour y dévorer les anecdotes qu'elle partageait sur le monde qu'elle côtoyait, décrivant les scènes de Broadway avec la précision d'un écrivain qui s'ignorait modestement, et les coulisses des plateaux de cinéma qu'elle foulait avec, toujours au poignet, des aiguilles à repriser prêtes à être dégainées. Le monde d'Ava Carter était donc fait de stars de cinéma, de la chanson, et du spectacle en général – c'était ça qui la faisait vibrer, l'aura de ceux qu'elle parait des plus belles tenues pour les rendre encore plus inaccessibles et flamboyants de beauté. D'ailleurs, elle se plaignait parfois de la dégradation des idoles qu'elle avait fréquentées lorsqu'elle était plus jeune, regrettant que la reconnaissance soit aussi simple à obtenir à l'époque actuelle ; il suffisait d'un peu d'audace et d'un téléphone portable pour percer désormais. Par le biais de ses récits, elle lui avait appris que céder à la facilité pour devenir quelqu'un, c'était brader le talent qu'on avait enfoui en nous. Peut-être qu'au fond, c'était grâce à toutes ces leçons que Josephine était devenue celle qu'elle était aujourd'hui, tellement insaisissable que même son talent était devenu évanescent, échappant à la conscience de ceux sans qui chanter n'aurait aucun sens et qu'on appelait auditoire.
Depuis quelques années maintenant, elle était devenue son unique auditoire, Nana. La seule assez futée pour comprendre d'où lui venait l'éraflure de sa voix et son besoin constant de prouver que son talent valait autant que tout l'or du monde. Ça n'avait rien à voir avec le sang qu'elles partageaient, ça n'avait même rien à voir avec le vague ressemblance physique qui les unissait, c'était néanmoins ancré dans l'amour qu'elles se portaient, inconditionnellement. Il leur permettait de comprendre l'autre en un regard, en une respiration ; mais à ça non plus, Jo n'avait jamais vraiment songé. C'était là et c'était tout, alors pourquoi chercher à le rationaliser ?

Josephine ! Vaguement perdue dans ses pensées, la jeune femme papillonna furieusement des paupières en reculant d'un bond de dessin-animé, trop proche de Nicholas pour le voir véritablement. Elle sut toutefois que c'était lui qui venait de s'exprimer. Sans trop savoir exactement pourquoi au demeurant, puisque son ton avait atteint une sonorité qu'il n'avait jamais laissé échapper en sa présence. Aussi, ça fit tinter quelque chose dans sa si bonne perception des notes – sa gamme vocale devait être étendue, à ce sombre abruti de Nicky.
Parce que oui, ce fût sa voix, et rien d'autre, qui la fit redescendre sur terre. L'aidant de fait à prendre conscience de l'état dans lequel elle se trouvait, ça la déstabilisa l'espace d'un instant. Pas assez longtemps cependant pour qu'elle en oublie son fichu caractère. Du tac au tac, elle lui répondit enfin, les sourcils froncés si fort qu'ils se rejoignirent entre ses deux yeux "Evidemment Ava, pas la mère Noël, du gla… pardon Esmée, bonjour." fit-elle se reprenant de justesse en constatant du hochement négatif de la vieille femme lorsque son petit fils lui demanda si elles avaient prévues quelque chose avec Ava. Elle toupilla sur ses talons plats, repoussant le crin de sa queue de cheval qui virevolta par-delà son épaule "Vous êtes sûre, vraiment ? Réfléchissez-bien." insista-t-elle en s'approchant d'elle. Jo se recula de Nicholas pour plonger ses yeux sombres dans ceux d'Esmée. Elle l'observa comme si elle n'était pas certaine d'avoir confiance en sa mémoire – un tort qu'on lui pardonnait aisément à la vue de la situation qu'elle vivait avec sa propre grand-mère. Mais Nicholas, lui, la connaissait assez pour déterminer lorsqu'elle était sûre d'elle, ainsi il la surprit en s'emparant de sa main et en la tirant vers la porte d'entrée sans demander son reste.
Ses yeux trouvèrent le sol, là où les pieds du jeune homme s'activaient. Un détail, mais elle ne put s'en empêcher alors qu'aussitôt, elle récupérait sa main dont elle frotta la paume avec obstination sur le haut de sa jupe-crayon par peur de choper la Prick-aigue "T'es ringard jusque dans ton choix de chaussettes. Tu comptes mettre des chaussures ?" Simplement, le ton n'y était pas. En fait, elle sentit même sa voix vaciller un peu quand elle reprit la parole, se dirigeant vers le véhicule de son voisin qui la questionna, visiblement plus maître de la situation qu'elle ne l'était. Qui l'aurait cru, lui qui donnait toujours l'impression d'être à deux doigts de se pisser dessus "Je suis partie une demi-heure à tout casser." Et tout de suite, elle se sentit obligée de se justifier "C'était pas pour aller traîner les rues, hein. Je suis juste allée faire les courses comme je le fais tout le temps. Je l'ai laissée dans le salon en lui disant que je rentrerai pile à l'heure de sa sieste et qu'on discuterait après comme on le fait tout le temps." répéta-t-elle en sentant sa poitrine se resserrer sous le bustier léger qu'elle portait, mais qui lui donna pourtant le sentiment étrange de peser une tonne à cet instant. Encore une fois, elle se sentit obligée de se justifier "J'essaye d'instaurer une routine pour la rassurer, ça l'aide à tenir un rythme, à faire le point et à se rappeler... c'est les médecins qui l'ont conseillé, je fais ce qu'on me dit." Quand se lever, quand se laver, quand manger, quand se distraire… des répétitions rébarbatives certes, très utiles ceci dit et qui, jusqu'à maintenant en tout cas, avaient toujours fonctionnées.
Josephine prit une profonde inspiration, bouche ouverte. Elle s'approcha pour de bon, et à grandes enjambées, du véhicule. Fronçant les sourcils à nouveau, plus par souci de rassembler ses esprits que pour démontrer un quelconque signe de mécontentement, elle lui répondit avec une sincérité tranchante comme à son habitude, un peu moins agressive que d'ordinaire toutefois "Là tu vois, j'arrive pas à penser à un endroit où elle pourrait être. C'est les pires trucs qui me viennent à l'esprit… je devrais appeler l'hôpital, tu crois ?" lui demanda-t-elle en levant les yeux vers lui, en quête d'une vraie réponse tandis qu'il avançait l'idée de faire le tour du pâté de maison. Elle secoua la tête pour apposer son assentiment, papillonnant encore des yeux pour tacher de remettre son système interne dans les bonnes conditions pour fonctionner correctement "OK. C'est un bon début je suppose." Elle marqua une pause, s'arrêtant à quelques pas du côté passager pour couler un regard incertain vers les pieds de Nicholas. Deux chaussettes de couleur différente lui mirent le doute sur une chose… qu'elle exprima en pointant son doigt un peu au hasard sur la silhouette dégingandée du jeune homme. Oh, Prick "Tu sais conduire au moins ?"

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{mamy blue}
crédit/ (johnnysilverhand/tumblr) ✰ w/ @jo carter

De manière générale, les émotions ne sont pas faites pour toi. Tu le sais, tu l’as toujours su et tu peux très bien jouer du piano pendant des heures et ensuite te concentrer si on te met un violon ou une clarinette dans les mains, et ce, sans même y penser, il suffit juste de changer la danse que font tes doigts et c’est tout… Mais le reste, cela est un mystère pour toi, tu n’es tout simplement pas fait pour le reste. Tu sais très bien qu’il y a quelque chose qui ne tourne pas rond chez toi, sinon comment expliquer que ton cœur batte aussi fort pour les déboires de la vie de tous les jours, ou qu’il se serre autant ou qu’il accélère parfois sans aucune raison. Ressentir est quelque chose d’intense et cruel pour toi et Esmée a beau qualifier tous tes élans de dramatique à souhait, c’est plus compliqué que cela. Beaucoup plus, tu le sais, et tu ne t’attends même pas à ce qu’elle, la femme qui t’a élevé le comprenne, ou alors, elle sait déjà tout cela, et elle a accepté que tes différents pulls étaient de véritables armures. Pour séparer encore plus ton cœur de tout le reste, et ne pas trop le mêler aux autres, car n’importe qui, pourrait venir, l’arracher et le briser.
Ce qui a déjà été fait par le passé, chose que tu annonces toujours sans saveur, toujours surpris de voir que les autres peuvent passer par là et tout saccager et tout ravager. Sans se soucier de ce qu’il restera de Nicholas au final. Tu ne le sais pas toi-même et certains jours, tu te surprends à vouloir disparaître et oublier toute cette folie pour de bon. Oui, il est là, ton côté dramatique. Et face aux mots de Joséphine, c’est la panique sourde qui t’envahit, ainsi que l’urgence, c’est quelque chose d’assez intense et c’est pour ça que tu es obligé d’avancer, c’est pour cela que tu prends les devants, et tu ne t’offusques pas vraiment quand elle récupère sa main, et encore moins quand les piques arrivent. Au final, tu comprends. C’est son moyen de défense à elle, toi, tu te contentes de dire pardon, baisser la tête et t’imaginer ailleurs. Elle, elle est un peu plus forte, montre les griffes et n’hésite pas à mettre à terre ceux qui posent des questions stupides et qui viennent déranger sa tranquillité. Sauf que c’est elle qui est venu te trouver, à cause du lien qui unit Ava et Esmée certes, mais tu refuses catégoriquement de la laisser dans cette impasse-là, toute seule qui plus est. " … Et si on trouvait Ava d’abord ? Ensuite tu pourras critiquer mes choix vestimentaires. Je te montrerais même mes chaussettes avec des pingouins dessus, okay ?" Que tu t’entends dire, tu pourrais être surpris par les derniers mots, mais malheureusement, tu as un peu plus de répondant que tout ce que tu as sous-entendu par le passé, d’habitude, tu gardes simplement tes remarques pour toi. Pourquoi ? Pour ne pas faire de bruit, ne pas faire plus de vagues et qu’argumenter et répondre face aux insultes et aux piques ne mène jamais nul part. Tout le monde se lasse, et tout le monde finit par passer à autre chose, et c’est tout.
Et dans l’immédiat, Joséphine est inquiète, elle peut tout critiquer, tu ne le prendras pas personnellement. Donc oui, tu n’as pas de chaussures aux pieds, mais tu t’en moques, ça ne t’empêche pas de trouver le volant et de te concentrer sur ses mots à elle, pour essayer de trouver Ava Carter dans les rues de Brisbane. Et tu ne l’accusais pas loin de là, tu laisses souvent seule Esmée dans votre demeure, car tu as un semblant de vie et que malheureusement, tu ne peux pas l’emmener partout avec toi. "Une demi-heure, ce n’est vraiment pas long en effet…" Que tu répètes, passant en revue la liste des options et regardant de part et d’autre de la rue, via le pare-brise et les rétroviseurs, tu t’attends presque à voir Ava débarquer et vous faire un petit signe de la main et vous demandez où vous allez. Tu boucles ta ceinture et quand ton regard tombe de nouveau sur Joséphine, tu fonces un peu les sourcils et tu finis par enclencher le moteur et démarrer le van. "Je suppose que ça répond à ta question." Que tu marmonnes simplement, vérifiant que tu ne coupes la place à personne avant de quitter la place de parking.
Oui, ce n’est pas ton activité favorite et tu vas sûrement le regretter et penser à ta conduite toute la soirée, mais l’angoisse et la peur latente ont été bloquées par l’urgence de toute la situation. Tu roules, ne dépassant pas les limitations de vitesse, tes yeux scannant la rue, votre rue, toujours à la recherche d’Ava. Tu es obligé de tourner sur la droite la minute d’après, pour faire le tour, mais tu le fais facilement, toujours aussi alerte. "… Sinon je sais que le sujet est assez sensible, mais tu as pensé à prendre des mesures sur le long terme ? Installer une alarme ce genre de choses. Ils font même des bracelets pour traquer les personnes âgées à toute heure du jour et de la nuit…" Pragmatique à souhait, tu décides de poser la question, sachant que Joséphine pourra t’envoyer sur les roses si elle souhaite le faire. Elle ne te doit rien, même pas un semblant d’honnêteté, vous n’êtes pas des amis, pas encore selon Esmée, mais vous vous voyez suffisamment pour que tu ne la considères pas comme une étrangère, c’est certain. "Okay, Esmée m’a déjà menacé de me mettre à la porte si je tentais quoi que ce soit du genre avec elle et c’est un peu dégradant, mais… l’alarme pour chez vous ça pourrait être une bonne idée. …" Que tu lâches avant de t’arrêter à un stop. "Étant donné que…" Qu’Ava est malade, d’après ce que tu as compris. Mais le ramener sur le tapis maintenant n’est probablement pas la meilleure idée du monde alors tu hausses les épaules, faisant de nouveau bouger le véhicule.
"Désolé, je suis probablement la dernière personne avec qui tu as envie de parler de tout ça." Ce n’est pas comme si elle allait faire part de ses inquiétudes à quelqu’un comme toi… Comment est-ce qu’elle aime bien t’appeler, déjà ? Nicky ? Prick ? Oui, pas le nom d’un homme sur lequel on peut compter.

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crédit/ (tumblr) ✰ w/ @Nicholas Hurley

"On vient de dépasser un stade, Nicky." C'était plus fort qu'elle, même dans la panique. Une voix d'ingénue s'échappa de ses lèvres charnues pendant qu'elle trouvait une mèche de cheveux qu'elle entortilla du bout de son doigt à l'ongle long comme une lame "J'ai troooop hâte d'atteindre celui où tu me proposeras de me montrer ton slip. Y a quoi dessus, des cœurs ou des étoiles ?" Oui, c'était son mécanisme de défense et elle avait eu le temps de le peaufiner avec les années. Ses piques, elles lui venaient comme son talent pour le chant. En une inspiration, elle pouvait débiter un nombre incalculable d'horreur sans se sentir honteuse d'avoir des idées aussi étranges, parfois scandaleuses. Incapable de maîtriser sa verve, ça aurait sûrement fait d'elle une bonne oratrice si elle avait été livrée avec le filtre pour tamiser toute la bile qu'elle avait en elle. Mais malheureusement, ce n'était pas le cas et cracher au lieu d'avaler, c'était quelque chose qu'elle s'obstinait à faire, et tant pis pour les egos fragiles ; son corps n'avait pas besoin d'être intoxiqué par le foutre des autres, point.
Comme on lui avait rarement fait remarquer qu'elle gagnerait plus à fermer sa grande gueule qu'en l'ouvrant à tout va, se jeter sur le cynisme comme sur une carcasse juteuse ça lui permettait simplement de survivre. Josephine n'avait plus que ça quelque part, sa capacité à tourner toutes les situations à son avantage pour sortir glorieuse d'une finale qu'elle menait toute seule. Au moins celle-là, elle était sûre de pouvoir la remporter. Elle grimpa dans la voiture malgré ses doutes quant à l'habilité de son voisin à savoir rouler dans cet engin – à pieds presque nus qui plus est. Prick paraissait à peine assez solide pour mettre un pied devant l'autre, alors gérer le poids d'un van comme celui-ci ? Jo lui lança un regard à la dérobée lorsqu'il confirma pourtant qu'il savait y faire ; il ne manquerait plus qu'ils se retrouvent dans le décor en cherchant Nana… Nana, c'était elle la raison de cette petite balade improvisée. Tandis qu'elle se laissait happer par l'examen minutieux des rues à travers la vitre du van, elle laissa le silence s'installer. Se tortillant sur son siège, Josephine se demanda si mener cette quête à pieds n'aurait pas été plus judicieux. Il y avait tant de ruelles dans ce coin de la ville, tant de passages où elle aurait pu se perdre en pensant se rendre à un point, mais confondant avec un autre… ce frôlement d'idée lui fit prendre une profonde inspiration et reporter brièvement son regard sur le pare-brise qui lui apparut flou le temps d'un instant ; pendant que ses yeux se voilèrent de larmes qu'elles, elles s'obstinaient à toujours ravaler… parce qu'elle n'avait pas été élevée comme une chialeuse.

La preuve en était. Une seconde lui suffit pour se recentrer. La voix de Nick l'y aida peut-être un peu "De quoi je me mêle ?" fit-elle perfidement en débouclant sa ceinture pour mieux voir l'impasse qu'ils dépassèrent doucement. Elle ne regarda pas le jeune homme, elle continua à tendre le cou pour mieux gérer l'exploration à distance de leur voisinage. Elle se rappela la mine qui avait assombrit son visage lorsqu'il avait compris qu'Ava était malade. Jo y avait lu un peu de pitié. S'il y avait bien quelque chose qu'il lui foutait la gerbe dans ce bas-monde, c'était ce sentiment-là "Mon père et mes oncles voulaient la mettre dans un institut histoire de la laisser mourir loin de leur vue. J'imagine que c'est plus tolérable que de se rendre compte qu'elle sait plus qui ils sont… enfin, elle le sait encore pour l'instant. Ralentis." lui ordonna-t-elle en tout dernier recours, et plutôt agressivement d'ailleurs, ayant le sentiment de lui en dire un peu trop. Aussi, elle se sentit encore une fois l'obligation de se justifier à propos de ce qui, le pensait-elle encore au mépris de ses soudaines confessions, ne le regardait absolument pas "C'est pour ça que je suis ici. Je tenais pas à ce qu'elle passe ses derniers souvenirs à… je sais pas… se sentir partir." La lente et progressive déchéance mentale, c'était pire que la déchéance physique ; quand on n'avait plus l'esprit, qu'est-ce qui nous restait vraiment ? L'un n'allait pas sans l'autre. On pouvait péter la forme, si un grain sable enrayait le mécanisme bien huilé de notre esprit, on était fichu. C'était le cas de Nana.
Elle tourna brusquement la tête vers Nicholas "C'est moi son alarme." fit-elle, son regard lançant des flammes qu'elle espérait vives, mais qui s'éteignirent sitôt qu'elle reprit la parole en un filet incertain ; qui laissait cependant percer une détermination farouche à tenir le rôle qu'elle s'était octroyée en s'installant à Brisbane, il y avait maintenant quelques années "Elle a pas besoin de se sentir supervisée, elle a besoin de se sentir soutenue. Je vais pas lui mettre un capteur, une alarme, ou une putain de puce... c'est pas une chienne, c'est ma grand-mère." Il pouvait le comprendre, elle en était persuadée. Un sourire carnassier fit se relever un coin de son visage en entendant le jeune homme hésiter sur le meilleur terme à employer pour expliquer la situation dans laquelle sa grand-mère se trouvait. Elle secoua la tête en la détournant de l'autre côté. Ses sourcils bien dessinés se haussèrent quand elle lui dit, le regard plongé à travers la vitre, le cœur battant soudain trop vite dans sa poitrine "Etant donné qu'elle est malade ? Tu peux le dire, c'est pas un gros mot." Une malédiction, peut-être ? Dites Alzheimer cinq fois dans le miroir et elle vous tombera dessus avec son crochet pour vous arracher vos souvenirs ? Jo rit un peu, mais sans aucune euphorie "Très juste. Je te pensais plus idiot que ça, la preuve que non." agrémenta-t-elle dans la foulée de ce que disait Nicky à propos de son envie inexistante de parler de tout ça avec lui – ou avec n'importe qui d'autre d'ailleurs. Sans doute se croyait-il mit à l'écart parce qu'il était lui, mais elle était navrée de le décevoir : il était rangé dans la même catégorie de tous ceux qu'elle envoyait balader quand ils s'approchaient de trop près.
Elle tint à le lui dire, le visage toujours tourné en direction de la vitre qu'elle finit par baisser pour avoir une meilleure visibilité, mais aussi pour sentir un semblant de fraîcheur calmer l'ardeur intempestive de son cœur qui battait trop fort, trop douloureusement "J'ai rien contre toi en vrai. Je suis comme ça. Faut t'y habituer."

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crédit/ (johnnysilverhand/tumblr) ✰ w/ @jo carter

Joséphine a raison, encore une fois, tu comprends pourquoi elle te répond avec une telle force et pourquoi, pour un œil extérieur, elle peut sembler sur la défensive. Oui, tu lui poses des questions plus que personnelles, te permets de donner ton avis et tout ça pour quoi au final ? Tu n'es pas le bienvenu dans l'univers des Carter et ça, tu l'as compris depuis longtemps, et le lien qui unit Ava et sa petite-fille, il est probablement aussi fort que celui qui te lie à Esmée. Tu n'accepterais pas les critiques, tu ne les acceptes pas, en a déjà rabroué plus d'un, certainement pas avec la classe et le glamour de Joséphine, non, ça, il n'y a qu'elle qui peut le faire et pourtant, les critiques et les questions sont déjà venues. Car apparemment, il n'est pas normal que tu sois autant attaché à la femme qui t'a élevé, certes, elle ne t'a pas donné la vie, mais pour toi, c'est tout comme. Esmée a joué le rôle de ton père et de ta mère pendant des années, sans vraiment rien attendre en retour, juste parce que c'était la bonne chose à faire et que c'est ainsi qu'elle fonctionne et qu'elle a toujours fonctionné. Elle n'a jamais regretté d'avoir mis en pause sa propre vie pour t'aider à prendre ton essor dans la tienne, bien au contraire, il n'y aurait pas vraiment de Nicholas sans elle, et déjà que tu as bien du mal à te tenir droit, tu n'oses même pas imaginer comment aurait été les choses sans elle. Un peu plus désastreuses et tragiques ? Quelque chose comme ça.
Donc tu comprends, ce besoin irrationnel de protéger, cette envie de prouver au reste du monde qu'on peut y arriver, sans compter tous les sacrifices et l'inquiétude. L'angoisse qui habite la jeune femme à cette seconde précise et qu'elle s'efforce de repousser bien loin, ou alors elle s'en sert, comme moteur pour te lancer ce regard de travers et pour te répondre, t'expliquant que non, elle n'a pas vraiment besoin de tes conseils ou de ton avis. "Je ne posais pas la question pour te..." Tu marmonnes un début de phrase, un début seulement, la phrase ne finit pas car tu dois te concentrer sur la route et parce qu'il faut l'avouer, Jo est plus douée pour exprimer le fond de sa pensée que toi au final. Les conversations normales te dépassent la plupart du temps, trop lentes ou pas assez, tu ne sais jamais quoi faire de tes mains... Tes mains sont présentement posées sur le volant du minivan et tu scannes la route, regrettant presque d'avoir parlé et d'avoir été aussi généreux avec tes mots la seconde précédente. Ou justement, trop peu, tu n'as pas su quoi dire concernant l'état d'Ava, tu te souviens encore de la colère dans les prunelles de Joséphine il y a quelques semaines de cela, à la maison de retraite, quand tu as forcé la Carter à faire face à sa propre confusion. Et oui, tu es désolé pour cette dernière, désolé d'imaginer de quoi est fait le quotidien de Joséphine, qui a choisi de se tenir là, aux côtés de son aîné, sciemment, tout en la regardant disparaitre peu à peu. Pas une décision facile, et pourtant, tu le sais déjà, si Esmée se retrouve un jour dans ces chaussures-là, tu prendras la place de Joséphine, sans aucune hésitation.
"De toute façon, tu as raison, ça ne me regarde pas au final donc..." Donc tu prends une profonde inspiration, pour te concentrer sur la route, sur les rues trop familières qui se dessinent. Tu essayes de trouver l'élément qui dénote : Ava Carter, seule et en bonne santé, qui a probablement dû sortir pour prendre un peu l'air. Quoi de plus normal ? Ou alors faire les courses elle-même, certaine que Joséphine ne trouverait pas la bonne marque de lait ou quelque chose dans ce goût-là. Tu expires enfin quand la brune reprend la parole et, presque automatiquement, sans y réfléchir, tu laisses échapper un : "Je sais." sur un ton qui frise l'ennui. C'est presque le cas, tu trouves cela tout simplement stupide d'énoncer une vérité telle que celle-là. Tu hausses les épaules avant de prendre un tournant, afin que vous puissiez faire un tour complet des rues environnantes. "J'ai très bien compris que les insultes, les petites piques ou autres, ce n'était pas juste pour ma pomme. Faudrait être idiot pour ne pas le remarquer." Face à Joséphine, tout le monde a le droit au même genre de traitement, et tu l'as déjà vu à l'œuvre, assez de fois pour savoir qu'elle et toi, vous êtes complètement différents. Tu ne sais pas de quoi sa vie était faite avant Brisbane, mais cela l'a rendue aussi forte que cassante, hautaine et un peu trop caractérielle. Ou alors elle a toujours été ainsi, tu ne sais pas, tu t'en fiches au final, tu n'as pas en tête de connaître la vie de Joséphine Carter sur le bout des ongles, c'est ta voisine et c'est tout, un visage de plus dans ton quotidien. "Loin de moi l'idée d'être désagréable mais ... ce n'est pas comme si ton opinion comptait au final. On ne se connaît pas, c'est Ava et Esmée les amies, pas nous." Le timbre de ta voix ne change pas, un peu trop bas, un peu trop monocorde, tu lâches des bribes d'information sans y penser, mais c'est bien la vérité.
Joséphine est un bruit parmi tant d'autres, certes, elle fait plus de bruit que certains, mais un battement de sourcils et elle n'est plus là et si tu rougis ou réagis trop en sa présence, c'est parce que tu peux le faire. Et qu'au fond, tu la laisses faire, te disant qu'elle a plus à y gagner que toi de toute façon. "Et puis... C'est ta façon de faire, certains se contentent d'un sourire ou d'autre chose pour qu'on ne les oublie pas. Et puis j'ai bien remarqué que ça faisait réagir Ava... donc." Donc, tu comprends pourquoi est-ce qu'elle va trop loin parfois, c'est comme toi qui prétends que tu es la personne la plus asociale du monde alors que parfois, tu dois annuler des plans, refuser des invitations, juste pour rester avec Esmée le vendredi soir. Juste pour prétendre que c'est encore une de ces soirées ou c'est elle et toi, et ensuite, le reste du monde, comme quand tu avais des années en moins et que sortir sans elle était trop effrayant. De nouveau en face de vos demeures respectives, tu pousses un soupir, te tournant vers Jo. "... Tu crois qu'elle aurait pu marcher jusqu'au parc du coin... Esmée aime bien y aller pour lire mais ce n’est pas si loin que ça non ?"

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Le paysage défilant au pas de course au travers de la vitre du van des Hurley, une pause forcée s'imposa à Josephine. Brusquement – beaucoup trop, probablement –, elle tourna la tête vers Nicholas pour glisser sur lui un regard inquisiteur. Était-il en train de s'agacer ? Elle se posa véritablement la question, sentant dans les mots qu'il prononça calmement une lassitude qu'il chercha à faire passer comme une pilule trop amère pour qu'elle consente à l'avaler sans se poser de questions. Elle attendit pourtant avant de la lui recracher à la figure, sans doute un peu trop interdite sur le moment pour avoir la présence d'esprit d'ajouter quoi que ce soit d'autre dans l'immédiat. Le calme se fit soudainement dans l'habitacle… mais le silence n'était pas un état dans lequel elle se sentait à son aise. Il fallait toujours que quelque chose vienne le perturber pour qu'elle se sente plus maîtresse de la situation : de la musique, une respiration sifflante ou profonde, ou sa propre voix… c'était à cause de ça, de son aversion pour le silence, qu'elle ne pouvait s'empêcher de se taire ; parce qu'ils en disaient plus long sur tout et n'importe quoi.
Son sourcil gauche s'arqua doucement, sûrement, terminant par ressembler à un accent circonflexe. Ça donna à l'expression de son visage une profonde mine de stupeur qu'elle ne tenta même pas de dissimuler, la bouche très légèrement entrouverte. Ça alors pour une surprise : Nicholas Hurley était donc capable de sortir de sa coquille.

"Sans blague ?" railla-t-elle enfin pour rompre ce satané silence, revenant en décalé sur les propos du jeune homme qui lui avait confirmé qu'ils n'étaient pas amis. Passée la stupeur de sa rebuffade, entendre une vérité aussi évidente que celle-là, ça lui donna envie de lui fracasser la tête contre le volant de son stupide van. Mais puisqu'il paraissait sortir un peu du rôle de tapisserie qu'il avait l'habitude de tenir d'ordinaire, elle décida que lui refaire le portrait maintenant serait rater une belle occasion de voir de quel bois il se chauffait en vérité, Nicky chéri.
Et il avait beau dire tout ça sur le ton usuel de la conversation, elle sentit une sorte d'amertume enrober le miel de sa voix… cette constatation, elle l'entraîna à ajouter, et ce juste parce qu'elle pouvait se le permettre "J'étais à deux doigts de te proposer un pacte de sang pourtant. Tu me brises le cœur vraiment." A qui mentait-elle ? Dans quel monde Josephine avait-elle du temps à perdre pour s'émouvoir de telles banalités ? Elle ne repoussait pas les gens dans l'espoir naïf de les forcer à rester ; elle les repoussait en toute connaissance de cause parce qu'avoir des amis, c'était devoir faire des efforts qu'elle ne se sentait pas capable de faire. Il fallait être complaisant et à l'écoute, deux choses qui manquaient cruellement à ses qualités immédiates, si tant était qu'elle en avait au moins quelques-unes – rien n'était sûr cependant. Au moins avec Nana, elle n'avait pas à se répandre en courbettes pour qu'elle l'apprécie. Non, c'était un fait établi sur lequel elle se reposait comme on se repose sur un bon lit. Triste réalité, mais c'était ainsi.
On est doué pour les rapports humains ou on ne l'est pas. Jo Ophelia ne l'était définitivement pas. Alors pourquoi devait-elle se forcer à supporter la compagnie du jeune homme pour qui, de toute façon, ça représentait une épreuve insurmontable de se trouver là ?  Elle saisit la poignée de la portière du van et tout en désignant le trottoir d'un geste vif du menton, elle lui dit :
"Donc rien du tout, arrête le van." lui ordonna-t-elle à nouveau. Elle n'attendit pas tout à fait que le véhicule soit à l'arrêt pour en descendre, ce qui la déséquilibra une seconde lorsqu'elle toucha le sol qu'elle foula de son pas déterminé pour s'éloigner un peu. Toupillant vers lui, elle lui fit savoir sans laisser passer aucun délai, trop pressée d'en finir pour faire dans la délicatesse – comme si elle en était capable "Je suis venue chez ta grand-mère parce que je pensais qu'elle aurait pu s'y trouver." commença-t-elle en écartant les bras de part et d'autre de sa silhouette généreuse, sentant un léger sentiment inédit s'emparer d'elle à mesure qu'elle prenait conscience qu'elle avait dû avoir l'air vraiment désespéré pour que l'autre abruti de service se sente obligé d'agir avec le même enthousiasme qu'un superhéros à la retraite. Qu'était-ce comme sentiment ? De la honte ? Elle secoua la tête, continuant sur sa lancée comme si de rien n'était, le pointant même du doigt pour mieux affirmer le point qu'elle marqua avec sa verve habituelle, entre perfidie franche et tranchée et une douce mélopée "C'est toi qui t'es soudain senti investi d'une grande mission hein, en bon sauveur de la cause gériatrique que tu crois être, espèce de débile." L'insulte était de trop, mais elle était sortie toute seule, comme toutes les autres. Opérant un pas en arrière pour s'éloigner pour de bon du van, elle haussa les épaules, ondulant du cou par la même occasion pour se donner bonne contenance quand elle ajouta, les bras croisés sur sa poitrine "On n'est pas amis, c'est toi qui l'as dit." Asséné sur le ton du reproche, elle s'en aperçu avec un temps de retard qui, un peu plus, fit s'insinuer cette chose dans son ventre. Une seconde : est-ce qu'elle était vexée ? Elle préféra ne pas répondre à la question, même dans l'intimité de ses pensées.
Au lieu de quoi, elle dit à nouveau, commençant à marcher sur le trottoir, si bien qu'elle dut élever la voix pour qu'il l'entende distinctement – comme tous les voisins des environs d'ailleurs, car sa voix avait beau être faite de velours de bonne facture, elle portait assez fort pour qu'on la discerne à l'autre bout de la rue "J'ai pas besoin de toi, je saurai très bien me débrouiller toute seule." Une certitude que personne ne serait assez courageux pour remettre en doute, et elle le savait très bien, d'où le caractère indiscutable de son affirmation qu'elle conclut en faisant, après un regard par-dessus son épaule "Retourne chez toi, Nicholas."

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crédit/ (johnnysilverhand/tumblr) ✰ w/ @jo carter

Tu peux compter tes véritables amis avec les doigts d'une seule main. Une seule. Esmée est bien entendu tout en haut de la liste, car dans ta vie, elle a tous les rôles. Une mère de substitution quand tu étais plus jeune, ta grand-mère maintenant que les années sont passées par là, mais pas que. Elle est une présence rassurante dans ta vie, elle ne s'est jamais permis de te juger ou de faire autre chose que de te conseiller et ce sans absolument rien attendre en retour. Sans te faire sentir coupable de ne pas être mesure de te tenir sur tes deux pieds par toi-même. Et quand on sait dans quel état elle t'a trouvé et de quoi ont été faites les années avec ta mère biologique, tu ne peux que lui en être extrêmement reconnaissant. Les souvenirs sont rangés bien loin et si toutes les marques visibles elles ont fini par disparaître, il y a quelque chose d'autre qui s'est frayé un chemin jusqu'à ton cœur et quelque chose que tu ne pourras jamais oublier. Tu fais juste très bien semblant et c'est tout. Dahlia est la suivante sur cette liste, celle qui fait sûrement le plus de bruit dans ta vie, celle qui est prête à te défendre, même quand tu es le fautif et qui t'a permis de te sortir de bien des déboires. Elle aussi, donne sans compter, parce qu'elle fonctionne de cette façon-là et uniquement comme ça et parce que quelque part, tu sais qu'elle est persuadée que tout son petit monde s'effondrerait si elle ne faisait pas les choses à 200 %.
Tu sais que tu peux également ajouter Spencer à cette liste, parce que vous vous connaissez depuis longtemps et que c'est bien la seule personne que tu as rencontré qui est plus timide et encore plus perdu que toi. Et c'est tout. Et cela te va, tu ne vois pas grand intérêt à imposer ta présence dans la vie des gens quand tu n'es clairement pas désiré, c'est une perte de temps et d'énergie considérable. Autant s'éclipser plutôt que de froisser qui que ce soit. C'est bien de cette manière-là que tu vois les choses, concernant Joséphine et toi, sauf que tu ne peux pas complètement l'ignorer, parce que vous êtes voisins, parce que tu côtoies Ava depuis plus longtemps qu'elle alors... alors il faut bien faire avec. Et c'est tout. Aussi, tu ne fais que froncer les sourcils quand la voix de Joséphine, la Terrible résonne dans l'habitacle du van, parce qu'elle sait déjà, parce que tu es un idiot pour ramener tout ceci sur le tapis. On ne dit pas ces choses-là Nicholas, voyons, tu peux presque entendre la voix d'Esmée, te rappeler à l'ordre et te dire de ne pas oublier tes bonnes manières, surtout pas maintenant. Tu es donc surpris, presque sonné lorsque la jeune fille te somme d'arrêter le véhicule, comme si... comme si c'était la meilleure chose à faire. "Qu... quoi ? Tu as vu Ava ?" Tu poses la question en exécutant sa demande, appuyant lentement sur la pédale de frein et ralentissant le véhicule, pour qu'il soit à l'arrêt quelques instants plus tard. Sauf que Joséphine n'a pas cette patience-là, sauf qu'elle s'éloigne déjà en marmonnant des mots qui ne font absolument aucun sens.
"Pardon ?" La confusion qui domine chacun de tes traits est sincère, plus que tout et il te faut une seconde de plus pour saisir tout ce que la brune lance dans ta direction, tout ce qu'elle ne dit pas également et la façon presque désinvolte qu'elle a de s'éloigner de ton véhicule. Le van est à l'arrêt et tu détaches ta ceinture rapidement, prêt à suivre Joséphine qui te dit de rentrer chez toi. C'est complètement stupide, voilà ce que tu te dis quand tu la rattrapes en une, deux enjambées, te fichant bien de savoir que ton imposant véhicule bloque le passage. Joséphine Carter est plus imprévisible que n'importe quelle improvisation, encore plus impétueuse qu'un riff de guitare très mal travaillé et encore plus mémorable qu'une corde d'un violon qui se rompt au mauvais moment. Tu ne la comprends pas, tu ne sais pas ce qu'elle attend de toi, ni ce que toi ou le reste de l'humanité lui a fait. Tu comprends qu'elle s'inquiète pour Ava, c'est normal, qu'elle décide de s'en prendre à toi, oui, mais te prêter le mauvais rôle alors que tu ne veux qu'aider ? Alors que c'est elle l'experte quand il s'agit de manier les insultes et de te renvoyer sur la touche ? Tu ne tiens pas les scores, mais dans vos échanges, c'est elle qui gagne souvent, c'est même souvent elle qui joue toute seule et tu lui as toujours cédé chacune de ses victoires parce que tu t'en fiches. Littéralement, si te descendre, critiquer tes choix vestimentaires et ta façon de te tenir lui procure une joie immense... eh bien soit, qu'elle en profite. Tu pensais que cela était clair.
"Je sais que ce n'est pas le bon moment, c'est le pire moment, mais est-ce que tu te rends compte que la seule chose désagréable que je t'ai dite, c'est que non, nous n'étions pas amis. Est-ce que tu peux dire la même chose ? Non, je ne crois pas." Tu ponctues ta phrase par un hochement de tête et ton regard croisant celui de la brune, tu pousses un soupir appuyé. "Et ce ne sont pas des reproches, c'est la vérité." Tout comme il est vrai qu'elle ne te doit rien et que vous ne vous connaissez pas au final. "C'est vrai, tu n'as pas besoin de moi, mais je vais t'aider quand même, parce que tu le ferais si les rôles étaient inversés et j'apprécie Ava et je m'en voudrais vraiment s'il lui arrive quoi que ce soit." Non, tu n'es pas là pour espérer avoir une récompense, ou quelque chose de Joséphine en retour, tu n'es pas un opportuniste, c'est l'inquiétude qui t'a conduit dehors et si elle décide de tout prendre personnellement, soudainement, grand bien lui fasse, ce n'est pas le plus important dans l'immédiat. "Donc je vais aller faire un tour du côté du parc au bout de la rue ... quoi que tu en penses." Tu ne lui laisses pas le temps de répondre, faisant déjà demi-tour, dans tes chaussettes dépareillées, quittant le trottoir pour aller retrouver ton véhicule abandonné.

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crédit/ (tumblr) ✰ w/ @Nicholas Hurley

"Et alors ? Tu veux quoi ? Une médaille ?" rétorqua-t-elle face aux paroles de Nicky qui se félicitait presque d'être un homme poli. Jo décroisa les bras, les levant devant elle comme une voleuse prise sur le fait, les yeux arrondis par la mauvaise foi qui perçait dans le brun soutenu de ses pupilles écarquillées. Ce fût cette même mauvaise foi d'ailleurs qui la fit s'arrêter au milieu du chemin pour mieux se tourner vers Nicholas. Elle fixa sans ciller, l'observant sans vraiment le voir, aveuglée par l'éclat soudain du soleil qui perça au travers de la couverture de nuages qui s'étirait au-dessus d'eux, et dont elle se protégea en portant une main en visière sur son front. C'était ce qu'il avait de pire chez les gens pétris de bonnes intentions en vérité, ce besoin presque pédant qu'ils avaient de faire entendre qu'ils faisaient les choses de la meilleure manière qui soit, motivés par leur seule volonté que le monde continue à tourner dans la bonne direction. Bah, grand bien leur faisait, ils se faisaient du mal tous seuls à prendre le malheur du monde sur leurs épaules après tout.
Est-ce qu'elle exagérait en réagissant mal à propos des paroles déclamées par le jeune homme ? Absolument, et elle ne s'en défendrait pas. C'était tout à l'honneur de Nicky de ne pas considérer ses attaques comme quelque chose qui comptait pour lui, mais elle était différente. Ce n'était qu'une vérité peut-être, mais c'était une vérité de trop. A défaut de ne pas avoir de véritables amis, forcer les gens qui gravitaient dans son entourage à supporter sa présence, trop peu pour elle. Josephine était vaniteuse, elle prenait de la place, elle ne passait pas inaperçue… mais elle n'était pas désespérée au point de mettre à un point d'honneur à faire partie du paysage quand on ne voulait pas d'elle ; encore que, rien n'était moins sûr, la seule véritable preuve à ce sujet était la manière dont elle avait battu en retraite après son échec post-sortie de The X Factor, et comment elle s'était jetée sur l'opportunité de disparaître des radars pour mieux faire le deuil de sa carrière. On ne l'avait jamais vraiment repoussée autrement, alors comment savoir comment elle réagirait ?
Mal, visiblement. Et comme il était évident que le jeune homme ne le vivait pas bien, d'être à sa proximité et de devoir supporter son caractère et sa grande bouche, pourquoi donc insister ? Il ne s'en apercevait sans doute pas, trop focalisé sur sa vexation pour le comprendre, mais à cet instant, elle lui faisait la plus belle des fleurs finalement : elle l'exemptait de tout contact imminent avec sa petite personne. Et il aurait dû s'en réjouir. Mais non. Parti sur sa lancée, le petit-fils de mamie Esmée lui fit entendre son raisonnement qu'elle arrêta d'une main intransigeante, tandis qu'elle penchait très légèrement la tête sur le côté avec, sur le visage, un sourire mi-figue mi-raisin.

"Nan, je le ferai pas. Parce que moi, je suis pas toi, et que je me force pas à faire des choses dans l'espoir que ça fasse plaisir aux gens, ou parce que c'est la meilleure chose à faire. Je les fais, ou je les fais pas, point final." Et il pourrait lui faire la leçon à ce sujet si ça lui chantait, elle continuerait à suivre cette ligne de conduite jusqu'à ce qu'elle soit assez fatiguée pour claquer, et ça ne serait pas demain la veille "J'attends pas qu'on me félicite pour m'être bien comportée. Je me comporte comme j'ai envie, et la réaction des autres, c'est pas mon problème." Elle l'avait blessé avec ses piques ? Il s'en remettrait probablement. N'avait-il pas prétendu que son opinion ne comptait pas de toute façon ? Le sommant de s'en aller, elle lui montrant le chemin avec un grand geste ouvert du bras, les yeux plissés pour supporter la réservation du soleil sur la carrosserie du van qui agissait en tampon, garé entre elle et lui "Alors quoi, je te rends ta liberté ; agis comme un connard quand je suis dans les parages, ça sera que me rendre la monnaie de ma pièce, et tu sais quoi ? Je t'en voudrais même pas." Mais il compléta sa tirade et tout à coup un rire, un vrai rire qui fit roucouler sa voix profonde dans le fond de sa gorge, la secoua. Elle fit claquer sa langue contre son palais, posant sur lui un nouveau regard qui, s'y on s'y attardait de plus près avait peut-être un peu permuté ; parce qu'il venait de révéler le fond d'une pensée qu'elle s'apprêtait à tordre pour faire tourner le tout à son avantage… comme à chaque fois.
Elle remua la tête de droite à gauche, retirée sur son bout de trottoir qu'elle ne quitta pas, continuant à s'adresser à lui à distance, mais sans le lâcher d'un seul battement de cils. Bienveillance et abnégation, mon cul, oui, qu'elle se dit en finissant par le toiser de haut en bas – elle s'arrêta sur ses pieds aux chaussettes dépareillées, avant de relever la tête "C'est juste un problème de conscience, hein ? Ça rend les choses moins louables de te l'entendre dire… comme quoi t'agis pas sans rien espérer recevoir en échange non plus, tu cherches juste à préserver ton sommeil en vrai." Elle rit un peu encore, haussant les sourcils, et tourna la tête sur sa droite quand elle le vit apparaître dans son champ de vision. Sa grand-mère.
"Il lui arrivera rien, elle est là." lança-t-elle à la volée en direction de Nicholas. Elle n'attendit pas qu'il dise quoi que ce soit, elle se mit à courir jusqu'à Nana qu'elle attrapa par les épaules une fois qu'elle arriva à sa hauteur. Rien de brusque dans son geste, juste un moyen sûr de s'assurer que tout allait bien pour elle rien qu'en fixant son regard dans le sien ; celui de la vieille femme se borda de larmes. La gorge de Josephine se contracta lorsqu'elle s'en aperçut "Hey, tu te souviens ce qu'on a dit sur les promenades en solo ?" Ava était souvent silencieuse après ce genre de crises, celles durant lesquelles même parler relevait d'un effort incommensurable tant tout était embrouillé dans son esprit. Alors sa petite-fille ne la forçait pas, elle la fustigeait encore moins, elle ne l'avait jamais fait ; quand bien même elle lui avait fait peur et redouter le pire en ne la trouvant pas à la maison, elle comprenait son besoin de retrouver un peu d'indépendance à des moments donnés. Mais tout de même… si elle était tombée, si elle n'avait pas retrouvé son chemin, si elle s'était perdue pour de bon ? Jo prit une profonde inspiration, et s'empara du visage de Nana qu'elle tint en coupe entre ses mains, lorsque cette dernière lui demanda "Chante pour moi." Elle s'y était attendue, l'anticipant avec suffisamment de finesse pour soudainement se souvenir que Nicholas était là lui aussi.
Cette fois, ce fut elle qui ouvrit la bouche pour demander au jeune homme vers qui elle leva la tête, la mine changée par ces retrouvailles, et le regard fuyant assez pour qu'il ne soit pas tenté de l'affronter dans ce moment de faiblesse "C'était quoi les paroles de l'autre fois ? You can talk about the pit, barbecue ? The band was jumpin', the people too ?"

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crédit/ (johnnysilverhand/tumblr) ✰ w/ @jo carter

Une partie de toi, la plus rationnelle, la plus censée, sait que c'est une bataille perdue. Que tu devrais tout simplement grimper dans ton van et continuer ton petit bout de chemin, tout en t'assurant qu'Ava regagne bien sa demeure et qu'elle est en bonne santé. A quoi bon argumenter avec sa petite-fille, quand cette dernière refuse d'entendre raison et ne veut d'ailleurs pas le faire ? Car tu reconnais certains traits familiers dans les mots de Joséphine, qui semble bien incapable de se remettre en question ou d'admettre ses propres torts. Et lui faire remarquer que c'est un très vilain trait ne fait pas partie de tes attributions et pourtant... pourtant tu hésites, tu hésites assez pour arrêter ton prochain pas et pour te tourner vers elle. Tu sais très bien que ce ne sont pas des excuses que tu vas entendre ou un semblant de trêve, bien au contraire, elle te congédie de la pire façon qui soit, en te faisant te sentir coupable. Pour chacune de tes actions, comme si elles étaient guidées par un motif supérieur ou que tu voulais sciemment lui faire du mal. C'est mal te connaître et tu détestes le portrait qu'elle est en train de dresser de toi, comme si tu jouais un jeu, que tu faisais semblant d'être aussi faible, brisé, simplement pour qu'on vienne te réconforter et te dire que tu as raison d'être ainsi...
Ce n'est absolument pas le cas, si Joséphine te connaissait un minium, elle saurait que l'attention des autres n'est pas ce que tu désires, loin de là. Tu excelles mieux quand on t'ignore, si tu ne fais pas de bruit, t'efforces de rentrer dans les cases, c'est justement pour qu'aucun regard ne se pose sur toi et que le monde entier oublie l'existence de Nicholas Hurley. Et c'est tout. Tes raisons pour ce souhait complètement fou ? Elles ne regardent que toi et ton subconscient au final et certainement pas Jo, ni qui que ce soit d'autre maintenant que tu y songes. Aussi, tu accuses mal le coup, le nœud dans ton estomac ne fait que se serrer et se serrer davantage, si bien que tu te retrouves à prendre une profonde inspiration pour espérer te défendre et lui faire comprendre que non, tu n'attends pas juste l'approbation du monde pour continuer d'avancer. "Je n'attends absolument rien de ta part, et encore moins des félicitations ou des compliments. Tu ne me dois rien du tout et je ne te dois rien du tout non plus..." Parce que le regard de la brune a beau être posé sur toi, elle a beau t'envoyer toi sur la touche, tu sais déjà que tu n'es pas la cause de tous ses maux. Tu n'aides pas certes, mais est-ce qu'il est possible d'aider si tu es toi-même plongé dans l'obscurité ? Tu ne feras pas la prétention de la comprendre, elle, ses mots acides et le sérieux presque dérisoire avec lequel elle te répond, probablement pour avoir le dernier mot. Tu devrais pourtant, cela serait la chose la plus polie à faire, écouter, pour connaître le point de vue de Jo et te voir sous son regard à elle. Cela au moins, ferait avancer les choses. Ça et l'apparition d'Ava dans ton champ de vision.
"Oh." Pas très éloquent, c'est tout ce que tu trouves à dire, te sentant tout de suite plus léger en voyant les deux Carter réunies, c'est une image apaisante au final. En surface seulement, tu as encore le cœur qui bat trop vite à ton goût et tu as envie d'envoyer Joséphine balader quand elle se tourne vers toi, te demander les paroles de l'air que tu chantonnais pour sa grand-mère la dernière fois. Tu pourrais, ou tu pourrais tout simplement tourner les talons et la laisser en plan, sauf que tu te retrouves à hocher la tête comme un idiot. "C'est ça..." Que tu marmonnes tout simplement, et tu pourrais chanter pour elle, pour elles deux d'ailleurs sauf que pour une fois, tes cordes vocales ne semblent plus trop vouloir répondre ou faire l'effort de. C'est assez d'émotions pour aujourd'hui, alors tu prends juste une profonde inspiration, parce que tu as besoin d'oxygène pour vivre et pas pour tout ce qui est en train de te ronger de l'intérieur. "Je sais que c'est juste à côté, je sais... mais tu as besoin d'aide pour rentrer ou pas ?" Et elle pourra t'accuser de jouer les bons samaritains si ça lui chante, ce n'est pas le propos, tu te doutes bien que Jo n’attend qu'une seule chose, ramener Ava dans un endroit sécurisé et avec une porte qu'elle pourra fermer à double-tour, histoire qu'elle aussi puisse reprendre son souffle.
"Tu peux dire non bien entendu." Tu ajoutes cela rapidement, au moment où vos regards se croisent, tu voudrais dire ou en ajouter plus, mais tu sursautes, vraiment, quand un bruit de klaxon se fait entendre. Suivi par des protestations et des jurons du conducteur en question, ton imposant véhicule bloque la petite rue tranquille. "Et je crois que j'ai ma réponse. Il faut que j'y aille de toute façon, je bloque le trafic donc..." Donc vous avez été un peu trop impulsifs tous les deux ? Quelque chose comme ça. Tu prends tout de même le temps, chose importante, d'adresser un sourire à Ava, faux, répété au possible, mais elle le mérite. "Ava, ravi de vous voir, il ne faut pas hésiter à venir boire le thé à la maison, Esmée n'attend que ça, une excuse parfaite pour cuisiner... donc vraiment n'hésitez pas." L'invitation est là, l'intonation de ta voix est la bonne, de même que le sourire qui accompagne le tout, peut-être que tu devrais vraiment songer à te reconvertir en acteur, ou quelque chose du genre.
Tu as un autre hochement de tête, laisses échapper un bref :  "Joséphine..." car tu ne vois pas quoi ajouter d'autre avant de regagner ton véhicule et d'offrir un regard désolé à l'autre conducteur. Sincère encore une fois, dépourvu de toute malice ou animosité, contrairement à ce qu'une certaine brune peut penser.

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{mamy blue}
crédit/ (tumblr) ✰ w/ @Nicholas Hurley

Si elle avait eu un tant soit peu de bonne éducation, Josephine se serait excusée sur le champ de n'être qu'une insupportable caractérielle, doublée d'une obsédée notoire quand il s'agissait de remporter la médaille du dernier mot – quand il s'agissait de remporter la médaille tout court, mauvaise perdante qu'elle était, définitivement pas taillée pour la seconde place, toutes disciplines confondues. Mais les parents Carter avaient manqué beaucoup trop d'occasions de la faire entrer dans le rang de leurs rejetons si bien élevés que c'en était indécent, ou alors elle préférait s'inventer des lacunes à ce sujet parce que ça lui donnait plus de caractère de paraître plus rebelle qu'elle ne l'était. Qui pouvait prétendre le savoir si ce n'était elle, et elle seule ? Ce qui était de notoriété publique cependant, c'était qu'elle ne s'échinerait pas à dire à Nicky Chéri qu'elle était navrée d'avoir trop souvent profité de sa faiblesse évidente pour le martyriser verbalement. Encore que, il pouvait s'estimer heureux qu'elle ne s'était jamais vraiment mise sur son dos, car il ne se serait jamais relevé autrement. De toute façon, ce serait quelque chose qui n'arriverait jamais, puisqu'il paraissait plus que manifeste désormais qu'ils s'éviteraient tout bonnement. Jo n'avait pas envie d'être confrontée à sa mine de pleurnichard, elle n'avait pas envie de voir suinter sa commisération de tous les pores de sa peau laiteuse : ils n'étaient pas amis, c'était lui qui le lui avait dit, et ce n'était pas tombé dans l'oreille d'une sourde, ça non. Les choses étaient claires, et la vie reprendrait son cours sitôt qu'il disparaîtrait de sa vue – le plus tôt serait le mieux.
Lui continuerait son bonhomme de chemin en portant sur ses épaules tout le malheur des autres et elle, elle continuerait à s'en battre les reins comme elle savait si bien le faire ; elle ne prendrait même plus la peine d'accompagner sa grand-mère chez les Hurley, c'était une décision qu'elle prit sur le coup de l'impulsion, mais à laquelle elle se tiendrait parce qu'elle avait peut-être tous les défauts du monde, elle n'était pas stupide. Elle avait saisi qu'au fond, elle n'était qu'une indésirable dans le quotidien chiant à mourir de Nicholas Hurley.
La conclusion était là : rien dans ce monde ne pourrait jamais les mener à s'entendre. Ils avaient chacun leur tort à ce sujet. Josephine plus que Nicholas sans aucun doute, mais lui non plus n'était pas doué pour les rapports humains alors d'un côté, ça les arrangeait bien tous les deux de ne pas parvenir à se comprendre et à s'apprivoiser. Avaient-ils au moins essayé ? Jo estimait que de son côté, oui, à sa manière. Elle l'avait questionné au sujet de son groupe, elle l'avait questionné sur Dahlia… avec un peu, beaucoup, de dérision certes, elle avait cherché quand même à en savoir plus à l'instant où elle avait décelé une brèche dans laquelle elle aurait pu se faufiler pour… pour quoi, se trouver des points communs comme leurs grands-mères l'avaient fait ? Pouvait-il en dire autant ? S'était-il jamais intéressé aux informations qu'Ava avait laissé échapper au sujet de sa petite-fille ?

A ce moment-là, la question ne lui frôla pas l'esprit, toute focalisée sur Ava qu'elle finit par saisir doucement par la taille, la supportant de tout son poids plume pour lui faire calmement fouler l'asphalte jusqu'à leur domicile où elle serait en sécurité, où elle pourrait se reposer, où elles pourraient faire le point sur ce qui venait de se passer. Elle mit un terme à son fredonnement mélodieux durant lequel sa grand-mère avait posé sa tête sur son épaule en se satisfaisant de cette berceuse improvisée, et répondit à Nicholas qu'elle regarda par-dessous "J'ai pas besoin de toi pour rentrer. Tu bloques la circulation avec ton van pourri en plus de ça." Elle s'en cognait complètement par ailleurs, mais elle était bien décidée à le faire déguerpir tandis qu'il faisait ce pourquoi il était le plus doué, se montrant suffisamment bienveillant pour stimuler Nana et lui faire relever la tête lorsqu'un goûter chez sa grande amie Esmée fût mentionné. Sa petite-fille n'en fit pas cas, elle ajouta à l'adresse du jeune homme à qui elle ne laissa pas le temps de dire quoi que ce soit d'autres, les klaxons se faisant de plus en plus bruyants "Dégage de là, je te l'ai déjà dit, putain." Une finesse verbale qui parut encore plus agressive quand ses grands yeux marrons s'arrondirent sous la colère qu'elle laissa entrevoir lorsqu'il utilisa son prénom en entier pour la saluer. The audacity "C'est ça, fais bien le malin." marmonna-t-elle en marchant sur le trottoir en soutenant Ava ; Ava qui posa son regard larmoyant sur son profil et dont elle pressentit la parole affluer au seuil de ses lèvres ridées qu'elle garda fermées cependant, incapable de mettre correctement les mots dans le bon ordre pour faire savoir à sa petite-fille qu'elle méprisait la manière dont elle s'adressait à ce pauvre petit biquet de Nicholas Hurley. Espèce de taré mal embouché, comment pouvait-il réussir à s'attirer la sympathie de tout le monde en étant autant à côté de ses pompes ? Là encore, c'était une question pour un autre jour, toujours est-il que le regard que sa grand-mère posa sur elle la mis mal à l'aise. Elle savait ce qu'il signifiait. Putain, putain, putain, putain… son cœur manqua un battement, comme quand on loupe une marche sans crier gare "Hey, Nicky !" Qu'est-ce qu'elle ne ferait pas pour cette bonne femme, et le pire c'était qu'elle avait beau perdre totalement la boule, elle savait très bien ce qu'elle faisait – encore pour quelques temps au moins, et ça n'avantageait pas Jo. D'ailleurs, cette dernière s'arrêta à proximité du van du jeune homme à qui elle fit signe de baisser la vitre pour mieux lui cracher, dégoûtée "Merci quand même." Soit c'était l'émotion d'avoir retrouvé Nana, soit sa gorge eut une réaction allergique alors qu'elle s'entendait très distinctement dire tout ça ; dans les deux cas, quelque chose lui serra la gorge, lui donnant soif, et elle se haït profondément pour ça "T'étais pas obligé alors… ouais, t'as compris, on va pas épiloguer. Barre-toi maintenant." Un klaxon de plus, et elle bondit sur l'occasion pour se redresser tel un suricate et beugler de tous ses poumons "FERME TA GUEULE AUSSI TOI. LA ROUTE EST ASSEZ LARGE POUR LE DÉPASSER HEIN!" La messe était dite.