drunken sailor
Raelyn Blackwell & @Ambrose Constantine

Ça recommence.

Après les événements du bal de fin d’année du lycée, je pensais que j’étais tirée d’affaire, que l’horreur avait atteint son paroxysme mais qu’elle était derrière moi. Depuis six mois, je fais des cauchemars toutes les nuits. Depuis six mois, je revois le visage du tueur juste avant que je n’arrive finalement à me sauver avec mon petit ami. La psychologue me dit que c’est normal, tout autant que mon syndrome de culpabilité du survivant puisque plusieurs de nos camarades de classe ont péri cette nuit-là.

Je croyais que c’était fini et c’est la raison pour laquelle nous sommes là, Amos et moi. Cette croisière, nous l’avons vue comme l’opportunité de nous ressourcer et de mettre tout ça derrière nous. Puis il y a eu l’annonce et, là ou les autres passagers ont d’abord cru à une blague, j’ai tout de suite eu un mauvais pressentiment. Je crois qu’une fois qu’on a traversé l’indicible, on soupçonne toujours le pire. Les autres ont rit, ont regardé un peu autour d’eux en étant dérouté.


Puis l’orage a éclaté et une première vague a envoyé par-dessus bord trois vacanciers et un hurlement strident m’a percé les tympans. Je n’ai osé me pencher par-dessus bord, mais j’ai entendu le cri de ceux qui l’ont fait et ont aperçu les corps des malheureux démembrés. Et comme la dernière fois, Amos et moi avons été séparés au début des péripéties. Les cheveux trempés, je hurle son nom. Je voudrais continuer à le chercher, mais une seconde vague manque de me précipiter par-dessus bord. A mon tour, je cours donc vers les portes qui mènent à l’intérieur du navire. Sauf qu’elle est barrée par une silhouette étendue contre le bois. « Bougez de là ! » L’homme est un marin, visiblement un membre d’équipage, et il a l’air à moitié conscient. « Il faut se mettre à l’abri ! Il faut entrer ! » La panique menace de prendre le dessus et, pour la chasser, j’agis : ma main s’écrase sur la joue du malheureux.

Le bateau tangue ou c’est lui qui tangue, il ne sait plus vraiment, le membre d’équipage Constantine. Tu parles. Il a volé le badge d’un inconnu dont il n’arrive même pas à lire le nom, maintenant. Il a aussi volé cette serpillière, mais celle-ci il l’a surtout volé au navire en lui-même: personne ne rôdait autour, menaçant. Il est armé jusqu’aux dents, Ambrose, même s’il n’a toujours pas compris pourquoi tout le monde était triste, paniqué, ou mort. Enfin si, il a cru voir quelqu’un mordre un autre quelqu’un jusqu’au sang, mais il ne sait pas si c’est le Rhum qui le lui a fait voir ou bien ses deux pupilles. Là encore, l’histoire tangue, la véracité des choses avec.

Alors, il avance avec les tentacules (oui.) de sa serpillière en avant, prêt à contaminer de toute la pisse autrefois nettoyée sur le pont le premier qui s’approchera d’un peu trop près de sa personne. Il ne sait pas contre quoi il se bat, mais il se bat. Zoya a sombré, elle est devenue une autre. Il ne veut pas devenir un autre, lui aussi. Il veut trouver la solution, il n’a simplement pas écouté l’annonce de son capitaine (est-ce qu’il est vraiment son capitaine, en tant que passager clandestin, même ?). Et finalement, face à la tempête hurlante, c’est lui qui chute contre le bois détrempé et glissant, lui qui perd son précieux soldat de bois qui sombre au fond de l’océan, aussi. « Bougez de là ! » Sonné, il peine à relever les yeux en direction de la voix féminine mais criarde. « Il faut se mettre à l’abri ! Il faut entrer ! » - “Non, j’ai… Je dois récupérer mon… C’est important…” Son arme, sa seule arme. Pour se défendre de ceux qui se retrouvent possédés. Que pourrait-il bien faire du pistolet logé entre sa peau et sa ceinture, même ? Ce n’est pas de ça dont il a besoin, c’est de l’autre arme. “Vous avez vu ? Vous les avez vu changer, tous ? Vous avez… Vous êtes changée, vous aussi ?” Il fronce les sourcils, s’approche de la petite jeune femme avec son haleine d’alcoolique, ouvre grand les yeux de cette dernière comme s’il allait pouvoir y lire la maladie à l’intérieur. “Faut que je pêche. Faut qu’on trouve ce que le capitaine a dit.” Un crâne. Un crâne, ça coule, non ? Et en pêchant, il récupérera ce qui est au fond de l’océan, non ? Oui, oui.

drunken sailor
Raelyn Blackwell & @Ambrose Constantine

L’homme me dévisage ou, en tout cas, il essaie puisque ses pupilles se posent facilement à trente centimètre de mon minois. Il n’a pas l’air bien plus vieux que moi - et déjà en bleu de travail, il ne doit pas être si bien né que je le suis - et il a surtout l’air complètement rond. C’est bien ma chance, la seule personne qui ne semble pas habitée par je-ne-sais-quoi est enivré d’alcool. « Non, j’ai… Je dois récupérer mon… C’est important… » Je jette un coup d'œil autour de moi, cherchant à comprendre ce qu’il peut bien vouloir récupérer mais, une nouvelle secousse manque de me projeter par-dessus bord. Je tranche : nous n’avons pas le temps pour ces conneries. « Je vois pas ce qui peut être plus important que votre vie. Et c’est elle que vous allez perdre si on ne rentre pas à l’intérieur tout de suite. » Au fond, serons-nous plus à l’abri à l’intérieur ? Je l’ignore mais, ce que je sais, c’est qu’ici nous risquons d’être envoyés au fond de l’Océan Pacifique Sud si nous restons ici une seconde de plus.

« Vous avez vu ? Vous les avez vu changer, tous ? Vous avez… Vous êtes changée, vous aussi ? » - « Changée ? Mais qu’est ce que vous - » J’observe les gens qui errent sur le pont, les yeux vides et effrayants. Comment ai-je pu ne pas remarquer qu’ils semblent tous possédés par quelque chose ? Je ne crois pas au surnaturel, je n’y ai jamais cru. Mais mon cerveau rationnel peine à expliquer ce que j’ai sous les yeux. « Je suis moi. Allez, levez-vous. » Sans lui laisser le choix, je passe un bras sous son aisselle pour tenter de le redresser. Debout, il n’a pas l’air bien plus frais. « Faut que je pêche. Faut qu’on trouve ce que le capitaine a dit. » - « Ce que qui a dit ? » Pétrifiée, j’ai à peine écouté le discours du Capitaine. « Qu’est-ce qu’on est censés chercher ? » Je jette des coups d'œil autour de moi. Tous ceux qui sont encore présents sur le pont n’ont pas l’air de chercher grand-chose. « Il faut qu’on se réfugie à l’intérieur. Qu’on trouve un moyen de communiquer avec les secours. » J’espère qu’il aura assez de présence d’esprit pour me suivre sans faire encore des siennes.

« Je vois pas ce qui peut être plus important que votre vie. Et c’est elle que vous allez perdre si on ne rentre pas à l’intérieur tout de suite. »
« C’est plus important, maintenant. »

Le cœur vide et brisé, Ambrose tranche. Plus rien n’a d’importance, maintenant. Il a tout perdu: Zoya, sa serpillière. Même sa bouteille: disparue. Le monde est vide, seul l’océan grouille de ces choses horribles et innommables qu’il devine malgré la tempête les entourant. Il devrait sauter, il devrait emmener l’inconnue avec lui pour lui éviter tous les tourments. « Changée ? Mais qu’est ce que vous - » Il a trop bu, il est complètement saoul, et pourtant il sait ce qu’il dit, sur ce sujet au moins: les gens changent, ils deviennent fou et ils s’en prennent aux autres, quand ce n’est pas directement à eux-même. Ils se contaminent, cela se répand comme une maladie sur un bateau trop petit pour abriter un tel mal. « Je suis moi. Allez, levez-vous. » Il hoche la tête, veut la croire, tente de s’en convaincre lui-même. Une part de lui ne relâche certainement pas son observation constante de l’inconnue. « Vous êtes qui ? Passagère ? Vous cherchez le crâne ? Vous avez entendu le discours du capitaine ? » Est-ce qu’elle sait ? Voilà ce qu’il veut savoir, Rose, lui qui refuse d’être l’annonciateur d’autant de mauvaises nouvelles à la fois.

Elle le redresse avant même de répondre à son avalanche de questions, et il passe de véritable poids mort à seulement demi poids mort, tentant d’avancer un pas devant l’autre pour les faire progresser plus rapidement. On ne sait jamais ce qui se cache dans l’ombre. « Ce que qui a dit ? » Elle ne sait pas, elle ne sait rien. Elle est une pauvre inconnue perdue dans l’oeil du cyclone. « Qu’est-ce qu’on est censés chercher ? Il faut qu’on se réfugie à l’intérieur. Qu’on trouve un moyen de communiquer avec les secours. » - « Y’a pas. J’ai essayé. Y’a pas. » Il a tout essayé, pour sauver Zoya, pour se sauver lui-même aussi. Rien. En vain. « C’est pas humain, ce qui nous traque. Ça n' a rien d’humain. » Et c’est terrifiant, ô combien terrifiant. Ambrose n’en a vu que l’ombre, il n’en a entendu que le cri, et pourtant il ressent encore la vague de terreur qui l’a envahi à ce moment là. « Tu… Sais t’battre ? Faut se battre. J’ai essayé de fuir, c’est impossible. Si t’essayes de rentrer à la nage, t’es morte. Croquée, bouffée. T’as compris. » C’est ce qui est arrivé au bateau de secours qu’il a mis à flot. Il a touché le fond, et il ne parle même pas du fond de l’océan, non: le fond du ventre d’un animal ou d’un autre. « Fais moi une promesse. Si je change, s’ils me… transforment. Tue moi. » Et pour ça, il parle comme s’il n’avait pas vu la moindre goutte d’alcool, le sujet étant bien trop sérieux pour laisser les aléas de son corps l’emporter.

drunken sailor
Raelyn Blackwell & @Ambrose Constantine

Oh seigneur : je suis tombé sur un dépressif aux penchants suicidaires, de toute évidence. Il se fiche peut-être de perdre sa vie, mais je suis tout juste à l’aube de la mienne et, pour l’instant, il est un obstacle entre moi et ce que j’estime comme étant un lieu plus sûr : l’intérieur de l’immense paquebot. « Vous êtes qui ? Passagère ? Vous cherchez le crâne ? Vous avez entendu le discours du capitaine ? » Pour qui se prend-t-il ? Une sorte d’aventurier des temps modernes, à la recherche d’un artefact d’une valeur inestimable ? « Mais bon sang vous êtes complètement saoul. » La solution, n’est-ce pas d’entrer dans son délire pour obtenir ce que je veux - à savoir, un peu d’aide ?

« Y’a pas. J’ai essayé. Y’a pas. » Son visage se pare d’un air grave, et je panique bien plus maintenant qu’il n’a plus tout à fait l’air de débloquer. Oh, bien sûr, il est toujours aussi alcoolisé, mais j’ai vu la tristesse au fond de son œil. L’un de ses proches fait-il partie de ceux qui sont passés par-dessus bord en premier ? « On va essayer encore. » Parce que je n’ai pas la moindre intention d’attendre la mort sans rien faire. « C’est pas humain, ce qui nous traque. Ça n' a rien d’humain. » - « Mais qu’est-ce que c’est ? » Je ne suis pas une gamine : j’ai cessé de croire aux créatures des contes pour terrifier les enfants. « Tu… Sais t’battre ? Faut se battre. J’ai essayé de fuir, c’est impossible. Si t’essayes de rentrer à la nage, t’es morte. Croquée, bouffée. T’as compris. » Me battre ? Avec quoi ? Je n’ai que mes poings et un cure-dents fourré dans ma poche pour ne pas le jeter sur le pont, pendant que nous étions tous occupés à nous remplir la panse de mignardises. « J’ai pas peur d’essayer en tout cas. » Parce que j’ai déjà traversé l’enfer et que je ne me suis pas dégonflée, je ne vois pas pourquoi cette fois ce serait différent. « Les armes, elles sont certainement dans le bureau du capitaine. » Je m’en moque à vrai dire, j’essaie de l’entraîner avec moi puisqu’un garde du corps comme lui reste mieux que pas de garde du corps du tout. S’il pense qu’il doit aller là-bas, il m’aidera dans ma quête d’une radio. « Fais moi une promesse. Si je change, s’ils me… transforment. Tue moi. » - « Je peux te promettre qu’à mon avis, tu finiras par te tuer tout seul si tu restes là. Allez, bouge maintenant. » Je lui donne un coup d’épaule pour pouvoir rentrer à l’intérieur. « Tu bosses sur le bâteau non ? La cabine est où ? »

« Mais bon sang vous êtes complètement saoul. »
Certes.
Et alors ?

« On va essayer encore. » - « Si vous faîtes ça, vous allez mourir. » Il ne l’en empêchera pas, Rose, mais il souhaite au moins la prévenir de l’issue inévitable des choses. Qu’elle tente de s’enfuir et elle périra comme beaucoup d’autres avant elle, voilà tout ce qu’elle pourrait y gagner. Et par gagner, bien sûr, il parle de perdre. « Mais qu’est-ce que c’est ? » Le nom de l’animal est murmuré et susurré d’un ton bas, comme s’il craignait de l’invoquer en parlant trop fort. « Vous avez jamais entendu l’histoire du Bunyip ? » qu’il ajoute, étonné, lui-même bercé avec ce genre d’horreur pour l’inciter à ne pas quitter le droit chemin de la vie. Obéis, ou le Bunyip viendra pour toi. Aujourd’hui, il est là pour eux tous.

« J’ai pas peur d’essayer en tout cas. Les armes, elles sont certainement dans le bureau du capitaine. » Il hoche la tête. Bien sûr. Le bureau du capitaine est leur meilleure chance ; au pire, ils trouveront des bouteilles qu’ils briseront, et voilà qu’elles seront des armes. « Je peux te promettre qu’à mon avis, tu finiras par te tuer tout seul si tu restes là. Allez, bouge maintenant. » Il grogne mais obéis. Déjà, il est rongé par l’envie de la tuer, avant même qu’elle se retrouve possédé, ne serait-ce pour qu’elle arrête de se montrer directive avec lui. « Tu bosses sur le bateau non ? La cabine est où ? » - « J’bosse pas ici. Je suis juste un clandestin qui sait voler. » Et pourtant, il prend la tête du convoi, son harpon en guise d’arme, à défaut d’avoir sa fidèle amie. « Aie confie en personne, ils peuvent tous être transformés. » Transformés, possédés, fous à lier. Tout est un synonyme de tout, maintenant. « Et si t’entends un cri, on s’en moque, ok ? On est pas les bonnes oeuvres, c’est chacun pour soi. » En témoigne le cri mi-humain mi-animal terrifiant qu’ils entendent, suivi d’un autre parfaitement humain et parfaitement terrorisé ensuite. Son regard se loge dans celui de la blonde derrière lui, pour s’assurer qu’elle ne joue pas au sauveteur et, surtout, qu’elle reste avec lui. « Tu sais crocheter une serrure ? » Parce que les clés qu’il a n’ont certainement pas le pouvoir d’ouvrir la cabine du seul et unique capitaine, en réalité.

drunken sailor
Raelyn Blackwell & @Ambrose Constantine

« Vous avez jamais entendu l’histoire du Bunyip ? » Je fronce les sourcils, vraisemblablement bercée par des histoires bien différentes des siennes. « On dirait simplement des lettres que vous avez agencé dans n’importe quel sens. » Oui, après tout, pourquoi ne pas tenter de me terrifier en me parlant de l’horrible monstre bloubiboulga ou bien X Æ A-12. « Y’a forcément une explication rationnelle à tout ce qui est en train de se passer ici. » Parce que, forcément, si ce n’est pas rationnel, ça ne peut pas exister, pas dans mon esprit en tout cas.

« J’bosse pas ici. Je suis juste un clandestin qui sait voler. » Et merde. Il aurait été plus utile s’il avait connu le bâteau comme sa poche. Mais il doit au moins savoir où se trouve la cabine du capitaine, non ? En tant que clandestin, cela fait certainement partie des informations qu’il doit posséder pour à tout prix l’éviter ? « La belle affaire. » J’aurais préféré qu’il soit un mercenaire ou un maître japonais des arts martiaux, quitte à ce que la situation devienne encore plus loufoque il aurait au moins été utile. « Aie confie en personne, ils peuvent tous être transformés. » - « Mon fiancé est sur le bâteau. » Ce n’est que mon petit-ami puisque Amos n’a pas techniquement encore fait sa demande, mais c’est un détail bien superflu à mes yeux. « Si on le croise, transformé ou pas, je te tue si t’essaies de lui faire du mal. » Ou bien Amos le tuera : le faux mousse est bien gringalet et mon petit-ami est un sportif aguerri. « Et si t’entends un cri, on s’en moque, ok ? On est pas les bonnes oeuvres, c’est chacun pour soi. » Comme pour ponctuer ses paroles, des cris résonnent partout dans les couloirs. Un bestial, que je tente d’ignorer mais qui me donne des sueurs froides et un plus humain. Heureusement, il est féminin et la seule personne qui compte pour moi sur le bâteau ne l’est pas. Ça recommence, les cris et les morts, ma respiration commence à s’accéler : je sens poindre les signes avant-coureur d’une crise de panique. « Tu sais crocheter une serrure ? » - « Pardon ? » Je l’observe avec deux grands yeux ronds. « C’est toi le voleur, je te rappelle. » Moi, je suis quelqu’un qui n’a de toute évidence jamais eu besoin de crocheter une serrure. « On s’en fout de la manière douce, si tu sais pas, on la défonce. » Je cherche des yeux un objet lourd pour nous aider dans cette tâche, puisque la cabine se dessine enfin devant nous.

« On dirait simplement des lettres que vous avez agencé dans n’importe quel sens. » Généralement, les lettres agencées dans n’importe quel sens ne tuent pas les gens. Voilà ce qu’il en dit et en pense, Ambrose, le regard sombre.

« Mon fiancé est sur le bateau. »
« Oublie le. »

Ce sera bien plus simple pour elle si quelqu’un le lui annonce dès le début: son fiancé était sur le bateau ; maintenant, il ne reste peut-être plus que son corps, et c’est dans l’hypothèse où elle a de la chance. En réalité, il est bien plus probable qu’il a été happé par le fond, lui aussi, comme d’autres avant lui et sûrement bien d’autres après lui encore. Ils y passeront tous, tôt ou tard, et ce n’est pas parce qu’ils prévoyaient un mariage que ça y changera quoi que ce soit. « J’suis désolé. » C’est plus sobre que de déjà présenter ses condoléances, pour le moment. En plus, il le pense sincèrement. « Si on le croise, transformé ou pas, je te tue si t’essaies de lui faire du mal. » - « Ouais, ouais. » Elle fait un mètre cinquante les bras levés et doit peser moins lourd qu’une porte de la salle des moteurs. Autant dire qu’il n’est pas vraiment effrayé mais qu’il sait que le moment est malvenu pour un tel débat. Elle n’aura qu’à couler par le fond avec lui, voilà tout.

« Pardon ? C’est toi le voleur, je te rappelle. » - « Ouais et dans voleur y’a voler, pas crocheter. » Il n’a pas tous les défauts du monde, quand même, et ce n’est certainement pas son harpon qui risque de pouvoir les aider en ce moment. Les femmes ont toujours des épingles dans les cheveux en cas de fin du monde, non ? A quoi servent-elles sinon ? « On s’en fout de la manière douce, si tu sais pas, on la défonce. » Elle parle en même temps qu’il réfléchit, tentant de faire bouger la porte de quelques coups d’épaule avant de déjà s’agacer et directement opter pour une table en bois, très peu maniable mais sans doute assez imposante pour faire rompre la serrure, cas de figure qui se présente après quelques dizaines de secondes acharnées. D’un coup d’oeil vers la jeune femme, il lui montre la réserve de vins inestimables et de leur verre coupant. Lui, malgré ses paroles égoïstes, attrape le haut parleur pour faire circuler un message. « Fuyez. Tuez tous les monstres que vous pourrez, cachez vous où vous le pouvez. Le navire est condamné. » En somme: sauve qui peut, et faites de votre mieux. Et que Dieu soit avec vous.