≈ ≈ ≈
{I've been on my worst behavior}
crédit/(ssoveia) ✰ w/@Jo Carter

Un week-end à Sydney... voilà ce qui t'attend alors que tu trouves une place vide dans le train, une place que tu vas occuper pendant les quinze prochaines heures. Tu aurais pu prendre l'avion, vraiment, cela t'aurait fait économiser ton temps, c'est un peu plus glamour, on t'aurait apportée une boisson et ta nouvelle paire de bottine signée Prada n'aurait pas autant dénoté dans la masse des gens qui se sont habillés confortablement plutôt qu'en palliant à leurs envies du moment. Tu es confortable, dans ta tenue toute en denim, rehaussé par ton maquillage noir qui est accordé à la couleur de tes chaussures (merci bien), tu fais rarement dans le confortable quand tu dois mettre les pieds dehors, et depuis quand tu cherches à passer inaperçu ? Ce n'est jamais le cas, jamais, tu espères surtout rattraper quelques heures de sommeil, ce dernier t'échappe de plus en ce moment, tu ne sais pas si ce sont les soirées de beuverie, ce rendez-vous chez le psy que tu ne cesses d'annuler et de déplacer ailleurs, la prise d'hormones ou les quelques sessions avec Willow pour étudier... Tu es épuisée, plus que physiquement, moralement aussi. Ta batterie émotionnelle est tout simplement vidée, parce que c'est éreintant de multiplier les sourires absolument vides en fait, de faire des confessions qui n'en sont pas et ne pouvoir dire la vérité à qui que ce soit. Oui, tu en as trop sur le cœur depuis qu'on t'a envoyé cette vidéo de Jo et toi à Sydney justement, la brune repartant avec le dernier mot, et c'est même pour ça que tu t'y rends aussi.
En partie seulement, Catherine est de passage aussi, elle ne t'a pas dit pourquoi, elle ne se sent pas obligée de venir jusqu'à Brisbane, alors autant tout faire d'un coup, non ? Entendre ce que Jo à dire, lui demander pourquoi elle est passée par la production et un assistant pour te parler, ton numéro n'a pas changé, et aller rassurer ta mère. Deux jours bien remplis. Le train démarre, un selfie plus tard, ta joue se pose contre la vitre et tu t'endors rapidement, sans même le réaliser. Tu te fais réveiller deux fois, la première par un gamin qui courre entre les allées et qui te fait sursauter et ensuite, par ton téléphone portable, les notifications d'Instagram sont là pour te rassurer. Déjà des commentaires sur le selfie posté et ça te rassure un peu. À Sydney, tout est familier, tout l'est en ce vendredi soir et tu trouves facilement ta chambre d'hôtel, envoyant des messages à quelques contacts présents pour au moins passer la soirée entourée de bruit.
C'est familier, tu les connais ces rues-là, ces visages-là, de même, ton cœur sait à quel rythme il doit battre sans se poser de questions. Avant même que tu ne t'en rendes compte, on est déjà samedi, ton rendez-vous approche et peut-être que tu te prends trop la tête devant ton miroir, tu le sais, et tu changes ta coupe de cheveux à la dernière minute, avant d'emprunter un chemin que tu connais déjà. Le déjà-vu est frappant en fait, voilà ce que tu te dis devant la première personne qui t'indique que non, on ne peut pas rentrer comme ça, même pas pour voir les candidats et encore moins pour demander des autographes. "Je m'en doute bien, mais j'ai un rendez-vous." Le ton n'est pas aussi sarcastique que d'ordinaire ou travaillé et tu regardes littéralement de haut la personne qui te fait face, qui laisse échapper un long soupir, avant de te demander ton nom complet et de communiquer tout ceci par téléphone interposé à quelqu'un. Je peux partir aussi, que tu penses l'instant suivant, mettre tout ça derrière toi, laisser la distance entre Jo et toi se creuser, ne pas présenter des excuses, profiter du fait qu'elle t'ait fait de la publicité sans véritablement sans rendre compte et que ta promotion, ton nouveau statut d'ambassadrice... cela aurait très certainement pris plus de temps sans toute cette petite histoire. "Okay, suivez-moi." Hochement de tête de ta part, tu suis sans poser plus de questions, tu sais dans un sens comment tout ceci fonctionne et la personne qui te guide ne doit pas avoir les informations que tu recherches. Non, du tout, en fait, pendant les quinze prochaines minutes, personne ne te parle vraiment, il faut que tu attendes d'être assise, face à trois autres personnes qui ont l'air très importantes, pour que quelqu'un te demande si tu veux boire quelque chose. "Hmm... Non ? Je veux dire non merci, je pense que c'est mieux d'aller droit au but et de parler de cette fameuse vidéo, mais il manque quelqu'un, non ?" Jo en l'occurrence, il manque Jo, il y a un échange de regards entre les trois grands adultes qui te font face et plutôt que de te répondre, tu as le droit à un autre sourire. Puis un discours sur l'importance de l'émission et les très bons taux d'audience du Revival, là aussi, une très bonne chose.
Et à chaque mot, tu fronces les sourcils, parce qu'il est clair qu'on t'a fait venir ici pour s'assurer que tu te la boucles et pas autre chose. Tu es sur le point de le faire remarquer, vraiment, quand une autre porte s'ouvre et qu'enfin, ton regard se pose sur Jo. Visiblement, c'est le moment de la leçon.

i've been on my worst behavior
@Laurie Wright (crédit gif/raquelsgifs)

"Jo, viens avec moi." "Je dois répéter." "T’en auras pas besoin cette semaine." Si le ton n’avait pas été aussi dur et froid, Jo aurait fait valdinguer sa longue queue de cheval entre ses omoplates en se prenant pour la reine de Saba parce que tout le monde le savait en effet, qu’elle n’avait pas besoin de répéter. Seulement, l’un des producteurs de l’émission la prit par le bras pour la tirer vers lui et l’obliger à arrêter de suite ce qu’elle était en train de faire histoire de la forcer à considérer la situation comme étant sérieuse, très sérieuse. En passant, elle refourgua en troisième vitesse son micro à Cathy qui la regardait avec les yeux ronds tandis qu’à Jo, son premier réflexe fut de chercher Midas du regard, et ce dans l’espoir qu’il lui accorde un semblant de piste alors que clairement, personne n’était au courant de ce qui poussait l’un des grands manitous du grand Barnum qu’était The X Factor à tracter Polly Pocket hors de son terrain de jeux.
Et d’ordinaire, si elle lui aurait renvoyé la faveur en lui en balançant un coup de pied retourné dans les boules, au producteur qui lui tirait le bras sans aucune délicatesse, elle se laissa conduire de force hors du plateau aux lumières éteintes en ressentant une douleur lancinante naître le long de son poignet, celui qu’il tenait fermement en étau entre ses doigts et qu’il manipula si fort pour finalement la faire voltiger face à lui qu’elle para son autre main pour lui en coller une avant qu’il ne pointe un doigt menaçant devant ses yeux, l’arrêtant d’emblée, et avec une colère si manifeste dans le fond de ses yeux que, pour de vrai, elle ressentit un sentiment de peur si profond qu’elle rentra sa tête dans les épaules pour se protéger. A croire que ça réveillait des souvenirs, et pas des souvenirs agréables "Un conseil, ferme la jusqu’à ce qu’on soit là-bas parce que je te promets que si j’étais pas sûr de perdre mon job, je te dégagerais du programme illico." "Mais qu’est-ce que j’ai fait ?" Elle s’entendit le demander d’une toute petite voix remplie d’une incompréhension authentique. Sauf qu’elle n’obtint aucune réponse. Le chemin qu’on lui ordonna à prendre pour quitter le studio, il fût terminé par la volonté soudaine qu’elle trouva à se dégager des doigts du jeune homme pour grimper seule dans la voiture qui l’attendait.

Ignorant les fans qui attendaient là, elle s’engouffra à l’intérieur avec l’impression que quelque chose de grave était en train de lui arriver. Elle ne pouvait même pas se figurer de quoi que ce soit de concret, se retrouvant sans son téléphone, sans rien, à croire qu’il se prenait pour Don Corleone de mes deux, l’autre abruti devant qui elle ne moufta pas pourtant. Avec toute la bonne volonté du monde, elle ne réussissait pas à mettre le doigt sur le pourquoi du comment — quand arrêtés à un feu tricolore, l’homme assit à ses cotés lui fourra l’écran de sa tablette devant les yeux pour la forcer à regarder les images de son altercation avec Laurie et monta le son au maximum pour qu’elle s’entende lui dire des horreurs.
Jo serra les dents, ne trouvant rien d’intelligent à dire parce qu’elle n’était pas assez conne pour ne pas comprendre ce qui était en train de se passer "T’es une putain de bombe à retardement, Jo. Compte sur personne pour te sauver les fesses cette fois, c’est pas faute d’assurer tes arrières pourtant." "C’est une histoire perso, j’ai pas de justification à donner sur un truc qui concerne ma vie en dehors du plateau." argua-t-elle en ne s’arrêtant pas tout de suite sur l’idée que Midas devrait encore une fois passer derrière elle pour recoller des morceaux que, cette fois en tout cas, elle n’avait pas brisé volontairement. Il se tut, le producteur, lui accordant le genre de regard paternaliste qu’elle connaissait bien pour l’avoir essuyé à de nombreuses reprises avant de s’en prendre une en pleine figure ; elle n’en reçue aucune à ce moment-là, mais l’impression de déjà-vu était trop prégnante alors elle la boucla jusqu’à l’hôtel dans lequel elle entra escortée par le même homme tandis qu’elle s’autorisait à lui dire, sa main enroulée autour du poignet qu'il avait malmené et qui lui faisait un peu mal, c’était vrai "C’est pas si grave. J'ai rien dit de grave." "Celle à qui tu t’en es prise à des centaines de milliers de followers, merde — entre, maintenant !" Et elle la sentait déjà Jo, la frustration d’être une fois de plus rendue coupable de quelque chose sans que personne ne cherche à dépiauter les raisons derrière sa fulmination  — une fulmination qui refit son apparition juste à l’instant, la sentant prendre de l’ampleur là encore, et qui la fit amorcer une inspiration si profonde par le nez qu’elle sentit l’effluve d’un parfum qu’elle connaissait se rappeler à son bon souvenir lorsqu’elle entre dans la pièce qu’on lui avait indiqué "Putain." laissa-t-elle échapper en croisant brièvement le regard de Laurie qui était déjà là.

≈ ≈ ≈
{I've been on my worst behavior}
crédit/(ssoveia) ✰ w/@Jo Carter

Pour toi qui adores prétendre, c’est trop. Une très mauvaise scène de film, le moment où tu croises le regard de Jo, le moment où la brune prend très certainement la mesure de toute la situation et quand Jo inspire très profondément, toi, tu fais le contraire. Tu retiens la tienne de respiration, tu espères secrètement que le manque, bien que bref, d’oxygène va te permettre de redémarrer quelque chose un peu plus haut, que tu vas enfin comprendre quelque chose de fondamental et crucial. Mais si, le truc que tout le monde a dès la naissance, qui vient avec la plastique parfaite, avec le cœur qui bat à la bonne fréquence, ce truc qui permet de bien briller, de ne pas tomber autant de fois que toi, de se relever avec facilité. Tu as toujours fait semblant, Catherine le savait, n'est-ce pas ? Bien sûr que oui, elle le savait, elle t’a portée pendant longtemps, il n’a suffit que d’un regard pour qu’elle le comprenne, c’est pour cela qu’elle t’a toujours dit quoi faire, comment te tenir, comment sourire, comment vivre. Et même Jo l’a toujours su, elle le sait, pareil, la brune a posé un regard sur toi et elle a su, qu’est-ce qu’elle t’a dit déjà la dernière fois que vous avez été aussi proches ? Tu me fais pitié.
Tu cesses de la fixer quand elle se retrouve assise à côté de toi, l’ironie ne t’échappe pas, de même que la situation putain de familière, sauf que ce n’est pas le bureau du principal ou une bêtise du genre. Vous n’êtes plus de simples gamines, enfin, Jo n’en est plus une en tout cas... Tu ne sais pas si on peut en dire autant pour toi, après tout, tu vas bien retrouver ta mère dans quelques heures et prétendre que tout va bien dans ta vie. Tu poses les yeux sur les gens importants en face de vous, tu as le droit à un sourire, les expressions sont un peu plus réservées pour Jo, dans un sens, tu sais pourquoi. Malheureusement pour ton amie, enfin ex-amie (c'est sûrement plus juste maintenant), le jeu des apparences n’a pas jamais joué en sa faveur, le contraste doit être encore plus saisissant alors qu’elle est assise à côté de toi. Dans votre jeunesse, tu as dû rappeler aux gens plus d’une fois que tu n’étais pas la pauvre petite Laurie qui s’était faite entraîner par la vilaine Jo, Jo ne t’a jamais forcée à faire quoi que ce soit, elle a toujours été honnête et elle t’a toujours vue pour ce que tu étais. Paumée.
Une voix masculine t’ancre dans le moment présent et tu dois battre plusieurs fois des cils pour suivre le fil de la conversation. “Comme vous l’avez dit Miss Wright, autant aller droit au but, la situation est très simple et tout peut être résolu dès maintenant, je suis persuadé que vous avez mieux à faire et que vous voulez retourner à la production de votre contenu pour vos abonnés.” Tu pourrais lui dire que Miss Wright c’est ta mère pas toi, cela sonne tellement faux quand on s’adresse à toi comme cela, cependant, tu sais qu’il n’a pas fini de parler et tu te retiens de te tourner vers Jo. Pour l’observer, pour t’excuser d’avoir causé ce bordel avec ta grande gueule et juste lui demander pardon. Tu fais de ton mieux pour rester concentrée sur la personne qui parle, surtout quand on s’adresse à toi l’instant suivant. “Comptez-vous vous exprimer sur le sujet ?” “Je...” On attend ta réponse, ta réaction, pas celle de Jo et cela sonne une alarme dans ta tête qui fait passer une expression paniquée sur ton visage, avant que tu forces un sourire sur tes traits, pour ne pas passer pour une amatrice finie.
“Non, je ne compte pas le faire, je ne l’ai pas fait, je ne veux pas de ce genre de publicité, j’ai un boulot aussi au passage.” Oui, tu as eu une promotion, un joli "félicitations maintenant tu as intérêt à nous rapporter gros", mais décidément pas pour ce genre de contenu. Tu n’as pas envie d’être connue comme celle qui s’est prise la tête avec Jo Carter, celle qui s’est fait remettre à sa place par Jo Carter ou tout autre épithète aussi peu glorieux. Tu veux que ça s’arrête dès maintenant et tu poses tes coudes sur la table devant toi, pour répondre et continuer la conversation. “Qu’est-ce qu’il faut que je signe pour que cette histoire se termine ? Que tout le monde oublie tout ça et qu’elle retourne faire ce qu’elle sait faire en fait ?”
Elle, tu ne mentionnes même pas Jo alors qu’elle est dans la même pièce et à côté de toi, c’est sûrement mieux ainsi, voilà ce que tu te dis, que tout le monde retourne à sa petite vie tranquille. Oublier tout ça, Jo t’a dit ce qu’elle ressentait, déjà répondu à tes horribles mots alors autant couper court. “Je suis sérieuse, je ne vais pas porter plainte ou promouvoir un boycott de votre programme, mais si je me la boucle, elle reste.” C’est bien pour cela que Jo est là pas vrai, parce que cette petite réunion va déterminer la suite, si elle sera réprimandée ou pas, pour tes conneries, et ça, ça ne te parait pas juste du tout.

i've been on my worst behavior
@Laurie Wright (crédit gif/raquelsgifs)

Tout lui semblait un peu trop familier pour qu’elle ne se sente bien sur le moment. Ça avait un goût de déjà vu troublant. Néanmoins, Jo garda la tête haute et le regard qu’elle posa sur Laurie fût assez fixe pour qu’elle devine qu’il ne valait mieux pas qu’elle lui adresse ne serait-ce qu’un bonjour.
Le producteur qui l’accompagnait se pencha doucement sur son oreille. Les mots qu’il lui adressa étaient gorgés d’un sourire étrange qui lui fit lui décocher un regard par-dessus son épaule. Elle sentit son souffle caresser son visage et ses doigts lui saisir le creux du coude pour la garder un instant près de lui — il serra fort. Ses yeux s’étant détournés de Laurie pour s’accrocher aux siens, elle avait du mal à capter à quel point elle était foutue à ce moment-là "T’as intérêt de bien te tenir. Tais-toi et écoute." Tais-toi et écoute, à croire que c’était le seul conseil qu’on avait à lui donner ces derniers temps. En même temps qu’il la lâchait, la frustration qu’elle ressentait déjà à l’idée d’être là, elle remonta doucement jusqu’à l’arrière de sa nuque sur laquelle se répandit une nuée de chair de poule lorsqu’elle s’installa enfin à côté de Laurie.

Ses mains se glissèrent dans l’espace formé par ses cuisses serrées l’une contre l’autre. Ses jambes s’agitèrent immédiatement, tressautements qui illustraient toute la colère qu’elle ressentait au centre de tout son être, prenant conscience qu’elle n’était pas là pour plaider sa propre cause, mais uniquement pour accueillir une sentence qu’elle sentait déjà peser sur ses épaules alors qu’elle ne savait pas encore de quoi il en retournait.
Elle n’avait pas le profil-type d’une victime Jo. Elle avait l’aura de ceux qui protestent et qui se défendent, eux-mêmes et les autres parfois, et ça n’allait pas toujours en sa faveur. Si sa personnalité était un plus niveau marketing, si capitaliser sur son caractère de cochon était facile à faire aujourd’hui tant elle tombait parfois dans le stéréotype de la femme caractérielle qui lui permettait ainsi de vendre une image qui rassurait les femmes un peu moins sûres d’elles qui se référaient à des modèles à suivre pour évoluer dans le bon sens, et ce dans un monde où le self-worship était devenue une trend, il n’était pas moins évident que ça la desservait plus de fois qu’à son tour.
Ce n’était pas nouveau, son tempérament avait toujours été au coeur des débats. Dans le passé elle avait été moins en colère qu’elle ne l’était depuis quelques années maintenant, cependant elle avait toujours bouilli d’une énergie revendicatrice, assez peu concernée par l’opinion que les autres se faisaient d’elle pour craindre d’être rejetée ou détestée. Parce qu’elle était douée, parce qu’elle était charismatique, elle savait aussi que c’était facile de tout lui pardonner, et elle mentirait si elle prétendait ne pas en jouer.
Le seul bon conseil à retenir d’elle, c’était celui qu’elle distribuait à tour de bras et qui commençait par on s’en fout des autres. Aussi les seules fois où elle s’obstinait à faire des efforts et à soigner son tempérament, c’était quand elle était en présence de ceux qu’elle appréciait assez pour redouter qu’ils la repoussent, ayant toujours eu besoin de plaire à ceux qui comptaient pour elle plus qu’aux inconnus. Du reste, elle ne mentait pas lorsqu’elle disait qu’elle s’en foutait de son image. Elle était de toute façon assez entretenue pour attirer l’oeil dans tous les cas, qu’on l’aime ou qu’on ne l’aime pas, et il était là son vrai pouvoir.

Elle maintenait une ligne de conduite basée sur l’attention portée à l’échange qui se mit en place entre Laurie et Joshua, l’homme qui leur faisait face et qui était à la tête de la production de l’émission, jusqu’à ce que les paroles de la blonde la fassent émettre un léger rire expulsé par le nez. Je ne veux pas de ce genre de publicités "Et t’as amassé combien de nouveaux followers depuis que la vidéo a été rendue publique ?" lui demanda-t-elle dans la foulée, tournant enfin la tête vers elle pour affronter ses yeux et constater à quel point elle avalait ses propres couleuvres. La main de Joshua se leva vers Jo juste pour la faire taire et la faire reprendre le bon sens de la conversation. Ça la fit lâcher un léger grognement en même temps qu’un roulement d’yeux tandis qu’elle se replaçait dans sa chaise en se dandinant, ses jambes finissant par se croiser pour mieux faire ce qu’on lui avait demandé — se taire et écouter "La concernant, notre décision est déjà prise." Elle leva un sourcil, son menton rentrant doucement dans sa poitrine, vraiment surprise d’une telle annonce "Pourquoi je suis ici alors ?" demanda-t-elle alors qu’il complétait sa phrase en portant alternativement son regard sur les deux jeunes femmes en face de lui "Le rendez-vous d’aujourd’hui n’est pas une négociation pour savoir comment la faire rester. Elle restera quoiqu’il arrive, mais à nos conditions qui n’engagent que notre volonté de garder tout ça sous contrôle." "Qui sont ?" Les conditions bien sûr, fit Jo qui se fit rabrouer immédiatement et ce dans un soupir si profond qu’elle sentit l’haleine chargée de café de Joshua se déporter jusqu’à elle "Qui sont que tu vas devoir prendre un temps de pause durant toute cette semaine pour méditer sur le sujet et présenter des excuses publiques pour assurer nos arrières à propos de la suite du concours." Elle secoua la tête, ses yeux marquant la hauteur du plafond qui s’étirait au-dessus de sa tête en retenant un putain, ses lèvres se serrant très fort pour mieux blanchir et disparaître "Comprends-nous, tu ne nous facilites pas la tache. On savait dans quoi on s’embarquait en te proposant de participer mais Josephine", presque férocement, elle reposa son atteion sur lui en carrant les mâchoires lorsqu’elle entendit son prénom en entier, son regard enfoncé si profondément dans ceux de son qu’elle aurait pu le tuer si elle l’avait vraiment voulu "il faut que tu travailles sur toi-même, il y a beaucoup d’argent derrière tout ça. Nos intentions ont toujours été bonnes envers toi, elles le sont d’autant plus maintenant que Midas a assez de poids pour faire entendre ses volontés et participer à la stratégie mise en place pour cette édition spéciale." "Pourquoi vous me parlez de Midas ?" "Tu es là parce qu’il l’a voulu." "Je suis là parce que vous voulez capitaliser sur notre alchimie et vendre de la romance à des gamines qui nous ont suivies il y a six ans. Le faites pas passer pour le maître du jeu quand c’est vous qui le tenait en laisse depuis le début." défendit-elle sans hésitation, un doigt brièvement dressé dans sa direction.
Le soudain temps de pause qu’elle marqua pour froncer les sourcils, ses yeux marquant l’alternance entre ceux de Joshua, elle s’en servit pour observer le visage de l’homme en face d’elle qui bascula en arrière pour faire s’incliner son fauteuil avec l’air de ceux qui en savent plus qu’ils ne peuvent en dire ; et le contact visuel perdura un moment de trop, celui nécessaire à Jo pour comprendre qu’il y avait quelque chose dont elle n’avait pas été tenu au courant. Ça força Joshua à rapidement reporter ses yeux sur Laurie "Si on m’avait proposé de parier sur laquelle de vous deux jouerait à l’emmerdeuse, j’aurais probablement gagné le gros lot. Tu deviens prévisible, c’est pas bon pour ton image Jo." Ça le fit rire, mais pas Jo qui continuait de le fixer silencieusement quand il reprit à l’adresse de Laurie "Si vos intentions sont de rester silencieuse sur la question, ça nous arrange. Evidemment, ça s’accompagnera d’un petit quelque chose pour sécuriser notre marche de manoeuvre et vous convaincre de garder vos déclarations pour vous sur la durée. Votre prix sera le nôtre." E se levant brusquement, il se pencha sur son bureau pour mieux pointer Jo du doigt "Toi, tu es privée de plateau jusqu’à nouvel ordre. On te change d’hôtel dès que tu sors de ce bureau." C’était donc ça le temps de pause pour méditer sur le sujet. Elle ouvrit la bouche pour dire quelque chose, la referma aussitôt pour l’ouvrir de nouveau, mais rien ne sembla être assez virulent pour qu’elle réussisse à se servir de sa si jolie voix. En revanche, les secondes s'étirant entre elles, elle trouva la force de dire à Laurie qu’elle regarda de nouveau avec un sourire sarcastique, sa tête se tournant dans sa direction "Contente ? T’as enfin réussi."

≈ ≈ ≈
{I've been on my worst behavior}
crédit/(ssoveia) ✰ w/@Jo Carter

Tu ne réponds pas à la première question de Jo, parce que tu connais la réponse, elle connaît la réponse et alors quoi ? Les gens aiment le drame, ils adorent te voir verser des grosses larmes devant la caméra, les essuyer et continuer ta petite vie comme si ce n'était pas grand chose. Pour eux, ce n'est qu'un jeu, juste cinq minutes passées devant leur écran à se dire qu'il y a quelqu'un de plus pathétique qu'eux, alors tout va bien. Pour toi ? Il n'a jamais été question de jouer la comédie, du moins pas au début, il y a quelque chose de cathartique dans le fait d'avoir un public, si bien que oui, toutes les crises de larmes sont et ont été réelles et cela a toujours amené son lot d'abonnés. De même que les cris, les disputes et tout le reste. T'occupe, que tu veux répondre à la brune, car ce n'est ni le lieu, ni le moment et que tu ne comptes pas t'excuser si certains sont là pour apaiser leur curiosité morbide. Tu l'as provoquée dans un lieu public, plus que public, elle a répliqué, maintenant, vous êtes toutes les deux face aux conséquences. Et Jo n'est pas la seule fautive, bien sûr que non, si ton coeur est aussi lourd, s'il s'efforce de battre à cette vitesse-là dans ta poitrine, c'est parce que tu sais, tu le sais très bien, que c'est toi qui es coupable dans cette histoire. Que Jo a répondu comme tu savais qu'elle allait répondre dès que Midas est concerné, et que tu aurais juste dû ravaler ta fierté et repartir ce soir-là.
Pourquoi as-tu répliqué ? Tu n'en sais rien du tout, cela te semblait tellement important d'avoir le dernier mot et de la remettre à sa place sur le moment, tellement important de paraitre grande et forte pendant deux putain de secondes... Tout ça pourquoi ? Tu adorerais réfléchir un peu plus avant d'agir, malheureusement, cela n'a jamais été ton fort, que ce soit avant ou maintenant et la sentence est plus que lourde. La production a déjà pris sa décision dans un sens et tu suis l'échange suivant en battant des cils, faisant de ton mieux pour respirer le plus faiblement possible. Tu voudrais disparaître, vraiment, te faire engloutir tout entière par le sol et juste ne pas être là. Jo va rester, il va y avoir une pause, elle sera écartée du public et de la scène, c'est plus qu'injuste dans son cas, cela reste l'endroit où elle est le plus elle en fait... et elle hausse encore le ton quand Midas arrive dans la conversation. Franchement ? Tu espères qu'il en vaut la peine, tu n'en sais rien, comme tous les autres avant lui, tu as déjà estimé qu'il n'était pas assez bien pour la brune et ton avis sur la question ne risque pas de changer, du tout même.
Jo se défend encore une fois et tu restes silencieuse, tu attends la partie de la conversation qui te concerne et tu marmonnes un :  "Cela vous arrange, évidemment." certaine qu'on ne pourra pas t'entendre.  "Je ne veux r... vous êtes sérieux ?" L'homme en question se lève, pour donner sa sentence à Jo et tu comprends que oui, il est tout à fait sérieux. Dire que tu ne veux rien ? Stupide, stupide vraiment, réfléchis Laurie, pense avec ta tête pour une fois et pas avec ton coeur trop blessé. A ton boulot aussi il y a eu des conditions, une promotion, toutes ces nouvelles attributions, tu réfléchis justement à toute vitesse, mettant Jo de côté pour donner tes conditions. "Je peux vous passer le contact de ma patronne pour les détails, mais ça serait bien un peu de publicités pour la marque pour laquelle je bosse, MAC en l'occurrence, pendant l'émission, pendants les pubs, vous vous débrouillez mais il faut bien lui faire comprendre que c'était mon idée." On pourrait te faire remarquer que le géant du maquillage n'a pas besoin d'un coup de pub, tu t'en fiches, le principal c'est qu'on sache que l'idée vienne de toi, que tu repartes avec les honneurs comme une bonne élève et que cela se ressente du côté de tes abonnés et de tout le reste. Toujours aussi égoïste, jusqu'au bout, mais il ne te reste plus rien, la seule personne dont l'opinion comptait un minimum te déteste déjà, alors autant continuer de foncer dans le mur, pas vrai ?  

"Le reste, si vous avez besoin de maquilleuses en plus pour un prime, que ce soit la finale ou même avant, je peux venir sur Sydney et faire ça. Faire quelques directs en même temps, rameuter mes abonnés et que tout ça continue d'être populaire." Il n'y a pas que Jo et Midas dans le lot, il y a bien d'autres candidats, d'autres pseudo-célébrités qui sont là parce qu'ils s'accrochent à une gloire d'antan, ce qui te correspond un peu quand tu y penses bien. Tu peux te fondre dans la masse, prétendre, filmer tout ça avec ton téléphone et repartir, tu fais très bien semblant devant les caméras, s'ils ne l'ont pas encore compris... c'est qu'il y a une erreur, aucun doute. Ta réponse, bien que brouillonne, semble être suffisante car l'homme qui s'adressait à Jo il y a quelques secondes te regarde pendant un long moment avant d'hocher la tête. Est-ce qu'il se dit que tu es une opportuniste finie ? Très certainement, mais il n'aurait pas tort.  "On peut s'arranger, on a de quoi vous contacter, attendez vous à avoir de nouvelles très rapidement... sur ce, j'ai un autre rendez-vous..." Il regarde sa montre probablement très coûteuse et les deux autres personnes qui l'accompagnaient et qui ont assisté à tout ça un peu en retrait se redresse aussi. C'est fini, tu as survécu, tu prends une profonde inspiration l'instant suivant, clignant des yeux quand l'autre femme présente dans la pièce s'adresse à Jo et toi l'instant suivant.  
"Vous devriez en profiter pour mettre les choses à plat toutes les deux." Elle essaye sans doute d'être bienveillante cependant, cela a plus des allures d'insultes qu'autre chose. Bon courage les gamines, voilà comment ça sonne et tu la suis du regard alors qu'elle quitte le bureau et quand enfin la porte se referme, tu réalises que oui, tu es toute seule avec Jo. Pas de caméras, pas de Midas, pas de fan, pas de grands discours, juste vous deux. Ton regard bleuté se pose sur la brune, qui a sûrement tout un tas de choses à te dire et à te reprocher, elle pourrait même profiter de ce moment privé pour t'en coller une, ce que tu accepterais et comprendrais.  "Et non... rien de tout ça n'était pas prévu, que ce soit te mettre des bâtons dans les roues ou le reste." Tu es bien des choses, mais tu n'es pas cruelle et même Jo le sait, que tu es incapable de manigancer quelque chose comme cela. Quand tu veux quelque chose, tu te contentes de le prendre et quand te donne le minimum ? Tu prends tout sans laisser de reste pour les autres, ça a toujours été comme ça. Tu devrais te lever, lui dire au revoir et lui accorder du répit, elle le mérite bien.  "Pour ce que ça vaut maintenant... je suis vraiment désolée. Tant pis si ça a peu de poids maintenant, je ne cherche pas ton pardon ou quoi que ce soit, juste, il fallait que tu l'entendes." Les mots t'échappent avant que tu ne puisses les arrêter et tu te retrouves à serrer les poings et à t'enfoncer les ongles dans la peau fragile et trop faible de tes paumes pour ne pas pleurer.
Non, tu n'es pas là pour gagner des points de sympathie, tu n'es pas là pour la faire culpabiliser, te mettre à dos Jo est bien la dernière chose que tu voulais faire et quelque chose que tu ne risques pas d'oublier.  "Jo, je sais que j'ai tout gâché, je suis désolée."

i've been on my worst behavior
@Laurie Wright (crédit gif/raquelsgifs)

Laurie, elle avait la capacité de se greffer aux fesses de quiconque avait plus de charisme qu’elle, prenant la lumière des autres avec une volonté farouche de prétendre ensuite que c’était la sienne, qu’elle la méritait quand elle n’était que le fruit de la constance de sa mère à la traiter comme une poupée grandeur nature. La preuve en était, alors qu’on menaçait Jo de lui couper l’herbe sous le pied, alors qu’elle avait maintenant la certitude d’être officiellement punie pour quelque chose qui la regardait elle, alors qu’on enterrait ses chances de faire quelque chose de bien de son talent en la mettait à l’arrêt le temps de quelques jours, elle réussissait à grappiller de quoi se faire mousser et sautait sur l’occasion pour faire valoir sa place d’ambassadrice de la boîte pour laquelle elle bossait. Si elle ne dit rien, laissant un rire goguenard lui échapper en la voyant se dépatouiller à la force de son putain d’opportunisme, Jo n’en pensait pas moins pour autant. En vérité, ça lui brisa le coeur, de la voir si apte à se jeter sur les miettes de sa déroute et sa gorge se serra en conséquence, lui coupant la chique tant elle n’en revenait pas de se rendre compte avec des décennies de retard qu’elle avait si peu de considération pour elle qu’elle était prête à la piétiner quand elle était à terre.
Elle était ambitieuse Jo, mais pas de la façon dont Laurie l’était. Elle aimait se faire passer plus revêche qu’elle ne l’était parce que c’était plus simple ainsi, de ne pas vouloir s’attacher et de camper sur une volonté trafiquée de vouloir avancer seule, selon ses propres termes, mais jamais elle ne ferait ce qu’elle était en train de faire, à elle ou à quelqu'un d’autre. Elle n’avait pas la volonté de nuire pour réussir, ce que Laurie semblait avoir en revanche, et en plus de lui asséner le coup de grâce, ça lui faisait réaliser qu'elle avait perdu son temps à la défendre tout au long de sa vie. Ça l’humilia bien plus qu’elle ne serait capable de l’expliquer, de réaliser qu’elle avait été assez conne pour vouloir la prendre sous son aile et la faire sortir de sa coquille quand elle venait toutes les deux d’un cocon familial toxique qui les aurait détruites si elles n’avaient pas eu la force de s’en aller de leur petite bourgade. C’était trop tard, mais elle n’en démordrait pas : elle aurait dû ne jamais s’arrêter sur la détresse qu’elle avait ressenti de son côté lorsqu’elles s’étaient rencontrées à l’école, elle aurait dû la laisser derrière elle comme elle-même l’avait fait après X-Factor, et ce sans hésiter, prenant conscience que l’enthousiasme autour de Jo s’était tarit, et qu’elle n’en tirerait rien de bon pour elle et sa carrière — elle revenait des années après en arguant que ça devait être comme ça, que ça n’avait toujours été que ça entre elles, et c’était peut-être vrai, pour ce qu’elle en avait Jo.

"Vous devriez pas la laisser seule avec moi si vous voulez pas vous retrouver avec un corps sur les bras." Elle n’était pas en position de faire la maline et pourtant Jo laissa cette réplique lui échapper pour gagner le mérite de contrôler quelque chose au moins. Mais c’était fade et sans saveur, et si elle se leva de sa chaise furibonde, c’était uniquement pour se donner la satisfaction de faire quelque chose quand elle s’était pratiquement laissé traiter comme une coupable à qui ont avait refusé la défense. Quel genre de justice c’était, ça ?
"Ferme ta gueule, Laurie." Ça en revanche, ça sortait comme une extension naturelle de tout ce qui lui passait par la tête à ce moment-là, et c’était assez agressif pour être perçu comme une menace. Comment elle osait s’adresser à elle, comment elle osait lui présenter des excuses après avoir minaudé auprès de l’équipe de l’émission pour la faire rejoindre le cercle fermé des employés de la franchise, comment elle osait la regarder en ayant l’air si abattu quand ce n’était pas elle qu’on traitait comme une putain de bombe à retardement ? S’étant retournée brusquement vers elle, Jo carra les mâchoires à s’en provoquer une migraine. Refoulant la houle de ses sentiments qu’elle sentit essayer de passer de forces néanmoins, elle marcha furieusement jusqu’à elle pour lui répéter, ses mains aux ongles longs restant à distance de son visage qu’elle avait pourtant envie d’écrabouiller pour lui faire autant de mal qu’elle était en train de lui en faire, sa voix se faisant murmure comme elle lui répétait, les dents serrées si fort que c’était de la ventriloquie à ce stade, ses doigts tremblant sous la force qu’elle mettait à ne pas lui attraper le visage pour la détruire pour de bon "Ferme ta putain de gueule, Laurie." Et soudain un rire lui échappa, le genre de rire douloureux qui ressemble davantage à une colonne d’air difficile à éjecter, chargée de temps de trop choses à la fois tandis qu’elle se reculait pour lever ses deux mains devant elle cette fois, sentant ses doigts grouiller sous la colère qu’elle ressentait, mais pas que "Encore heureux que tu cherches pas mon pardon. Si t’avais encore une chance de l’avoir après la dernière fois, là j’espère que t’as conscience que c’est mort. Toi et moi c’est qu’un concept qui ressemble à une erreur." Et autant Jo savait quand elle en faisait des tonnes, autant là elle avait l’impression de en pas en faire assez simplement parce qu’elle savait que l’autre mettrait peu de temps à commencer à chialer — elle, elle ne le ferait pas pour ne pas lui laisser l’impression que ce qui la touchait dans toute cette histoire, c’était sa tendance à vouloir tirer son épingle du jeu au détriment de ses accointances avec autrui.
Mais elle aurait dû s'y attendre dans le fond, c’était elle qui avait été une abrutie : Laurie, elle s’attachait à n’importe qui qui lui accordait assez d’attention pour qu’elle se sente pousser des ailes. Jo ne savait pas pourquoi elle avait cherché à croire qu’elle serait logée à la même enseigne, sans doute parce que sa propre amitié était rare, qu’elle ne la donnait pas à grand-monde et qu’à défaut d’être bonne pour l’expression sirupeuse de ses propres sentiments, elle était d’une loyauté sans pareille. C’était peut-être son manque d’éducation qui lui avait laissé croire que ça valait pour tout le monde, sûrement parce qu’elle se trouvait tellement conne à cet instant-là qu’elle sentit ses yeux se remplir tout de même de larmes sans pour autant que son visage ne démontre une autre volonté que de rester digne au point qu’après un long instant à la fixer, sa mâchoire remuant sous l’effet de la mastication qu’elle imposa à l’intérieur de ses joues, elle lui dit sans ciller "Je t’aurais jamais fait ça. Je t’aurais jamais laissé seule sous le prétexte que t’aurais plus rien eu à m’apporter. Je t’aurais jamais laissée te faire traiter comme on vient de me traiter pour récupérer des miettes dont t’as même pas besoin." Pour tout ce qu’elle lui dit maintenant, c’était vrai : jamais. Jo ajouta comme si elle ne s’était pas interrompue pour retenir sa respiration avant de lui avouer, sa parole alimentée par sa peine qu’elle ne laissa pas éclater pour autant, lui accordant le genre de regard dédaigneux qui laissait peu de doute sur l’image qu’elle avait d’elle désormais "J’aurais préféré jamais te connaître."

≈ ≈ ≈
{I've been on my worst behavior}
crédit/(ssoveia) ✰ w/@Jo Carter

Vous êtes seules, Jo et toi, et c'est très certainement la pire idée du siècle, tu le sais. Cependant, tu sais aussi qu'une telle occasion ne se reproduira pas et qu'après aujourd'hui, il n'y aura que de la distance entre la brune et toi. Tu n'es pas stupide, tu sais ce que tu viens de faire, ce que tu viens de demander, tu viens d'en profiter une fois de plus, sauf que Jo ne réalise pas que les occasions comme celles-ci sont rares pour toi. Elle est douée, elle s'en remettra, elle passera à autre chose, on lui proposera encore quelque chose à cause de ton talent indéniable, elle attire tous les regards la Carter et il y aura d'autres projecteurs braqués sur elle. Pour toi ? Tu n'en es pas aussi certaine et chaque lendemain à des allures de fin, alors peut-être que ce n'est pas juste, ça ne l'est pas du tout même, c'est fait et tu conserves le silence après des excuses plus sincères que celle que tu as pu prononcer pour n'importe qui d'autre au cours de ta brève existence. Tu respires lourdement encore une fois, le bleu de tes yeux focalisé sur Jo et sur sa colère. Elle se retient, tu peux le sentir et c'est tellement dommage, parce que tu mériterais très certainement de repartir avec quelques bleus de plus, que ta peau pâle reflète à quel point il y a quelque chose qui cloche chez toi et le truc que tu viens de briser entre vous. Pourquoi est-ce qu'elle fait encore dans la mesure ? Une bonne question et pourtant, tu te tais, comme la brune vient de te l'ordonner et quand Jo est encore en mouvement, tu fermes les yeux pendant quelques secondes.
Les choses auraient pu être tellement différentes, si tu avais eu le courage de la retenir à l'époque, si tu avais su comment la consoler et lui faire comprendre que ce n'était pas la fin de tout et même en arrivant sur Brisbane... Tu aurais pu lui dire à la brune qu'elle t'a manquée et que c'était juste ta façon maladroite de vouloir récupérer ta place à toi dans ta vie. Ouais, l'habitude, tout était tellement plus facile quand vous étiez plus jeunes, à Dalby, quand les seuls vrais défis étaient de s'occuper le vendredi soir, ou de convaincre Catherine de laisser Jo passer la nuit chez vous car cela lui aurait évité des confrontations encore plus houleuses avec toute sa famille ou juste son paternel. Il n'y aucun moyen de retourner en arrière et cela te fend le cœur plus qu'autre chose, parce que c'est Jo. La première personne que tu as pu véritablement considérer comme une amie, celle qui ne t'a jamais regardé comme un animal de foire, qui a accepté le nom de Laurie sans te reprendre et qui ne t'a jamais demandé pourquoi tu insistais tant pour porter des robes et des jupes à l'époque. Tu es vraiment une personne horrible, la réalisation ne t'a pas échappé et elle arrive avec les mots de Jo, la pure vérité et des larmes qui bordent tes yeux et tes cils.
Tu n'éclates pas en sanglot, non, tu es trop pleine de tout, trop fatiguée et quand les larmes en question finissent par rouler sur tes joues, tu les essuies du plat de tes deux mains en hochant la tête. "Oui, je le sais, tu es une bien meilleure personne que moi... ça, je l'ai toujours su." Il n'y aucune once de sarcasme dans ta voix alors que tu dis cela, c'est la stricte vérité et tu te lèves toi aussi, le regard toujours sur Jo. C'est sûrement la différence entre elle et toi, elle est dure dès le début et quand la brune accorde sa confiance et de l'attention, c'est pour de bon, pas comme toi. Toi, tu t'attaches, tu élèves les gens rapidement, seulement pour leur mettre des bâtons dans les roues dès que tu peux avoir encore plus d'attention. Toujours persuadée que c'est temporaire, et ça l'est dans un sens, ça l'est jusqu'à ce que le masque se brise et que tous voient ce qu'ils te manquent. Tu n'es pas comme elle. Tu hoches la tête face au regard que Jo te lance, comme si tu étais la pire des intrues et juste de la vermine à écraser sous ses chaussures. "C'est clair au moins, plus besoin de faire semblant entre nous, juste quand on sera devant tout le monde." Et il n'y aura pas d'instance de ce genre, tu peux déjà le voir et tu doutes que Jo s'inflige cela, même ses excuses qui seront publiques et pseudo-sincères, tu n'en veux pas. Tu ramasses ton sac du sol et tu le mets sur une de tes épaules, faisant disparaitre plus de larmes dans la paume de ta main, elles ne sont pas vraiment pour Jo, elles ne sont pas vraiment pour toi. Elles sont plus pour ce que tu viens de briser juste là et qui ne pourra sans doute jamais être reconstruit.  
"Mais je peux au moins te rendre la vie la plus facile, et ce, dès maintenant." Tu voulais au moins t'excuser, c'est fait, tant pis si Jo n'accepte pas tes excuses et tant pis si son pardon est exclu, c'est fait, même elle, ne pourra pas t'enlever cela, même elle. Tu hoches la tête faiblement, te dirigeant enfin vers la sortie comme tous les autres avant vous, tu marques tout de même un temps d'arrêt face à la porte, ta main droite perdue dans le vide. Un dernier regard pour Jo, il te parait important de te rappeler d'elle comme ça, surtout si c'est la dernière fois que vous pouvez véritablement vous parler. Est-ce que tu devrais t'excuser encore une fois ? Lui souhaiter bonne chance pour la suite ? Lui dire que pour ce que ça vaut, malgré la tournure des choses, tu ne regrettes pas de l'avoir connue dans tous les cas ? "... Ouais, au revoir." Au revoir, adieu, dans ce cas présent, cela ne fait aucune différence et tu te mords l'intérieur de la joue après pour retenir le reste de tes larmes, quittant enfin la pièce, pour qu'elle puisse continuer le reste de sa vie... Sans toi.