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@mavis barnes

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Dire que ce n’était pas sa pire idée était surement son pire mensonge, en réalité. Après avoir reposé son téléphone lorsque Mavis lui avait dit être là dans la demi-heure, il avait scruté les alentours de l’appartement, installé sur le tabouret du piano - il avait laissé ses doigts user quelques temps des touches, profitant d’avoir un peu une temps de libre chez lui pour une fois; la faute à qui, il savait très bien, pas la peine de le souligner. Il avait pincé ses lèvres, l’arrête de son nez de ses doigts l’instant d’après, avant de finir par se lever. Il y avait deux ou trois choses à ranger pour que le salon ne paraisse pas autant comme s’il venait de quitter les lieux hâtivement, mais la femme de ménage était passée dans la journée et le reste était parfaitement à sa place - comme c’était souvent le cas. Son pull pouvait rejoindre l’armoire, les dossiers pouvaient être empilés sur le bout du comptoir de la cuisine, les partitions qu’il avait sorti n’avaient pas besoin d’être étalées sur le canapé. Ensuite, il reprit son téléphone pour appeler l’un des restaurants français du quartier et commander un diner à se faire livrer à son adresse - ils seraient là dans quarante-cinq minutes, c’était parfait. Tout arrivait à s’enchainer plutôt rapidement, c’était même presque suspicieux. Mais pour une fois, il n’avait pas grand chose à se reprocher. Certes, c’était pour la mauvaise raison que Mavis venait diner - parce-qu’il ne pourrait jamais expliquer à personne qu’elle le faisait pour qu’il puisse se montrer présent et de soutien à ses côtés alors qu’aujourd’hui était la date présumée de l’accouchement de l’enfant qu’ils n’auraient jamais -, mais elle venait justement simplement diner. Un semblant de parenthèse, de pause dans leur guerre silencieuse de ces dernières semaines. Bien sur qu’il était impatient à l’idée qu’elle arrive chez lui, mais simplement parce-qu’il avait l’impression de ne pas avoir passé de moment d’accalmie à ses côtés depuis une éternité. Ca, et pour le fait aussi que c’était la première fois qu’elle venait là: toutes les autres fois, il avait évité de faire cette erreur là, de franchir cette ligne, parce-qu’il savait que les choses ne tiendraient pas en place assez longtemps pour se permettre de le faire. Aujourd’hui, elle venait simplement diner et elle repartirait dans la foulée. Jetant un coup d’oeil à sa montre et voyant qu’il lui restait encore une dizaine de minutes, il profita de ce répit pour passer rapidement sous la douche.

Il sortait de la salle de bain, avait enfilé un tee-shirt et un pantalon de jogging tirés du placard, lorsque l’interphone résonna dans l’appartement. L’enchainement des événements de la soirée se faisait vraiment avec une aisance particulière, et c’était la seconde fois qu’il le remarquait. Il secoua la tête: ce n’était pourtant pas le genre de détails à pointer, alors il s’empressa plutôt d’aller répondre à l’interphone. A la caméra, il vit le minois de la jeune femme devant ce dernier, et peut-être que cela lui arracha un petit sourire qu’il aurait préféré ne pas avoir. Il appuya sur le microphone - « Dernier étage. » - avant de cliquer sur l’ouverture de la porte. Là, il déverrouilla celle de l’appartement sans l’ouvrir - les chats allaient en profiter pour se faire la malle sinon -, attendant derrière cette dernière de façon idiote alors qu’elle devait encore monter les étages pour arriver devant cette dernière. Mais il attendait quand même, parce-que bien qu’il se proclamait être un adulte et d’avoir évolué comme tel, souvent Ruben avait des réactions d’adolescent; c’était le cas présentement. Elle n’eut d’ailleurs pas le temps de frapper à la porte qu’il l’ouvrait déjà, attrapant l’un des deux chats qui avait compris qu’il y avait une opportunité de voir si les croquettes étaient meilleures ailleurs, soulevant ce dernier d’une main alors qu’il continuait d’ouvrir la porte en même temps. « Apparemment, y’en a un qui était pressé de te dire bonsoir. » Qu’il souffla, remontant son visage et son regard par la même occasion pour le planter sur le visage de Mavis qui se tenait devant lui. Il plaisantait à propos du chat, la véritable réponse le concernait lui bien sur - il n’y avait pas besoin de pointer quoi que ce soit du doigt ici. « Je te laisse rentrer avant que le deuxième se fasse vraiment la malle. » Avec un petit sourire amusé accroché à ses lèvres.

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Mavis avait entendu dire un jour que les hommes ne recevaient des fleurs qu’une seule fois dans leur vie, et c’était le jour de leur mort. Elle trouvait ça triste. Particulièrement aujourd’hui, comme si absolument tout de cette journée se devait d’être mortifère alors que, si les choses avaient été différentes, elle aurait dû être celle où elle aurait donné la vie "Je vais ajouter des violettes, et là, ce sera vraiment parfait." commenta-t-elle en allant elle-même chercher sa gerbe de fleurs dans la petite boutique du coin de la rue où elle avait garé sa voiture, tendant à l’employée qui s’occupait de son bouquet ce qu’elle lui ramena avec un petit sourire en coin. Elle aurait pu s’en remettre à quelqu’un d’autre pour l’aider à surmonter ses pensées du jour, mais c’était vers qui Ruben qu’elle s’était tournée, et ce sans même réfléchir, répondant à une habitude si ancrée en elle qu’elle ne l’avait pas préméditée. Il avait été réactif, comme chaque fois qu’elle était concernée, elle ne pouvait pas le nier, et c’était douloureux dans une certaine mesure ; celle à laquelle elle s’abstenait de penser, même si en effet, accepter son invitation de ce soir n’était surement la meilleure des idées. Elle n’avait pas envie de réfléchir pourtant, de comprendre et d’anticiper pourquoi ils en revenaient toujours plus ou moins au même point. Elle avait juste envie de régler son achat de fleurs, d’en humer toutes ses odeurs, et d’aller dîner avec quelqu’un qui saurait à peu près pourquoi elle avait l’air aussi affecté aujourd’hui. C’était idiot, personne ne faisait ça, personne ne pensait à ça — quand on interrompait une grossesse, c’était pour une plus y penser après, mais Mavis était faite autrement, et ce qui la blessait alimentait quelque chose qui la faisait avancer pour prouver qu’elle valait mieux que les regrets et l’affliction. Pas là. Elle se sentait vide, autant que ce jour-là quand on lui avait dit que c’était terminé, et qu’avec Millie, elles avaient comblé le reste de la journée en ignorant l’idée qu’elle pleurerait sous la douche, toujours victime de ses hormones qui s’étaient régulées depuis, dieu merci. Elle donna un nouveau sourire à l’employée de la boutique de fleurs, lui laissa un pourboire en partant pour dire d’être gentille, ayant envie de l’être plus que d’habitude aujourd’hui, huma effectivement le bouquet qu’elle avait composé elle-même avec l’aide de la jeune femme à qui elle dit au revoir et bon courage, bien sûr, pour sa fin de journée, et s’en alla pour prendre son chemin à pied vers la rue que Ruben lui avait indiqué comme étant la sienne. Elle laissait sa voiture derrière elle pour des raisons évidentes, elle ne voulait pas éveiller des soupçons quelconques en manquant de vigilance — ce genre d’habitudes avaient la dent dure, et pourtant, ils n’auraient pas grand-chose à se reprocher ce soir. N’était-ce pas un peu bizarre, de se rendre chez quelqu’un qu’on a fréquenté alors qu’il ne se passait plus rien ? Elle essaya de se convaincre que non, que ça ne violait pas la promesse qu’elle s’était faite à elle-même lorsqu’avec Ambrose, ils s’étaient aperçus de ce qui passait entre eux et Ruben, et observa son environnement sans se soucier de rien d’autre, son bouquet pendant au bout de son bras. Marcher lui ferait du bien dans tous les cas.

Entendre la voix de Ruben à travers l’interphone la fit sourire plus que nécessaire, puis s’exécuter pour entrer. Elle ne perdit pas de temps, elle emprunta plutôt l’escalier pour rejoindre le dernier étage comme il le lui avait dit quelques secondes à peine plus tôt, mais ralentit le pas à plus de la moitié de sa montée pour faire le point sur des menus détails ; comme le placement de ses cheveux dont elle glissa un côté derrière son oreille, le tombé de son pull en grosses mailles lâches sur la robe à fleurs qu’elle portait dessous, sur la fine bandoulière de son sac qui barrait sa poitrine et qu’elle replaça sur son épaule après une seconde, sur l’odeur de son parfum qui ne s’était pas éventé pendant sa petite marche au contraire, sur le bouquet qu’elle tenait à la main et qui paraissait peut-être de trop, finalement. Elle s’en moquait, elle continua de monter en sentant son coeur cogner doucement dans sa poitrine, ce dernier accélérant un peu lorsqu’elle arriva sur le pallier du 404 dont la porte s’ouvrit sans qu’elle n’eut à agir pour susciter l’action d’un Ruben à qui elle sourit doucement en le voyant apparaître derrière la porte avec, à la main, une boule de poils. Elle n’avait pas besoin d’être mise en confiance Mavis, mais l’apparition de l’animal la rassura d’une façon un peu curieuse, ne la faisant pas hésiter davantage pour entrer, et dire à Ruben "Je savais même pas que t’avais des chats." Elle parlait comme s’il vivait seul, n’ayant pas envie, là encore, de s’attarder sur ce qui n’avait pas d’importance à ses yeux — une partie d’elle espérait toutefois qu’ils ne soient pas du genre à afficher des photos d’eux partout sur les murs, Nina et lui. A l’intérieur, elle adressa une caresse derrière les oreilles au chat que Ruben tenait dans la main "Bonsoir, vous." lui murmura-t-elle avant de vriller son regard sur Ruben pour lui faire dans la foulée "Hey." Elle se laissa caresser les mollets par le deuxième chat qui lui passa entre les jambes, et c’est ce qui la contraignit à rompre le contact visuel avec lui pour laisser un léger rire lui échapper, levant son bouquet devant Ruben pour lui dire, avec un semblant de gêne qu’elle dissimula sous de la bonne volonté ; celle de passer une bonne soirée couplée à celle de se changer les idées "Tiens. Tu m’as pas répondu quand je t’ai demandé si t’avais besoin que j’apporte quelque chose, alors j’ai pris des initiatives." Elle le laissa prendre le bouquet, ses yeux finissant par se déporter de quelques centimètres pour s’intéresser à un environnement qu’elle ne connaissait pas, et qui lui donnait la sensation d’être un peu dangereux. Si elle y pensait vraiment, il représentait un terrain jonché de mines, matérialisé par les preuves concrètes de la vie maritale d’un Ruben qui n’avait pas jugé être précautionneux en l’invitant chez lui pour la toute première fois. Ça la rendit curieuse "Ça a l’air super mignon ici." trouva-t-elle bon de dire simplement, se permettant quelques pas pour sortir du vestibule et s’enfoncer un peu plus loin dans l’antre jusqu’alors inaccessible de Ruben Hartfield (et son épouse, mais elle n’avait jamais compté pour elle, ce n’était pas ce soir que ça changerait).

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Ca lui faisait bizarre, de la voir sur son palier; ça laissait un gout doux-amer en bouche, jetant autant un chaud sur son coeur qu’un froid dans son dos. Ruben savait que c’était là une limite qu’il n’aurait du franchir, mais Icare savait aussi dès le début qu’il ne devait pas s’approcher trop près du soleil - ce n’était pas pour autant qu’il ne l’avait pas fait. Jouer avait été trop simple et il continuait de tirer sur la corde comme si de rien n’était, alors bien sur qu’il l’accueillit avec un sourire comme si c’était là la suite logique d’un quelque-chose qui n’avait pourtant pas lieu d’être. Il repéra son sourire, il repéra aussi et bien sur le bouquet de fleurs qu’elle tenait entre ses mains; il repéra le parfum qu’elle portait parce-qu’il avait eu pendant un temps l’habitude de le sentir sur sa propre peau alors qu’il n’était pas censé s’y trouver. « Je savais même pas que t’avais des chats. » Il étira un brin davantage son sourire. « Ton chat sait très bien que j’ai des chats, lui. T’aurais du lui demander. » Ce n’était pas pour rien que le félin avait tendance à courber le dos lorsque fut un temps il se retrouvait dans les pattes du docteur, sentant sur les vêtements de ce dernier l’odeur des deux animaux régnant en maitres dans l’appartement où ils se trouvaient aujourd’hui. Pour être sur d’ailleurs que les deux bêtes féroces restent bien à l’intérieur de ce dernier, il ferma la porte à peine Mavis fut-elle entrée dans l’appartement pour ne pas que l’autre chat qu’il ne tenait pas dans sa main se fasse la maille.

« Bonsoir, vous. » Qu’elle s’adressa au chat dans un premier temps; il aurait pu être jaloux de cette approche si elle n’avait pas remonté son regard rapidement dans sa direction. « Hey. » - « Salut. » Qu’il souffla. Le contact visuel fut cependant rapidement interrompu par le second chat qui semblait ne pas désirer se faire oublier, se glissant entre les jambes de la jeune femme, l’obligeant à détourner son attention.

Il en profita pour remettre l’autre animal sur le sol, se redressant, tirant un peu sur son tee-shirt. elle porta le bouquet à sa hauteur, il haussa un sourcil dans sa direction. « Tiens. Tu m’as pas répondu quand je t’ai demandé si t’avais besoin que j’apporte quelque chose, alors j’ai pris des initiatives. » Il attrapa les fleurs coupées alors qu’il esquissa un petit sourire autant amusé qu’attendri en réalité. « Il est magnifique, merci. » Il ne le dirait pas directement, mais c’était le genre d’attention qui le touchait en réalité - il était très voire trop rare de se voir offrir des fleurs -; elle pourrait surement le lire dans son regard. « T’étais pas obligée mais merci. » Quelques mois plus tôt, il serait venu lui accorder un baiser pour la remercier. Ici, il se contentait de rester encore un instant un brin gêné avant qu’elle ne laisse son regard se porter plus loin, sur d’autres choses qu’elle ne connaissait pas encore - et qui n’était donc pas son visage ou sa silhouette à lui. « Ça a l’air super mignon ici. » Et alors qu’elle faisait quelques pas en avant pour avancer dans l’appartement, il avait beau la connaître autant par coeur que le contraire était vrai, Ruben laissa son attention se porter sur la silhouette de la blonde. C’était étrange, de la voir ici; comme si elle était un mauvais photomontage, ne gâchant rien de sa superbe personnelle mais laissant parfaitement voir qu’elle n’était pas ici à sa place. Presque comme s’il se retrouvait dans un rêve où certaines pièces d’un grand puzzle avaient décidé de ne pas s’emboiter là où elles le devaient; mais comme c’était là un rêve, même tout cela paraissait étrange, le temps continuait de s’écouler normalement lui. Gardant encore le silence pour lui un instant, il finit par faire rouler ses lèvres l’une sur l’autre et par papillonner des paupières; il se devait de se ressaisir. « Je t’en prie, tu peux faire ta curieuse si tu veux. » Il n’avait pas grand chose à lui cacher ici. « La cuisine est juste sur la gauche et donne sur le salon. Salle de bain et chambres à droite. »

De son côté, il avança à ses côtés pour bifurquer ensuite à hauteur de la cuisine; posant le bouquet sur le comptoir, il sortit un vase du placard assez grand pour plonger ce dernier dans une quantité d’eau suffisante. Alors qu’il laissait l’eau remplir le contenant, son regard se laissa être happé par les éléments accrochés sur le réfrigérateur, et bien sur qu’il tomba sur la photo de Nina et lui lors du mariage de Rory et Swann. C’était Scarlett qui avait pris cette dernière, à leur insu puisqu’elle avait joué sur la distance pour ne pas qu’ils s’aperçoivent qu’elle tirait leur portait; elle rendait bien, trop bien même pour qu’il n’arrive à garder ses yeux dessus encore un instant ce soir. A la place, il s’appliqua à faire trôner le bouquet au milieu de l’ilot central de la cuisine, reportant son attention sur le reste de la grande pièce à vivre et surtout sur Mavis - les fleurs rendaient vraiment très bien dans la faible lumière de la fin de journée, il nota distraitement. « Je te sers quelque-chose à boire ? Le livreur ne devrait pas tarder à être là je pense. »

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"Elle te dit bonjour, au fait." Son chat. Elle détestait Ruben. Elle comprenait mieux pourquoi maintenant, ses propres boules de poils l’accueillant comme une invitée de marque, avec ronrons et parades entre ses jambes comme cadeaux de bienvenue. Pour elle aussi, c’était bizarre d’être ici, mais elle ne s’était pas imaginée un seul instant refuser son invitation. Quelqu’un avec un sens moral différent aurait pris le temps de mieux y réfléchir, mais à Mavis, il ne lui avait fallu que quelques secondes, et un besoin évident de se rassurer au sujet de la promesse qu’elle s’était faite à elle-même, pour se décider et conclure que ce n’était pas dépasser une limite. Ils se connaissaient depuis longtemps, tous les deux. Son propre père considérait Ruben comme un fils spirituel, et depuis des années maintenant, lui-même était souvent convié chez les Barnes. Même si l’impression était bizarre en effet, rien ne l’était véritablement… si on ne s’attardait pas sur le contexte particulier du jour, si on ne s’arrêtait pas sur la tension évidente qu’il y avait déjà dans la pièce alors qu’elle venait à peine d’arriver. Elle toisa Ruben par habitude, ne négligeant rien de ce qui constituait son être. Elle remarqua sa tenue décontractée, elle remarqua la manière dont ses cheveux étaient mal peignés, elle remarqua son t-shirt humide par endroit, signe évident qu’il avait profité de la demi-heure qu’elle lui avait donné pour se préparer. Ça lui fit dire dans un léger rire, ses bras s’écartant juste un peu sur sa propre tenue qui n’était rien d’autre qu’une tenue de tous les jours, mais qui était assez charmante pour que quiconque pense au fond qu’elle avait fait un effort. C’était le cas, elle s’était changée avant de venir "J’ai peut-être surestimée le dress-code. T’aurais pu me dire que c’était une soirée détente, je serais venue en pyjama." lui fit-elle, pas pour le gêner, plus pour dissiper ce qui flottait entre eux, et que le bouquet de fleurs qu’elle lui tendit ne réussit pas à rendre moins dense.

Elle sentait ses yeux sur elle, ça lui brûlait la peau, mais elle décida de s’en moquer. Quand il la remercia, elle lui offrit un petit sourire presque timide, déjà prête à briser le code tacite qu’il y avait eu entre eux jusqu’ici et qui lui interdisait de mette les pieds dans l’appartement qu’il partageait avec son épouse "Je vais me contenter des pièces principales." Elle n’osa pas faire d’humour aux sujets des chambres, se l’interdisant pour des raisons évidentes, et fit glisser la bretelle de son sac de son épaule pour pouvoir le poser sur l’un des fauteuils qu’elle rencontra en rentrant dans le salon comme une petite souris apeurée, mais avide de fourrer son nez là où elle débusquerait de quoi se rassasier, le vide qu’elle ressentait au creux de son ventre ayant besoin d’être comblé. Elle ne savait pas quoi penser de la situation, de ses pensées qui la menèrent à se dire qu’elle n’avait rien à faire ici ; que s’il y avait des cheveux blonds sur le tapis, ce n’était pas les siens, et que s’il y avait un pull à sa taille sur le bras du fauteuil, ce n’était pas parce qu’elle avait oublié de le ranger ce matin — elle se dit qu’il y avait de grandes chances pour que là où elle posa sa main, juste sur l’assise du canapé dont le tissu était doux sous sa paume, il y avait eu des ébats tendres dont elle n’avait tiré aucun plaisir parce que ce n’était pas elle que Ruben tenait dans ses bras.

Ce fut son signal pour choisir de ne pas aller plus loin et de se détourner de ce qu’elle voyait d’exposé sur les étagères. Elle rejoignit Ruben en tirant sur les manches aux mailles ajourées du pull qu’elle portait par-dessus sa robe, jeta un regard au bouquet qu’il avait disposé dans un vase et qui la fit sourire malgré ses pensées qui ne réussirent pas à s’effacer tout de suite "Elles rendent bien ici, je suis contente d’y avoir pensé." dit-elle seulement, se tenant du côté de l’îlot central opposé à celui de Ruben dont la voix l’incita à s’éloigner un peu de ce qui lui trottait dans la tête. Elle posa ses mains couvertes sur le bord de l’îlot, haussa doucement les épaules, pas par indifférence, mais par mécanisme "Un verre d’eau, ça m’ira pour l’instant." Elle ne lui demanderait pas de vin, pas de bière, pas même de soda, et si ce n’était pas aussi surprenant que ça, Ruben au courant qu’elle était le genre de fille à se contenter d’eau, elle se sentit quelque part obligée de se justifier sur son choix "Ça me fait bizarre d’être là." Elle était certaine que, dans une mesure différente, ça devait l’être autant pour Ruben alors elle le dit avec un léger rire qui fit plisser le coin de ses yeux qu’elle déporta d’un millimètre pour s’arrêter sur ce qu’il y avait de placardé sur le réfrigérateur. Ça l’intrigua "Tu m’as bien dit que je pouvais faire ma curieuse, hm ?" Elle n’attendit pas de réponse de sa part, elle remua pour entrer pour de bon dans la cuisine, et s’approcha du réfrigérateur d’où elle détacha la photo de lui et de Nina pour mieux la regarder de près. Elle aurait aimé avoir quelque chose à dire de médisant sur ce cliché, mais les faits étaient là, et ça lui fit dire distraitement "Je crois que vous ai jamais vus ensemble pour de vrai." Parce qu’ils ne se pavanaient pas main dans la main dans les couloirs de l’hôpital et que Ruben ne se pointait jamais avec elle lors des soirées organisées par ses parents. Dans un petit sourire en biais, elle replaça précautionneusement le cliché à l’endroit précis où il était, et dit avec une certaine amertume, celle qui la ramenait à l’éternel schéma qu’elle avait connu tout au long de sa vie "Je lui ressemble un peu." Jusqu’à la couleur des yeux. C’était un hasard qu’elle avait déjà noté en son for intérieur, mais elle n’avait jamais osé le dire à voix haute ; elle ne se sentait pas différente de l’avoir dit à voix haute d’ailleurs. Pour autant, elle s’éclaircit la voix, la sentant fragile, et sembla le temps d’un battement de cils remettre son système en place, le contraignant à se référer à ses paramètres d’usine, ceux qui l’empêchaient de prendre Nina en compte et la contraignaient à faire comme si elle n’existait pas. Cette fois, elle s’avança vers Ruben pour lui demander en même temps "Pourquoi t’as voulu que je vienne chez toi ? On aurait pu se retrouver dans un endroit plus neutre." Où les images de lui en train de faire l’amour à sa femme ne l’assailliraient pas chaque fois qu’elle laisserait ses yeux s’aventurer dans un coin ou dans un autre.

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« Elle te dit bonjour, au fait. » A un autre moment qu’aujourd’hui, que dans ces circonstances, Ruben aurait apprécié le trait d’humour à sa juste valeur. Aujourd’hui, il ne faisait que lui rappeler que s’il n’avait pas vu le chat de Mavis depuis bien longtemps, c’était parce-qu’il n’était plus le bienvenu chez elle et que ce ne serait surement pas le cas avant un bon bout de temps, si jamais même il avait le droit de s’y rendre un jour de nouveau. Il essaya de s’empêcher de penser dès maintenant qu’Ambrose avait surement désormais le droit de lui rendre visite là bas, parce-que ce n’était ni l’endroit ni le moment pour penser ce genre de chose; ce n’était pas non plus bienvenue de sa part comme à l’accoutumé de ressentir le moindre sentiment de jalousie - surtout pour un quelque-chose qu’il inventait surement de toute pièce. « J’ai peut-être surestimée le dress-code. T’aurais pu me dire que c’était une soirée détente, je serais venue en pyjama. » Le regard de Ben passa distraitement de la silhouette de la jeune femme à la sienne, pour revenir finalement sur la première avec un petit sourire aux lèvres. « Je peux te prêter un pyjama si y’a que ça. » Il haussa quelque peu les épaules. « Mais t’es très bien comme ça, t’en fais pas. » T’es très bien plutôt que t’es très belle, parce-qu’il se retenait d’aller dans cette direction là; autant parce-qu’il avait appris de ce qu’elle lui avait dit - elle ne désirait pas le voir s’engager par là bas -, que parce-que dans cet environnement il ne voyait pas se permettre ce genre de chose. Il flirtait avec la limite, mais il la voyait encore; et c’était tellement rare ces derniers temps que c’était à noter pour l’occasion.

« Je vais me contenter des pièces principales. » Papillonnant des cils, il retira son regard de sur-elle pour le laisser aller plutôt partout ailleurs, se concentrant sur le bouquet qu’il tenait dans ses mains. Si elle désirait faire sa curieuse, elle était la bienvenue. Si elle s’arrêtait aux pièces principales, c’était son choix. Il n’y avait pas de bonne ou de mauvaise réponse ici, et si elle avait voulu laisser une certaine curiosité un brin déplacée et maladive peut-être se faire une petite place, il ne lui en aurait pas voulu: c’était là quelque-chose qu’il aurait fait lui.

« Elles rendent bien ici, je suis contente d’y avoir pensé. » Il décrocha ses yeux du bouquet pour les porter sur la jeune femme, un petit sourire satisfait aux lèvres. « C’est un très bon choix oui. » Il ne savait pas encore comment il allait justifier leur apparition dans l’appartement, mais c’était sincère lorsqu’il disait qu’elles étaient un très bon choix. Il passa à autre chose, proposa à Mavis de lui offrir quelque-chose à boire en attendant l’arrivée de leur diner. « Un verre d’eau, ça m’ira pour l’instant. » Il se serait douté de la réponse, se tourna pour attraper un verre dans l’un des placards et le remplir au robinet; il fit glisser ce dernier sur le comptoir ensuite. « Ça me fait bizarre d’être là. » Elle prononça ces mots là avec un petit rire, mais ce dernier ne prit pas chez Ruben: il eut juste du mal à étirer un maigre sourire, le rire ne serait pas de mise pour de suite. Lui qui se vantait pourtant en permanence d’être à l’aise en toutes circonstances et situations se trouvait là presque piégé tout seul. « Ca me fait bizarre de te voir ici aussi, si ça peut te rassurer. » A quel moment cel pouvait la rassurer, il ne savait pas; tout ça pour dire que le sentiment était partagé et qu’elle n’avait pas à s’en vouloir si c’était le cas. Il avait vu à la suite son regard qui avait dévié ensuite avant même qu’elle ne reprenne la parole. « Tu m’as bien dit que je pouvais faire ma curieuse, hm ? » Faisant rouler ses lèvres l’une sur l’autre, il opina du chef en silence, se contentant d’observer ses gestes et déplacements plutôt que de faire le moindre commentaire. Elle décrocha la photo qui était sur la porte du réfrigérateur, et bien sur que cela lui fit bizarre de la voir agir de la sorte. « Je crois que vous ai jamais vus ensemble pour de vrai. » Il ne cachait même pas l’observer, ne détournant pas son regard à ces mots là dans la foulée. « Tu nous as jamais vu ensemble pour de vrai, non. » Ce n’était pas une réalisation du jour pour lui; il s’était déjà fait seul la remarque une fois, qu’il n’avait pas aperçu Mavis et Nina dans la même pièce sans que ce soit pour les besoins du travail - et encore, il n’arrivait pas à se rappeler si simplement ça était déjà arrivé. Il savait en tous cas que dans un cadre où sa femme était arrivée à son bras, cela ne s’était pas produit. « Je lui ressemble un peu. » Il s’était mordu l’intérieur de la joue; ça aussi, il se l’était déjà fait remarquer seul. « Je sais. » Ruben aimait les blondes et les bruns, et c’était là un schéma duquel il ne se dégageait apparemment pas malgré le temps passé. « Je crois que mon frère m’a déjà fait la remarque d’ailleurs. » Parce-que c’était tellement simple de parler de ce genre de choses quand elle était là, au courant d’à peu près tous les détails les moins ragoûtants - si ce n’était pas de tous en réalité.

Elle remit la photo à sa place avec une exactitude à faire peur, se tourna vers lui avant de s’avancer dans sa direction. « Pourquoi t’as voulu que je vienne chez toi ? On aurait pu se retrouver dans un endroit plus neutre. » Etirant ses lèvres en une petite moue, il haussa brièvement les épaules. « Je sais pas. » Et c’était une réponse honnête; en tous cas autant que possible pour une première réponse spontanée. Il soupira un instant presque silencieusement, laissant ses yeux naviguer de l’un à l’autre de ceux de Mavis. « Tu m’as envoyé un message, j’étais déjà là, et je savais que je resterai seul ici une bonne partie de la soirée. Y’avait pas de contre indication à te proposer de passer. » C’était presque aussi simple que cela, aussi simple qu’un pourquoi pas. Mais s’il cherchait un peu plus loin les raisons, ce n’était pas la seule qu’il pouvait citer - il était simplement un peu moins à l’aise avec ces dernières. Mais depuis quand il se forçait à l’être ou à le paraitre avec elle, hein ? Il ne désirait pas commencer aujourd’hui. Il fit rouler ses lèvres l’une sur l’autre, les humectant légèrement. « Et je savais que ça me ferait bizarre de te voir ici. » Un petit masochiste sur les bords, il fallait croire, le docteur Hartfield. « Et que j’aurais moins la propension à jouer avec le feu et les limites que tu m’as demandé de respecter si on se retrouvait tous les deux ici. » Il haussa vaguement les épaules; c'était presque idiot mais c’était malgré tout la vérité. Il inspira longuement, roula légèrement des épaules pour se redresser. « Mais encore une fois, si t’es pas à l’aise, on peut changer le plan de base. J’y vois pas d’inconvénients. »

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Elle ne lui demanderait pas de pyjama. Elle resterait comme elle était venue, elle n’avait pas besoin de rebondir sur ça pour que Ruben en prenne conscience. Aussi, la suite s’enchaîna sans qu’elle ne réussisse à se retirer de la tête la manière dont il avait jugé que son apparence convenait pour ce rendez-vous improvisé. C’était déjà ça de pris, et si elle ne réagit pas plus que ça, déjà partie pour explorer sommairement le territoire des Hartfield, elle songea néanmoins d’à quel point c’était important pour elle de lui plaire, même dans ces circonstances. Elle pouvait toujours se complaire dans l’indolence dans laquelle elle enrubannait son attitude lorsqu’elle se trouvait avec lui, jouant à celle n’y touchant pas en restant aussi naturelle que possible, indifférente et détachée, mais quand il la regardait, quand il la toisait, elle se sentait brûler de l’intérieur.

D’autres pensées lui traversèrent l’esprit lorsqu’elle s’enfonça un peu plus dans l’appartement. Elle ne fut plus aussi sûre que ça de vouloir s’imprégner de l’univers dans lequel Ruben se sentait en sécurité quand il raccrochait la blouse. C’était chez lui ici, mais pas seulement, ça gâchait un peu les choses pour elle d’être contrainte à prendre en compte la vie qu’il menait avec son épouse quand ils se retrouvaient tous les deux dans cet endroit qui était leur cocon, leur bulle. Puisque ça la travaillerait tout du long de sa présence entre ces murs, elle préféra se soustraire à ses pensées fâcheuses, rejoignant rapidement le jeune homme pour faire bonne mesure et lui montrer que, si elle avait accepté de venir, c’était avant tout pour être avec lui. Mais tout autour d’eux lui rappelait effectivement qu’il ne vivait pas seul, et qu’elle était une anomalie dans cet environnement construit sur des mensonges qu’elle avait en partie aidé à mettre en place. Pour quelques instants encore, remerciant d’un signe de tête Ruben pour le verre d’eau qu’il lui donna, elle confronta son regard. Lui aussi lui confirma que ça lui faisait bizarre qu’elle soit là, et elle se demanda comment il voyait ça. Est-ce qu’il la définissait comme une intruse, comme une simple visiteuse ? Est-ce que c’était vraiment important ? "C’est pour ça que t’es autant sur la réserve ?" lui demanda-t-elle, prenant une gorgée de son verre du bout des lèvres. Elle n’insisterait pas pour avoir une réponse, non seulement parce que son attention fut happée par autre chose à ce moment-là, mais aussi parce que tout au fond d’elle, elle connaissait déjà la réponse.

La photo de lui et de Nina qu’elle avait sous les yeux était difficile à regarder. Elle s’y contraignit tout de même avec une volonté masochiste qui dura une poignée de secondes encore, histoire de bien sentir que sa jalousie était titillée. Qu’est-ce qu’il pouvait bien lui trouver ? Qu’est-ce qui, dans leur fonctionnement en tant que couple, l’obligeait à prétendre qu’il l’aimait à la folie, mais à la tromper en même temps ? Il y avait encore de ça quelques temps, l’orgueil de Mavis lui avait laissé croire que c’était ce qu’elle procurait à Ruben qui était assez fort pour le pousser dans les extrêmes et répéter inlassablement ses mauvaises actions, coupable des fautes qu’il commettait dans le dos de sa femme, mais maintenant qu’elle avait la certitude de ne pas être la seule à pouvoir le faire fauter, elle se posait véritablement la question. Quel était le problème dans ce couple qui, sur papier-glacé, paraissait si parfait ? Replaçant la photo là où elle l’avait trouvée, sentant une électricité désagréable au bout de ses doigts après l’avoir touchée de manière prolongée, elle ajouta à la suite la mention du frère de Ruben qu’elle rejoignit à nouveau "Ça veut dire que t’as peut-être bien un type de femmes, finalement." laissa-t-elle échapper, et c’était terrible pour elle de le dire à voix haute. Seulement, elle avait envie de rester honnête avec elle-même, ce soir, et les faits étaient là : elle n’était rien d’autre que le type de femmes de Ruben, tout comme Nina.

Elle frotta le bout de son nez avec sa manche trop large, leva la tête vers Ruben pour mieux le questionner sur les raisons de son choix de l’inviter ici "Hm." ponctua-t-elle distraitement quand il lui avoua ne pas savoir. C’était surprenant de la part du docteur Hartfield, d’ignorer les composantes d’un raisonnement, même s’il était alambiqué, et ça lui fit réaliser que, peut-être, il avait agi en fonction de son instinct et non de sa raison. Près de lui, elle appuya ses reins contre le premier meuble qu’elle trouva, observa d’abord ses traits, à distance, aussi sagement qu’ils tenaient une conversation comme une autre, alors que bouillait à l’intérieur d’elle le besoin évident qu’il la prenne dans ses bras. Mais ce n’était pas à l’ordre du jour, elle en était autant consciente que, reprenant la parole à sa suite, elle lui dit en retour "Pas de contre-indication ? Tu parles de moi comme d’un effet indésirable." lui fit-elle remarquer dans un très léger sourire, pas vexée qu’il le fasse, juste amusée de l’entendre utiliser un jargon qu’elle comprenait parfaitement. Elle cessa de sourire pour mieux pincer ses lèvres l’une contre l’autre, croisant les chevilles, ainsi nonchalamment appuyée contre le meuble qu’il y avait derrière elle, les yeux posés sur Ruben qu’elle se remit à toiser doucement, passant chaque détail de sa silhouette en revue, en l’écoutant parler du sentiment curieux qu’il ressentait, de la limite qu’elle lui avait imposée en le quittant, ni plus ni moins. À ces paroles-là, elle remonta résolument ses yeux dans les siens "Je suis pas venue pour te pousser dans tes retranchements, tu sais. J’avais juste envie et besoin d’être avec toi." Pour ce soir, elle s’autorisait à le lui dire sans détour, son coeur tombant dans son ventre en même temps que ses sourcils se froncèrent lorsqu’elle lui assura, sa tête se secouant de droite à gauche, honnête "Non, je suis pas mal à l’aise. Je trouve ça curieux, mais c’est pas désagréable." Ça l’était tout de même un peu, dans une mesure qu’elle ne réussissait pas à estimer. Une chose était certaine, ce n’était pas infernal "Je peux prendre sur moi le temps d’un dîner." Et puis elle compléta juste après une très courte pause durant laquelle elle ne lâcha pas Ruben du regard "Je parlerai pas d’elle, ou de quelqu’un d’autre." Elle aurait pu lui promettre, mais elle ne le fit pas, espérant que le regard qu’elle échangeait avec lui à ce moment-là serait suffisant pour prouver sa bonne foi. Doucement, rompant le constat visuel en clignant des yeux, elle se ranima pour rejoindre l’îlot central, et vint placer à sa guise le vase rempli par les fleurs qu’elle avait apportées au jeune homme bien au centre, reprenant la parole dans le même temps "Toi, par contre, si tu sens que ça fait trop d’un coup, je peux m’en aller plus tôt que prévu. T’as qu’un mot à dire." Pars, en l’occurence, il le comprendrait sans mal — et elle aussi.

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@mavis barnes

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« C’est pour ça que t’es autant sur la réserve ? » Il mordit légèrement sa lèvre inférieure de ses incisives, n’étant pas sur qu’une réponse soit nécessaire à cette question. C’était d'une évidence même qu’il était sur la réserve parce-que cela lui faisait bizarre qu’elle se trouve ici, entre ces murs qui ne l’avaient jamais accueillie jusque maintenant parce-qu’elle y était comme un élément dérangeant dans le décor. Ruben n’était pas dérangé qu’elle soit là, parce-qu’il était content de la voir et qu’elle soit venue de son plein gré le rejoindre; mais il fallait avouer qu’elle détonnait dans l’environnement dans lequel ils se trouvaient ce soir. Mavis dut comprendre qu’une réponse n’était pas nécessaire d’être apportée de sa part, finalement, car elle dévia son attention sur un autre point et engagea la conversation sur un autre sujet.

« Ça veut dire que t’as peut-être bien un type de femmes, finalement. » Il souffla presque un petit rire par le nez. « Un type de femmes et un type d’hommes même, si tu veux tout savoir. » Ce n’était pas là une surprise, mais un quelque-chose d’évident pour toute personne connaissant Ruben depuis un peu longtemps. Ce n’était pas véritablement le cas de Mavis, alors il n’y avait pas de mal compléter de son côté avec quelques éléments.

« Hm. » Il dodelina quelque peu de la tête - lui non plus n’était pas véritablement satisfait de cette première réponse, mais c’était là une façon également de temporiser et de se laisser quelques instants de plus pour réfléchir, pour trouver peut-être une façon assez claire d’expliquer ce qu’il avait réellement en tête. « Pas de contre-indication ? Tu parles de moi comme d’un effet indésirable. » Et parce-qu’elle se permit un petit sourire, Ben en fit de même de son côté, roulant peut-être un brin des yeux. « T’es pas un effet indésirable. » Ce n’était même pas envisageable à ses yeux; le vocabulaire était peut-être mal choisi, pourtant tellement approprié par rapport à ce qui les unissait à la base. Il utilisa là ces termes simplement pour exprimer qu’au moment où ils avaient échangé par messages, il n’avait pas su trouver une raison pour ne pas lui proposer de venir, alors il s’était laissé aller à son idée. Ce n’était pas la meilleure de toutes celles qu’il avait eu, il avait déjà établi cette vérité là, mais elle lui avait plu sur le moment alors il s’était simplement laissé porté. Elle n’avait pas du lui sembler si mauvaise que ça non plus, à elle, pour qu’elle soit finalement venue - se mettant à l’aise dans sa cuisine, s’appuyant contre l’un des comptoirs, s’encrant un peu plus au fil des secondes qui passaient dans la conversation. « Je suis pas venue pour te pousser dans tes retranchements, tu sais. J’avais juste envie et besoin d’être avec toi. » - « Je sais. » Il avait froncé très subtilement les sourcils. « C’est pas par rapport à ton comportement à toi que je dis ça. » Peut-être qu’il détourna quelque peu son regard de sa silhouette à cet instant là; pas qu’il n’était pas fier de ce qu’il disait, mais il existait une différence entre le penser dans son coin et le dire à haute voix. « C’est par rapport à moi qui ai parfois du mal à rester là où on me demande d’être. » Et il savait que s’ils avaient été ailleurs, dans un endroit neutre comme elle le décrivait, il aurait tenté d’établir un contact physique avec elle. Ici, il n’arrivait pas à s’imaginer agir de la sorte.

« Non, je suis pas mal à l’aise. Je trouve ça curieux, mais c’est pas désagréable. » Légèrement, l’un de ses sourcils se haussa; des deux alors, il était celui qui était le moins à l’aise dans cette situation alors qu’il était chez lui ? Ses yeux sondèrent ceux de la jeune femme, essayant de voir si elle disait ça pour le rassurer ou si elle le pensait réellement. Elle avait l’air sincère, depuis qu’elle avait passé la porte de toute façon elle avait l’air de jouer franc jeu - ce qui n’était pas toujours le cas, il n’était pas assez dupe pour ne pas savoir ça. « Je peux prendre sur moi le temps d’un dîner. » - « Tant mieux. » - « Je parlerai pas d’elle, ou de quelqu’un d’autre. » Il pinça les lèvres, hocha presque imperceptiblement sa tête. « Moi non plus. » Ce n’était pas nécessaire, surtout pas aujourd’hui.

Comme si cette partie à de leur discussion avait remis en fonctionnement quelque-chose chez elle, elle se mit ensuite à s’animer pour replacer le bouquet, autant dans le vase que ce dernier sur le comptoir, trouvant un endroit où le faire trôner qui paraissait être davantage approprié que cela avait pu être le cas jusque là. Une partie de Ruben observait la scène avec une certaine tendresse, et une partie de lui - comme si elle se situait très loin, en arrière plan, tachant de ne pas se faire oublier - lui répéter en criant qu’elle n’aurait ps du être là. « Toi, par contre, si tu sens que ça fait trop d’un coup, je peux m’en aller plus tôt que prévu. T’as qu’un mot à dire. » Ses yeux détaillaient chaque trait du visage de Mavis, ayant compris qu’elle était on ne pouvait plus honnête avec lui aujourd’hui. « Si c’est le cas, je te le dirais alors. » Il n’avait pas envie que ce soit le cas, mais il savait aussi qu’il ne s’était jamais senti comme ça, retrouvé dans cette situation là non plus. Il n’avait pas envie d’en arriver à lui demander cela, parce-que ça voudrait aussi dire qu’il avait cédé à une certaine faiblesse dans un sens - et ce n’était pas la partie de lui qu’il préférait, celle qui était touchée par tant de choses qu’il pouvait pourtant maitriser. Il inspira longuement. « Tant que tu pars après le diner comme prévu, y’a pas besoin d’envisager d’autre plan. » Ironiquement, comme elle le lui avait dit l’instant d’avant: « Je peux prendre sur moi le temps d’un diner. » Avec un petit sourire presque attristé accroché à ses lèvres. Dire qu’il avait existé un temps où ils n’avaient pas besoin d’envisager ce type de solution à leurs rencontres, parce-que les choses étaient bien plus naturelles entre eux.

Faisant rouler ses lèvres l’une sur l’autre, Ruben hésita encore un instant avant de poser la question qu’il retenait sur le bout de sa langue depuis qu’elle était arrivée, mais se dit que lancés dans des réponses honnêtes, avant que le diner ne se ponte sur le pas de la porte, c’était peut-être le moment de poser sa question. « Comment tu te sens ? » C’était quelque peu sorti de nulle part, mais il n’aurait pas besoin de préciser par rapport à quoi: elle comprendrait sans trop de mal, ceci étant la raison pour laquelle elle lui avait envoyé un message dans un premier temps.

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@ruben hartfield

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Si ça avait été un autre soir, Mavis serait immédiatement montée sur ses grands chevaux. Elle aurait dégainé une invective cinglante à l’égard de Ruben dont la réponse au sujet de son type de femmes et d’hommes, comme il s’appliqua à lui préciser dans la foulée, était on ne peut plus maladroite compte tenu de ce qu’elle avait appris il y avait des semaines de ça maintenant. Elle lui aurait rappelé qu’à cause de son type d’hommes justement, elle avait préféré mettre fin à ce qui se passait entre eux, ne pouvant supporter de devoir le partager un peu plus. Mais elle n’avait pas envie de faire d’esclandre, alors elle se limita à un regard rapide qu’elle fit dévier de sa trajectoire au bout de quelques secondes seulement, ne comprenant pas qu’il soit si à l’aise pour dire ce genre de choses quand, à côté de ça, l’invitation qu’il lui avait faite semblait le torturer au point de devoir s’imposer des limites à ne pas dépasser. Elle garda tout ça pour elle, cherchant à trouver une certaine logique à sa présence dans cet endroit où elle n’avait rien à faire en vérité.

Est-ce que Nina sentira son parfum une fois qu’elle sera partie ? Quel genre de mensonges devra-t-elle essuyer de la part de son époux lorsqu’elle lui demandera d’où viennent ces fleurs ? Est-ce qu’il lui répondra qu’elles sont pour elle ? Elle aussi se mordit la lèvre inférieure, souriant au vocabulaire d’un Ruben emprunté par les questions qu’elle lui posait pour déchiffrer ses intentions profondes — ça restait flou. Avant, elle se figurait d’une façon différente qu’elle était un poison pour lui, mais quand il parla de contre-indication, elle eut le sentiment presque douloureux d’être définitivement mauvaise, si bien que ne trouvant pas la réaction adéquate à apporter à cette réalisation presque violente, elle en sourit juste un peu, hochant tout aussi peu la tête quand il démonta sa théorie en lui soutenant que non, elle n’était pas un effet indésirable. Elle avait l’impression d’être traitée comme telle pourtant, tenue à distance de ce qu’il serait susceptible de faire s’il ne gardait pas à l’esprit que c’était ici l’endroit où il était libre de vivre son mariage à l’abri des regards "T’es un grand garçon, Ruben, tout va bien se passer." Elle le lui assurait avec un autre sourire, ajoutant dans la foulée en prenant l’air d’une amie qui croyait vraiment à ce qu’elle disait "Je sais que je suis ici pour une raison exceptionnelle, je suis prête à respecter tes conditions si tu m’en donnes." Les siennes, elles étaient déjà établies depuis longtemps, aussi pour créer une sorte d’équité entre eux, elle lui proposait de lui fournir celles auxquelles elle devait de plier "Pour qu’on soit sur un pied d’égalité, donne-moi des limites, et je les respecterais. Y a pas de raison que tu sois le seul à souffrir, même si tu le mérites." laissa-t-elle échapper, et à la manière dont elle le regardait, il devinerait aisément que, sur la dernière partie de sa phrase au moins, elle plaisantait ; à moitié, parce qu’effectivement, il le méritait quand même un peu.

Elle était prête à prendre sur elle, ça ne lui faisait pas peur comme ça semblait faire peur à Ruben qu’elle rejoignit près de l’îlot central pour arranger la tenue des fleurs qu’elle lui avait apportées. Ils n’en avaient pas terminé avec leur échange de promesses de bien se tenir, et c’était d’un ridicule au fond que, là encore dans d’autres circonstances, Mavis aurait pu décréter que non, tout ça était une très mauvaise idée et partir pour supporter le poids de ce qui pesait sur sa conscience toute seule. Mais il se tenait près d’elle, et rien que ça, ça lui assurait un sentiment de réconfort intense qu’elle n’avait pas envie de laisser derrière elle, pas aujourd’hui "Je me tiendrais au plan de base. Je peux même t’aider à trouver une excuse pour les fleurs, si ça peut te rendre service." lui fit-elle, délaissant les fleurs pour se retourner vers lui et noter qu’il lui empruntait ses mots auxquels elle répondit, calmement "Parfait. On est sur la même longueur d’onde." Rien d’étonnant, finalement. En dehors de leurs disputes, ils savaient s’accorder sans avoir besoin de se consulter à l’avance. C’était une chimie différente de celle qu’elle avait apprise durant ses études, elle leur était propre et fonctionnait indépendamment de leur compréhension directe, se reposant sur une symbiose naturelle, antinomiques aux défauts qu’ils cachaient pour bien paraître devant les autres. Ils n’avaient pas à bien paraître ici, ça comprenait leurs défauts bien sûr, ça comprenait surtout leurs faiblesses, celle de Mavis se retrouvant soudainement au centre de la conversation qu’elle avait vue bifurquer bien trop tard seulement. Le regard que Ruben posait sur elle à ce moment-là était gênant, et ça la fit soupirer en roulant des épaules, son corps tendu se rappelant à elle quand elle se détourna pour jeter un regard circulaire à la pièce mise en avant par l’ouverture de la cuisine.

Comment se sentait-elle ? "Triste." répondit-elle après quelques instants de réflexion. Ne tenant pas à lui faire cet aveu en le regardant, elle continua à inspecter la pièce à distance, ses yeux se posant successivement ici où là quand elle reprit sur le même ton "C’est pas rationnel, mais ça fait quelques jours que je pense à ce que ça aurait pu être si j’avais fait un choix différent." Elle anticipa la question qu’il voudrait peut-être lui poser en l’entendant dire quelque chose pareil, alors elle prit son courage à deux mains pour tourner la tête dans sa direction et lui dire "Je regrette pas. Je pense juste à des détails idiots du genre est-ce que j’aurais continué mes études, est-ce que mes parents m’auraient donné un coup de main ?" Cette question en particulier la taraudait. Elle se demandait si, avoir un bébé toute seule, ça n’aurait pas été la solution miracle pour que ses parents lui accordent enfin toute l’attention qu’elle méritait ; et puis elle pensait à la jalousie que ça aurait fait naître chez elle de les voir s’occuper d’un bébé qui n’était pas le leur, aux pensées qui l’auraient taraudée, aux actions qu’elle aurait pu vouloir faire, et elle savait qu’elle avait fait le bon choix. Elle ajouta en riant "J’aurais été une maman affreuse. Ça c’est quelque chose à quoi j’ai pas besoin de réfléchir pour en être sûre, et ça me rassure d’être assez honnête avec moi-même pour oser l’avouer." Ça voulait dire qu’elle avait tout de même une sorte d’instinct de protection envers autrui, consciente que son influence n’était pas toujours bonne, et ses intentions encore moins. Le sourire qu’elle avait gardé sur son visage après avoir ri se fana doucement, sa tête s’inclinant sur le côté pendant qu’elle continuait de regarder Ruben à qui elle dit, timidement "T’aurais été bien meilleur que moi comme parent."