First impressions

Quinn & Elie & Amy

Samedi 15 Février 2020, 12:00

Je descends du bus en remerciant le chauffeur d'un sourire et me retrouve à quelques rues seulement de mon point de destination. Il me faudra moins de cinq minutes de marche avant de rejoindre le restaurant où Amy, Elie et moi nous sommes donnés rendez-vous ce midi. Je me mets donc en route sans plus attendre, appréciant la magnifique météo de ce week-end. Le soleil est éclatant et presque aucun nuage ne dissimule le bleu du ciel. Même le vent a décidé de prendre un peu de repos. Je suis d'autant plus heureuse d'avoir laissé ma voiture à la maison. Si prendre l'air me fait beaucoup de bien de manière générale, j'ai conscience d'en avoir surtout un besoin indispensable, un besoin vital, depuis une poignée de semaines.

Je ne sais plus où donner de la tête. Ma conférence de presse visant à annoncer un procès contre cet industriel qui veut détruire notre littoral a provoqué une véritable tornade médiatique. Je dois me partager entre le montage de ce dossier (qui doit être béton, ne laisser aucune place au doute) et mon travail quotidien au labo. Je peux, heureusement, compter sur mon équipe pour me soulager un maximum. Ils sont les premiers à comprendre et soutenir mon choix de lutter contre cette entreprise dont l'unique but est de polluer (donc détruire) notre faune et notre flore. Cela étant, en parallèle, il me faut aussi faire face à la décision de ma nièce de ne pas revenir à Brisbane. Suite à son mois de vacances passé chez mes parents à Las Vegas, elle a réalisé qu'elle ne pourrait jamais s'intégrer ici. Que toute sa vie est là-bas, dans son pays natal, et qu'il lui est nécessaire de retrouver ses marques, ses repères, pour remonter la pente. Il a donc été décidé que Destiny resterait au Nevada, sous la responsabilité de ses grands-parents paternels.

Je suis seule, à nouveau. Une chambre d'ami vide. Plus de sac à dos qui traîne dans l'entrée. Plus de petite boîte surprise sur la console du hall. Plus de second couvert à l'heure des repas. Au final, tout bien considéré, je suis chanceuse d'avoir la tête sous l'eau professionnellement parlant. Au moins, je n'ai que peu l'occasion de me lamenter sur ce brusque changement. Et puis, il y a Elie, qui fait preuve d'un soutien plus que remarquable. Je ne sais pas où j'en serais sans lui.

Je quitte mes pensées alors que je passe la double-porte du restaurant. La jeune serveuse m'offre un sourire chaleureux. Je n'ai pas besoin de donner mon nom, ni de préciser avoir réservé pour trois. Elle le sait. Cela fait de nombreuses années que je viens ici, le plus souvent avec Casey, parfois seule ou avec d'autres amis, en fonction des circonstances. « Suivez-moi. Je vous ai réservé une belle table en terrasse. » J'acquiesce, ravie de pouvoir déjeuner en extérieur compte tenu du temps. Il est seulement midi mais la plupart des tables sont déjà occupées par d'autres clients. Comme tous les samedis, le Burrow ne désemplira pas du service. « Merci. » Je m'installe sur l'une des trois chaises et attend patiemment l'arrivée d'Elie et sa fille, essayant de dompter mon appréhension et ma nervosité.

@Elie Castle & @Amy Castle

Je sors le téléphone portable de mon sac et pianote un rapide message à Casey, autant pour le tenir informé de cette rencontre tant attendue (il savait que je devais voir Amy bientôt sans toutefois avoir eu les détails de la date et du lieu) que pour obtenir un certain soutien à distance de sa part. Le stress monte à mesure que les secondes s'égrènent, même si je suis heureuse de pouvoir face face à ce moment en terrain familier, puisque le Burrow renferme déjà nombre de mes souvenirs parmi les plus mémorables. La réponse de Casey ne tarde pas et un sourire étire mes lèvres. Il me souhaite bonne chance et espère que le courant passera bien entre Amy et moi. Je le remercie d'un simple smiley qui l'embrasse. Je n'ai pas besoin de lui dire que je lui raconterai : il le sait déjà. Lui et moi ne nous cachons rien. Pas depuis vingt longues années d'une indéfectible amitié. Il serait peut-être temps que j'organise quelque chose de mon côté aussi, pour que Casey puisse enfin faire connaissance avec l'homme qui partage désormais ma vie.

En parlant du loup, j'aperçois du coin de l’œil un grand brun très charmant qui vient d'arriver en terrasse. Mon visage s'illumine aussitôt. Son regard balaie les tables alentour avant de s'arrêter sur la mienne. En une poignée de pas mesurés, il me rejoint, et m'offre un doux baiser avant de s'asseoir à mes côtés. Je ressens son angoisse avant même qu'il ne m'en parle. Il me demande ensuite si je vais bien, et j'acquiesce en essayant de me montrer convaincante. Pourtant, je sais qu'il lira entre mes lignes comme j'ai été capable de lire entre les siennes. « Oui ne t'en fais pas. Je suis un peu sous pression, comme toi, mais ça va. J'espère vraiment que ça va bien se passer. Et surtout qu'elle m'appréciera. » Je conclus en esquissant un petit sourire discret, presque contrit. J'ai parfaitement conscience de l'amour que porte Elie à sa grande fille. Quoi de plus normal pour un père ? J'aime Elie de tout mon cœur et je crois pouvoir dire que c'est réciproque, mais l'approbation d'Amy à notre couple est un élément indispensable pour lui. Si ce repas est un fiasco, si elle me déteste, alors ma relation avec Elie risque d'être mise en péril.

Une tête blonde se retrouve bientôt à notre hauteur. Je reconnais bien sûr Amy : son paternel m'en avait montré une photo lors de notre second rendez-vous. La jeune femme nous salue poliment, puis s'installe à son tour. « Bonjour Amy. Je suis Quinn. » Sans blague ? Tu n'as pas quelque chose de plus intelligent à lui dire ? Je me racle la gorge et lui sourit chaleureusement. « Je suis contente de pouvoir faire ta connaissance. » J'aimerais lui demander si le choix du restaurant lui convient et si elle est déjà venue ici mais la jolie serveuse s'approche de nous. Notre table étant désormais au complet, elle nous tend chacun une carte, tour à tour, et s'éclipse discrètement afin de nous laisser choisir nos plats. En tant que « lien commun » entre Amy et moi, Elie prend ensuite le relais de la conversation.

@Elie Castle & @Amy Castle

Spoiler:

Alors que nous ne sommes encore que tous les deux, Elie et moi échangeons sur nos doutes et nos incertitudes. Je tente autant que possible de ne pas lui laisser voir la puissante appréhension qui me noue l'estomac depuis ce matin. Je ne tiens pas à renforcer son propre stress. C'est à moi de faire le nécessaire pour me calmer et me convaincre que les choses n'ont aucune raison de mal tourner. Mais en compagnon aimant et attentionné, Elie ne manque pas de m'aider dans ce processus. « Ne t’en fais pas, elle m’en veut à moi, pas à toi et puis tu es tellement gentille qu’elle succombera comme je l’ai fait. » Je rougis légèrement et un tendre sourire étire mes lèvres. « Je croise les doigts pour qu’elle n’arbore pas son caractère de d’habitude. » « Oh, tu veux dire celui qu'elle a hérité de son père ? » Je demande d'un air taquin, consciente de la forte personnalité de l'ex-SEAL bien qu'il la réserve généralement aux autres. Je suis manifestement son exception, au même titre qu'il est la mienne. Si je suis la seule capable de le canaliser, la réciproque est tout aussi vraie.

Nous sommes bientôt au complet : Amy nous rejoint et prend place sur la dernière chaise inoccupée tout en nous saluant. En guise de premier pas, je me présente à elle avant de lui partager mon bonheur de la rencontrer. Je ne l'ai encore jamais vue et pourtant, c'est comme si je la connaissais déjà. Elie m'en a tellement parlé, rempli de fierté et les yeux brillants. Il le faisait parfois de lui-même, et parfois en répondant à mes questions. J'étais toujours heureuse de l'entendre évoquer sa fille unique. Et à cet instant précis, c'est lui qui est aux anges de pouvoir enfin partager un repas tous ensemble. Il l'avoue sans détour juste avant que la serveuse ne nous interrompe. Elle nous tend chacun une carte à laquelle Elie jette à peine un œil. « Un plat du jour pour moi, avec un soda light, merci. » L'employée du restaurant note la commande sur son carnet puis se tourne vers Amy, s'attendant à ce qu'elle soit aussi prompte à faire son choix. « Vous pouvez revenir d'ici quelques minutes ? » L'intéressée hoche la tête. Lorsqu'elle porte son attention sur moi, elle s'apprête à dire quelque chose mais je la coupe instantanément. « Je vais réfléchir un peu moi aussi, merci. » Je n'ai pas envie qu'Amy se sente à part sous prétexte que son père sait ce qu'il veut et qu'en ce qui me concerne, les serveurs se contentent de me dire "Comme d'habitude ?" et de me voir acquiescer. Au moins, cela aura le mérite de me faire goûter autre chose.

Amy et moi épluchons la fameuse carte lorsqu'elle relève les yeux sur moi et me demande. « Et donc ... Tu fais quoi dans la vie ? » Cette question me fait plaisir, d'autant que c'est elle qui a choisi de lancer la conversation en premier. N'est-ce pas le signe qu'elle tient à ce que nous fassions connaissance ? « Je suis océanographe. » Ce domaine étant assez vaste, je précise toutefois. « J'étudie plus spécifiquement les cétacés. Je passe donc la moitié de mon temps dans un labo, et l'autre moitié en pleine mer. C'est un bon compromis. » J'esquisse un sourire avant de reprendre. « Ton père m'a dit que tu travaillais dans un centre d'appel d'urgence. J'imagine que ça doit te demander beaucoup de sang-froid… » Je serais incapable de gérer autant de pression, c'est une certitude. « Ça doit se transmettre dans les gênes. » J'ajoute avec un petit rictus amusé tout en jetant un regard à Elie. Parce que du sang-froid, il en fallait aussi quand on avait été un soldat d'élite pour son pays. « Ce n'est pas trop difficile de faire la différence entre les cas véritablement urgents et… ceux qui appellent pour rien ? » Pour ça aussi, il lui fallait sans doute faire preuve d'un calme exemplaire !

@Elie Castle & @Amy Castle

Je suis certaine que des étoiles brillent au fond de mes yeux au moment où Amy me demande ma voie professionnelle. Bien que mon travail n'ait pas été tout rose ces derniers mois, entre la contre-expertise et le procès qui me demande un temps et des efforts colossaux, mon métier est surtout une vocation. Ma passion ultime. Je suis généralement intarissable sur le sujet et encore plus lorsque l'on se montre curieux et que l'on me pose des questions. Mais ce repas n'a pas été organisé pour cela. Je me tempère donc du mieux que possible tout en répondant à Amy. « Entre autres oui. Les orques également, mais aussi les bélugas ou encore les cachalots. C'est un domaine plutôt large en réalité. » C'est pendant cette petite précision qu'Elie répond à un appel tout en s'excusant d'un geste. J'imagine sans mal compte tenu de ses sourcils froncés qu'il s'agit de son plus gros contrat, celui de l'émission de télé. Un dossier qu'il doit traiter avec la plus grande diligence car il pourrait lui offrir de nouvelles opportunités, même si sa boîte fonctionne déjà très bien. J'esquisse donc un sourire compréhensif à l'attention d'Elie et, la carte ouverte devant moi, parcourant d'abord quelques plats, je me reconcentre sur Amy pour lui retourner sa curiosité avec plaisir.

Elle m'explique en quelques mots en quoi son travail consiste, ainsi que toutes les difficultés qu'elle peut rencontrer : établir si une personne est en réel danger ou non, prioriser les réponses en fonction et surtout, savoir très vite faire la différence entre les deux cas puisque des vies en dépendent. Amy précise qu'elle-même n'en est, pour l'instant, pas encore arrivée là. « En effet, c'est le genre de choses que tu ne peux apprendre que sur le tas, et qui vient avec l'expérience. » J'acquiesce. Elie s'installe à nouveau la même seconde, s'informant sur ce qu'il a manqué. Amy opte pour une indication courte qui me convient parfaitement. Son père connaît déjà nos jobs respectifs, nous ne nous sommes donc échangé aucune nouvelle capitale durant son absence. « Rien d'urgent ? » Je l'interroge tout de même, doutant toutefois que la réponse soit positive, auquel cas il serait moins détendu. Là-dessus, la serveuse revient avec la carafe d'eau réclamée par Amy et nous demande si nous sommes prêtes à compléter notre commande. « Ce sera une grande salade végétarienne pour moi, merci. » Je suis définitivement irrécupérable. Je pensais changer de plat mais je réalise que j'en suis incapable et me retrouve à avoir réfléchi pour prendre la même chose que d'habitude. J'imagine qu'il me sera plus simple de tester un met différent quand il fera plus frais. Parce que lorsqu'il le temps est aussi chaud et sec, la salade est toujours la meilleure option. Je me tourne vers Amy, attendant qu'elle annonce également son plat. « Et pour la boisson ? » Reprend la serveuse. « Est-ce que vous voulez prendre une bouteille de vin ? Blanc, rouge, rosé peut-être ? » J'interroge, mon regard se posant tour à tour sur chacun des Castle.

@Elie Castle & @Amy Castle

Je retiens un sourire amusé en remarquant le manège de l'ex-SEAL à quelques mètres de nous. Il essaie de se concentrer à la fois sur son appel important et sur notre discussion à Amy et moi. Je peux le comprendre. Il souhaite se rassurer, avoir la certitude que le courant passe bien même sans sa présence. Je lui adresse un petit sourire et espère que ce sera suffisant pour que ses doutes disparaissent, avant de répondre à la question de la belle jeune femme qui me fait face. « Ils sont tous magnifiques et uniques, chacun à leur manière… Mais si je devais vraiment choisir, ce serait les orques. » Au point de m'en être gravé un dans la peau. Un détail qui reste dissimulé aujourd'hui compte tenu de mon choix vestimentaire. Amy m'écoute mais je vois son regard se perdre légèrement. Il brille un peu, comme si elle se rappelait (ou imaginait) quelque chose d'agréable. Je ne sais pas si c'est lié à notre sujet de conversation actuel, cependant cela ne me coûte rien de tenter le coup. « Je pourrais t'emmener faire un tour un jour, si ça te dit. » J'ajoute, un rictus aux lèvres et le ton presque conspirateur. « Je connais un ou deux groupes de Tursiops qui seraient très contents d'avoir une autre camarade de jeu humaine. » A Brisbane, il est facile de côtoyer les dauphins et de nager avec eux. Il suffit d'avoir un bateau, ou bien de se rendre dans l'une des nombreuses agences qui proposent ce type d'activité. Mais Amy n'est peut-être pas dans la première catégorie, et la seconde coûte généralement pas mal d'argent (cette activité touristique est très lucrative ici). Je sens que j'ai piqué l'intérêt de Miss Castle, et me permets donc d'ajouter. « Avantage non négligeable de venir avec moi : mon bateau est un bateau de recherche, alors contrairement aux autres, il est équipé d'un hydrophone dernière génération. » De quoi écouter les nombreux chants des cétacés du coin pendant des heures, avec l'impression d'être immergé à leurs côtés.

Amy et moi évoquons ensuite son propre emploi. Elle se dit qu'elle ne restera peut-être pas à ce poste toute sa vie. J'acquiesce, compréhensive. Elle seule est en mesure de définir ce qui lui plaît ou non. « Certains trouvent tout de suite leur vocation. D'autres essaient plein de choses avant. Il n'y a pas de bon ou mauvais choix. La seul règle à respecter, c'est d'être bien dans ce que tu fais au moment présent. Si un jour tu commences à aller au boulot sans envie, c'est qu'il sera temps pour toi de chercher la nouveauté ! » Elie revient parmi nous et me fait comprendre en un regard qu'il a su gérer son coup de fil sans problème. La serveuse se rapproche juste après pour nous déposer la carafe d'eau et récupérer les deux commandes manquantes. Lorsque vient l'instant de choisir nos boissons, Amy informe qu'elle ne prendra pas de vin, et son paternel me laisse sélectionner le rosé. Mes joues prennent cette même teinte sous son compliment. Il se dévalorise pourtant : il n'est pas en reste non plus sur ce sujet particulier. « Tu veux peut-être autre chose, Amy ? » Je demande avant de rendre les cartes à la serveuse. « On va vous prendre une demi-bouteille de High Noon 2015, merci. » Une fois la jeune employée repartie, Elie se tourne vers sa fille pour savoir si elle va bien et… si elle a vu Hari récemment. A l'évocation de ce prénom, tous mes muscles se contractent. Je n'ai rien contre lui, au contraire. Il a été accueillant et compréhensif lors de notre rencontre, deux semaines plus tôt. Notre déjeuner s'est parfaitement bien passé. Mais j'imagine qu'il me faudra encore un peu de temps pour accepter l'idée de côtoyer cet homme. J'y arriverais, parce qu'il compte pour Elie et comme je le comprends, pour Amy également. Je suis prête à faire tous les efforts du monde. Si tant est que l'on m'en laisse l'occasion.

Amy profite de cette opportunité pour lancer une mini-pique à son père, avant de s'interroger sur notre couple. Elie me regarde, sans doute pour me demander silencieusement ce qu'on peut dire ou non des circonstances de notre rencontre. Car compte tenu de ce qui s'est passé, je sais qu'il ne se permettrait pas de tout raconter, même à Amy, sans avoir mon accord au préalable. Cette histoire est bien trop douloureuse et bien trop personnelle. Et il n'a pas envie de me blesser. « On s'est rencontrés en novembre. Et on est ensemble depuis début janvier. Je voulais faire ta connaissance avant, mais ton père avait à cœur de s'assurer que ça fonctionne bien entre nous pour passer ce cap très important à ses yeux. » J'ajoute avec un sourire à l'attention du concerné. Ce n'est pas grand-chose, mais Amy verra peut-être dans ce choix une autre preuve que son père souhaite vraiment devenir meilleur. « Et toi ? Quelqu'un dans ta vie ? » Je renchéris, autant pour éviter la prochaine question (comment Elie et moi nous sommes rencontrés) que par curiosité envers cette jeune femme qui, à n'en pas douter, prendra de plus en plus de place dans ma vie au fil des semaines, des mois et des années à venir…

@Elie Castle & @Amy Castle