when marimba rhythms start to play
Megan Williams & @Jo Carter ☆ crédit/ssoveia

D’aucuns pourraient penser qu’une bonne amie serait venue voir Jo le soir de sa prestation et que, par conséquent, en lui proposant de boire un verre ensemble le surlendemain, je montre que je n’en suis pas une. Moi, j’ai simplement estimé que faire tourner le grand soir de Jo autour de moi aurait été égocentrique. J’ai besoin de lui parler – pas avant les félicitations de rigueur, évidemment – mais de Damon, de moi, et de toute cette situation semblable à un imbroglio dont je peine à me dépêtrer. Et puis je l’ai écoutée, sa fichue chanson. J’ai suivi la masse en ouvrant Spotify quelques heures après la sortie du titre, et je l’ai même plutôt apprécié. J’ai vu les photos et vidéos de sa prestation aussi et, de toute évidence, elle n’aurait eu aucune attention à m’accorder ce soir là puisque, de toute évidence, elle était toute accaparée et envouté par le chanteur à ses côtés. Je suppose que les choses vont mieux entre eux, donc. Je ne saurais l’affirmer avec certitude et pour cause : nous n’avons pas eu une minute l’une pour l’autre, cet hiver. Elle parce qu’elle était par mont et par vaux, en train de préparer son album, moi parce que Damon et moi avons eu besoin de nous refermer sur notre couple pour nous solidifier, après l’épisode Constantine.

Ce soir, c’est soirée scène ouverte. Les artistes qui se produiront sur scène n’auront pas ne serait-ce qu’un tantinet du talent de la brune que je repère déjà dans le carré vip du club de Jazz, et que j’indique rejoindre pour que me laisse y accéder. Je me glisse à ses côtés, lui adresse un immense sourire et dépose un baiser sur sa joue. « Donc on peut encore te parler sans avoir à passer tes gardes du corps avant, bonne nouvelle. » Pour l’instant, elle n’est pas entourée de types à la mine patibulaire en permanence. Nul doute que cela ne saura tarder, si elle perce comme elle rêve certainement de le faire. Et elle le mérite : je n’y connais pas grand-chose à l’industrie musicale, mais je ne doute pas pour autant que ce soit le cas. « J’ai vu ta prestation sur YouTube, du coup je sais pas si je suis censée te vouvoyer ou te tutoyer, maintenant. » Je jette un coup d’œil circulaire autour de moi, à la recherche d’un serveur ou d’une serveuse. « Faut commander au bar ou y’a quelqu’un qui va passer ? » Je vois qu’elle-même n’a pas encore de verre devant elle, et elle doit déjà connaître la maison. J’ose espérer que sa notoriété nouvelle mais croissante nous offrira au moins le privilège de ne pas avoir à lever nos séants : nous avons des choses à nous dire, j’ai des choses à lui dire et je préfèrerais rentrer dans le vif du sujet au plus vite.

when marimba rhythms start to play
@Megan Williams ☆ crédit/keetika

Mettre son téléphone en silencieux 24 heures à peine après la sortie d’un titre qui avait déjà amassé assez d’écoutes sur les plateformes de streaming pour déjà être considéré comme un tube, ce n’était pas l’idée du siècle. Et pourtant, Jo avait prévenu les membres les plus importants de son entourage que, pour une ou deux heures, elle serait parfaitement injoignable. Dire qu’elle redoutait que Megan lui reproche de ne pas lui accorder toute son attention, occupée à répondre aux sollicitations à tout-va, serait mentir — elle méritait les sollicitations, elle méritait les bonnes critiques, elle méritait tout ce qui lui arrivait maintenant, point final — elle avait juste besoin de prendre une respiration puisque depuis la veille, elle avait la sensation de ne pas avoir eu une seule seconde à elle. Et ce n’était pas si mal, elle ne s’en plaignait absolument pas : c’était tout ce qu’elle avait toujours voulu, mais le rendez-vous fixé par la blonde, il était son excuse rêvée pour se poser, seule le temps qu’elle n’arrive, et faire le point sur ce que provoquait chez elle tout ce ramdam autour d’elle, de Midas, de leur duo. Alors, tranquillement, elle poussa le bouton pause le temps de s’installer à l’abri des regards, salua d’un geste de la main les prioritaires de l’endroit, escortée par les agents de sécurité du club et non de son père, que lui aussi, elle avait renvoyé à la niche pour éviter d’avoir à supporter la bave qui lui coulait sur le menton à l’idée que sa fille atteigne quelque chose plus ou moins par ses propres moyens, et attendit presque sagement de voir la plastique de poupée de Megan se trémousser jusqu’à elle, repoussant l’envie de déjà reprendre son téléphone pour demander à Midas ce qu'il faisait. A la place, elle lissa la longueur de sa tresse allongée par les extensions du bout des doigts, posa un coude sur le bord de la table jetant des petits regards indiscrets à la scène investie par les courageux, et déporta ses yeux sur le mouvement qu’il y eut à l’entrée du carré VIP après un instant de contemplation absente pour mieux regarder Megan s’avancer.

Quand elle lui déposa un baiser sur la joue, elle râla pour la forme en grimaçant d’abord, le nez froncé, en se tamponnant l’endroit où elle avait laissé sa trace sur sa peau avec sa paume ensuite "Tu ruines mon make-up." Elle était contente de la voir, c’était ce qu’il fallait comprendre. Elles n’avaient échangé que par textos depuis des semaines, pas toujours dans la joie et la bonne humeur d’ailleurs, mais personne ne s’en formalisait, c’était comme ça que ça se passait. Se redressant avec la mine des vaniteux accrochée au visage, Jo surjoua un peu l’importance pendant qu’elle lui répondait "Ce sont ceux du club, les miens t’auraient fait un tâcle avant même que tu puisses poser un regard sur moi." Franchement, c’était à peine exagéré quand on parlait d’Isaiah ; homme, femme, enfant, ça avait peu d’importance pour lui.
Replaçant sa longue tresse entre les bretelles en dentelle de sa robe, elle continua à jouer le jeu de Megan "Tu peux me tutoyer, mais t’as obligation de m’appeler madame. À la fin de notre conversation, on t’apportera un contrat que tu devras signer et respecter toute la durée de notre amitié." Elle opina très sérieusement, l’éclat dans ses yeux soulignés d’un liseré de paillettes mordorées confrontant le bleu de ceux de Megan. Soudainement, elle murmura avec enthousiasme "Oh, tu veux voir un tour de magie ?" Suite à la question de la blonde, elle leva légèrement le bras puis, pouce contre le majeur de sa main gauche, elle claqua des doigts en direction de l’un de ses gardes du corps qui n’attendit même pas qu’elle lui dise quoi que ce soit, et quitta son comparse pour aller alpaguer un serveur qui viendrait dans quelques secondes. En attendant, elle pointa le menton vers Megan "Impressionnant, hm ? C’est mon nouveau super-pouvoir." fit-elle, avant de retrouver une posture un peu plus naturelle, une légère fossette creusant sa joue quand elle lui demanda, son attention redirigée vers elle "Je suppose que c’est pas pour me caresser dans le sens du poil que tu voulais me voir." Pas de ça entre elles. Elle ne lui demanda pas c’est quoi les bails ? mais le regard qu’elle lui lança voulait dire exactement la même chose.

when marimba rhythms start to play
Megan Williams & @Jo Carter ☆ crédit/ssoveia

Je lève théâtralement les yeux au ciel lorsqu’il est question du maquillage de Jo, qui est parfait sans que je n’en ai de toute façon quoi que ce soit à faire. Même dans un contexte comme celui-là, même alors que notre relation est apaisée, Jo ne peut s’empêcher de morde, ne serait-ce qu’un tout petit peu et je mentirais si je disais être surprise. Ce mode de communication, lorsqu’il ne prend pas des proportions qui deviennent désagréables, ne m’a jamais dérangée. Notre dernier échange de message, je n’ai pas l’intention de l’évoquer, pas si elle ne le fait pas elle-même, mais je ne peux nier que je suis curieuse de savoir ce qui l’a motivé, tout comme je le suis de savoir si elle a vraiment compris et intégré ce que je lui ai dit. Je n’ai pas de grief en particulier à lui distribuer. Simplement une observation : Jo aime l’attention et aime faire tourner les têtes, et elle n’épargne pas ceux qui n’ont pas le moindre intérêt de ce genre pour elle.

« Ce sont ceux du club, les miens t’auraient fait un tâcle avant même que tu puisses poser un regard sur moi. » - « Et bien. C’est pas ça qui va aider tes chevilles à dégonfler. » La brune, dont l’égo a déjà du mal à passer les portes en un temps normal, ne s’est pas engagée sur la voie de la modestie. Elle a le droit d’être fière d’enfin recevoir ce qui lui est dû, mais moi, je m’octroie le droit de m’en moquer. « La bonne nouvelle, c’est que tu risques pas de plus te considérer comme la chose la plus précieuse au monde que c’est déjà le cas. » Je la taquine gentiment, avant de vérifier rapidement dans le reflet de l’écran noir de mon téléphone verrouillé que mon maquillage n’a pas bougé depuis que j’ai quitté mon appartement. « Tu peux me tutoyer, mais t’as obligation de m’appeler madame. À la fin de notre conversation, on t’apportera un contrat que tu devras signer et respecter toute la durée de notre amitié. » - « J’ai déjà signé un contrat prénuptial tu sais, y’a plus grand-chose qui peut m’impressionner. » Saül s’est évidemment assuré que je ne pourrais rien prendre à son fils en cas de divorce. Le jeune homme n’était même pas là, lorsque j’ai été convoquée pour signer les papiers, et nous n’avons jamais réellement évoqué le sujet. Je suppose que c’est normal dans ce genre de famille, et d’autant plus dans le contact qui entoure notre mariage. « Ma dernière relation qui n’était pas encore régie par un contrat. Tu me brise le cœur. » Un bras accoudé sur le sommet du dossier du sofa, je porte l’autre à plat contre mon cœur, un air de chiot triste sur mon joli minois.

« Oh, tu veux voir un tour de magie ? » - « Hum ? » La jeune femme claque des doigts et je tourne la tête pour regarder dans la même direction qu’elle et voir son petit soldat s’animer sous ses ordres. Il va sans dire que mes yeux roulent dans leur orbite. « Impressionnant, hm ? C’est mon nouveau super-pouvoir. » - « Prétentieuse. » Je penche la tête sur le côté et plisse les lèvres. « Tu sais que c’était aussi rapide de héler directement le serveur ? » Je me moque gentiment, mais ça n’est reste pas moins viens. Le pauvre homme aurait fait son métier, qu’un garde du corps lui souffle de le faire ou pas. « Je suppose que c’est pas pour me caresser dans le sens du poil que tu voulais me voir. » - « Direct dans le vif du sujet. On se demande pas comment on va, ce qu’il s’est passé dans notre vie depuis la dernière fois et tout ce qui va avec ? » Je m’appuie un peu plus sur le dossier du canapé en velours rouge, un rictus amusé par mon minois. « T’as mis un minuteur c’est ça ? T’as combien de temps à m’accorder avant de me congédier pour t’affairer à des choses plus importantes » Je mime des guillemets avec mes doigts pour appuyer mes mots.

when marimba rhythms start to play
@Megan Williams ☆ crédit/keetika

"Je suis la chose la plus précieuse au monde." Selon son avis en tout cas, mais disons que jusqu’à présent, on lui avait donné assez peu l’impression de ne pas l’être. Jusqu’à ce que son père décide de lui enfoncer de force des leçons de vie du plat de sa main, Jo avait relativement été traitée comme une princesse durant toute son enfance au moins, c’était bien pour ça qu’elle était devenue la personne qu’elle était aujourd’hui. Ne parlons pas des quelques personne qui la regardaient avec des coeurs dans les yeux au risque de forcer Megan à lui dire encore une fois qu’elle adorait ça — vrai au demeurant, qui n’adorerait pas ça ? Elle n’était franchement pas aidée dans l’action de redescendre de son petit poney non plus. Non, ce n’était pas la faute des autres, seulement elle avait tout de même le droit de le prétendre rien qu’un peu histoire de. De toute façon, elle en jouait, de sa prétention exacerbée parce que c’était drôle de donner l’impression de se prendre pour la huitième merveille du monde, mais le succès ne l’avait pas faite devenir comme ça, et ne la ferait pas devenir pire que ça non plus. Point positif de son caractère pourri, elle était stable dans sa façon de se la raconter, qu’elle vende des disques ou pas.

Un petit rire enroué lui échappa quand le contrat prénuptial de la blonde fût mentionné. Non pas que c’était particulièrement drôle, simplement elle oubliait parfois ce qui se cachait derrière la surface rutilante de la richesse. Elle prit une moue aussi faussement triste que celle de Megan quand elle se désola de devoir passer par la case signature de contrat avec elle aussi. Elle ne lui répondit rien, mais le sourire en biais qui fendit son visage juste après avoir retrouvé une expression normale voulait peut-être bien dire que, elle vivante, elle ne ferait signer aucune espèce de contrat à qui que ce soit pour préserver ses secrets. Encore que, ça lui serait peut-être utile si jamais sa langue fourchait à propos de son trophée, mais elle avait suffisamment confiance en son cercle très restreint pour ne pas être obligée de pencher vers la parano.

Un léger doute s’insinua quand elle repensa à Charlie, à leur discussion à Sydney, et au fait que la blonde se fichait comme d’une guigne de ce qu’elle lui avait confié en vérité, donc elle ne craignait pas grand-chose, si ? Elle se recentra intimement, tournant les yeux vers Megan pour mieux y parvenir "Ouais, mais c’est quand même vachement moins marrant." De héler quelqu’un pour le faire venir au lieu de le faire escorter par un agent de sécurité qui avait des bras de joueur de rugby sous-stéroïdes "Ah putain, on fait ça maintenant alors ?" Elle roula des yeux Jo, se parant soudainement d’un sourire tellement faux qu’elle sentit le coin de ses yeux s’étirer et sa voix devenir crécelle quand elle fit à Megan dont elle attrapa le poignet pour surjouer l’enthousiasme "Comment ça va, Meg ? Qu’est-ce qui s’est passé dans ta vie depuis la dernière fois ?" Prouvant par un nouveau froncement de nez qu’elle se moquait d’elle, lui lâchant la main, elle lui dit plus sérieusement en s’accoudant à la table "T’en es où de ton training pour ton film ?" Chose qui était plus risible que le contrat prénup qu’elle avait signé avec Ken, Barbie était maintenant actrice. Dans l’immédiat, c’était risible parce que ça sortait de derrière les fagots, mais au fond, Jo n’avait pas de mal à comprendre pourquoi l’autre demeuré qui lui servait d’ex-amant avait accepté son chantage : comme avec Micah, elle aurait très bien pu lui proposer de tourner dans son premier clip tellement elle était belle, et c’était sincère. Dans tous les cas, que ce soit une lubie ou pas, Jo serait derrière elle, comme la grande-soeur fière qu’elle pourrait apprendre à devenir, exactement comme elle avait été derrière elle durant tout son parcours récent. Pas beaucoup de qualités certes, tout de même loyale à l’extrême Jo, c’était encore ce qui comptait le plus.

Pinçant les lèvres, elle se laissa tomber en arrière sur la banquette cosy du carré VIP, et consulta le cadran imaginaire d’une montre qu’elle ne portait pas au poignet de sa main dominante, lui rétorquant dans la foulée "Je suis partie sur deux heures, mais si tu pouvais accélérer, ce serait apprécié. Je suis très demandée, tu te doutes." Elle était très demandée par son besoin avide de se barrer de là pour coller au train de Midas surtout, mais ça, elle ne l’éclaircit pas, campant sur le rôle de l’étoile naissante qu’elle était, tellement sollicitée qu’elle était obligée de prendre rendez-vous avec ses amies pour les voir. Doucement, mais sûrement, Jo fronça brièvement les sourcils en reposant son petit regard de fouine suspicieuse sur Megan. C’était bizarre en vrai, elle ne tournait que rarement autour du pot, c’était bien pour ça qu’elle semblait tant l’apprécier Blondie : parce que Jo avait la délicatesse d’une boule de démolition — à s’abattre de tout son poids plume sur ceux qu’elle avait dans le viseur sans s’inquiéter des dégâts. Ses longs ongles se mirent à battre la mesure sur la table, et puis enfin, sa patience fondant comme un cornet de glace au soleil, elle se lança, sa tête se penchant pour capter le bleu de ses yeux de poupée "Sérieusement. T’es sûre que ça va ?" Décidant d’être un peu moins brute sur l’instant, Jo se tourna de trois quart vers la blonde pendant qu’un serveur venait enfin prendre leur commande.

when marimba rhythms start to play
Megan Williams & @Jo Carter ☆ crédit/ssoveia

« Ce dont on est certains en revanche, c’est que tu n’es pas la chose la plus modeste. » J’esquisse un sourire amusé : avec moi, Jo a le droit de prendre la grosse tête, d’une part parce que je serai toujours là pour la tirer par les pieds et les lui ramener sur terre, d’autre part parce que je suis coupable du péché d’orgueil, moi aussi. Ou en tout cas, je prétends l’être quand, dans les faits, je suis pétrie d’incertitudes et surtout en ce moment. J’ai peur du tourbillon médiatique qu’entrainera ce fichu article qui va remuer la merde mais, surtout j’ai peur de perdre Damon dans la mêlée. C’est inexplicable, ce n’est pas fondé, mais j’ai peur que la lumière soit faite sur les conditions de notre mariage et que d’une façon ou l’autre, on me l’arrache. « Ouais, mais c’est quand même vachement moins marrant. » - « Quelques interviews à droite et à gauche et tu es déjà devenue exécrable avec le petit peuple. J’en attendais pas moins de toi. » Mais soit, il est vrai que c’est amusant, de voir l’armoire à glace, chargé de la sécurité du bar, se dépêcher d’interpeller un serveur pour lui désigner notre table. J’ai l’impression d’être une princesse des temps modernes ou ce qui s’en rapproche le plus, et ce n’est pas pour me déplaire. Lorsqu’il arrive, je commande un verre de vin blanc en toute modestie : l’alcool fort me monte un peu trop vite à la tête.

« Ah putain, on fait ça maintenant alors ? » - « Hum ? » Sourcil froncés, front plissé, je l’interroge du regard. Par ça, qu’entend-t-elle ? Echanger comme si nous étions des personnes normales ? « Comment ça va, Meg ? Qu’est-ce qui s’est passé dans ta vie depuis la dernière fois ? » Mes yeux roulent dans leur orbite et je peste. « Tu pourrais au moins faire semblant que t’es heureuse de passer un peu de temps en ma compagnie. » Où est passé mon amour du tough love, discipline à laquelle Jo et moi nous adonnons régulièrement et à laquelle nous excellons – elle tout particulièrement ? Je l’ignore, je l’ai certainement temporairement égaré en même temps que ma fierté, à cause de ma nervosité croissante alors que la sortie de l’article approche. « T’en es où de ton training pour ton film ? » - « Pas mal. Je cours pas encore un semi marathon, mais je donne le change. » De toute façon, nous ne filmons pas Invictus. Les scènes de rugby seront présentes, mais ne nécessitent pas autant de réalisme que pour des films qui prêtent la part belle au sport. « On les emmerde, je serais doublée de toute façon. » Pour les plans de loin qui seront fait pour montrer les parties enflammées. « C’est pas comme si Scott pouvait me remplacer. » Amusée, je porte mon verre de vin – nous avons été servies – à mes lèvres tout en lui adressant un sourire rieur. Je connais mes atouts, je sais utiliser les cartes que j’ai en main.

« Je suis partie sur deux heures, mais si tu pouvais accélérer, ce serait apprécié. Je suis très demandée, tu te doutes. » - « Deux heure hein. Tu donnes combien à Charlie ? » Je ne fais que prétendre être jalouse de la différence de traitement que nous recevons parfois la policière et moi mais, par moments et par moments seulement, je n’en pense pas moins. Lorsque j’ai dit à Jo que seules les personnes ayant un intérêt d’un autre ordre pour elle avaient le droit aux plus doux aspects de sa personnalité, je ne l’ai pas fait dans le simple but de la piquer ou de l’emmerder. C’est une réalité, parfois, j’ai le sentiment qu’elle serait plus facile à vivre avec moi si j’avais prétendu dès le premier jour que j’avais envie de la mettre dans mon lit. Toutefois, c’est de loin la dernière de mes préoccupation pour l’heure, et Jo a l’air de flairer que tout n’est pas rose dans mon quotidien. « Sérieusement. T’es sûre que ça va ? » Je l’observe, prête à feindre que chaque détail de mon existence est merveilleuse, avant de pousser un long soupir et de laisser retomber mes épaules. « Honnêtement ? J’en sais rien. » Dans les faits, Damon est merveilleux et mon mariage l’est tout autant. Je sais qu’il m’aime, et j’apprends tous les jours à apprendre à conjuguer avec ma jalousie à l’égard de toutes ses anciennes conquêtes, et d’accepter que c’est moi qu’il a choisie, et qu’il ne changera pas d’avis. « C’est pas Damon. Il est parfait. On a eu des… Soucis, cet hiver, mais il reste parfait et il m’a dit qu’il m’aime, plusieurs fois même. » Alors pourquoi ai-je autant de mal à être certaine que je ne me retrouverai pas un jour seule ? Certainement parce que je ne suis pas habituée à ce qu’un homme m’aime pour autre chose que mes courbes avantageuses et mon joli minois et que tout le reste me met en insécurité. Avant de continuer, je baisse ma voix. « Mon beau-père, ce qu’il m’a fait… » J’hésite un instant avant de continuer : cela sera de notoriété publique dans quelques semaines de toute façon, je n’ai plus à craindre de dévoiler le secret de mon époux. « Ce qu’il a fait à Damon. » Autrement dit : le jeune Italien a lui aussi été victime de la violence de son père et à plusieurs reprises. « Un article va sortir, bientôt. On a témoigné lui et moi. J’ai peur des conséquences. »

when marimba rhythms start to play
@Megan Williams ☆ crédit/keetika

C’était toujours le même disque qui tournait avec Megan. Au moins, elle restait dans le thème du club dans lequel elle avait daigné ramené son fessier de pin-up. Cette musique qui n’était certes pas rassurante, elle entérinait pourtant l’idée qu’elles étaient au moins assez proches pour anticiper les paroles de l’autre, et le moins que l’on pouvait dire, c’était qu’elle radotait quand même pas mal, Barbie. À part battre exagérément des cils, non sans démontrer un peu de fierté au passage à l’idée de n’être ni modeste ni tendre avec le petit peuple, Jo ne répondit rien.

Elle renchaina sur le reste en revanche, et ce après avoir demandé une simple eau gazeuse au serveur rameuté dans l’intervalle par sa sécurité. Reposant son regard sur elle, elle lui adressa la moue de ceux qui compatissent pour de faux "Tu veux que je te fasse un câlin tout de suite ?" Pour lui prouver qu’elle était heureuse de la voir. S’il ne lui fallait que ça pour qu’elle y croit, Jo le ferait. Ou pas. Inutile de palabrer sur son esprit de contradiction, inscrit au fer rouge dans sa manière de se comporter pour emmerder le monde des autres, le sien se devant de tourner selon ses propres règles. Sa façon de se rattraper, si tant était qu’elle cherchait à le faire, c’était de s’intéresser à ce plan dont elle lui avait vaguement parlé par texto, lui balançant la nouvelle de sa participation à un film pour ensuite ne plus daigner lui répondre lorsqu’elle s’était inquiétée de savoir si elle gérait cette affaire, si elle savait ce qu’elle faisait. Pas la dernière à lui reprocher de s’en battre le reins la blonde, mais reconnaître qu’elle éprouvait de l’inquiétude sincère à son sujet, ce n’était pas à sa portée visiblement. Alors que c’était le cas. Vraiment. C’était bien elle qui avait tenu à ce que Jo la définisse comme sa meilleure amie, et pour ce que ça valait, elle n’avait pas perdu de temps à le contester "T’as rencontré tes partenaires de jeu ?" qu’elle lui demanda, piochant la rondelle de citron qu’il y avait dans le verre qu’on venait de déposer devant elle pour ensuite croquer dedans et froncer les sourcils à l’écoute de ce qu’elle lui disait. Pas parce que son citron était trop amer, mais parce qu’avec une éthique de travail aussi naze, Megan allait vite redescendre de son petit nuage "T’en as quand même quelque chose à foutre de tout ça, ou tu veux juste saboter le projet ?"

Finalement, elle déposa sa rondelle de citron dépiautée à côté de son verre, en sirota une gorgée par la paille qu’elle avait fait tourner inlassablement pour disperser les bulles qu’elle regarda brièvement, toujours happée par ce qui ressemblait de près ou de loin à des paillettes. Elle appréciait assez peu les insinuations de Megan — qu’elle taisait pour l’heure, mais comme elle lui avait déjà donné son avis sur la manière dont elle gérait ses relations, sans doute que sa pseudo-jalousie partait encore de cette analyse qu’elle avait faite et qui la plaçait en Cosette de l’histoire. Ouin la vilaine Josephine qui était dure avec elle juste parce qu’elle ne supportait pas qu’elle ne veuille pas la mettre dans son lit. Elle s’était excusée d’être une pétasse, elle lui avait dit que ce n’était pas ce qu’elle attendait d’elle, et pourtant elle semblait insister ; c’était tout ce que retenait Jo. Un soupir hachuré lui échappa, et puis elle se força à avaler la gorgée d’eau qu’elle avait repris dans la foulée pour se donner les moyens de fermer sa grande gueule. Une fois qu’elle fut certaine de ne rien dire de travers, elle termina par lui dire sur le ton plat qui était le sien quand elle retenait ses sorties les moins glorieuses, son verre posé dans l’espace vide laissé par ses bras croisés au bord de la table "Etant donné qu’elle a répondu présente chaque fois que j’en ai eu besoin quand ça allait pas, je dirais que je lui en donne vraiment pas assez." Elle le pensait, elle en ferait ce qu’elle voudrait de cette réponse. Qu’importait que les relations n’avaient pas toujours été au beau fixe avec Charlie, Jo avait pu compter sur elle ces sept derniers mois au moins, et ça resterait une dette qu’elle paierait un jour où l'autre.

Elle n’ajouta rien d’autre après ça, s’inquiétant simplement des états d’âme de Megan. Elle était consciente que dans tous les cas, la conversation n’avait pas vocation à tourner autour de son nombril, et de bonne humeur malgré les apparences, elle passa vite sur ça pour l’écouter une bonne fois pour toutes. Les épaules de la blonde retombèrent, Jo s’appuya davantage contre la banquette en analysant ses micro-expressions avec attention. Dire qu’elle s’attendait au pire serait un euphémisme, Megan avait le chic pour se foutre dans des situations pas possibles que Jo ne comprenait pas la plupart du temps. Elle ne l’interrompit pas lorsqu’elle lui parla de ce qui la tracassait, évita même un petit commentaire qui lui passa par la tête à l’adresse de Damon, et inclina la tête sur le côté pour réfléchir à la meilleure manière d’aborder les choses pour ne pas être targuée de salope insensible — encore une fois, on s’y faisait. Elle passa sa langue sur ses lèvres, les pinça fort une longue seconde, et enfin elle lui demanda "J’ai le droit de te poser toutes les questions que je veux ?" Ou si elle le faisait, elle allait en faire une occasion de lui balancer ses quatre vérités ? Elle garda cet ajout pour elle, anticipa pour poursuivre, ses yeux se détournant des siens pour regarder la glissade jusqu’à elle qu’elle imposa à son verre histoire de taper sa paille dans le fond pour de nouveau faire tourner les bulles "Il a fait quoi à Damon exactement ?" Elle savait plus ou moins pour Megan "J’ai aucun intérêt à en parler à qui que ce soit, t’as rien à craindre." Elle savait garder les secrets comme personne Jo, encore une qualité à ajouter à sa liste. C’est qu’elle s’allongeait. Dingue "T’as peur que ça attire l’attention sur ton mariage ?" Dans tout ça, Megan n’avait qu’un truc à perdre, ce n’était pas dur à deviner.

when marimba rhythms start to play
Megan Williams & @Jo Carter ☆ crédit/ssoveia

« Tu veux que je te fasse un câlin tout de suite ? » Je lève les yeux au ciel sans autre forme de cérémonial, au fond peu surprise du manque de marque d’affection dans l’attitude de Jo. Tout le monde sait que ce n’est pas le genre de la maison et si je ne cesserais jamais de lui faire des remarques pour autant lorsque je trouve qu’elle en devient froide – trop froide – je ne peux plus prétendre que je tombe des nues face à ce genre de comportement.

« T’as rencontré tes partenaires de jeu ? » Je hoche la tête, incertaine quant à l’intérêt réel de Joséphine pour cette information. Mais, après tout, peut-être y-a-t-il des têtes connues pour elle dans le lot, elle qui a toujours évolué à moitié sous la lumière des projecteurs pour s’y retrouver à présent en plein milieu. « Ouais. Le casting a été rendu public normalement, t’as pas vu ça passer ? » Moi, j’ai commencé à échanger avec certains sans pour autant me sentir investie de la mission de nous rapprocher pour que nous devenions tous une grande famille. « Tomlinson, Aiden Turner, je vais devoir roules des pelles au gratin Brisbanien. » A une époque, j’aurais poussé la plaisanterie bien plus loin à ce sujet. J’aurais été la première à sombrer dans le grivois mais, aujourd’hui, cela me laisse de marbre. Damon est le seul qui m’importe et le tournage, ce n’est qu’un boulot, un rôle que je vais devoir jouer et je suis très au clair avec ça. « T’en as quand même quelque chose à foutre de tout ça, ou tu veux juste saboter le projet ? » Je plisse les lèvres en une moue boudeuse, et je penche légèrement la tête sur le côté en observant Jo un instant. Est-elle simplement curieuse – en bonne amoureuse de potins en tout genre – ou bien me juge-t-elle un peu à sa façon ? Je n’ai jamais eu le sentiment qu’elle le faisait, mais on touche à présent à la sphère artistique – même si elle est différent de la sienne – considère-t-elle que je vole la place d’une jeune actrice bourrée de talent qui aurait rêvé de jouer mon rôle ? « J’ai pas l’intention de saboter le truc. » Me couvrir de ridicule n’a jamais été le genre de chose qui me plait. « Je vais le faire du mieux que je peux. Mais je mentirais si je te prétendais que me couche tous les soirs en me faisant des nœuds au ventre en me demandant si je suis au niveau. » Peut-être pas mais après tout, jouer la comédie face aux caméras n’est qu’une variante d’un domaine où je suis maître, non ? « Je ferai le boulot qu’on me demandera de faire pour que ça marche. » Mais personne ne doit s’attendre à ce que je me tue à la tâche ou m’investisse corps et âme.

« Etant donné qu’elle a répondu présente chaque fois que j’en ai eu besoin quand ça allait pas, je dirais que je lui en donne vraiment pas assez. »
« Okay. »

J’ignore comment je suis supposée prendre la remarque de la brune et, dans le doute et connaissant sa propension à la provocation, je préfère éviter de la relever. A quelqu’un d’autre, j’aurais dit "parce que moi je ne suis pas présente ? mais je sais très bien que Jo me rentrerait dedans si elle l’estimait justifié, que ce soit le cas ou pas. De toute façon, je ne suis pas là pour ça. Je suis là parce que j’appréhende les jours à venir, pas à cause du film ou d’une quelconque compétition et jalousie concernant la façon dont elle distribue son attention et son affection. « J’ai le droit de te poser toutes les questions que je veux ? » Comme si une réponse négative de ma part pouvait changer quoi que ce soit à la façon de se comporter de Jo. La parade est simple, de toute façon. « Tu peux me poser toutes les questions que tu veux. » Simplement, il n’est pas certain qu’elle connaisse de réponse, en fonction de si je suis disposée à la lui donner ou pas. « Il a fait quoi à Damon exactement ? J’ai aucun intérêt à en parler à qui que ce soit, t’as rien à craindre. » Je n’ai pas peur qu’elle en parle, pas plus que je n’ai envie de trahir le secret du blond mais, à présent, cela n’a plus la moindre importance. Aujourd’hui, je suis certaine qu’il m’autoriserait à le faire : s’il s’apprête à dénoncer Saül, c’est qu’il est prêt. Seulement, ai-je réellement besoin de répondre ? « Plus ou moins la même chose qu’à moi. Avec des variantes, mais pendant et depuis des années. » Aujourd’hui, si Saül ne lève plus la main sur lui, c’est parce que Damon a pris radialement ses distances avec l’homme d’affaires. « C’est un homme violent. Tu dois certainement pouvoir imaginer. » Pas parce que je soupçonne quoi que ce soit de similaire dans son histoire, mais parce que la pop culture est bourrée de représentations de ce genre de mari, de frère ou de père. « T’as peur que ça attire l’attention sur ton mariage ? » A elle, je peux l’avouer bien plus ouvertement qu’à d’autres amies. « Oui, entre autres. » Je veux que notre secret en reste un. « Damon et moi on est d’accord pour dire que ça ne regarde que nous. » Ce genre de révélation n’est pas au programme, mais ne pourraient-elles pas nous être imposées ? « Mais l’homme à l’origine de l’article est un ex à lui. Et je n’ai pas confiance, pas une seule seconde. » Malgré les paroles de mon mari que je considère comme incapable de faire preuve d’objectivité le concernant. « On va bien lui et moi. Notre relation a jamais été aussi bien. Il m’a dit qu’il m’aimait je… » J’ai peur que tout me soit arraché après qu’un avenir heureux m’ait été collé sous le nez. « J’ai peur que remuer la merde pour rien le fasse… Je sais pas, Que ça abime ou gâche ce qu’on a enfin réussi à construire. »