the devil wears prada
@Mabel Griffiths ☆ crédit/josshelps

Si elle devait être tout à fait honnête avec elle-même, Jo ne s’était pas imaginée être invitée de sitôt à la Fashion Week — à Paris ou ailleurs. Six mois séparaient son speudo-sacre à la télévision Australienne, et si son premier titre officiellement sorti était un succès qu’elle devait de moitié à celui qui l’accompagnait pour ce duo, elle était encore relativement nouvelle dans le milieu pour espérer attirer l’attention des grandes marques qui offraient des petits tours d’Europe à ceux qu’ils jugeaient dignes de leur intérêt. Et pourtant, par elle ne savait quel miracle au juste, préférant croire en la magie de son aura divine plutôt qu’au pouvoir de l’argent et du réseautage, elle avait atterri à Paris à la fin du mois de septembre pour un séjour de quelques jours durant lequel elle enchaînerait les défilés. Ses premiers en tant que spectatrice sur place, à suivre de ses grands yeux ébahis le chemin des mannequins dégingandés et autre filles-à-papa qui avaient obtenues leur galon grâce à leur nom. Grand bien leur faisait, elles n’avaient pas volé leur beauté, c’était déjà ça.

C’était étourdissant de se retrouver dans un pays qu’elle ne connaissait pas et qui, si là encore elle devait être tout à fait honnête, la laissait indifférente au contraire d’autres qu’elle voyait comme un Graal à atteindre tout au long de sa vie. Mais elle appréciait l’ambiance induite par l’effervescence et la nouveauté. Elle était seule avec son équipe, notamment parce qu’elle avait suffisamment été accompagnée ces derniers temps pour espérer enfin briller par elle-même, habillée comme l’entendait la tradition de ce genre d’événement : avec des tenues griffées, fabuleuses et ajustée à sa taille de guêpe pour un meilleur effet. Elle ne se reposait pas sur ses lauriers, se montraient et faisaient des rencontres qui la rendait allègre malgré cette impression de trop grand qui l’avait transie une ou deux fois en se rendant compte qu’effectivement, elle était seule, et que ce serait certainement de plus en plus le cas.

Cette sensation, elle la ressentit à la fin du défilé du soir dont elle sortit par la grande-porte, tenue par la main par son assistante, Catherine "Tu veux faire un petit tour à l’after-party, ou tu veux rentrer à l’hôtel ? T’as du sommeil à rattraper." l’entendit-elle lui demander quand finalement, elle n’eut pas le temps de lui répondre puisqu’elle se fit alpaguer par Mabel qu’elle avait vu sur le podium bien sûr. Elle l’avait trouvée plus affranchie dans cet élément-ci que derrière un micro, comme quoi sous son allure de sainte-nitouche, elle avait finalement quelque chose de plus intéressant à présenter que du beige et de la blondeur "Promis, je te traque pas." Une entame qu’elle lui fit en la toisant pour regarder sa tenue et effleurer du bout des doigts le tombé de la robe qu’elle avait passé après le défilé "C’est magnifique ça. C’est du même créateur ?" Que celui du défilé, ça allait s’en dire. Jo lâcha la main de son assistante qui lui indiqua qu’elle allait se servir à boire, et se sentit un peu démunie dans le fond, d’être lâchée par la seule personne qu’elle connaissait vraiment sur place. Elle ne laissa rien voir cependant, reportant ses yeux sur Mabel qui la questionnait sur Paris "On m’avait pas dit que c’était si… désordonné." Pour ne pas dire dégueulasse en vrai. Ça la rendait surement maniaque de s’offusquer de la saleté de la ville Lumière, mais elle comprenait mieux souvent pourquoi les gens vantaient la beauté de ses nuits plutôt que celle de ses jours. Elle arqua un sourcil, et puis elle dit à la jeune femme avec un sourire en coin, le brun soutenu de ses lèvres peintes se fendant en même temps "T’es pas trop vieille pour faire ce genre de trucs ?"

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"Ouais, c’est une faute de goût d’associer son maquillage à ses fringues, pourtant ça a pas trop l’air de te déranger de le faire hein." Il ne fallait pas compter sur Jo pour encensée ses pairs trop longtemps non plus, à croire qu’elle attendait à ce qu’on la paye pour ses compliments. Offrant un roulement d’yeux à Mabel, elle détourna brièvement la tête pour s’attarder sur les silhouettes qu’elle voyait se mouvoir à leurs côtés, en quête du petit verre à siffler pour mieux repartir pour un tour et enchaîner les soirées où il n’y avait pas que du champagne qui tournait. Chacun son délire, le sien c’était de rester sobre et d’avoir assez d’heure de sommeil au compteur pour ne pas être trop tentée d’assassiner personne. Quoique même avec 12 heures de sommeil, elle réussissait toujours à fomenter des plans d’homicide à un moment donné, c’était son talent caché.

"J’en sais rien. J’ai pas pris le temps de visiter non plus, je suis pas venue pour faire du tourisme." Et qu’à dire vrai, être seule, ça lui laissait un goût amer. Le dernier voyage qu’elle avait fait à l’étranger, elle l’avait fait avec Micah, et elle l’avait adoré. Ça lui avait rapporté des problèmes d’ailleurs, alors certainement que rameuter le jeune homme pour une escapade n’aurait pas été du plus bon effet, mais c’était presque comme si elle regrettait qu’il ne soit pas là à lui parler de ses expériences dans cette ville tout comme le faisait Mabel qu’elle écouta l’oreille distraite, mais avec intérêt néanmoins "Pourquoi tu t’y installes pas si ça te plaît autant ?" lui demanda-t-elle alors. Elle ne tenait pas spécialement à connaître ses états d’âme, mais c’était une bonne alternative à l’idée de rentrer dans sa chambre d’hôtel, que d’écouter la jeune femme qui effectivement, avait l’air bien plus à l’aise ici que dans un studio d’enregistrement.

Un léger rire enroué s’échappa des lèvres de Jo quand sa remarque sur l’âge de Mabel lui valut une réponse un peu sèche "J’ai touché un nerf, on dirait." Elle aurait pu lui dire que Cindy Crawford, c’était Cindy Crawford, et que sans vouloir l’offenser, la comparaison était malheureuse parce qu’elle restait THE GOAT, mais elle s’abstint en opinant sur ce qu’elle lui avouait "Toutes les bonnes choses ont une fin. De toute façon, c’est pas comme si tu savais pas faire autre chose que ça." lui rappela-t-elle, ne ressentant pas le besoin de la réconforter, soulevant juste un fait qui s’étalait sur sa page Wikipédia. Même sans le mannequinat, Mabel aurait du boulot, alors inutile de se morfondre à ce sujet.
"J’ai que 27 ans tu sais, j’ai la vie devant moi." Contrairement à toi, qu’elle faillit ajouter. Et elle aurait 27 ans aussi longtemps que lui permettrait ses bons gènes, n’en déplaise aux puristes de la date de naissance qui se faisaient une joie d’investiguer pour savoir qui était né à quelle époque, comme s’il n’y avait pas autre chose de mieux à foutre dans la vie que de chipoter sur des détails de ce genre. Jo haussa les épaules, ce genre de questions, c’était comme quand on lui demandait si elle voulait des enfants. Elle n’y pensait pas, c’était aussi simple que ça. Sa carrière venait de commencer, son album n’en était qu’à son enregistrement, et Mabel voulait déjà l’enterrer ? L’avenir n’était pas linéaire, et ça l’angoissait dans une certaine mesure, alors les questions existentielles concernant sa carrière quand elle aurait 70 balais, elle pouvait se les garder. C’est pourquoi elle lui fit soudainement, se retourna vers elle en même temps "C’est quoi tes prochains défilés ? Tu restes jusqu’à la semaine prochaine ?"

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"On me paye le voyage, qui suis-je pour refuser ?" Elle battit exagérément de ses cils allongés par les extensions Jo, adressant une oeillade malicieuse à Mabel qui n’avait pas tort dans le fond. Ça restait un spectacle agréable à voir, et puis elle mentirait si elle prétendait n’avoir jamais rêvé d’être là. Elle en avait tourné des pages de magazines qui mettaient en lumière ce genre d’événements, ça faisait partie du fantasme entourant la célébrité. A partir du moment où vous y accédez, c’était la porte ouverte à la décadence et au luxe. Son plus gros avantage dans tout ça, c’était qu’elle n’avait jamais été assez humble pour ne pas apprécier qu’on la rince au frais de la princesse, mais ça restait perturbant pour quelqu’un qui avait dû cumuler plusieurs jobs à un moment de sa vie. Elle l’avait déjà dit à Micah à Los Angeles : si elle n’avait jamais été très portée sur l’argent malgré ce qu’on pourrait penser, à la voir se pavaner dans des tenues griffer, se faire à tout ce qu’on lui offrait sur un plateau d’argent, c’était encore la chose la moins difficile qu’elle devait apprendre à faire en vérité.

"Je savais pas que t’avais un enfant. Fille ou garçon ?" Parce que Jo ne s’intéressait à la vie des autres que quand elle avait un minimum d’affection pour eux, et Mabel restait pour l’heure une collègue de travail. Elle n’était pas du genre à lier des liens pour le plaisir, elle avait appris à évoluer seule, de fait les codes pour se faire des potes, elle les avait laissé à une époque où elle avait besoin d’être entourée. Ce n’était plus le cas, elle savait à qui remettre sa confiance, et ils tenaient sur les doigts d’une seule de ses mains. Alors parfois, c’était vrai, elle passait à côté d’informations capitales comme celle que Mabel venait de lui donner. Prête à faire un effort pourtant, elle inclina la tête quand elle lui demanda "Tu l’emmènes jamais avec toi ? Il vit à temps-plein avec toi ?" Elle pouvait à peu près anticiper la réponse à sa première question, ne posait la deuxième que par curiosité un peu déplacée, mais après tout, l’intérêt d’une conversation, c’était d’échanger, non ?

"On m’avait pas dit que les mannequins savent compter." Pince-sans-rire, Jo réagit au décompte des années auquel Mabel la soumettait sur le moment, et puis elle hocha la tête à la suite de ses paroles qu’elle écouta en regardant à droite et à gauche. L’effervescence était toujours intense autour d’elle, elle n’était pas étonnée de ne jamais réussir à trouver le sommeil une fois qu’elle rentrait à l’hôtel : elle n’avait pas besoin d’alcool ou d’autres substances, l’adrénaline d’être là, il agissait comme un excitant qui la laissait alerte à la moindre chose qui se passait, avide de se repaître de ce nouveau monde dans lequel elle avait mis les pieds et dans lequel elle tenait tant à faire ses preuves. Elle reporta son attention sur Mabel, repoussa une longue mèche ondulée de son épaule, ses lèvres peintes claquant quand elle reprit à sa suite "Le plan c’est quand même de durer. Si j’avais voulu qu’on se souvienne de moi que pour une heure, je serais devenue influenceuse." Ou elle aurait ouvert un OnlyFan, montrée toutes les parties de son corps à SeXyBB_Du_69, vendue sa dignité pour survivre — pas de sot, mais non merci. Elle avait plus d’ambition que ça, elle n’avait pas besoin de le préciser à la jeune femme qui lui déroula les entrées de son emploi du temps sous sa demande. Un signe d’assentiment plus tard et Jo lui fit en s’appuyant nonchalamment sur une petite table à côté, sa paume à plat sur l’arrondi d’un napperon qu’elle sentait doux dessous "Je suis là sur invitation, je peux pas me rendre n’importe où." Et quelque part son ego s’en retrouvait un peu entaché, sauf qu’elle n’était pas idiote : lui donner tout d’un coup, c’était prendre un risque. Jo n’avait pas encore de carrière à proprement parler, elle était une petite nouvelle qu’on voulait montrer parce qu’on croyait un minimum en elle, qu’elle avait buzzé à certains moments donnés de l’année et que c’était désormais un gros indicateur à prendre en compte pour débusquer les sensations de demain, mais nager avec les gros poissons, ça prendrait du temps. Elle basait son envie de faire partie de la cours des grands sur une montée en puissance progressive, elle savait trop bien ce que ça faisait de dégringoler subitement d’un podium qu’on vous a vendu comme le tremplin à ne pas louper. Elle pinça les lèvres après instant, nota en fronçant les sourcils et en haussant les épaules "Je suis invitée chez Schiaparelli. J’ai eu un fitting ce matin pour la robe qu’on me prête, et j’ai hâte de la porter, elle est magnifique." Moulante, pailletée, décolletée : la triade des valeurs sûres d’une Jo qui n’avait jamais eu froid aux yeux, même sous des températures moins clémentes "Tu vas défiler, ou tu seras juste là en tant qu’invitée ?"

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"Tu m’impressionnes." Et ça sortait comme une évidence à laquelle elle ne réfléchit même pas Jo, le regard posé sur Mabel qui lui parlait de sa fille et de la manière dont elle gérait son absence lorsqu’elle était en déplacement. Elle qui prenait les enfants pour des indésirables (OK, ce n’était pas aussi critique que ça, elle ne savait juste pas comment s’adresser à eux, alors elle préférait encore prétendre qu’ils étaient des créatures contagieuses et dégoûtantes qu’elle évitait pour se préserver quand il s’avérait au fond qu’elle n’était pas si malhabile avec eux, mais ça personne ne le savait, et personne ne le saurait jamais, et puis quoi encore), ça l’impressionnait toujours un peu de constater que certaines personnes savaient très bien voguer avec cette responsabilité. Compte tenu de l’état la carrière de Mabel, elle devait être franchement bien construite pour réussir à tout mener de front comme elle le faisait, et si ça ne faisait pas envie à Jo, elle pouvait au moins prétendre à apprendre un peu d’elle à ce sujet "T’as l’air plutôt bien entourée." qu’elle constata alors, la soeur de la jeune femme étant mentionnée comme la baby-sitter de sa fille qui n’avait pas sa place ici. Dans quelques années, peut-être que Mabel la ferait venir pour la faire participer comme Kim avait fait chanter North au défilé de son père ? Jo espérait quand même que la gamine était plus douée que l’aînée des Kardashian-West, mais il n’y avait pas une règle qui disait que c’était mal de se moquer des enfants ? Comme si elle en avait quelque chose à foutre de suivre les règles, Jo.

"Vraiment, ou tu me dis ça seulement pour être sympa ? T’as peut-être un peu abusé sur le champagne, nan ?" Mabel qui avait hâte d’écouter l'album de Jo alors qu’elle lui donnait l’impression de ne pas l’aimer ? Pas que ça la touchait outre mesure d’être dépréciée, elle ne faisait pas grand-chose pour être sympa de toute façon, mais ça la faisait doucement sourire sur le moment "Je t’en enverrais un exemplaire si ça peut te faire plaisir." Peut-être que finalement, Jo avait méjugé la jeune femme parce que c’était son mode de défense d’envisager les autres comme des ennemis sur lesquels prendre le dessus de force, mais au plus elle discutait avec elle, au plus elle se disait qu’avoir quelqu’un comme elle dans son entourage, ça pourrait lui être utile pour ce genre d’évènement : elle voulait apprendre, et Mabel avait l’aura d’une bonne professeure, un peu revêche et coincée, mais qui donnait de bons conseils, alors on lui pardonnait son petit air pincé "Si la collection est aussi belle que la robe à laquelle j’ai eu droit, je vais l’adorer." répondit-elle à la jeune femme qui allait donc défiler à nouveau dans ces prochains jours . Soudainement, Jo rentra le menton, une main posée sur le haut de sa poitrine subtilement découverte, traduction d’un étonnement à peine feint "Attends, t’es en train de me proposer tes services de guide touristique ?" L’un de ses sourcils se leva doucement. Jo regarda Mabel en retenant un léger rire qu’elle laissa filer finalement, haussant les épaules en tentant de prendre un air nonchalant quand en vérité, ça la touchait un peu quelque part ; la solitude de ce genre de voyage, c’était surement ce à quoi Jo aurait le plus de mal à s’habituer, alors pour éviter de trop penser, elle était prête à accepter qu’on la guide. Mais il fallait qu’elle garde la face tout de même, alors pétrie de mauvaise foi comme à son habitude, elle ajouta l’air de ne pas y toucher, se redressant doucement sur ses talons hauts "Si tu penses pouvoir me faire changer d’avis à propos de Paris, pourquoi pas ?"

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"Tu prêches une convaincue." À propos des amitiés rares à cultiver. Il suffisait de la voir pour savoir que Jo n’était pas une collectionneuse dans le genre. Dans sa liste d’amis, elle avait Micah, elle avait Megan, elle avait Charlie, peut-être bien Maisie maintenant qu’elle y pensait… le reste, ce n’était que des gens qui gravitaient dans son orbite en espérant profiter un peu de son aura. Bien sûr, il y avait une autre catégorie qui comptait encore moins de personnes et qui listait celles pour qui elle serait prête à n’importe quoi, et ce n’était pas difficile de savoir qui elle comptait exactement, celle-là. Elle compartimentait soigneusement Jo, elle en avait besoin parce qu’elle avait été trop déçue pour vouloir croiser les doigts et espérer qu’on tienne assez à elle pour ne jamais la trahir. Elle savait que ce n’était pas aussi simple que ça, que le gris était une couleur à apposer aux relations dans leur ensemble, même si de son côté, elle avait tendance à croire au noir et blanc pour expliquer ses actions. Elle n’était pas tant surprise que ça que Mabel tienne la même ligne de conduite qu’elle, mais elle n’y était pas habituée étant donné qu’elle avait eu la sensation que toutes les célébrités bien établies qu’elle avait rencontré ces derniers temps étaient du genre à s’entourer à outrance surement pour ne pas perdre une occasion d’entendre dire qu’elles étaient fabuleuses. L’hypocrisie était une tare commune dans ce milieu, quelque part elle était presque rassurée que Mabel n’était pas de ce genre-là, ça la faisait remonter un tant soi peu dans son estime.

Hypocrite, la jeune femme ne semblait pas l’être effectivement, comme le prouva la manière qu’elle eut de s’intéresser à son album qu’elle lui disait avoir hâte d’écouter. Jo en fut un peu surprise, mais elle prenait l’intérêt qu’on lui portait pour la chérir et en faire de l’énergie qui faisait remonter sa jauge, alors si elle ne répondit rien de plus aux louanges qu’elle lui fit, elle était reconnaissante qu’elle s’intéresse à ce qu’elle aurait à proposer au monde. Il faudrait qu’elle patiente la jeune femme, son album ne sortirait que l’an prochain, mais la fin de cette année serait marquée par la sortie de ses premiers titres, et rien que d’y penser, elle en avait des frissons qu’elle réprima pour s’étonner de la proposition de Mabel.

Si elle ne l’imaginait pas jouer les guides, elle ne bouda pas l’idée pourtant, et lui fit finalement "Est-ce que j’ai vraiment l’air d’aimer passer du temps dans les musées ?" La tête légèrement décalée de son axe, les sourcils haussés, elle défiait presque Mabel de lui dire le contraire avant d’ajouter, se redressant sur ses très hauts talons "Je veux voir les endroits un peu scandaleux de Paris. Ils ont pas un quartier rouge ici ? Oh allez Mabel, tu peux pas être aussi coincée que t’en as l’air." lui fit-elle en coinçant sa langue dans l’écart qu’il y avait entre ses deux dents de devant, sa malice venant illuminer le brun de ses yeux soulignés d’un trait délicat de liner. Elle finit par rire, détournant la tête pour harponner un verre sans l’intention de le boire, juste pour se donner une silhouette en plus d’une contenance, une hanche sortie accentuant la nonchalance qu’elle voulut donner à son attitude quand, l’air de rien, elle accepta la proposition de Mabel "T’as l’air tellement sûre de toi que ça me rend curieuse de découvrir tout ça. Mais je te préviens, je suis exigeante. T’auras tes cinq étoiles que si je considère que t’as été bonne, je fais pas dans la complaisance." s’amusa-t-elle tout en gardant un air pince-sans-rire. Une épaule se haussant en même temps qu’elle levait son verre à ses lèvres simplement pour les y déposer, elle ajouta finalement "C’est toi qui as l’emploi du temps le plus chargé, c’est toi qui fixes le rendez-vous." Et elle ne le montra pas Jo, trop fière pour ça, mais l’imminence d’un moment passé moins seule que ces derniers temps, ça l’enchantait plus que le goût du verre qu’elle consentit enfin à siroter et qu’elle recracha discrètement en murmurant pour elle-même, venant tapoter ses lèvres avec sa paume juste après "C’était pas du champagne ça."

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"Tu m’intéresses." qu’elle susurra Jo en entendant Mabel lui parler de soirées privées. A partir du moment où on apposait le sceau du privilège sur quelque chose en particulier, Jo se sentait pousser des ailes, convaincue d’être assez méritante pour faire partie de l’élite. Elle se foutait de l’alcool et de la drogue, elle ne consommait ni l’un ni l’autre, elle avait juste envie d’être traitée à la hauteur du prestige qui était le sien, celui qu’elle avait dû étouffer pour bosser dans des supermarchés et des night-clubs pour essayer de donner un sens à une vie dont elle ne voulait pas, en fantasmant une autre qu’elle avait enfin obtenue — pas à la force du poignet, un secret qui lui pesait, mais qu’elle avait décidé de manier habilement pour tacher de garder à l’esprit que dans tous les cas, elle méritait d’être mise en lumière, qu’on l'y avait juste aidé. Qu’importait le genre de soirées que Mabel lui promettait, la curiosité patentée de Jo était une alliée qui lui permettait de repousser des limites pour se figurer de ce qui se passait durant les nuits parisiennes. Elle avait l’esprit bien trop critique pour ne pas savoir imposer ce qu’elle voulait ou pas, et puisque jusqu’à présent, Paris ne lui plaisait pas tant que ça, elle espérait au moins que son intérêt serait ravivé pour lui permettre de garder une bonne expérience de son voyage en solo. Comme une enfant qu’il fallait constamment distraire, Jo était un peu dure en affaires parce qu’elle se lassait vite, mais nul doute que le sentiment de solitude qui anesthésiait sa capacité à apprécier son environnement saurait la convaincre d’arrêter de bouder et d’enfin saisir l’occasion d’en profiter pour de bon.

L’un de se sourcil se haussa lorsque Mabel parut farouchement convaincue de pouvoir la satisfaire, et si elle se retint de l’asticoter un peu en penchant vers la rebuffade tendancieuse qu’elle maniait aussi bien que sa voix, c’est seulement parce que le goût de son verre détourna son attention "Je bois pas d’alcool d’habitude, ça pourrait être un grand cru que je verrais pas la différence." avoua-t-elle en grimaçant encore un instant, pas gênée de dire ce genre de choses, ayant été bien trop souvent en présence d’individus alcoolisés pour se dire qu’au fond, c’était préserver son amour propre que de rester sobre. Elle reposa son verre, continua un instant de tapoter ses lèvres avec sa paume, peut-être un peu trop longtemps pour se donner bonne contenance, tenant à cacher le baume au coeur que ça lui mettait d’être tombée sur quelqu’un qui tenait à lui montrer la ville ; que ce soit Mabel, ça avait une saveur différente parce qu’elles s’étaient déjà côtoyées, et nul doute que dans sa liste de choses à renvoyer par gratitude, elle noterait dans sa liste de lui faire livrer des fleurs pour la remercier sans se sentir obligée de le faire à voix haute, pas à l’aise avec l’idée de se montrer un tant soi peu délicate. Retenant un sourire, sa fierté ne la quittant jamais malgré le regard reconnaissant qu’elle adressait à la jeune femme, elle hocha la tête "C’est vendu pour le restaurant et la soirée." L’ajout que fit Mabel juste après, Jo le prit comme une fausse offense qu’elle contra, le menton rentré "Tu me crois capable de sortir en pyjama ? Pour qui tu me prends ?" Pour une amateure très certainement. Elle n’avait pas encore les codes, elle restait impeccable sur sa ligne de conduite quand il s’agissait de son apparence, alors le tenue qu’elle allait porter, ce sera elle qui la choisira et personne d’autre "T’en fais déjà assez, laisse-moi gérer ça." Et elle gérerait sans nul doute.

rp terminé.