Les tournées pour promouvoir un projet étaient toujours épuisantes et excitantes, un mélange étrange de stress, d’adrénaline et d’endorphine. C’était grisant d’enfin montrer au monde ce sur quoi toute une équipe avait travaillé pendant des mois, d’enfin pouvoir en parler sans risquer d'enfreindre accidentellement les clauses d’un NDA. Mais, outre la fatigue d’enchaîner les interviews, c’était tout de même étrange que le public s’approprie l'œuvre, y réagisse, avec des critiques plus ou moins tendres. Pour Roaring, c’était encore plus particulier, parce que je partageais le feu des projecteurs avec Mabel et Maddy, et si nos relations étaient plus apaisées aujourd’hui, nous mettre dans un contexte professionnel risquait toujours de faire ressortir les ambitions et les jalousies. J’avais peur que l’on préfèr l’une de nous comme actrice, en descende une autre. De façon égoïste, j’étais terrifiée à l’idée d’être le maillon faible, que l’on applaudisse mes cousines mais pas moi. Ce n’était clairement pas très mature, je le savais, mais je ne pouvais pas m’en empêcher, j’avais été programmée pour. J’étais aussi bien incapable de ne pas lire les reviews, trop omnubilée par ce qu’on aurait pu dire sur moi.

Heureusement, pour l’instant, la presse était, pour la vaste majorité, positive. Les internautes semblaient apprécier la série aussi. C’était le lancement, les premiers jours, rien n’était encore fait, mais pour l’instant, c’était étrangement moins difficile que ce que j’imaginais. Bien entendu, sur Twitter, les fans avaient des préférences pour leurs actrices préférées, mais j’essayais de ne pas trop le lire - même si je devais avouer que j’avais des fans particulièrement actifs, investis, et qu’ils n’étaient pas timides lorsqu’il s’agissait de me complimenter. J’étais le cliché d’une actrice, évidemment que j’aimais les éloges.

Le maquillage et la coiffure étaient terminés, j’allais sur le plateau de tournage, bientôt rejoindre par Mabel, elle aussi prête. « Je ne sais pas si Maddy t'a envoyé un message, mais elle ne sera pas là ce soir. Paola est malade et elle avait personne pour la garder. Et je pense qu'elle commençait à se sentir un peu malade aussi, mais ça elle l'a gardé pour elle ! » Je secouais la tête. Non, Maddy ne me l’avait pas dit. « Son agent l’a dit à la mienne. Bonne communication familiale », plaisantai-je. Je n’étais pas surprise, ma relation avec Maddy était toujours assez décousue. « Peut-être qu’elle était déjà malade au fond de son lit », ajoutai-je, comme pour excuser Maddy, et imaginer qu’elle n’avait pas pris la peine de me prévenir parce qu’elle était fièvreuse. « T’as bonne mine, toi. La maquilleuse a bien mis en valeur tes yeux, c’est joli », soulignai-je. Depuis qu’on avait crevé beaucoup d’abcès, j’étais plus à l’aise pour être moi-même, et moi-même, c’était une fille très expansive.

« Je suis bien contente qu'on ait annulé notre rencontre au parc la semaine dernière, au moins Rosie va passer à travers ! » J’hochai la tête avec un petit sourire. J’avais l’impression que les bébés des gens autour de moi tombaient malades tout le temps. « J’espère que Maddy et Pao vont s’en remettre vite quand même.. Et ça serait dommage que Maddy rate le press tour. » On avait encore une tonnes d’interview et de soirées mondaines, ce qui aidaient à la fois la série, nos carrières, mais aussi nous permettait de passer un peu de temps ensemble, ce qui n’était pas sans me déplaire.

«  Prête à affronter les questions ? » Je passai ma main dans ma frange, la secouant dans un tic gestuel mécanique. « Je crois que je préfère les interviews où on doit parler de la série », grimaçai-je. Parce qu’aujourd’hui, on était là pour autre chose… Parler de nous. Don’t get me wrong, habituellement, j’adorais parler de moi. Mais là, c’était différent : le sujet c’était moi et Mabel. « Allez, en piste », marmonnai-je, tandis que le set se calmait et qu’une assistante entonnait le traditionnel 3…2…1…action.

En un instant, je me mettais dans la peau de Marceline l’actrice, et j’adressai un sourire parfait à la caméra. « Bonjour, je suis Marceline Griffiths, et je joue Théodora dans Roaring », claironnai-je, en me tournant légèrement vers Mabel pour qu’elle se présente aussi. « Et nous sommes avec Cosmopolitan Australia pour jouer à Who’s Most Likely ! »

J’étais lancée, très vite dans mon rôle, et l’assistante nous posa la première question. « Who’s most likely to… être en retard sur le set ?  » Je murmurai un hmmhmm, me tournai vers Mabel en levant un sourcil, portant la main vers la poitrine. « Hm, techniquement, je crois que c’est moi, mais seulement parce que ma coiffure prenait une plombe à faire ! » M’exclamai-je. « Notamment parce que ma perruque a pris feu sur le set un jour, et qu’on a dû passer sur un système d’extension le temps d’en retrouver une convenable, bref. C’est une longue histoire », avouai-je avec un clin d'œil à la caméra.

@Mabel Griffiths  

« J'espère qu'elle pourra nous rejoindre avant la fin des interviews ! Juste pour la voir aussi gênée que nous quand ils lui demanderont comment c'est de tourner en famille, et si on se voit à la place de nos personnages. » Je retins un fou rire, essayant de garder contenance pour l’interview. Heureusement, on s’attendait toutes les trois à ce genre de questions, et on avait été briefées par nos agents et managers, nos équipes pr. On savait tenir la face. On était des Griffiths, après tout. Mais ça restait hilarant un peu malgré nous.

On était installé et lancé, toutes les deux souriantes et professionnelles comme on savait l’être. En nous regardant comme ça, je me demandais ce que les nous adolescentes auraient pensé de la situation. Nous étions trop dans notre bulle pour nous imaginer conquérir le monde ainsi, mais nous avions nos ambitions, nos rêves. Déjà jeunes, on le savait. J’avais même du mal à croire qu’on ai toutes les trois réussies à avoir de telles carrières. Je n’imaginais pas ce que ça aurait été, si l’une de nous avait été laissée de côté. La jalousie aurait sûrement été pire, pas vrai ? Ou est-ce que celle loin des spotlights aurait appris à être heureuse différemment ?

« Jusqu'à peu, ça aurait pu être moi, mais j'ai un réveil très efficace et qui se lève très tôt le matin. » « Un réveil plus efficace qu’une alarme d’iphone, mais beaucoup plus mignon par contre ! » Ajoutai-je avec un petit rire.

« Effectivement, Marcel...ine avait cette coiffure très compliquée à installer, alors que Maddy et moi avions juste des chignons. Un peu travaillés et tout, mais rien d'aussi compliqué que la perruque maudite ! » Le Marcel au bord de ses lèvres me fît étrangement sourire. Il était le témoignage silencieuse de notre nouvelle entente, dont j’avais bien besoin pour tenir ce genre d’interview où nos relations allaient être mise sous un microscope sous couvert de questions drôles.

« Who's most likely to... oublier ses lignes pendant une scène ? » Hmmmm, j’essayais de me souvenir du tournage, mais ce n’était pas si évident. « Je crois qu'on est à égalité là-dessus, par contre je suis celle qui a eu le plus de mal à retenir leurs vrais prénoms. Surtout Maddy, elle est terriblement proche d'elle-même en grande sœur donnant trop de conseils, j'avais parfois du mal à ne pas voir ma grande sœur. Heureusement, elle n'a jamais essayé de me tuer dans la vraie vie. Enfin, je ne crois pas ! » Je lançai un regard en coin à Mabel et le rire que nous partâgeames était beaucoup plus entendu que ne pouvait le comprendre les gens dans la pièce. « C’est clairement difficile de ne pas se mélanger les pinceaux sur les prénoms. Mais je pense que celle qui se souvenait le mieux de ses dialogues, c’était Maddy. C’est une vraie perfectionniste ! » Expliquai-je avec un petit sourire entendu à l’intention de ma cousine. Je me tournai vers la caméra et envoyai un petit baiser volant : « Bisous Maddy, on pense à toi même si tu n’as pas pu être là aujourd’hui ! » Ce genre de petits gestes, comme si nous étions toutes les trois bff, c’était les choses qu’adoraient mon agent.

« Who's most likely to... jouer à l’actrice quand elle était enfant ? » Ah, on y arrivait, les questions sur la famille. Je fis un grand sourire. « Je crois que j’étais la pire des trois, non ? » Dis-je à l’attention de Mabel. « Quand on était enfant, je montais des spectacles dans le jardin de mon oncle et ma tante, je forçais Maddy et Mabel à participer à mes productions extravageantes, et j’invitais tous les voisins de la rue pour la représentation. J’étais une theater kid infernale ! » Racontai-je, un sourire aux lèvres. Cela faisait longtemps que je n’avais pas pensé à ce souvenir sans être mélancolique.


@Mabel Griffiths  

C’était étrange de convoquer à nouveau notre enfance, mes souvenirs encore intacts de moi, Mabel et Maddy, dans le jardin, en train de préparer notre spectacle, nos rires, nos disputes aussi ; me dire qu’à présent nous étions dans une même série, trois actrices qui avaient réussi le pari fou de vivre de leur passion - ou de la passion qu’on nous avait transmis, voire imposer, je ne savais pas trop. « Je crois qu'on a même fait des comédies musicales ! Mais au moins, ça me faisait travailler la musique pour quelque chose de plus amusant que les cours de solfège. Si je suis une aussi bonne musicienne aujourd'hui, c'est à cause de la pire des theater kids de Brisbane ! » Je sentis une petite vague d’affection dans mon coeur, parce que Mabel n’avait pas oublié, visiblement, tous ces moments ensemble. Je me rappelais parfaitement de mon ton autoritaire et de nos vocalises, et j’eus un petit sourire en coin. « Je n’ai jamais eu la patience d’apprendre autre chose que le chant, alors c’était Mabel qui servait d’orchestre. Aujourd’hui c’est une vraie musicienne et je suis fourrée à des karaokés tous les vendredi soirs », plaisantai-je à moitié, parce que je n’avais jamais perdu mon coup pour la musique et le chant. « D’ailleurs, si un producteur qui nous regarde et veut nous caster dans une vraie comédie musicale, s’il-vous-plaît, réalisez mon rêve !!  » Dis-je d’un ton faussement suppliant, avant de me tourner vers Mabel. « Mon rêve, en vrai, c’est d’être castée dans un remake de Glee. I’m manifesting it ! » Affirmai-je à voix haute en agitant mes mains comme si je performais une prière. D’après Andy, mon obsession pour Glee était mon trait de personnalité le plus étonnant.

« Who's most likely to... appeler l'autre pour des conseils pour un date ?» Eh voilà, on glissait vers le perso. J’étais heureusement assez bonne actrice pour retenir ma grimace, et me contentais de sourire à la caméra, comme si tout cela m’amusait.  « Je dirai qu'après des années en tant que mannequin, j'ai appris quelques astuces de coiffure ou de maquillage qui peuvent rendre irrésistible. Après, en ce qui concerne le date même, je dirai que je ne suis pas la meilleure personne à qui demander des conseils sur les relations ! » J’eus un petit rire, et ajoutai : « Ouhla, moi non plus ! » On se jeta un regard en coin, un peu amusé. « Mais en vrai, Mabel est dans une très belle relation amoureuse et elle fait la fausse modeste : je la trouve d’excellents conseils sur ces choses-là… » Ma voix s’égara un instant, parce que je m’étais mise à penser à Andy, et que je ne voulais rien dire qui pourrait me trahir. « Peut-être parce qu’elle a eu quelques déboires, justement », plaisantai-je en faisant un signe vers Mabel pour m’assurer qu’elle savait que je plaisantais et ne voulais pas la mettre mal à l’aise. C’est pour cela que je rajoutais bien vite : « Alors que moi, je n’ai pas encore appris de mes erreurs !! » Je riais de bon cœur, me moquant de moi-même dans un espèce d’humour que j’espérais être relatable.

« Who's most likely to... voler les fringues des autres ?» Une nouvelle fois, je jetai un regard en coin à Mabel, parce que notre adolescence me revenait en tête, et les colères de Maddy parce qu’on volait ses habits, et rien que ces souvenirs me donnaient envie de prendre un fou rire. « Ados, c’était Mabel et moi les pires chippeuses », confiai-je avec une fausse grimace. « Je crois que ça a rendu folle Maddy plus d’une fois ! » Avouai-je même. « Mais aujourd’hui, je dirais que c’est surtout moi qui garde un œil sur le dressing de Mabel. Elle a toujours des pièces incroyables et super trendy. Moi, dès que je n’ai plus ma styliste, je recommence à m’habiller comme un char de la Marche des Fiertés, avec des paillettes, des couleurs et des motifs dans tous les sens, du genre à donner des crises d'épilepsie aux gens !»


@Mabel Griffiths