Allongé dans mon lit, écoutant la respiration douce et régulière de Nephtys qui dort à côté de moi, mon regard, lui, est fixé sur le plafond alors que mon esprit part dans tous les sens. Je me demande sincèrement comment la jeune femme à mes côtés peu dormir aussi paisiblement alors qu'elle m'a annoncé il y a quelques heures seulement qu'elle était enceinte et que j'étais le père. Moi, l'homme dont l'ADN est totalement déréglé et qui porte un des gènes les plus propices au développement de tumeurs cancéreuses. Moi qui ai dû enterrer bien trop de membres de ma famille qui ont succombé à cette affreuse maladie. Moi qui me suis juré de ne jamais donner ces gènes à un autre être humain et lui faire vivre la même vie que la mienne. Et pourtant, si vraiment mon non-désir d'enfants était réellement si grand que ça, on aurait fait plus attention, Nephtys et moi, à se protéger à chaque rapport. Mais le stock de préservatifs n'a jamais été écoulé. Est-ce qu'inconsciemment nous voulions agrandir notre petite famille ?

Prenant une profonde inspiration, je me lève du lit, met ma prothèse et, le plus discrètement possible, sort de la chambre, attrapant au passage un jogging et un t-shirt que j'enfile rapidement ainsi que mes chaussures puis prend les clefs de ma voiture. Après un dernier coup d'œil vers le haut de l'escalier, je soupire et sors de la maison sans plus de cérémonie. Sans attendre, je m'avance vers l'Audi qui trône sur le parking, m'installe au volant et met le contact avant de démarrer.

Ma route me mène presque automatiquement jusqu'à la maison d'Eve. Après m'être garé et avoir coupé le moteur, je pousse un soupir en voyant qu'il est déjà 2h du matin. Ma meilleure amie doit sûrement déjà être en train de dormir. Quoique… ? En me penchant légèrement vers l'avant, je remarque que la lumière est encore allumée dans sa chambre, donc peut-être qu'avec un peu de chance elle veille encore à cette heure-ci ? Prenant une profonde inspiration, je sors de la voiture et la referme pendant que je me dirige vers la porte d'entrée. Annonçant ma venue par notre code habituel et personnel, je n'attends pas très longtemps avant que la jeune femme ne vienne ouvrir la porte. C'est un regard presque suppliant que je pose sur elle alors que l'émotion et la panique me gagnent subitement « Je ... Je suis désolé de ... Débarquer maintenant, à cette heure-ci » m'excusais-je dans un souffle « Mais je… Je ne sais pas quoi faire. Je... » Ma voix se brise alors que l'émotion me prend à la gorge et que je déglutis avec difficulté.

Lorsqu'Eve ouvre la porte et que je fais face à ce regard empli de compréhension et de compassion de ma meilleure amie, je me sens presque défaillir et je sais que je ne pourrais ni cacher mes vrais sentiments ni la vérité. Entrant quand elle m'invite à le faire, je me dirige presque automatiquement vers le salon et apprend, en même temps, qu'Ella n'est pas à la maison ce, qui avouons-le, m'arrange fortement. M'installant sur le canapé, je lève mon regard sur Eve lorsqu'elle énumère les boissons qu'elle pourrait m'apporter et affiche un sourire ironique en coin « tu n'as pas quelque chose de plus fort ?»

Je fini par grimacer lorsqu'elle reprend, que peu importe ce qui se passe, nous arrivons toujours à nous en sortir ensemble «Je ne suis pas sûr pour ce coup là. Je ... » Je ferme les yeux et, me penchant en avant, me masse les paupières avant de m'humecter les lèvres « Nephtys est enceinte » avouais-je finalement dans un souffle « Et je suis, évidemment, le père » je pince les lèvres et secoue la tête « On ne se protégeait plus depuis longtemps parce que je sais qu'elle prenait la pilule, mais elle l'a oublié une fois et ...voilà » J'ouvre à nouveau les yeux, posant mon regard sur le sol avant de déglutir avec difficultés.

« Je ne veux pas de cet enfant, Eve » reprenais-je à mi-voix « Je n'ai jamais voulut d'enfants. Je ne veux pas courir le risques qu'ils puissent endurer ce que j'ai enduré, moi-même » prenant une profonde inspiration, je me passe les mains sur le visage puis dans les cheveux et me recule contre le dossier « J'adore les enfants, tu le sais aussi bien que moi, mais la génétique de ma famille est tellement fucked up que le risque qu'il n'atteigne pas l'âge adulte sans développer une certaine forme de cancer est beaucoup trop élevé  » je me mordille la lèvre inférieure « Je ne veux pas faire vivre ça ni à un gamin, ni à Moi et encore moins à Nephtys. Le risque est beaucoup trop grand...»

Démuni. Voilà comment je me sens face à cette situation. Je ne sais pas quoi faire, je ne même pas quoi penser en vrai. La société m'aurait dit que c'est une merveilleuse nouvelle, mon cerveau me hurle que c'est la pire des nouvelles possibles, mon cœur, lui, se découvre une certaine envie de paternité et mon ego est au fond du trou. Dans ma tête, c'est le bordel et ça je pense qu'Eve le remarque très rapidement et très facilement car c'est, sans hésiter, qu'elle m'apporte finalement un verre de vin plutôt qu'une tisane.

Lorsqu'elle revient au salon, je me suis déjà installé sur un des canapés et je prends une grande gorgé de ma boisson avant d'annoncé, de but en blanc, la nouvelle. Si en temps normal ce genre d'aveux sont, en général, placé sous le signe de la bonne étoile, ma meilleure amie comprends directement que ce n'est pas le cas et me laisse continuer à déverser ma peine. Mon cœur se serrent lorsque je prononce à haute voix ce que je pensais tout bas : je ne veux pas d'enfants. La réaction de mon corps est sans appel en vrai : les battements de mon cœur qui s'accélèrent, ma respiration qui devient plus superficielle et rapide, les mains moites, il me fait comprendre par tous les moyens que je me trompe sur toute la ligne et que si je prenais le temps de m'écouter un peu plus, je me rendrais compte qu'en vrai, je suis entrain de mentir à moi-même.

Je relève le regard vers Eve lorsque, restant rationnelle comme d'habitude, elle me demande si j'en ai parlé à Nephtys. C'est maintenant une grimace qui s'affiche sur mon visage alors que je baisse le regard et que je secoue doucement la tête  « On ne s'est pas prit le temps d'en parler, non  » soufflais-je, peiné d'avouer une telle chose  « Elle est rentré en colère parce qu'elle a vu une photo de Gaby et moi dans un magazine et que les gros titre disait que nous étions de nouveau ensemble » Gabrielle, la première femme avec qui je me suis affiché en public et la première qui m'a fait comprendre que c'était une erreur. Celle que j'ai aimé encore longtemps après notre séparation mais pour qui je ressens maintenant une simple attirance amicale.  « j'ai réussi à faire comprendre à Nephtys qu'elle est mon présent et mon futur et elle l'a compris. Mais lorsqu'elle m'a annoncé qu'elle était enceinte je ...je ne sais pas, j'ai paniqué. Je n'ai pas trouvé les mots correcte et ...je suis parti au milieu de la nuit pour venir ici, laissant Nephtys seule, chez moi, dans mon lit » je prends une profonde inspiration puis soupire doucement et me prend la tête entre les mains  « Je ne suis qu'un abruti» soufflais-je  « Elle, elle veut cet enfant, son désir d'enfant est là, bien présent et je ne peux et ne veux pas le lui enlever.» pinçant les lèvres, je relève mon regard sur ma meilleure amie  « Qu'est-ce que je dois faire... ?»