Cette journée-là était une journée comme une autre dans ta vie. Tu étais censé aller voir tes parents à Kilcoy pour le week-end. Ça faisait une bonne semaine que tu cherchais des transports pour te rendre jusqu’à ta maison d’enfance, mais tu n’avais rien trouvé. Après tout, ce n’était qu’une petite ville et il n’y avait pas grand chose à y faire. Tu avais pensé à annuler. Tu savais que si tu le faisais, ta mère ne s’en remettrait pas. Ça faisait si longtemps que tu n’étais pas allé les voir. De toute manière, tu avais envie de te retrouver dans la maison de ton enfance. Tu avais besoin d’être dans un endroit qui t’étais réconfortant pour toi. Evelyn t’avait parlé de l’éventualité pour toi de prendre des vacances et pour toi, ça s’y apparentait. Tu savais que tes parents seraient aux petits oignons avec toi. Juste penser de ne pas avoir à faire de ménage, de repas, tu étais déjà un peu plus détendu. Tu avais bien tenté de convaincre Ruben et Rhett de venir avec toi, mais ils étaient tous les deux trop occupés. Le matin de ton départ, tu avais rempli un petit sac avec ce qui était nécessaire. Tu étais le genre de fille à voyager léger. De toute manière, tu n’étais pas la plus coquette donc tu ne ressentais pas la nécessité d’amener trois paires de chaussures et quatre robes différentes pour ton petit voyage de deux jours. Après avoir bu ton café bien noir, et fumée trois cigarettes pour te donner confiance, tu descendis du loft de Rhett et arriva près de ta voiture qui était garée devant l’immeuble où tu logeais désormais. Tu avais les clés dans une main, ton sac dans l’autre. Tu avais le secret espoir qu’elle ne démarrait pas. Tu aurais donc une bonne raison pour appeler tes parents et leur dire que tu ne pouvais pas venir ce week-end. Tu allas derrière celle-ci, mis la clé dans la serrure de la valise. Elle ouvrit sans difficulté et tu y posa ton sac avant de la refermer délicatement. Tu sentais ton coeur battre la chamade dans ta poitrine. Tu donnerais tellement tout pour être comme tout le monde, pour ne pas avoir peur de prendre le volant. Et tu savais que moins tu le prenais, pire c’était. Mais tu étais tellement malchanceuse dans la vie que tu ne pouvais t’empêcher de penser que toi aussi tu pourrais faire un accident qui te blesserais gravement ou qui te serais fatal. Au moment d’ouvrir la portière, tu décida de remonter au loft. Tout d’un coup, tu voulais te faire un café pour emporter. Tu savais que ce n’était rien pour aider à ton anxiété, mais tu avais besoin de quelque chose de réconfortant. Un coup qu’il fut terminé de couler dans ton mug de voyage, tu retournas à ta voiture, prit une grande inspiration et te posa derrière le volant. Les deux mains sur celui-ci, tu tenta de te convaincre de mettre ta clé dans le contact, de la démarrer. Mais tu t’en sentais incapable. Ton souffle s’accélérait, ton coeur battait encore plus fort dans ta poitrine. Tu fixais le vide devant toi. Tout ce que tu entendais dans tes oreilles, c’est l’annonce de décès de ton frère. Jackson a fait une grave accident de voiture Ethel… Il… Il n’est plus des notres. Ton coeur se brisait pour une énième fois.

Tu n’étais pas une habituée des crises de panique. Tu réussissais toujours à relativiser ce qui te faisais peur et pour la plupart du temps, à les surmonter même. Par contre, la peur de prendre le volant, tu ne réussissais pas à la casser. Tu aurais probablement dût en parler à quelqu’un, aller consulter un professionnel pour t’aider à la surmonter, mais tu n’étais tout simplement pas capable de le faire. Tu te disais que tu étais capable de trouver des manières pour éviter de prendre ta voiture et que ce n’étais pas nécessaire à ta vie. Pourtant, c’était beaucoup plus profond que ça. Le deuil de ton demi-frère n’était pas encore entamé et tu t’efforçais de ne pas y penser. Cela ne faisait que reporter le problème, qu’augmenter la douleur. Mais encore là, tu préférais tout entasser dans un coin et l’ignorer. Lorsque la douleur devenait trop forte, tu replongeais dans ton trouble alimentaire encore un peu plus creux pour te prouver que tu pouvais prendre le contrôle de tout ce que tu voulais.
Pourtant, dans ta voiture, à cet instant-même, tu n'avais le contrôle d’absolument rien. C’était plutôt ta peur qui avait prit le contrôle de tout ton être. Ton coeur battait beaucoup trop fort dans ton corps, ta respiration était trop rapide. Tu ne parvenais plus à focaliser sur autre chose que sur les paroles que ton père t’avait prononcées lorsqu’il t’avait annoncé la mort de ton frère. Puis, tu entendis frapper à la fenêtre de ta voiture. Tu tourna la tête lentement vers la source du bruit et vit un homme debout à côté de ton véhicule. « Vous allez bien ? » Tu tourna ta tête de gauche à droite lentement. Tu avais les pupilles dilatées. Le fait que quelqu’un te parle te faisait reprendre tranquillement contact avec la réalité, mais tu ne savais pas comment faire pour reprendre le dessus sur tes symptômes. La pression dans ta poitrine ne voulait pas te quitter. Tu actionnas toutefois la poignée de ta portière pour l’ouvrir. Je… je n’arrive pas à… à respirer. Tu savais que ta réaction était ridicule. Tout le monde conduisait dans leur vie, mais tu n’y arrivais. Tu ne pouvais pas prendre le risque.

Tu n’étais pas une habituée des crises de panique. Tu étais du genre à savoir plutôt bien maîtriser tes émotions donc lorsque la peur te prenait, tu ne savais pas comment gérer tout ça. Tu te doutais bien que d’éviter de prendre ta voiture aussitôt que tu le pouvais n’aidait probablement pas à ta cause, mais tu étais beaucoup trop fière pour en parler. De toute manière, tu ne voulais pas déranger tes frères avec ce petit problème que tu considérais anodin. Enfin… Normalement tu le considérais comme anodin. Cette journée-là, tu trouvais cela plutôt handicapant. Puis, arriva un inconnu à ta rescousse. Tu étais trop paniqué pour te rendre compte que tu l’avais déjà vu dans ton building et un peu partout sur les panneaux de publicité placardés dans la ville de Brisbane. Pour l’instant, tu ne faisais que te concentrer sur la sensation que tu avais dans ta poitrine, celle qui bloquait ta respiration. Tu te rendis alors compte que l’inconnu ouvrait la porte de ta voiture. L’idée d’avoir peur de lui ne te traversa même pas l’esprit alors que normalement, tu te serais méfiée un peu de lui. « Je suis là, vous n'êtes pas seule. » Tu essayas de te concentrer sur lui, de ne pas te laisser basculer encore plus dans la panique. Tu devais être capable de revenir à toi, de laisser le rationnel prendre le contrôle sur l'irrationnel. Lorsqu’il te tendit sa main, tu l’attrapas sans hésiter et la serra le plus fort que tu pouvais. Tout d’un coup, tu avais besoin de sortir de ta cage de fer le plus vite possible. C’était un besoin vital. Tu utilisa la main qu’il te tendait pour t’aider à sortir et t’appuya dos contre ta voiture. Tu essayais de reprendre contrôle de ta respiration. Comment allais-tu annoncer à tes parents que tu ne pourrais pas aller les voir ? Il allait falloir que tu invente quelque chose. Tu ne pouvais te résoudre à leur dire la vérité. Tu avais trop honte. Comme ta respiration reprenait de la vitesse et que la panique semblait vouloir prendre encore le dessus de ton esprit, l’homme te parla. « Je m'appelle Carmine. » Tu devais lui répondre. Tu te raclas la gorge, prit une grande inspiration. “Ethel” C’était le mieux que tu pouvais faire. Déjà, tu avais été capable de répondre. C’était une bonne chose. Puis, tu te rendis compte que tu écrasais encore ses doigts. “Dé.. Désolé pour… Pour votre… Main.” Pourtant, tu n’étais pas capable de relâcher ton étreinte. Tu avais beau tenter de convaincre ta main d’ouvrir, elle refusait de te répondre. Tu n’avais plus le contrôle de ton corps pour le moment.

Tu faisais rarement des crises de panique. Tu réussissais toujours à trouver un moyen pour éviter de prendre ta voiture, ce qui était le déclencheur de celles-ci à tout coup. Tu savais que tu aurais dût prendre le taureau par les cornes depuis longtemps et demander de l’aide pour trouver des solutions qui te porteraient à ne plus avoir peur du volant, mais c’était beaucoup plus facile pour toi de l’éviter et de trouver une manière de ne pas avoir à conduire. C’était difficile pour toi d’avouer tes faiblesses et d’avouer que tu avais besoin d’aide. Tu savais également que pour régler ce problème, il fallait d’abord que tu fasses ton deuil de Jackson et tu n’étais pas prête. Pour toi, faire ton deuil était de l’oublier, ce que tu ne voulais pas. Il avait beau n’être que ton demi-frère, mais pour toi, il était ton frère au même titre que Garhett et Ruben et il était impossible pour toi de l’oublier. Tu le refusais catégoriquement.
Lorsque tu vis la main de l’homme qui était venu à ton secours se tendre devant toi, tu ne réfléchis pas deux fois avant de l’attraper. C’était devenu ta bouée de secours. C’était ce qui te gardait un peu sur terre. Tu ne pouvais plus la lâcher, tu avais peur d’être encore une fois submergée par de la détresse et de te noyer pour de bon. « Et si nous respirions profondément, vous et moi ? » Tu fis que oui de la tête. Il fallait que tu prennes le contrôle de ta respiration puisque tu savais que si tu continuais de t’hyperventiler à ce point, tu risquais de perdre conscience et encore-là, ce n’était rien t’aider à convaincre ton cerveau que la voiture n’était pas un risque. Tu rivas tes yeux dans ceux de Carmine. Tes pupilles étaient dilatées au maximum. Tu avais réussis au moins à te souvenir de son nom malgré ta panique. Tu commenças donc à suivre sa respiration, ses pressions sur ta main t’aidant à te calmer et à suivre encore plus facile celle-ci. Plus les minutes passaient, plus tu réussissais à le suivre, sentant ton angoisse se dissiper tranquillement. « Vous êtes en sécurité. » Tu hochas la tête et réussis tranquillement à relâcher la pression sur la main de Carmine, sans la lâcher pour autant. Tu te sentais encore un peu fragile, prête à rebasculer dans l’angoisse à tout moment. « Merci… » Avouer pour toi ta fragilité était difficile, d’autant plus quand c’était à des inconnus. Mais en même temps, par chance qu’il avait été là. Tu serais probablement encore dans ta voiture en train d'étouffer. « Je vais mieux. Merci de t’être arrêter m’aider. » Ta voix n’était encore qu’un pauvre chuchotement, tu avais encore l’impression d’être à bout de souffle. « Je ne suis pas habituée de faire des crises comme celle-là… » Tu avais l’impression de lui devoir des explications, mais en même temps, tu ne voulais pas parler à un inconnu de ta vie personnelle.