15 août 2022
Le soleil commençait à se coucher, et le jeune homme finissait de jouer les derniers accords à sa guitare. Cela faisait déjà plusieurs heures qu’il jouait sur les abords du fleuve. Les quelques personnes qui s’étaient arrêtées pour l’écouter s’éclipsent les unes après les autres, laissant parfois un petit billet d’un dollar ou quelques sentiments.
Son regard se pose sur les quelques pièces et billets déposés dans la caisse de sa guitare ouverte devant lui. Un simple regard lui indique qu’il y a sûrement un peu plus d'une dizaine de dollars. Il y a encore quelques années, il aurait pensé que dix dollars n’étaient pas grand-chose, c’était après tout ce que les parents avaient l’habitude de donner comme argent de poche quand il était encore un adolescent. Mais maintenant, pour lui, c’était beaucoup, c’était suffisant pour acheter de quoi manger sur plusieurs jours, et même de partager avec les autres. Les années dans la rue lui avaient pris à être méfiant, mais elles n’avaient jamais effacé sa générosité. Après tout, ils étaient tous dans le même bateau à essayer de survivre et ça ne servait à rien de pousse les autres par-dessus bord.
Il récupère les sous, et remet sa guitare dans sa sacoche, et alors qu’il glisse les sous dans sa poche de jean, ses doigts touchent un bout de papier plié en quatre. Il le sort, le déplie et le lit une nouvelle fois. Un tract de l’association Manzili, une association LGBTQIA+ qui venait aux personnes comme lui. Peut-être qu’ils pourraient l’aider à se sortir de la rue, ou même à se sentir un peu mieux dans sa peau. Il y a peu de temps, Eoin avait fini par accepter la dure réalité et il savait maintenant qu'il n'arriverait pas seul à se sortir de la rue, et qu’il était bien trop jeune, passer toute sa vie dehors, ou encore pire y mourir. Il lit encore une fois le prospectus, une soirée allait être organisée et Eoin s’était dit que ça serait la bonne occasion essayer même si au fond lui, il pouvait déjà sentir le stress monté en lui.
Une dizaine de dollars, il n’en revenait pas…Il a remarqué qu’il y a des périodes pendant lesquelles les passants sont plus enclins à donner et août n’en est pas une. Alors, oui, il ne peux pas s’empêcher d’être surpris et heureux par cette somme. Les périodes les plus propices à voir autant d’argent être déposé devant lui étaient Noël et les quelques semaines après le Nouvel An. Eoin avait toujours mis ça sur l’esprit des fêtes et des nouvelles résolutions que prenaient les gens. Celle qu’on finit tous par abandonner quelques semaines plus tard quand notre vie trop remplie reprend son cours.
Eoin ne leur en veut pas, et pour lui parfois un simple sourire est déjà beaucoup. Beaucoup de passants font semblant de ne pas avoir vu la personne assise aux coins de la rue ou détournent le regard par honte ou gêne. Ils ne savent pas que parfois un simple bonjour, ou rien qu’un sourire peut illuminer la journée. Il redresse la tête et un sourire franc se dessine sur les lèvres lorsqu’il vit une jeune femme approche : Ethel. Ethel n’était pas comme ces gens auxquels il pensait un peu plus tôt. Elle est de ceux qui s’en fichaient du regard des autres, qui n’avait jamais hésité à s’installer auprès de lui pour discuter et surtout qui, têtue, n’avait jamais lâché et qui à l’époque il avait du mal à accepter l’aide des autres était revenu le voir jour après jour jusqu’à ce qu’il finisse par accepter ce qu’elle lui offrait. Au fil du temps, la jeune femme est devenue une amie précieuse…
Eoin se promit que dans très peu de temps, ça serait à son tour de payer dès qu’ils se verraient, et même peut-être ce soir, il pourrait lui payer un café avec les quelques dollars qu’il a gagnés. Lorsque la jeune femme arrive à sa hauteur
« Salut toi… Comment tu vas ? Comment était ta journée ? » Un sourire aux lèvres, les yeux pétillants, il a tellement de choses à lui dire depuis la dernière fois qu'ils se sont vus.
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