@Ethel Hartfield

Mickey est passé, comme promis. Il avait dit qu’il amènerait à boire et il l’a fait, sans que Rhett n’ait en réalité eu le temps d’en douter. Occupé à ruminer sa journée, il avait perdu certaines notions du temps. Aujourd’hui, il sait simplement que la nuit est passée et qu’il n’y a eu aucun miracle. Aucun message d’Evelyn pour lui dire qu’elle l’aime toujours et qu’elle ne pensait pas ce qu’elle a dit: elle a pensé chacun de ses mots. Elle connaît leur pouvoir, elle sait les manier, et elle le fait d’une façon bien plus habile que Rhett n’en sera jamais capable. Alors, à défaut d’avoir une bonne nouvelle sur son téléphone, il a essayé de croire que rien de tout ceci n’était arrivé. Mais l’illusion n’a pas tenu, même dans un esprit parfois naïf comme peut l’être le sien: il lui a raconté la vérité, toute la vérité, et elle a décidé qu’elle ne voulait pas en faire partie.

Lorsqu’on toque à la porte, il grommelle, lui et son habitude rapidement retrouvée de dormir sur le canapé, parce que le lit est trop grand pour un homme seul. Et Dieu sait qu’il déteste l’idée d’être un homme esseulé, surtout alors que son couple était un moteur bien suffisant pour le pousser à se lever chaque matin avec un objectif. Maintenant, à nouveau, il l’a perdu. Toujours aucun emploi si ce n’est de conseiller des imbéciles sur un plateau de tournage, ce n’est pas ce qui peut le motiver à quoi que ce soit et c’est pourtant tout ce qu’il a. La vue sur la ville depuis le balcon de son appartement ne l’intéresse pas le moins du monde à partir du moment où il sait qu’il n’a personne avec qui la partager. Personne du genre d’Evelyn. Personne d’autre qu’Evelyn, surtout. Lui qui correspond plutôt bien à la définition d’un grand garçon autonome le reste du temps ne sait absolument plus y faire dès qu’il est question d’amour. « Mickey si c’est toi et que t’as oublié un truc, j’espère vraiment que… - » que c’est important.

Puisque sa sœur ne ressemble pas à Mickey de près ou de loin, il s’arrête de parler à la seconde où la porte s’ouvre sur le profil de sa cadette, qu’il observe avec des yeux aussi cernés qu’étonnés. « Qu’est-ce que tu fais là ? » Il demande avec toute la suspicion du monde, incapable de savoir s’ils avaient convenus de se voir. Incapable de savoir, aussi, si elle vient parce qu’il lui a envoyé un message ou qu’elle aurait eu une quelconque raison de s’inquiéter pour lui. « T’as l’air fatiguée. » Annonce le camembert, disant ainsi au fromage qu’il pue. Sa soeur n’est pas seulement fatiguée, elle semble loin d’être au meilleur de sa forme, et ce n’est pas un état qu’il connaît beaucoup sur les traits éternellement doux d’Ethel. « Entre. Fais pas attention au bordel. » Il se paiera une femme de ménage avec ses royalties, il le jure, mais en attendant ils doivent faire avec.

Ce matin-là, tu t'étais levée dans ta propre appartement avec un sentiment de solitide. Tu avais décidé de retournir dormir plus souvent chez toi puisque tu trouvais de plus en plus difficile de cacher à Rhett que tu ne mangeais plus vraiment. En même temps, il n'était pas vraiment observateur et il n'était pas au courant de ton anorexie donc tu n'avais pas vraiment à te soucier qu'il décide de te faire un sermon sur le fait qu'il fallait que mange plus régulièrement et que tu prenne du poids. Par contre, tu n'étais pas sûre que Ruben réussisse à tenir sa langue et qu'il n'avertirait pas votre aîné. Tu préférais donc prendre un peu de recul. De toute manière, Rhett allait bien. Il n'avait plus besoin de ta présence à l'appartement aussi régulièrement qu'avant. N'empêche que tu te sentais bien seule. Tu avais l'impression de ne plus être utile pour personne et ça n'aidait pas à ta condition. Tu prit environ une heure assise sur ton balcon à fumer ta cigarette et boire ton café bien noire avant de prendre la décision de te rendre au loft. Tu enfilas des vêtements amples pour tenter de cacher ta silhouette trop fine et fit ton possible avec du maquillage pour que ton visage ait meilleure mine. Tu enfilas tes souliers de marche et partit en direction de chez ton frère.

Arrivé devant la porte de chez Rhett, tu te mise à fouiller dans ton sac à main pour retrouver la clé de l'appartement. Après avoir tout vidé, tu te rendis à l'évidence que tu l'avais probablement oublié chez toi et que tu ne devais pas avoir barré ta porte puisque ta clé était sur le même anneau que celle de Rhett. Tu te résolu donc à cogner et attendre que celui-ci vienne t'ouvrir. « Mickey si c’est toi et que t’as oublié un truc, j’espère vraiment que… - » Tu soupira. Tu avais un drôle de pressentiment lorsqu'il s'agissait de Mickey et tu ne savais pas trop pourquoi. La jalousie de le voir prendre ta place sur le divan régulièrement peut-être ? Mais non, ce n'était pas que ça. Lorsque ton aîné ouvrit la porte, tu remarquas ses traits tirés. Il avait une mine affreuse. « Qu’est-ce que tu fais là ? » Il n'allait pas bien. Ton ventre se noua. Ça faisait longtemps que tu ne l'avais pas vu dans cet état et tu avais l'impression d'être de retour en arrière. 《 Depuis quand j'ai besoin d'une raison pour venir voir mon grand frère ? 》 Tu fis suivre ta question d'un sourire. « T’as l’air fatiguée. » Parce qu'il pensait avoir l'air mieux ? 《 Moi aussi je suis contente de te voir. 》 Tu voulais éviter le sujet de comment toi tu allais. De toute manière, tu sentais qu'il y avait plus urgent. « Entre. Fais pas attention au bordel. » En entrant dans l'appartement, ton sang se glaça. Il y avait des bouteilles vides d'alcool un peu partout. Et tu savais que Mickey y était pour quelque chose avec les paroles que ton frère avait eût avant de t'ouvrir. Tu n'aurais jamais dût retourner dormir un peu plus souvent chez toi. 《 Qu'est-ce qui se passe Rhett ? C'est quoi toutes ces bouteilles vides ? Dis-moi que tu n'as pas.... 》 Tu ne réussis pas à terminer ta phrase. Tu ne pouvais pas conçevoir qu'il avait reprit de l'oxycodone.

Ce n’est de toute évidence pas sa petite soeur qu’il s’apprêtait à voir de l’autre côté de la porte. A dire vrai, il ne s’attendait pas à voir qui que ce soit, et il a été forcément à rapidement revoir son jugement au moment où on a toqué contre cette dernière et qu’il s’est fait avoir comme un bleu. « Depuis quand j'ai besoin d'une raison pour venir voir mon grand frère ? » Depuis qu’il est un grand garçon capable de se gérer lui même (c’est à dire depuis pas bien longtemps). Elle marque un point, il le sait, et c’est en faisant une moue qu’il la laisse passer. Son appartement est comme une seconde maison pour Ethel, et il a bien assez appuyé pour savoir qu’il ne peut pas lui reprocher l’idée de passer. Une part de lui se dit qu’elle a peut-être besoin de quelque chose et qu’il pourra se montrer utile: c’est une idée bien plus intéressante que celle sous-entendant qu’elle est une fois de plus venue jusqu’à l’appartement pour s’assurer qu’il se porte bien, ou tout du moins assez bien pour ne pas avoir à alerter les urgences - ou Dieu sait qui. « Moi aussi je suis contente de te voir. » Mais elle a toujours l’air fatiguée, quoi qu’elle dise (ou ne dise pas, justement, parce que là se retrouve tout le caractère d’Ethel).

A la seconde où elle entre dans l’appartement, elle semble tomber des nues, comme si elle n’avait finalement jamais vu de bouteilles éventrées de sa vie. Elles attendent pourtant dans un coin de la pièce, sagement. Un jour, Rhett promet qu’il ira les amener aux verres. En attendant, elles offrent une certaine odeur à son appartement, laquelle est loin d’être source de fierté. « Qu'est-ce qui se passe Rhett ? C'est quoi toutes ces bouteilles vides ? Dis-moi que tu n'as pas... » Elle n’arrive pas à terminer sa phrase et lui, en retour, lui offre un rire gras. « Je suis un drogué Ethel, pas un alcoolique. » Il se remet de cette soirée avec une simple gueule de bois, mais pas l’envie de boire jusqu’à perdre connaissance ou Dieu sait quoi. Il a bu, justement, et il n’a fait que ça. Il a pris soin de demander à Mickey de ne lui amener aucune forme de tentation, pas certain qu’il saurait y résister dans son état. Alors oui, il n’a pas été le parfait garçon comme l’est éternellement Ruben mais il a aussi et surtout pris soin de limiter les dégâts. « On a juste bu, détends toi. » Il le précise finalement mot pour mot, quelque peu agacé qu’elle puisse le croire capable de revenir sur plusieurs mois de travail sur lui-même. « T’as parlé à Evelyn, toi, hm ? » Et c’est sûrement parce qu’elle a parlé à Evelyn qu’elle a fait le chemin jusqu’à chez lui, pour lui demander comment il se porte, pour le surveiller, pour s’assurer qu’il ne fasse rien de plus stupide que d’habitude.

La dernière fois que tu avais quitté l’appartement, tu avais pris soin de tout ranger et nettoyer pour que ton frère soit bien, dans un environnement propre et qui sentait bon. Tu réalisa bien rapidement que tout tes efforts avaient disparu en peu de temps puisque les bouteilles vides s’entassaient dans la cuisine et qu'elles ne semblaient même pas rincer si tu en jugeais par l’odeur qui s’en dégageaient. « Je suis un drogué Ethel, pas un alcoolique. » Tu fronças les sourcils. Tu n’aimais pas qu’il minimise de la sorte son problème d’addiction et tu appréciais encore moins son rire lorsque tu t’inquiéta de sa consommation. Tu savais que de boire de l’alcool le rendait plus susceptible de rechuter dans la drogue et tu n’aimais pas voir qu’il buvait autant. « On a juste bu, détends toi. » Tu le regarda de haut en bas, essayant de décider s’il te mentait ou non. Tu avais le goût de le croire. Tu serais tellement déçue s’il te mentait. Encore plus que s’il avait recommencé à consommer. « Tu n’as pas intérêt à me mentir hein parce que je serais encore plus fâchée si c’était le cas. » Tu te dirigeas vers le tas de bouteilles et entreprit de les rincer à l’eau de l’évier. Tu détestais le bordel. Et tant qu’à être chez Rhett, autant te rendre utile. Tu savais qu’il y avait bien des chances qu’elles soient encore là lorsque tu reviendrais. Quoi que l’idée de rester à dormir quelques jours germait tranquillement dans ton esprit. « T’as parlé à Evelyn, toi, hm ? » Tu te figeas. Son ton de voix n’indiquait rien de bon. Pourquoi avais-tu l’impression qu’il avait tout gâché encore ? Tu tentas de chasser cette idée de ton esprit. C’était Ruben qui ne lui faisait pas confiance, pas toi. Tu étais toujours optimiste lorsqu’il s’agissait de Rhett et tu voulais continuer comme ça. Il avait besoin que quelqu’un croit en lui pour rester sur la bonne voie, tu en étais convaincue. « Non ? J’aurais dû ? Et maintenant que j’y pense, ça fait déjà un bon moment que je ne lui ai pas parlé. » En fait, c’était de ta faute. Tu t’étais isolé de tes proches depuis déjà quelque semaines pour ne pas qu’ils se rendent compte qu’il se passait quelque chose avec toi. Tu savais que ta maladie était bien de retour lorsque tu agissais comme ça, mais tu ne savais plus comment reprendre contact avec tes proches lorsque tu te mettais à agir de la sorte. Tu ne voulais pas avoir à justifier leur absence auprès d’eux. Et tu ne voulais pas avoir à justifier ton apparence physique non plus. Déjà que Rhett, qui n’était pas le plus observateur lorsqu’il s’agissait de toi, avait remarqué que tu étais pâle et que tu semblais fatiguée, tu ne voulais pas prendre la chance que d'autres te passent des commentaires. Tu arrêta de t’occuper des bouteilles pour te retourner vers ton frère et scruter son visage pendant qu’il te répondait. Et plus tu l’observais, plus tu trouvais qu’il avait mauvaise mine.

« Tu n’as pas intérêt à me mentir hein parce que je serais encore plus fâchée si c’était le cas. »
« Et t’as pas intérêt à me traiter comme un gamin. »

Il ne lui ment pas, non, mais il va se vexer si elle continue de lui tenir un interrogatoire et surtout de lui faire comprendre sans délicatesse qu’elle n’a pas confiance en lui. Certains pourraient dire qu’il l’a cherché et il y a bien de ça, oui, mais pour l’heure il joue carte sur table et il aimerait que sa soeur le comprenne sans chercher à le coincer, surtout alors qu’il a osé une vérité crue en lui disant avoir bu, à défaut d’avoir pris quoi que ce soit considéré comme de la drogue. Il a même pas pris le moindre joint, bon sang, qu’elle arrête de jouer la mère face à un adolescent. Elle entreprend déjà de ranger l’appartement de fond en combles et il souffle doucement. « Ettie, laisse, je vais m’en occuper. » Ne pas être un enfant signifie aussi qu’il peut s’occuper seul de ranger son appartement après une soirée. Il n’allait pas le faire aux aurores mais il comptait tout de même s’en occuper.

« Non ? J’aurais dû ? Et maintenant que j’y pense, ça fait déjà un bon moment que je ne lui ai pas parlé. » La question a au moins le mérite de l’arrêter un temps dans son lavage intensif de bouteilles vides et il en profite pour attraper un sac en plastique solide et les y glisser à l’intérieur. Il trouvera le temps plus tard de les mettre à la poubelle. Plus tard. « J’pensais. On a rompu. Enfin, elle a dit qu’on était plus un couple et j’ai plus trop eu mon mot à dire, mais je me dis que tu voudrais le savoir. » Elle ne mérite pas de tomber des nues quand Evie lui en parlera. Elle ou quiconque, alors autant que cela passe par Rhett, même s’il manque cruellement de la même délicatesse dans ses propos. Il en a parlé toute la soirée avec Mickey, il ne trouve rien à dire de plus. « Ça veut dire que t’avais vraiment pas de raison de venir ici ? Je trouvais le timing étonnant, c’est tout. » Il lui laisse une seconde chance de lui donner une explication, même s’il imagine déjà qu’il doit sa visite à la seule question d’un mauvais foutu timing.

« Et t’as pas intérêt à me traiter comme un gamin. » Sa réplique te fit l’effet d’un seau d’eau glacée. Tu avais toujours fait confiance à Rhett. C’était Ruben qui n’était pas capable de croire en lui, de croire au fait qu’il était capable de rester sobre. Et tu venais de faire comme lui. Elle était passée où ta confiance face à ton frère aîné ? Tu devais te reprendre. Tu n’étais pas confortable avec la situation que tu venais tout juste de créer et tu ne voulais surtout pas que Rhett arrête de te parler et d’être honnête avec toi. « Tu as raison. Je m’excuse. Je ne sais pas ce qui m’a pris. Je te fais confiance. » Tu avais adouci le ton de ta voix. Tu voulais qu’il sente que tu étais sincère avec lui. De toute manière, tu savais que tu étais sur tes gardes seulement parce que tu étais fatiguée et un peu à bout de nerf dernièrement. Tu ne voulais toutefois pas que ton frère soit celui qui encaisse tes difficultés. Tu devais les gérer toi-même. Tu continuas de nettoyer les bouteilles vides qui traînaient un peu partout. Tu ne supportais pas d’être là à ne rien faire alors que le loft était en bordel. « Ettie, laisse, je vais m’en occuper. » Il s’était adouci également. Vous étiez comment ça tous les deux : vous étiez capable de vous parler froidement, d’être un peu trop direct, mais un coup que les choses étaient dites, vous ne restiez pas fâché l’un contre l’autre. « Ça ne me dérange pas de te donner un coup de main pour ranger. »

Lorsqu’il te parla d’Evelyn, tu sentis qu’il y avait quelque chose qui clochait. C’est d’ailleurs pour cette raison que tu avais arrêté de nettoyer les bouteilles et que tu te retournas pour le regarder. Tu voulais scruter son visage pendant qu’il te répondait pour être sûre qu’il n’omettait pas des détails pour te protéger ou pour se protéger lui. Il entreprit d’ailleurs de mettre les bouteilles dans un sac en plastique. Le loft était déjà un peu plus rangé et ça te permettait de pouvoir te concentrer sur ton frère. « J’pensais. On a rompu. Enfin, elle a dit qu’on était plus un couple et j’ai plus trop eu mon mot à dire, mais je me dis que tu voudrais le savoir. » Ta réaction fut immédiate. Tu n’étais pas le genre de fille à être tactile, encore moins avec Rhett. Mais tu t’approcha rapidement de lui et le prit dans tes bras. Tu le serra contre toi du mieux que tu le pouvais malgré votre différence de carrure. Normalement, tu aurais évité le contact physique pour ne pas qu’il sente que tu n’avais pas grand chose d’autre que la peau et les os sur le corps, mais tu avais besoin de le serrer contre toi. « Et comment tu vas ? » Tu avais un bon doute sur la réponse, mais tu voulais l’entendre verbaliser sur comment il prenait la séparation pour pouvoir l’aider à passer au travers de tout ça. Tu avais le goût de lui demander ce qu’il avait fait encore, mais ça serait un manque de tact immense et votre cadet était là pour se charger de ce genre de question. « Ça veut dire que t’avais vraiment pas de raison de venir ici ? Je trouvais le timing étonnant, c’est tout. » C’était à son tour de douter de toi. En même temps, pouvais-tu vraiment lui en vouloir ? « Je te jure que non. Je n’avais juste pas le goût de rester seule dans mon appartement aujourd’hui. J’ai pris la chance de venir ici pour voir si tu étais là. Ça fait longtemps qu’on a prit du temps pour se voir. » Il avait fallu encore une fois que ce soit toi qui prenne l’initiative de venir le voir, mais en même temps, tu avais l’habitude avec tes frères.

Le fait qu’Ethel le prenne dans ses bras a tout pour le déstabiliser. Il sait que ce n’est pas un geste totalement exclu de ses habitudes, mais il sait surtout qu’ils n’ont pas pour habitude de se prendre dans les bras entre eux ; et qu’ils ont encore moins pour habitude de le faire sans qu’il y ait de véritable raison à cela. Il vient sans doute de rompre avec une femme qu’il continue d’aimer et la conclusion n’est pas des plus belles, en effet, mais il est assez grand pour s’en remettre sans avoir à être bercé et dorloté comme un enfant vivant sa première déception amoureuse. Il en a vu d’autres, assez pour savoir gérer un tel moment de vie et être présentement dans la phase de “plus jamais”. Cette même phase qui stipule qu’il ne trouvera jamais personne parce qu’il n’en a plus envie et que ce n’est de toute façon plus de son âge non plus. Rhett refuse de déjà penser à une telle éventualité alors qu’il peine encore à faire le deuil d’Evelyn et de tout ce qu’elle continue de représenter pour lui ; tout ce qu’une seule discussion ne pourrait enterrer. « Et comment tu vas ? » - « Ça va, ça va. » Il balaie. Il est un grand garçon, il peut gérer. Il ne va pas bien au sens propre du terme mais il peut gérer ; il ira bien en un rien de temps. « Je te jure que non. Je n’avais juste pas le goût de rester seule dans mon appartement aujourd’hui. J’ai pris la chance de venir ici pour voir si tu étais là. Ça fait longtemps qu’on a prit du temps pour se voir. » Il sait, il sait. Il connait le discours. Ils ne se voient pas assez, ils ne donnent pas assez de nouvelles non plus. Il a beau tenter de faire des efforts, cela ne tient finalement jamais. Ce n’est simplement pas quelque chose de naturel chez lui, et comme tout ce qui ne l’est pas, il ne fait pas bien longtemps des efforts pour atteindre ses idées et objectifs brefs. Il aime sa famille, c’est un fait qui ne nécessite pas des appels quotidiens et autres messages pour être prouvé quand même, si ? « On discutait d’habiter ensemble, ça te donne au moins l’opportunité de rester un peu plus sur le canapé si t’as envie. » Il ironise donc et ne prend même pas la peine de préciser que l’offre ne tient que si Mickey n’y est pas déjà. Mais peu importe. Ce sont des détails dont elle a l’habitude, sans doute. Des détails dont elle se doute, au moins.

« Reste ce soir si tu veux, je pensais commander. » Elle veut de ses nouvelles, il lui offre un peu de temps passés ensemble. Il n’a qu’à aérer un peu l’appartement pour qu’il sente moins le fauve et l’alcool et tout ira mieux. « Ça te donne le temps de vérifier que j’ai pas caché de médocs où que ce soit, hm. » Il balance l’air de rien, même s’il a bien vu le regard réprobateur et surtout empli de doutes que sa sœur a eu à son égard. Il sait ce qu’elle pense, parce que n’importe qui d’autre aurait sans doute eu la même suite logique de pensées. De son côté, au moins, il est certain de ses positions: pour une fois, il n’a rien fait de mal.

Lorsque tu pris Rhett dans tes bras, tu sentis qu’il était surpris de ton geste. Tu faisais ce genre de geste beaucoup plus souvent avec Ruben qu’avec ton aîné, mais tu avais senti le besoin de le faire. Était-ce pour le rassurer lui, pour qu’il sache que tu étais là, ou bien encore parce que toi tu en avais besoin ? Tu ne le savais pas, mais ta réaction avait été spontanée et tu ne le regrettais pas. Bon, ça avait été quand même moins chaleureux qu’avec ton cadet, mais c’était probablement juste le fait que ce n’était pas une habitude entre vous deux. « Ça va, ça va. » Tu avais le goût de lui dire que le nombre de bouteilles d’alcool présentes dans l’appartement te laissait présager le contraire, qu’il ne pouvait quand même pas bien aller alors qu’Evelyn l’avait quitté alors que tu savais qu’il l’aimait vraiment. Tu savais par contre que si tu te laissais aller dans un discours comme ça, il se refermait. Il n’avait pas à se sentir juger. Tu doutais que ça devait être assez difficile pour lui de tout gérer. « Tu sais que si tu as besoin de ventiler je peux t’écouter. Et promis, je ne jugerai pas. » Tu avais des secrets pour lui, tu savais qu’il avait des secrets pour toi également, mais tu avais besoin de lui mentionner que tu pouvais être d’une bonne écoute et que contrairement à Ruben, tu étais capable de laisser tes jugements de côté et de seulement être présente pour lui. « On discutait d’habiter ensemble, ça te donne au moins l’opportunité de rester un peu plus sur le canapé si t’as envie. » Comme si tu étais sans-coeur au point d’être contente qu’il ne déménage pas pour passer plus de temps avec lui. Au contraire, tu devais avouer qu’avec tes propres problèmes, ça ne te rendait pas la tâche facile qu’Evelyn ne soit plus dans les parages pour te soulager un peu de la pression que tu t’infligeais de t’assurer qu’il ne retombe pas dans l’oxycodone. En même temps, tu t’isolais un peu plus dernièrement et tu savais que ce n’était pas une bonne chose pour t’aider à te sortir de ta rechute dans ton problème alimentaire. Recommencer à passer plus de temps au loft avec ton aîné t’obligerais à manger plus pour ne pas qu’il se doute de ce qui se passait avec toi et tu savais que c’était à peu près impossible d’aller faire disparaître ton repas dans la cuvette avec lui dans les parages. Ce n’était peut-être pas une si mauvaise idée que ça de revenir dormir plus souvent ici. « Avec plaisir. Le canapé est plus confortable que mon propre matelas à l’appart. Et il fait plus chaud ici que là-bas. » Tu fis suivre d’un léger sourire. Il fallait dire que ton appartement n’était pas le plus luxueux. Tu ne pouvais pas te payer quelque chose dans un building neuf alors tu te contentais de peu. « Reste ce soir si tu veux, je pensais commander. Ça te donne le temps de vérifier que j’ai pas caché de médocs où que ce soit, hm. » Ça commençait déjà. Un repas que tu serais forcé de manger. Tu étais capable. Il fallait que tu fasses des efforts pour te rétablir. « Je reste avec plaisir. Et tu sais bien que je vais avoir au moins le respect d’attendre que tu ne sois pas là avant de retourner tout tes tiroirs. » Bien sûr que tu étais ironique. Tu préférais penser qu’il te faisait assez confiance pour te le dire par lui-même s’il achetait des cachets et tu savais que si tu fouillais l’appartement, tu allais perdre toute chance qu’il ait cette confiance en toi.