i'm on a boat

ft. la team singles de kraft

Je constate que la personne dont j’ai renversé le verre est en fait Valeria, une fille plutôt sympathique en réalité avec qui j’ai déjà eu une aventure par le passé, mais n’en parlons pas. On discute parfois au bar où elle travaille, quand je viens m’y réfugier lors de mes soirs de congé où j’ai besoin de prendre une pause de mon rôle de père. Elle insiste pour dire que ce n’est pas grave après m'être confondu en excuses, même si je vois qu’elle est plutôt embêtée par mon geste et je me sens assez ridicule de rester au bar après cet accrochage. Bientôt, la voix d’un animateur ou je ne sais trop qui se fait entendre et celui-ci se met à expliquer le déroulement de la croisière. Plusieurs activités sont au menu et ça semble plutôt intéressant ,au moins je ne resterai pas dans mon coin à chercher quoi faire. Je suis quelqu’un de plutôt sociable d’habitude, mais l’ambiance de cette croisière est un peu étrange, je trouve, et je ne sais pas trop où me placer parmi tout ce monde. Je fais une légère moue en entendant parler de la soirée en smoking. Ma sœur avait raison, finalement, quand elle me disait d’apporter le seul et unique complet que je possède. Heureusement qu’il me fait encore, d’ailleurs. Je bois à peine quelques gorgées de ma consommation et opte pour m’éclipser afin de rejoindre ma cabine, ne sachant pas trop quoi faire parmi toutes ces personnes qui semblent visiblement tous ce connaître. Je connais quelques personnes, bien sûr, mais je me vois mal m’immiscer dans les conversations des filles. C’est une croisière pour célibataires, certes, mais je suppose que malgré tout j’ai toujours une petite pensée pour Nora qui m’empêche d’en profiter à cent pour cent… Et puis cette croisière est aussi faite pour se reposer, non? Après avoir rejoint la petite chambre, j’opte pour piquer un somme, me disant que je retournerai là-bas pour me mêler aux gens plus tard lors de cette fameuse soirée de gala. Je n’ai pas vraiment envie de m’habiller en tenue « propre », ce n’est pas trop mon style, mais je suppose que pour une soirée ça ne devrait pas me tuer. Je m’écrase sur la couchette plus confortable qu’à mes attentes puis ferme les yeux. Quand je me réveille, le cadran indique dix-neuf heures trente. Je saute du lit, un peu en panique, craignant d’arriver en retard à la soirée.

Je cherche dans mes affaires la tenue de soirée et fais une grimace en étalant le pantalon chic ainsi que le veston et la belle chemise bleu foncé. Je vais crever de chaleur avec ça. Je sors la pièce de résistance, la satanée cravate que je déteste tant. Les habits de soirée n’ont jamais été ma tasse de thé, et les cravates ont toujours été un cauchemar pour moi. Je n’en portais pas à mon mariage. En même temps, on était à Vegas, je n’avais même pas de smoking. Et à ma graduation, c’est ma sœur qui s’était chargée de la nouer pour moi, se foutant bien de moi, car j’en étais incapable. Je retire le maillot de bain, troquant celui-ci pour un slip, et commence à m’habiller en vitesse tout en regardant l’heure. Je m’y prends par deux fois avant d’arriver à boutonner la chemise convenablement, puis m’arme de patience pour nouer la cravate. Après avoir tenté plusieurs fois, j’abandonne le projet et fourre celle-ci dans la poche de mon veston. Si l'on me pose des questions, j’expliquerai que c’est au-delà de mes compétences. Enfilant les chaussures noires cirées que j’ai portées une seule fois dans ma vie, je sors finalement de ma cabine pour me rendre dans la salle principale. Je constate que plusieurs personnes y sont déjà réunies, bien entendu les mêmes qui étaient sur le pont tout à l’heure. Je passe près d’un petit groupe, essayant tant bien que mal de me faufiler discrètement et je bredouille un « Désolé, excusez-moi… » en passant près de l’homme et des deux demoiselles (Henry, Lily et Hope) . À vrai dire, j’ai plutôt en vue les hors-d’œuvre plus loin, ainsi que peut-être un petit verre de champagne, pourquoi pas. J’attrape d’ailleurs une coupe alors qu’un serveur passe, et celui-ci me regarde d’un air bizarre. Je me demande si j’avais vraiment le droit de me servir, finalement. Ne regardant pas trop où je vais, je continue d’avancer dans la pièce et aperçois finalement un buffet où se trouvent les crudités. Je m’y précipite donc sans hésiter et commence à me préparer une assiette, déposant ma coupe de champagne sur la table recouverte d’une nappe blanche. Une fois chose faite, je regarde autour de moi. La salle a commencé à se remplir et moi j’ai envie de sortir prendre l’air et décompresser un peu, je glisse ma main dans la poche de mon veston, y trouvant le vieux paquet de cigarettes dans lequel j’ai quelques pétards de roulés. Ça passe toujours discret, là-dedans. Les gens ne se posent pas trop de questions. M’éclipsant donc en douce de la salle, je m’en vais sur le pont, puis retire mon veston et dépose mon assiette et mon verre sur la chaise longue alors que je sors le paquet de la poche du vêtement chic. Humectant le papier habilement roulé, je passe mon briquet au bout du joint et tire une, deux, puis trois petites bouffées de celui-ci, soufflant doucement la fumée blanche dans l’air doux d’avril. Un autre point positif à être en vacances loin de mon fils, je n’ai pas à me sentir coupable de mes petits péchés innocents.

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Seul à l’extérieur du bateau, je regarde les vagues et la fumée blanchâtre qui s’échappe du joint tranquillement, relaxant à l’abri des regards et du vacarme venant de l’intérieur. Trop de gens, trop de musique, bref je ne me sens pas vraiment à ma place. Ce n’est pas que je ne sois pas à l’aise avec les gens, c’est surtout que dans ce genre de situations avec les vêtements chics et tout ce flafla, ce n’est définitivement pas mon élément. Par contre, ici, avec le vent et le bruit de l’eau qui frappe contre le navire, je me sens plutôt bien. Sans doute que le léger high qui commence à me submerger y est aussi pour quelque chose. Perdu dans mes pensées, je ne remarque même pas la demoiselle qui me rejoint et le réflexe naturel de jeter la pièce à conviction ne me vient pas à l’esprit. Je cligne légèrement des yeux en observant la brunette qui me sourit poliment et me demande si elle peut se joindre à moi. Je ris doucement, même si la situation n’est pas particulièrement drôle, puis hausse les épaules. « Vous savez, le bateau est à tout le monde. Je suis un peu ennuyeux par contre, je sais pas trop ce que je fais ici. » Ma dernière phrase n’est pas nécessaire, mais en même temps, il faut bien combler les silences. Je souris toujours naïvement à la demoiselle, tirant une nouvelle bouffée de mon pétard sans trop me soucier de son jugement. Après tout, on est ici pour s’amuser, non? Je vais pour lui proposer de m’accompagner, mais une voix masculine m’interrompt dans ma lancée. Les yeux petits et mon regard bleu-gris légèrement vitreux, mon regard se pose sur le jeune homme assez grand et imposant lui-même au regard bleu clair. Je ne sais pas s’il me parle à moi ou à nous deux, mais pour ma part j’acquiesce à sa question. Effectivement, je ne suis pas un grand amateur de foules.

Je suis quelque peu surpris lorsqu’il me demande tout naturellement une bouffée du joint et je regarde la brunette qui est près de nous d’un regard un peu embêté, ne sachant trop si je dois avant tout lui proposer à elle. Je ne réfléchis pas trop longtemps, mon esprit déjà légèrement embrumé par les effets du cannabis qui me monte doucement à la tête. Je tends le pétard au jeune homme qui s’empresse d’en fumer un peu et je rigole bêtement quand il me dit que mon stock n’est pas mauvais du tout. J’ai envie de lui expliquer qu’en fait, c’est mon petit plant personnel qui me fournit, mais même high je ne suis pas assez con pour vendre la mèche comme ça. Ce serait trop idiot, et puis je ne connais ni le jeune homme, ni la demoiselle. Si ça se trouve il y a peut-être même un flic à bord, qui sait. Je pose mon regard sur la mer, constatant qu’elle semble moins calme qu’il y a quelques minutes. Le vent semble lui aussi s’être levé, on dirait, mais je n’y porte pas trop attention, portant une nouvelle fois le pétard à mes lèvres avant que l’autre ne me pose une question. Je pousse un long soupir et regarde la piscine et le soleil couchant qui reflète sur l’eau claire de celle-ci. « Un peu des deux, je dirais… Disons seulement que j’ai été déçu, et que je suis ici à défaut de pouvoir être ailleurs… » Je suis évasif et ne réalise pas le non-sens de ce que je viens de dire, me contentant de poursuivre en regardant toujours l’eau de la piscine un peu tristement. Je pense à Nora alors que je devrais être à l’intérieur à flirter et draguer tout ce qui bouge en bon célibataire. Pourtant ce n’est pas le cas. « Je pense que j’ai raté quelque chose en fait, et que je ne sais pas si je vais réussir à le retrouver. » J’ai lu un jour que l’amour est un choix délibéré. Deux personnes ne s’aiment vraiment que lorsqu’elles sont capables de vivre l’une sans l’autre mais choisissent de vivre ensemble. L’amour, ce n’est pas simplement donner avec discernement, mais aussi parfois ne pas donner ; c’est encourager judicieusement, mais aussi critiquer. C’est argumenter, se battre, exiger, pousser et retenir, en plus de réconforter. Elle n’a pas voulu de ça, j’aurais pu lui offrir n’importe quoi, mais elle est partie avant même que j’aie la chance de le faire. « Elle a préféré choisir de vivre sans moi. Je ne sais pas pourquoi, en fait. Elle n’a même pas donné d’explication. » Je me perds entre mes pensées et mes paroles, ne prenant pas vraiment conscience que mon discours ne fait aucun sens. Je me tais et regarde mon joint, puis le tend à la brunette près de moi, sortant de ma transe mélancolique pour lui adresser un sourire timide. «  Je suppose que je ne devrais pas parler de ça ici, c’est pas vraiment sympa pour des inconnus d’entendre mes problèmes. » Je tends toujours le pétard. « Vous en voulez? Je dirai rien au capitaine, promis. » Mon sourire jusque-là timide s’élargit pour se faire plus amical, en l’espace de quelques secondes, je me sens plus à l’aise, euphorique, même, je dirais.