Allongé sur le sol froid, je peine à reprendre mes esprits. Mon cerveau tournant au ralentit, j'ai du mal à savoir où je suis et encore moins ce que je fais là, allongé sur ce sol qui est tout sauf confortable. Je sens la pression d'une pierre dans mon dos et sur l'arrière de mon crâne mais je suis incapable de faire le moindre mouvement. J'ai envie de bouger, me défaire de cette position des plus inconfortables, mais je n'en ai pas la force. Est-ce un problème physique ? Ou mental ? Fronçant les sourcils, j'essaie de calmer mon cerveau et mes pensées, afin d'analyser la situation. Prenant plusieurs profondes inspirations, je décide de fermer les yeux et souffle doucement.

Je me rappelle avoir été à cette représentation et avoir gérer mon texte et mes entrées en scène grâce à cet inconnu qui a réussi à détourner mes pensées en improvisant un échange incongru, une heure avant que le spectacle ne commence. Sans lui je serais sans doute parti à nouveau en crise de panique. Mais au final, tout s'est parfaitement bien passé, non ? Alors pourquoi est-ce que je suis ici, dans ce qui semble être une ruelle compte tenu du bruit qui me provient d'un peu plus loin ? Gardant les yeux fermés, je porte mon attention sur mes mains que je commence à ouvrir et fermer avant de plier les bras et bouger mes épaules. Soulagé d'y arriver, je me concentre sur mes jambes, qui, elles, ne semble pas très coopératives.

Prenant appuie sur mes mains, je me redresse et observe mes pieds. Intensifiant mon regard, je tente d'y mettre du mouvement, mais rien à faire. Alors, prenant de profondes inspirations afin de ne pas partir en panique -car il est bien connu que la panique n'aide aucunement dans ces cas là- je tente de réfléchir à une autre solution. Et la seule solution qui me vient à l'esprit, là, c'est celle d'aller appeler de l'aide.

Attrapant mon sac à dos qui est tombé à mes côtés, j'en sors mon portable et parcours mes contacts. Il est impensable que j'aille demander de l'aide à Léo, lui-même n'étant pas au meilleur de sa forme, de même qu'Ambroise qui est cloué au lit avec ce qu'on suspect être une grippe -en espérant que ce ne soit pas plus grave- et je ne me vois pas appeler Charlie pour une raison obscure et souhaite encore moins inquiéter ma mère. Ainsi, lorsque mon regard tombe sur le nom de Cian Atwood, ma petite voix me dit que c'est bon, j'ai trouvé la solution. Prenant sur moi et ravalant ma fierté, je décide de lui envoyer un sms, espérant qu'il se rappellera de la promesse qu'il m'avait faite il y a quelques semaines.

En attendant sa réponse, je décide de me traîner jusqu'au mur. Adossé là, portable en main, je ferme à nouveau les yeux. Bien évidemment, je pourrais facilement crier à l'aide, je ne pense pas que les gens seront assez égoïste pour me laisser croupir dans cette ruelle. Mais en même temps j'ai cette impression que si j'ouvre la bouche pour expliquer la situation à haute voix, ma panique prendra le dessus. Pour l'instant, je parviens, bizarrement, assez facilement, à la garder silencieuse.

Over reaching hand

Clément & Cian

Cet arrêt maladie va finir par me rendre complètement dingue. Une semaine que je reste chez moi à ne rien faire tout ça parce que je me suis explosé la main sur la gueule d’un connard. Je crois que je n’ai jamais autant regretté de m’être battu dans ma vie. John avait mérité que je lui explose la tronche, mais je n’avais pas mérité de me retrouver avec une telle blessure. J’ai deux phalanges cassées dont une qui met réellement du temps à se remettre. Pour le moment, je ne peux pas bouger mes doigts sans avoir mal et cela veux dire interdiction de toucher à un avion. J’ai supplié le Commodore de me laisser voler comme c’était prévu depuis des semaines, mais il n’a rien voulu entendre. Je n’ai pas le droit de piloter un avion de guerre qui coûte des millions de dollars avec une main bousillée. Je n’ai même pas le droit d’être sur la base. Soi-disant, je devrais profiter de mon arrêt maladie pour me reposer un peu. J’ai des cernes de quelques kilomètres depuis que j’ai revu Niamh, mais bon… Ce n’est pas vraiment une question de fatigue physique, mais on va prétendre que c’est le cas. Les trois premiers jours, j’en ai vraiment profité pour me poser un peu chez moi. J’ai fait du tri dans mon appartement, j’ai passé une journée avec ma nièce et j’ai même pris le temps de regarder des séries que j’avais abandonné depuis un moment. C’était bien quelques jours, mais maintenant j’en ai réellement marre. Il est dix heures du matin et voilà que j’en viens à envisager de véritablement reprendre contact avec Niamh. J’ai encore son numéro et je suis persuadé qu’elle n’en a pas changé. Après tout, ça coûte quoi un petit message ? Non c’est pas une bonne idée. En fait, j’en sais rien. Assis dans mon canapé, je fais tourner mon téléphone entre mes doigts incapable de prendre une décision.

Perdu dans mes pensées, je sursaute lorsque mon téléphone finis par vibrer dans ma main. Ce n’est pas une certaine blonde qui m’écrit, mais plutôt Clément Winchester le petit jeune qui avait récupéré ma valise par inadvertance. En lisant son message, un frisson me parcourt tout le corps. Je n’aime pas du tout ce genre de message. Je commence presque à paniquer pour lui alors que je le connais à peine. Pourtant, je ne perds pas de temps pour lui répondre en lui demandant de ne surtout pas bouger et que j’arrive. Je saute sur mes pieds et me dépêche d’aller enfiler un jean et des chaussures pour partir rejoindre le jeune danseur. Bien entendu, je ne peux pas conduire avec cette stupide main, mais j’ai la chance de pouvoir sauter dans un taxi assez rapidement. Il me faudra moins de vingt minutes pour finir par rejoindre le Southern Cross Theater. C’est comme un bourrin que j’entre dans l’établissement pour me retrouver face à une jeune femme à l’accueil. « Bonjour, vous savez où je peux trouver Clément Winchester ? » Elle me lance un regard surpris et je me demande un instant si je ne me suis pas trompé d’endroit. « Clément ? Mais il est déjà parti, ça fait un petit moment. » Quoi ? Je sors à nouveau mon téléphone et relis le message envoyé par le jeune brun. Il m’a bien dit de venir ici. Par instinct, je me dirige vers l’extérieur. « CLEMENT ? » J’aime pas ça. J’aime vraiment pas ça. « Clément t’est là ? » Je finis par entendre la voix du jeune homme et je me précipite dans sa direction. Je le trouve à moitié avachi par terre, le dos contre le mur dans une ruelle sombre juste derrière le théâtre. « Clément ! » Je me dirige vers lui et me baisse pour être à son niveau. « Eh mon grand, je suis là ! » Je lui souris un peu, mais je vois bien sur son visage que ce n’est pas la forme. « Dis moi ce qui se passe. Je suis là. »         

Assit contre le mur, je passe inlassablement mes mains sur mes cuissee. Les caressant, les pinçant ou les frictionnant, j'essaie en vain de remettre de la vie dans mes jambes mais rien n'y fait. Et plus les minutes passent, plus j'ai l'impression que la sensibilité dans mes membres disparaît. Mais ça ce n'est qu'une impression pas vrai ? Ça ne peut pas être la réalité, ce n'est pas un problème physique. Tout ça c'est dans ma tête, on est d'accord, hein ? C'est mon cerveau qui déconne à nouveau, qui me prive de quelque chose qui ne lui semble pas important pour me permettre de survivre. Fermant les yeux, crispant le visage, je reprends les frictions de plus belles, sentant comment à chaque allé-retour ma panique augmente.

Je m'immobilise finalement lorsque j'entends mon prénom. Cian. Rouvrant les yeux, je relève la tête et cherche le militaire du regard  «I ...ici ! » dis-je d'une voix forte, espérant qu'il m'entende. Et c'est le cas ! Lorsque je vois la silhouette de l'amiral, c'est un sentiment de profond soulagement qui se propage en moi. Je soupire doucement et relâche mes cuisses alors que Cian se baisse à mon niveau. C'est sur un ton calme et posé qu'il me demande ce qui se passe.

 «Je ...j'étais au théâtre. J'avais une représentation » commençais a expliquer  « Et ...et je ...» je sens subitement ma respiration s'accélérer.  «Putain, non » soufflais-je subitement alors que je commence à prendre de profondes inspirations  « Putain non, non pas maintenant» déglutissant, je me recule à nouveau contre le mur et pose une main sur ma poitrine essayant de calmer l'emballement de mes poumons.

En tant normal, je me serais lever et j'aurais marché, le mouvement m'aurait aidé à réussir à me contrôler et j'aurais pu appliquer toutes les techniques possibles et imaginables pour réussir à passer outre cette crise d'angoisse. Mais je suis bloqué au sol, dans un corps qui ne me répond pas en totalité, sans doute pour toujours. Cette situation est sûrement définitive et je vais devoir faire un trait sur tout ce qui me définissait jusqu'à présent. Ces pensées n'aident pas et ne font, au contraire, qu'augmenter la panique que je ne saurais pas retenir plus longtemps  « Désolé» ais-je encore le temps de souffler avant que l’anxiété ne me submerge tel une lame de fond.

Paniquant, suffocant, ma respiration se bloque et ma vue se trouble alors que mon cœur s'accélère brusquement. Pendant quelques instants je tente de trouver une position dans laquelle je pourrais retrouver le contrôle sur cette crise, mais je sais qu'elle est bien trop violente et bien trop avancé, que vouloir reprendre le contrôle sur elle demanderait un effort physique bien trop élevé.

Alors, me redressant, je parviens tant bien que mal à me mettre à genoux et, m'appuyant sur le sol avec mes mains, je laisse la crise me submerger, m'abandonnant totalement à elle. C'est dur, c'est violent et c'est extrêmement douloureux. J'ai l'impression que mon cœur et mes poumons vont déchirer ma cage thoracique et briser mes côtes, que ma tête va explosée et qu'il y aura des dommages irréversibles sur mes alvéoles et ma gorge, peut-être même mes cordes vocales, que je serais incapable de parler à nouveau après cette crise. Et donc monter sur scène pour déclamer un texte. Plus de danse parce que mes jambes auront cessées de fonctionner, plus de théâtre parce que je serais bloqué dans un mutisme forcé. A quoi bon vivre alors, si c'est comme ça ? Des larmes se mélangent à la sueur engendrée par l'effort physique de la crise et mes sanglots n'aident en rien à retrouver une respiration normale. C'est donc ça, la mort ? C'est comme ça que ma vie se finit ? Dans une ruelle, près de l'endroit qui aura été ma vie et ma maison, seul ? J'en oublie Cian, j'en oublie les passants, j'oublie tout ce qui m'entoure, la crise de panique m'enfermant dans cette bulle de pensées noires et négatives, ne me laissant pas voir le reste.

Over reaching hand

Clément & Cian

En recevant le message de Clément, j’ai commencé à avoir un peu peur. Je connais peu le jeune homme, après tout nous nous sommes vus qu’une seule fois. Pourtant, notre conversation avait été riche et j’en avais déjà appris beaucoup sur le jeune homme. On avait parlé d’un point que nous avions en commun : les crises d’angoisse. Il n’a rien préciser dans son message, mais je crois comprendre qu’il s’agit de cela. C’est bien pour cela que je ne perds pas de temps à me mettre en route, surtout que je ne peux pas conduire et que je ne vis pas vraiment à côté du théâtre. Je fais de mon mieux et j’arrive en moins de quinze minutes sur place pour ne trouver aucun Clément à l’intérieur. Je n’aime vraiment pas cela, surtout lorsque la demoiselle à l’accueil me fait savoir que le jeune homme est parti depuis un moment. Pourtant, c’est bel et bien ici qu’il m’a demandé de venir. L’espace d’un instant, j’envisage l’idée de fouiller tout l’endroit, mais je préfère sortir pour m’assurer que Clément n’est tout simplement pas dans le coin. J’ai eu un bon instinct.

Je trouve Clément sur le sol dans la ruelle au coin du théâtre. Il est dans un sale état le gamin, pâle comme pas possible et l’air tout tremblant. Son sac à dos est jeté à côté de lui, il semble vraiment fébrile et je n’aime pas le voir comme cela. Même si on se connaît à peine. J’essaye de le faire parler un peu, qu’il m’explique ce qui lui arrive. Je vois bien qu’il a du mal, mais c’est important qu’il m’explique un peu. Tout ce que je finirais par apprendre, c’est qu’il avait une représentation au théâtre et rien de plus. Je me souviens de ce qu’il m’avait dit lors de notre rencontre autour d’un café. Si ma mémoire ne me fait pas défaut, il m’a parlé de souci lié à sa profession. Enfin… Ce n’est clairement pas le moment de penser a tout cela puisque Clément est littéralement en train de faire une crise de panique sous mes yeux. D’accord. Surtout ne pas paniquer. Cela ne ferait qu’aggraver les choses. Pourtant, je ne sais plus comment faire d’un seul coup. Clément est parti dans son monde, sa respiration se fait de plus en plus courte et sous mes yeux, je le vois se faire bouffer par l’angoisse.

Il tente de se dégager et je le laisse faire. Il ne faut pas faire de gestes brusques, surtout pas. Je vois bien que quelque chose ne va pas avec ses jambes, mais je ne m’attarde pas vraiment là-dessus. Pas le temps. Il finit à genoux en tentant de reprendre sa respiration. Je vois bien qu’il essaye de gérer la situation tout seul, mais je ne peux tout simplement pas rester accroupi à côté de lui sans rien faire et sans rien dire. Pourtant, je ne sais pas par ou commencer. Je connais les crises de panique et d’angoisse. Elles ont été mon lot quotidien pendant un temps et comme Clément, j’essayais toujours de gérer seul. Personne ne peut réellement nous aider dans ce genre de situation, mais si je le laisse seul à cet instant précis, je sens qu’il va tout simplement finir par s’évanouir. « Clément… » Je parle doucement, je ne veux pas le brusquer. Tout en douceur. « Assieds-toi, Clément, tout doucement. » De ma main valide, je l’aide à s’asseoir dans une position un peu plus confortable et surtout qui ne lui plie pas la moitié du ventre. Il a besoin de pouvoir prendre de grandes inspirations. Je l’aide à s’installer, mais il suffoque violemment. « Clément… Eh, eh… Je suis là. Tu n’es pas tout seul, je suis là. » Je le force, un peu, à se tenir droit contre le mur lui relevant un peu la tête pour que son regard croise le mien. Je lui souris tendrement même si au fond tout me hurle de laisser la panique me submerger. Le voir dans une telle crise me ramène à mes propres angoisses, mais je me dois de reprendre le dessus. Clément à besoin de moi.

Je finis par repenser à une technique que Niamh avait utiliser avec moi une fois. Quelque chose qui m’avait aidé à me calmer. Je m’accroupi à nouveau en face de Clément et pose ma main blessée sur son épaule, tout doucement. « Clément, regard moi dans les yeux. » Je vois bien qu’il lutte, qu’il ne sait plus du tout par ou commencer. Son esprit se laisse littéralement bouffer par l’angoisse, mais il faut qu’il reprenne le dessus. Il faut que je l’aide. « Ils sont de quelles couleurs ? » Tout faire pour éloigner ses pensées de la raison de son angoisse. Même avec des questions complètement idiotes. L’important, c’est d’attirer son attention sur autre chose aussi futile soit elle. Tandis que je lui parle avec douceur, je finis par venir poser ma main sur son abdomen. « Tu sens ma main sur ton ventre-là ? » Je vois sa tête bouger quelque peu, mais ne sait pas vraiment s’il s’agit d’une approbation, mais on va faire avec. Je n’attendais pas vraiment une réponse, tout ce que je veux, c’est qu’il respire. C’est le plus important pour le moment, qu’il respire. « Clément, il faut que tu pousses ma main avec ton ventre. » lui dis-je doucement. J’oublie un truc, j’en suis persuadé. Il respire toujours aussi laborieusement et voilà qu’il ses lèvres deviennent presque bleu. Bordel, qu’est-ce que je fais de travers ? Concentre toi Cian, merde. Ah oui respirer. Il faut que je lui montre l’exemple. « Clément. Respire comme moi en poussant ma main avec ton ventre. » Je me mets à respirer de la manière la plus forte et la plus calme possible pour que le jeune homme en face de même. « Doucement, tu peux le faire bonhomme. Aller pousse ma main. » dis-je avant de reprendre ma respiration exagérée pour qu’il puisse suivre le mouvement. Il faut que cela fonctionne sinon je ne sais plus quoi faire et je vais être obligé d’appeler les secours en espérant qu’il ne s’évanouisse pas.         

Étouffant et suffocant, je suis persuadé que je vais mourir, ici, sur le sol dur de cette ruelle. Et je me sens seul, terriblement seul. Personne ne vient m'aider -que pourraient-ils faire aussi?- tout le monde m'ignore. Un gamin de plus ou de moins dans ce monde, ça change quoi après tout ? Mes émotions me submergent, me coulent, m'attirent vers le fond et m'éloignent peu à peu de cette réalité dans laquelle existe mon corps meurtrit. Ma vue brouillée devient un peu plus noire à chaque inspiration ratée et je me dis que cette fin n'est pas des pires, que je devrais m'abandonner à mes sentiments et mes émotions et le laisser me contrôler.

J'en oublie Cian, mais lui ne m'oublie pas. Il commence à me parler. Je ne comprends pas ce qu'il dit, ses paroles semblent venir de bien loin, mais j'entends son ton calme et tranquille alors qu'il pose une main sur mon épaule, m'obligeant à m'asseoir à nouveau contre le mur, mais cette nouvelle position me semble pire que l'autre. Ma respiration se raccourci d'avantage et j'ai l'impression que mes entrailles se déchirent. Ma gorge et mes poumons sont en flamme et me brûlent à l'intérieur de moi.

La main de Cian se posant sur mon épaule, me détourne quelques instants de mes pensées, alors qu'il me demande de le regarder dans les yeux et de lui dire de quelles couleurs ils sont. C'est dans un effort presque surhumain, gagnant une première bataille contre mon esprit qui se demande ce que Cian me veut, que je parviens à ouvrir ces yeux. Bien que ma vue soit toujours troublée, j’aperçois le visage du militaire mais suis incapable voir ses yeux et encore moins la couleur de ceux-ci. Et pourtan «b..bleu » soufflais-je, après avoir creusé légèrement dans ma mémoire. Car il faut dire ce qu'il en est, ces yeux, un chacun s'en rappellerait encore longtemps.

Cian fini par poser son autre main sur mon ventre et me demande si je sens la pression. Je réponds par un hochement de tête presque imperceptible alors que je me concentre pour que ma vision s'éclaire. Il faut que je fasse quoi ? C'est quoi l'exercice ? Qu'est-ce qu'il veut que je fasse ? Tant de questions qui n'améliorent en rien la crise. Fermant les yeux, crispant le visage de douleur, je me cambre légèrement lorsque mes poumons reprennent leur course infernale. J'ai envie que ça cesse, que la douleur disparaisse, que tout s'arrête. L'inconscience, le coma ou même la mort seraient les trois solutions majeures.

Mais quelque chose dans mon esprit me dit que non, ce n'est pas le moment de flanché et d'abandonné, que personne n'est mort de ça et que je fais une crise d'angoisse et non une crise cardiaque. C'est sans doute cette pensée, le fait que ce ne soit 'que' l'anxiété qui me gère actuellement et que j'ai déjà, par le passé, réussi à contrôlé tout ça, qui m'interpelle. Si j'ai déjà réussi plusieurs fois, il n'y a pas de raison que je n'y arrive pas aujourd'hui, non ?

Clignant des yeux, je les rouvre et fixe mon regard dans celui de Cian, l'observant et l'écoutant attentivement. Il respire fort, lui aussi. Est-ce sa panique qui prend le dessus ? Non, son visage est calme et paisible. Je me rappelle finalement de ses paroles : inspirer en gonflant le ventre de manière à pousser sa main. Et me caler sur sa respiration aussi, du coup ? C'est ce que je fait, presque automatiquement et ça fonctionne ! Malgré la douleur qui se propage dans mon corps lorsque ma cage thoracique se soulève, je parviens enfin à reprendre le contrôle autant sur ma respiration que sur mes pensées. Mettant ces derniers de côtés, bien décidé de les gérer plus tard, je continue à respirer le plus profondément possible.

Et au final, ma vue s'éclaircit enfin à nouveau, ma respiration se stabilise et mon cœur reprend peu à peu un rythme plus normal. Le corps entier secoué de tremblements suite à l'effort physique, je me sens fébrile et misérable et je suis pris d'une envie irrépressible de dormir. C'est, finalement, un regard désolé que je pose sur le militaire et j'ai tout juste le dire que souffler un  « Désolé» avant de me laisser sombrer dans ce qui me semble être un sommeil sans fin et sans rêve.

Over reaching hand

Clément & Cian

Totalement emprisonner dans sa crise de panique, Clément se rends à peine compte de ma présence. Il m’a répondu, il s’est excusé, mais je vois bien qu’il est à peine conscience de ce qu’il est en train de faire ou de dire. Je ne sais pas depuis combien de temps, il est dans cette ruelle, mais dans le fond, je suis heureux d’avoir été le premier à le trouver. N’importe qui aurait pu profiter de sa position de faiblesse et le jeune homme est bien trop angoissé pour prendre conscience de ce qui l’entoure. Il a clairement oublié ma présence, mais je ne m’en formalise pas. Le plus important, c’est de l’aider à respirer tout simplement. Et ne pas paniquer avec lui. Ce serait bien la pire chose qui pourrait arriver que je me laisse submerger par le fait de le voir dans cet état. Alors, même si la situation est urgente, je prends quelques secondes pour mettre mes idées en ordre. L’installer dans une autre position, lui parler, toujours lui parler et calmement puis l’aider à respirer. C’est mécaniquement que j’exécute mes gestes. Entendre la respiration laborieuse de Clément est presque comme une torture. Il est en souffrance et j’ai la sensation que rien de ce que je pourrais faire pourra lui venir en aide. Pourtant, je ne baisse pas les bras. Il faut qu’il respire.

Il me faudra plusieurs instants pour ramener Clément auprès de moi. Je vois bien qu’il a du mal à rester connecter avec ce qui se passe autour de lui, mais l’espace de quelques secondes, j’arrive à capter son attention. Assez longtemps pour qu’il arrive à dire la couleur de mes yeux. Je vois bien que tout est dur pour lui, mais au moins il essaye. Son corps tout entier est en train de se battre contre lui-même. Je n’ose imaginer ce qui est en train de se jouer dans sa tête. Pour qu’il soit dans cet état, c’est plutôt grave. Pourtant, je ne laisse pas tomber. Il doit respirer en même temps que moi, toujours en rythme. Je lui demande de repousser ma main avec son abdomen. Je sais que cela lui paraît complètement insurmontable. J’en ai connu des crises, peut-être pas aussi forte que la sienne, mais malgré tout, je connais cette sensation. On veut juste que tout s’arrête, on perd espoir plus la crise dure. Alors, je lui demande de s’accrocher. Soudainement, je sens sa main venir s’écraser sur mon avant-bras et serrer se dernier avec force tandis qu’il tente de se concentrer sur sa respiration. « Tu t’en sors bien, continue comme ça. » Je lui souris même s’il ne me voit pratiquement pas. « C’est bien. » Je l’encourage du mieux que je peux tout en continuant à exagérer mes respirations afin qu’il les entendent.

Tout doucement, je sens que Clément revient à lui. Sa respiration se fait moins erratique et surtout son visage retrouve un peu de couleur. « Ça va aller Clément, prends ton temps. » Je lui souris une nouvelle fois et m’assois à même le sol pour véritablement être à son niveau. Ma main valide reste contre son abdomen tandis que l’autre caresse doucement son bras pour tenter de le détendre. Je sens son corps trembler entre mes doigts, il ouvre la bouche articule un pauvre désolé et avant que j’ai le temps de comprendre quoique ce soit il s’évanouit devant moi. J’ai juste le temps de me redresser pour attraper sa tête et éviter que cette dernière ne s’explose contre le bitume. J’allonge le jeune danseur et pose doucement sa tête sur mes cuisses. Je tapote doucement sa joue : « Clément ? Eh, réveille-toi mon grand. » Rien à faire. Son corps a perdu la bataille, il est juste épuisé. Inquiet de l’avoir vu dans cet état et surtout après son évanouissement, je sors rapidement mon téléphone de la poche de mon jean afin de contacter les secours. En attendant, ma main ne cesse de passer dans les cheveux de Clément. Surtout ne pas paniquer à mon tour.

Il faudra une dizaine de minutes à l’ambulance pour venir jusqu’à nous. Je lâche un véritablement soupir de soulagement lorsque je vois Matteo Hellington sortir de l’ambulance et se diriger vers nous en courant. J’explique toute la situation à mon ami et ancien collègue de l’armée. Il ne lui faudra que quelques secondes pour prendre Clément en charge. Il me parle de malaise à la suite de la violence de la crise et je hoche la tête sans vraiment comprendre de quoi il me parle. Je me sens pas très bien, je crois que c’est d’avoir vu le jeune danseur dans cet état. Matt m’ordonne de m’asseoir dans son ambulance et il nous emmène à vive allure vers l’hôpital St Vincent. Clément est immédiatement pris en charge et je me retrouve seul avec Matteo. « Merci mec. » - « Va avec lui, il va probablement rester jusqu’à demain. » Je hoche à nouveau la tête et entre dans l’hôpital pour en savoir plus. Une infirmière me fais savoir que je dois rester dans la salle d’attente un petit moment le temps qu’il examine Clément. Stresser et tendu, je finis par ressortir pour me griller une cigarette, j’en ai vraiment besoin. Je prends mon temps et finalement, c’est le médecin qui vient me chercher à l’extérieur. « Vous avez accompagné Clément Winchester ? » - « Oui. Il va bien ? » - « Il va avoir besoin de beaucoup de repos, mais il va mieux. On va tout de même le garder en observation. Vous pouvez aller le voir, chambre 223. » Je remercie longuement le médecin, écrase mon mégot et entre de nouveau dans l’hôpital.

Une fois devant la porte de la chambre, j’hésite un instant. Est-ce qu’il a vraiment envie de me voir ? Après tout, il m’a appelé moi quand il était au plus mal, non ? Je secoue la tête et finis par frapper doucement avant d’entrer dans la petite chambre d’hôpital. J’y trouver un Clément tout pâle et l’air tellement fatigué. « Hey… » Je m’approche de son lit un peu timidement d’un seul coup. « Comment tu te sens ? »          

Le noir m'entoure. Le noir le plus total, qui m'enveloppe tel un duvet de ses bras, me serrant contre lui et marmonnant que tout va bien, que je suis en sécurité dorénavant. Mon corps est léger, indolore et reposé et je me sens bien dans cette obscurité environnante. Tout est lisse, tout est harmonie, tout est parfait ici. Cet endroit inconnu, bien qu'il aurait tout pour m'effrayer, m'apaise plus qu'il ne me fait peur. Mais ce moment de bonheur ne dur pas. Alors que je m'étais redresser, debout sur le sol noir sombre, je vois au loin une lumière qui s'approche, de plus en plus et de plus en plus vite. Elle grandit encore et encore, m'aveugle puis m'englobe en totalité et me sort de cet endroit merveilleux pour m'expulser à nouveau dans la réalité.

Dans cette réalité où je ne vois rien à cause de la forte lumière blanche, où une odeur de désinfectant me pique les narines et où mon corps est lourd, meurtri et douloureux. Je me rends compte, toutefois, que je suis allongé sur une surface bien plus douce et agréable que la dernière fois que j'avais repris mes esprits. Je sens l'agitation autour de moi, j'entends des voix et comprends qu'ils me disent de ne pas bouger et de rester couché. Laissant mes pupilles se réhabituer à la luminosité de la pièce, je me rend compte que le plafond défile à pleine vitesse, les néons m'hypnotisant, avant que je ne retrouve à nouveau ma vieille amie l'obscurité.

Lorsque je me réveil la seconde fois, c'est en douceur. Je sais que je suis seul dans une chambre dont les lumières sont éteintes, permettant à ma vue de s'habituer plus rapidement à mon nouvel environnement. Je prends une profonde inspiration mais une douleur lancinante dans ma poitrine et mes côtes me fait totalement revenir à la réalité et ma mémoire me revient brusquement. Théâtre, panique, crise d'angoisse et maintenant hôpital. Est-ce possible que j'ai perdu connaissance lors de cette crise ? Sans doute. Mais qui a appelé les secours ?

La réponse arrive rapidement et frappe littéralement à la porte. Tournant mon regard, celui-ci se pose sur une silhouette masculine qui s'approche de mon lit se révélant être Cian. Et encore une nouvelle bribe de mémoire : j'ai appelé l'amiral car je savais qu'il allait pouvoir m'aider, lui. Lorsqu'il me demande comment je me sens, j'ai besoin de quelques instants de réflexion.

C'est une bonne question ça. Comment est-ce que je vais ? Bien ? Mal ? Je n'ai pas forcément réfléchis à ça et, fermant les yeux, décide de scanner mon corps. Les douleurs que je ressens, ne sont que musculaire. Je bouge mes mains et mes pieds avec difficultés mais c'est sans doute seulement dû au fait que tout mon être me hurle de dormir et que je viens de reprendre connaissance. Physiquement, ça devrait aller. Et moralement ? Je me sens lessivé, incapable de penser à quoique ce soit. Misérable, toutefois, d'avoir inquiété Cian et de l'avoir obliger à m'accompagner ici.

 « ça va» dis-je finalement après plusieurs instants de silence  « Je crois» reprenais-je, peu sûr de moi  « J'ai juste l'impression que je me suis prit un train tellement j'ai mal partout» avouais-je tout de même avant de prendre appuie sur mes coudes pour me redresser. Mais ce simple effort contracte mes muscles endoloris et je ferme les yeux en soupirant, essayant de me détendre à nouveau et retrouver une position qui me soit agréable.  «C'est toi qui m'a emmené ici ? » demandais-je, après avoir repris mes esprits, mon regard se posant à nouveau sur le militaire.  «merci » je souffle, tout en me disant que ce simple 'merci' prononcé à haute voix, ne rendra pas justice à ce que je ressens réellement pour l'acte de Cian. Sans lui, sans qu'il n'ait répondu à mon appel à l'aide, je ne sais pas si la crise ne m'aurait pas emportée.

Over reaching hand

Clément & Cian

Une fois seul dans le hall de l’hôpital, je sens toute la tension redescendre. J’ai la sensation qu’un poids énorme ce lève de mes épaules. Soudainement, j’ai l’impression de mieux respirer. Comme si j’avais retenu mon souffle tout le temps ou j’étais seul avec Clément. Jamais je n’avais eu à gérer une telle chose. En tant que militaire, j’en ai vécu des situations stressantes, mais jamais je n’ai eu à calmer un jeune homme d’une crise de panique aussi violente. Lorsque le danseur a finis par s’écrouler dans mes bras j’ai réellement eu peur. Il est jeune, mais j’ai tout de même pensé au pire. Je me suis demandé s’il n’avait tout simplement pas fini par véritablement manquer d’air ou pire que son cœur à fini par lâcher sous la pression. Il semblait aller mieux l’espace d’un instant puis il s’est évanoui. Durant le trajet en ambulance, Matteo m’a assuré que c’était une réaction normale. Son corps avait subi un stress immense et pour ne pas dérailler complètement, il a coupé quelques connexions. Il paraît que c’est fréquent chez les gens victimes d’anxiété. C’est la solution qu’a trouver leurs corps pour les aider à se sentir mieux. C’est quelque chose d’assez impressionnant lorsque l’on n’a pas l’habitude. Mais je fais confiance à Matteo et s’il me dit que Clément ira bien, je le crois. Pourtant, je ne peux me résoudre à quitter les lieux. J’ai besoin devoir le jeune homme réveiller, j’ai besoin qu’il me parle et puis je dois lui rendre son sac à dos. Je ne quitterai pas l’hôpital sans lui. Il s’est souvenu de cette promesse que je lui avais faite et je compte bien la tenir jusqu’au bout. On ne se connaît presque pas certes, mais je serais présent pour lui, quoiqu’il arrive désormais.

Mes nerfs ayant été mis à rude épreuve, je finis par sortir de l’enceinte de l’hôpital afin de me griller une cigarette. Il faut que je m’occupe les mains et l’esprit sinon, c’est moi qui vais commencer à angoisser. Ce n’est clairement pas le moment. Le plus important, c’est l’état de santé de Clément. L’espace d’un instant, je me demande ce qui lui serait arriver si je n’avais pas vu son message à temps. Heureusement, la question ne se pose pas, mais il va falloir que je parle de tout cela avec lui. Peut-être que l’on pourrait mettre en place un système entre nous. Un code par message qu’il pourrait m’envoyer dès qu’il sent la crise arriver. Je n’ai pas le temps de penser à cela plus longtemps, qu’un médecin viens me chercher pour m’emmener dans la chambre de mon nouveau petit protégé.

Je suis réellement rassuré lorsque mes yeux se posent sur un Clément conscient et dont le visage a fini par retrouver quelques couleurs. Il a l’air épuisé, mais en il est en vie et il respire par lui-même, c’est le plus important. C’est timidement, que je me rapproche de lui en le questionnant avec douceur. Je hoche la tête face à ses questions. « Oui, c’est moi, tu t’en souviens pas ? » Je suis surpris de voir qu’il n’a aucun souvenir de l’évènement. La crise était tellement violente qu’il ne se souvient même pas de mon intervention. « Tu m’as envoyé un message et je suis tout de suite venu au théâtre. Je t’ai trouvé dans la ruelle. » dis-je doucement pour ne pas trop le brusquer. « Tu étais mal en point, j’ai essayé de t’aider, mais tu t’es évanoui donc j’ai appelé les secours. » concluais-je en tirant la chaise près de son lit pour venir m’asseoir à côté de lui. Je pose ma main sur la sienne et l’observe un instant pour m’assurer qu’il est bien vivant et que malgré sa fatigue intense, il va bien. « Je vais rester un peu avec toi, repose-toi. » Je lui souris à nouveau. « Tu sera pas tout seul. »            

Alors que je fais face à Cian, mon esprit tente de recoller les morceaux. Mais, embrumé par la grande fatigue, je peine à retrouver totalement la mémoire, jusqu'à ce que l'amiral ne m'explique comment je suis arrivé ici. Je l'ai appelé, il m'a retrouvé, m'a aidé et a appelé les secours. Hochant doucement la tête, je lui fait comprendre que j'ai bien compris puis lui sourit faiblement pour le remercier avant que mon regard ne se pose sur ma main sur laquelle il pose la sienne. De nouveaux flash de mémoire me reviennent en tête et fini par fermes les yeux. Tentant comme je peux de retenir les pensées pour Ambroise me revenir en tête, je prend quelques profondes inspirations afin de me concentrer sur autre chose. En vain.

 « Mon meilleur ami est parti» finissais-je par dire, pensant que, peut-être, en parler à haute voix avec quelqu'un que je ne connais pas forcément, pourrait m'aider à y voir plus clair et à mieux accepter la situation ?  «On se connaissait que depuis 4 ans mais putain...il a été un vrai coup de cœur et pas seulement amical » soufflais-je, rouvrant les yeux pour poser mon regard sur le plafond  «Il était ce que j'avais de plus précieux ici et je ...je sais pas quoi faire » je déglutis difficilement, me taisant quelques instants  « Je ...je l'ai soutenu dans sa décision de partir, j'ai toujours dit que je ferais tout pour son bonheur mais ça fait mal putain. De...de me dire qu'il est parti et que ….on s'est promis qu'on resterais en contact, que je pourrais venir le voir en Ecosse, mais il ...j'ai comme cette impression que je n'ai plus ma place dans sa vie, qu'il m'a littéralement évincé de celle-ci et ce sans aucune raison valable.» Je retire ma main d'en dessous des doigts de Cian et me la passe sur le visage comme pour essuyer les quelques émotions qui risquent de me faire pleurer  «Il est parti, sans aucune explication. Juste parce qu'il avait besoin de temps pour lui  » je secoue doucement la tête puis soupire et lance un furtif coup d’œil vers Cian.

 « Désolé je ...de t'embêter avec ça» je pince les lèvres et renifle une fois en déglutissant, ravalant mes larmes  « Je suis tellement fatigué, je dis n'importe quoi. Désolé» répétais-je  « J'ai juste envie de dormir et que tout ça soit fini et oublier que ...» je me tourne à nouveau vers Cian  « T'es pas obligé de rester, tu sais... ? » murmurais-je sur un ton qui se voulait assuré alors que tout dans mon être et mon regard hurle que je n'ai pas envie d'être seul

Over reaching hand

Clément & Cian

J’ai vraiment eu peur pour Clément. Les situations de stress intense, je connais, quand on te dit que tu la vie de plusieurs milliers de civils entre tes mains, les premières fois, tu ne le gères pas très bien et puis on finit par s’habituer au stress, à cette boule dans le ventre. Pourtant, cette fois-ci, j’ai bien cru que je ne serais pas capable de gérer la crise de panique de Clément. Ce gamin, je le connais à peine. On, c’est rencontrer par hasard, mais il y avait tout de suite eu une connexion entre nous. Tellement qu’il m’a fait confiance pour venir le chercher alors que rien n’allait pour lui. Rien que pour cela, je compte bien ne plus le lâcher. Aujourd’hui tout du moins. Alors même si cette crise m’a ébranlé, je ne me suis pas laissé submerger et voilà que nous sommes à l’hôpital. Je déteste ce genre d’endroit… La dernière fois que je suis venu à St Vincent, c’était pour ma main et je me suis violemment pris la tête avec Thomas. La fois d’avant, j’ai appris que ma petite amie n’était pas enceinte de moi, mais d’un autre connard dont j’ignorais l’existence. Vraiment, je déteste cet endroit et c’est bien pour cela que j’attends à l’extérieur que le médecin vienne me chercher pour m’assurer que Clément va bien.

Une fois dans la chambre, je m’assure par moi-même que Clément va mieux. Il est encore bien pâle, mais au moins il arrive à respirer par lui-même et c’est vraiment le plus important pour moi. Il a l’air si fragile dans ce lit presque trop grand pour lui et au milieu de ces draps qui jure avec son teint. Sans que je n’aie le temps de dire quoique ce soit, le jeune homme finis par se confier à moi. Son meilleur ami a visiblement quitté la ville et Clément ne sait plus comment gérer tout cela. Bien entendu, je ne peux m’empêcher de faire le parallèle avec Thomas. Je crois que je le vivrais très mal également si du jour au lendemain, il décidait de partir à l’autre bout du monde avec dans l’idée de ne jamais revenir. Le pire semble être que ce fameux garçon est parti sans donner d’explications à qui que ce soit. Clément avait déjà l’air fragile lorsque je l’ai rencontré et je comprends que ce départ est fini d’abattre ce qui le faisait encore tenir debout. Il a perdu l’un de ses piliers et on ne sait jamais comment faire après cela. Et voilà que je pense à ma petite sœur… Vingt-quatre ans qu’elle n’est plus là et je crois que, dans le fond, je ne sais toujours pas faire sans elle. Alors quoi dire à Clément ? Je ne veux pas lui servir un discours tout fait qui ne le rassurera pas et qui lui fera penser que je me fous de ses problèmes. « Je suis désolé mon grand. » Je viens poser ma main sur sa cuisse, au-dessus des draps, serrant un peu. Je n’ai pas le temps d’en dire plus que voilà que Clément s’excuse encore une fois. « Eh, eh… Tu ne m’embêtes absolument pas ! » Jamais je ne pourrais dire cela même si dans le fond, on ne se connaît presque pas. « Je vais être honnête avec toi, rien de ce que je pourrais dire va t’apaiser… Je suis désolé que le départ de ton ami te face autant de mal, mais tu pourras le voir, j’en suis persuadé. » Je lui souris un peu timidement. « Il faut garder un peu d’espoir. » Je serre encore sa cuisse entre mes doigts.

Et voilà qu’il me dit que je ne suis pas obligé de rester. Comme si j’allais le laisser seul maintenant dans cette chambre d’hôpital sinistre. Il en est hors de question. En souriant, je montre ma main bandée à Clément. « Tu vois à cause de ça, j’ai pas le droit de me pointer au boulot. » Pour mon plus grand malheur, mais on ne va pas épiloguer là-dessus. « Donc j’ai touuuuut mon temps et je compte bien rester avec toi ! » Il ne pourra pas me sortir l’excuse du, tu dois être occupé et blabla. Non je ne suis pas occupé, non, je n'ai pas besoin d’aller au boulot et donc oui, je vais rester avec lui. « Je vais t’embêter encore un peu, désolé de te le dire. » Un petit rire s’échappe d’entre mes lèvres tandis que je lui souris. « Repose toi d’accord ? Je bouge pas. »